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lui était fermée ; un père de famille n'avait pas de secret si intime, que Cratès n'y fût admis et toujours à propos ; il était le conciliateur et l'arbitre par excellence de toutes contestations et de toutes querelles entre parents. Ce que les poètes disent d'Hercule, que dans les temps anciens il subjugua par sa valeur tant de monstres redoutables parmi les bêtes comme parmi les hommes, et qu'il purgea le monde, Cratès le faisait contre la colère, contre l'envie, contre l'avarice, contre le libertinage. Il fut l'Hercule vengeur des monstres qui dégradent l'esprit humain ; il exterminait des âmes tous ces fléaux ; il purgeait les familles ; il terrassait le vice. A moitié nu lui-même, remarquable par une massue, il était (pour dernier rapprochement) né aussi à Thèbes, qui est la patrie d'Hercule si l'on en croit les traditions. Ainsi donc, avant d'être devenu tout à fait Cratès, il fut compté parmi les plus importants personnages de Thèbes. Sa famille était noble ; ses domestiques, nombreux ; sa demeure était ornée d'un ample vestibule ; il possédait de somptueux habits, de nombreux domaines. Mais plus tard il reconnut qu'avec tout ce patrimoine il ne lui avait été légué aucune ressource, aucune base de conduite ; il comprit que tout est éphémère et fragile, que tout ce qu'il y a de richesses sous le ciel ne saurait contribuer au bonheur.

Chapitre 23