Page:Œuvres complètes d’Apulée (éd. Garnier), tome 2, 1883.djvu/64

Cette page n’a pas encore été corrigée

s'y engourdit et s'y perd. C'est une loi générale : la désuétude engendre la paresse, et la paresse une léthargique incapacité. Les tragédiens, s'ils ne déclament pas tous les jours, perdent l'éclat de leur organe ; et c'est à force de crier qu'ils dissipent leurs enrouements. Pourtant, la peine que l'homme lui-même se donne pour augmenter le volume de sa voix est tout à fait inutile et en pure perte, attendu qu'une foule d'autres sons l'emportent sur elle. Le clairon est plus effrayant par sa vigueur que la voix humaine, la lyre est plus variée par ses accords, la flûte, plus intéressante par ses tons plaintifs, le chalumeau, plus agréable par son murmure, et la trompette, plus éclatante par ses accents prolongés. Encore ne parlé-je pas ici d'une foule d'animaux dont la voix n'est pas le résultat de l'art, et se recommande à notre admiration par des propriétés spéciales, comme le grave mugissement des taureaux, le hurlement aigu des loups, le mélancolique murmure des éléphants, le hennissement joyeux des chevaux, les vifs et bruyants éclats des oiseaux, le rugissement indigné des lions, et toutes ces autres voix d'animaux, qui, terribles ou pleines de douceur, sont tantôt l'expression de la fureur et de la haine, tantôt celle de l'aimable volupté. En place de ces divers langages, l'homme a reçu de Dieu la parole, dont la portée, j'en conviens, est moins étendue ; mais elle est plus utile aux intelligences si