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DE PONTANGES.

l’événement qu’il attendait… Il était noble, bon, incapable d’un crime ; il repoussait de toute la force de son âme une espérance coupable, dont il était honteux ; mais il ne pouvait pas s’empêcher d’être heureux… parce qu’il est des pressentiments qu’on ne peut vaincre… parce que nos désirs, quand ils sont trop violents, nous avertissent d’avance que l’événement qu’ils appellent va s’accomplir.

M. de Marny rencontra Melchior Bonnasseau dans l’escalier de l’Opéra.

— Diable ! s’écria celui-ci en l’apercevant, tu es en veine ce soir, tu as l’air rayonnant !…

Ils échangèrent quelques plaisanteries ; puis M. de Marny entra dans sa loge.

— Ma sœur ne vient pas ? dit Valérie en voyant son beau-frère arriver seul.

— Non, elle est un peu fatiguée, elle s’est couchée.

— Ah ! mon Dieu, s’écrie M. Bélin, est-ce qu’elle est malade ?

— Ce n’est rien, reprit Lionel ; elle est sortie ce matin, et par prudence elle s’est couchée de bonne heure.

— Elle a raison… la pauvre petite était bien pâlotte hier… Je lui conseille maintenant de ne plus sortir… Si sa mère m’avait écouté !…

Lionel tressaillit… Ses pensées lui devenaient insupportables en présence de ce père et de cette sœur.

Il quitta la loge.

D’ailleurs, devant eux, il n’osait lorgner madame de Pontanges ; il se promena un instant dans le foyer.

— J’ai la fièvre… pensa-t-il. Oh ! quelle journée !… Madame d’Auray doit être ici ce soir…

Et Lionel alla lui rendre une visite.

— Bonsoir, monsieur ; comme vous êtes venu tard ! dit-elle ; vous avez manqué le pas de mademoiselle Taglioni… Mais je ne vois pas Clémentine dans sa loge ; est-ce qu’elle est malade ?…

Lionel, en cet instant, venait d’apercevoir madame de Pontanges. Elle était éblouissante de beauté !…

Belle… belle à étourdir.