Page:Œuvres complètes d’Apulée (éd. Garnier), tome 2, 1883.djvu/69

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donnant à ma parole plus de fécondité, ne la paralysât pas dans l'instant où je désirerais déployer le plus d'éloquence ! Mais ce qu'on dit est bien vrai : rien n'est par le ciel accordé à l'homme de si heureux, qu'il ne s'y mêle cependant quelque contrariété ; au fond de la joie la plus complète il y a toujours un mécompte, quelque petit qu'il soit : qui dit miel, dit fiel ; qui dit abondance, dit surabondance. Jamais mieux qu'en ce moment je ne l'ai senti : car plus je parais avoir de titres à vos suffrages, plus le respect excessif que vous m'inspirez me rend timide : et moi qui souvent dans des villes étrangères ai pris la parole avec tant de facilité, j'hésite aujourd'hui au milieu des miens ! Circonstance bizarre ! ce qui devrait m'engager me retient, ce qui devrait m'exciter m'arrête, ce qui devrait m'enhardir m'intimide. N'ai-je pas cependant au milieu de vous les plus nombreux motifs d'encouragement ? moi qui ai placé mes pénates à côté des vôtres, qui vins à vous dès mon enfance, qui étudiai dans vos écoles ; moi dont vous connaissez les principes philosophiques, dont vous avez entendu la voix, dont vous avez lu et approuvé les écrits. Si ma patrie est une autre juridiction de l'Afrique, c'est vous qui accueillîtes mon enfance, c'est vous qui êtes mes maîtres. Si mes principes philosophiques se sont affermis à Athènes, ils se sont ébauchés ici. Il y a plus de six ans que ma voix, dans les deux langues, est parfaitement connue à vos oreilles ; et