Page:Œuvres complètes d’Apulée (éd. Garnier), tome 2, 1883.djvu/55

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rendre l'âme ; étendu tout raide sur ce lit, avec la figure d'un homme qui médite. Il serrait encore le cahier dans sa main : sa bouche était encore collée contre le feuillet ouvert ; mais il n'y avait plus de vie sur ces lèvres ; il ne pensait plus à sa lecture ; il ne s'inquiétait plus de son auditoire. Ceux qui étaient entrés s'arrêtèrent un instant, frappés d'une aventure si peu prévue et du prodige d'une mort si belle. Étant ensuite revenus vers le peuple, ils annoncèrent que le poète Philémon, attendu pour finir sur le théâtre la lecture d'une comédie de son invention, venaît de terminer chez lui le drame véritable ; qu'il avait dit pour toujours à ce monde la formule du portez-vous bien et applaudissez, et à ses amis celle du désolez-vous et pleurez ; que la pluie de la veille avait pour lui présagé les larmes ; que sa comédie en était venue à la torche funèbre avant d'en venir à la torche nuptiale ; que, puisque cet excellent poète avait cessé son rôle, il fallait suivre ses funérailles droit en sortant du lieu où l'on avait espéré l'entendre ; qu'il fallait aujourd'hui recueillir ses os, plus tard ses vers. Cette aventure, que je viens de vous raconter et que je savais depuis longtemps, je me la suis rappelée à mes risques et périls. Vous vous souvenez sans doute que l'orage ayant interrompu ma lecture, je la remis, sur votre demande, au jour suivant : eh bien ! je faillis ressembler jusqu'au bout à Philémon. Le même jour, dans la palestre, je