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DE PONTANGES.

Et je ne vous vois pas, vous que j’aime !… Ah ! que je vous aime, Lionel ; vous ne l’avez jamais su !… mais je ne veux pas mourir avant de vous le dire. Oh ! mourir à mon âge, avant d’avoir aimé, avant d’avoir goûté un jour de bonheur… sans emporter un souvenir, cela est horrible ! Lionel, ne permets pas que je meure sans te voir. Quoi ! te laisser en partant l’idée que je ne t’aimais pas !… Mourir quand je pourrais te voir heureux ! cela est impossible… Et pas un obstacle insurmontable ne nous sépare… ni les déserts, ni la mer, ni même la volonté de quelqu’un… car l’homme à qui je suis liée ne souffrirait pas de notre amour ; il l’ignore, il ne peut le comprendre… Il n’y aurait pour lui, dans ma trahison, ni larmes, ni fureur, ni souffrance d’orgueil ou d’amour… Je puis t’aimer sans craindre un reproche ; je puis courir vers toi sans qu’une main m’arrête… et cependant je n’y vais pas… J’ai cette force. Tu m’attends, tu m’appelles, et je reste là… Oh ! c’est mal… et j’aime mieux souffrir seule… subir un tourment que toi-même, qui en as le contre-coup, toi-même tu ne peux comprendre… J’aime mieux souffrir mille morts que d’aller à toi… et voilà trois jours que je vis ainsi !… Tandis que je me dévore dans des tortures inconnues, tandis que je meurs, tu dis, toi : C’est une femme très-froide qui calcule tout… — Froide ! froide !… Ô Lionel… si tu étais là ! si tu voyais mes larmes… car voilà que je pleure maintenant… Oh ! que je t’aime, Lionel !… viens, viens… j’ai besoin de ta joie !… Un mot, un regard de toi me calmerait. Je souffre tant ! Si je pouvais seulement t’entendre parler, il me semble que cela apaiserait ce tumulte de mes pensées où je me perds… Si cet état continue, dans un mois je serai morte ou folle… Ce que je pense est effroyable, et puis l’aspect continuel de cet homme fou agit aussi sur ma raison. Je ne suis plus assez forte pour un tel spectacle… c’est un dégoût que je ne sais plus vaincre. Je le hais. Je suis une heure chaque matin à me décider avant d’aller le trouver… Je voudrais ne plus le voir… Je deviens méchante. Tous mes sentiments sont mauvais. Tout ce qu’il y avait de bon, de doux, de tendre dans mon âme est avec toi. Oh ! que je voudrais te revoir. Reviens, reviens, je t’en prie ! Je ne t’éloignerai plus, je t’appartiens.