Page:Œuvres complètes d’Apulée (éd. Garnier), tome 2, 1883.djvu/65

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elle charme moins les oreilles. Aussi ne saurait-on la pratiquer mieux à propos et en user plus fréquemment qu'au milieu d'un tel auditoire, sous la présidence d'un si grand personnage, devant la brillante réunion d'une foule d'hommes instruits et d'hommes bienveillants. Pour ma part, si je possédais un talent merveilleux sur la lyre je ne voudrais jouer que devant des assemblées nombreuses. C'était au milieu de l'isolement que chantaient "Dans les forêts Orphée, Arion sur les flots" ; puisque, si nous en croyons les fables, Orphée s'était condamné à la solitude et à l'exil, et qu'Arion se précipita du haut d'un navire. Le premier adoucissait des bêtes féroces, le second charmait des monstres marins touchés pour lui de miséricorde. Chantres bien à plaindre l'un et l'autre : ce n'était pas chez eux inspiration, amour de la gloire ; c'était nécessité et soin de leur salut. Je les admirerais bien davantage si c'eût été à des hommes qu'ils eussent plu et non à des animaux. Un semblable isolement convient beaucoup mieux à des oiseaux : aux merles, aux rossignols et aux cygnes. Les merles sifflent dans les taillis les plus écartés ; les rossignols, au milieu des solitudes de l'Afrique, gazouillent leurs jeunes chansons ; les cygnes, près des fleuves solitaires, soupirent