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MONSIEUR LE MARQUIS

Lionel, impatienté de son insomnie, maudissait les vieux châteaux, les souvenirs et l’histoire : il s’agitait dans son lit sans pouvoir dormir ; de plus, les draps étaient humides, le couvre-pied n’était pas assez lourd ; il mourait de froid.

Quand M. de Marny se leva, il était brisé de fatigue et de fort mauvaise humeur, et puis il n’avait pas sa robe de chambre, rapportée de Londres, si élégante et si commode !

En se regardant dans la glace, Lionel fut frappé de sa pâleur. L’idée lui vint de tourner ce changement à son avantage : il lui donnait un air de souffrance, de passion, dont il pouvait profiter.

— Vous avez bien mal dormi, j’en ai peur ? lui dit madame de Pontanges lorsqu’il entra dans le salon.

— Ah ! je savais bien que je ne dormirais pas, répondit Lionel avec une sorte d’émotion… si près de vous !

Laurence rougit.

On vint avertir que le déjeuner était servi.

M. de Marny fut placé à côté de madame de Pontanges ; mais il avait en face de lui l’effroyable Clorinde, et la vue de cette enfant malsaine lui était si désagréable, qu’il ne put rien manger.

D’ailleurs ce déjeuner était détestable. Le jambon était dur, le pain était humide, l’omelette sentait l’oignon, le café sentait la fumée, et le vin avait un petit goût de bouchon très-prononcé.

À toutes les offres qu’on lui faisait, Lionel répondait d’une voix oppressée : — Je n’ai pas faim, merci.

Et le dégoût que lui inspiraient toutes ces choses, la fatigue d’une nuit passée sans dormir, donnaient à sa physionomie un air de langueur et de mélancolie ravissant.

Tout à coup, au milieu du repas, on entendit dans une pièce assez éloignée de la salle à manger une espèce de cri sauvage.

— C’est M. le marquis qui appelle ! dit un des gens de la maison en ouvrant la porte.

Laurence aussitôt se leva de table et courut vers l’appartement d’où le cri était parti.

Elle resta longtemps absente.