Page:Œuvres complètes d’Apulée (éd. Garnier), tome 2, 1883.djvu/31

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que l’on considère ses exploits guerriers ou sa politique intérieure. C'est cette grande histoire que mon cher Clément, poète d'une profondeur et d'une grâce sans pareilles, a entrepris de revêtir de l'éclat de ses beaux vers. Un des traits les plus remarquables d'Alexandre, c'est d'avoir voulu, afin que son image passât d'une manière plus authentique à la postérité, qu'elle ne fût pas profanée au hasard par la foule des artistes : il publia un édit dans toute l'étendue de son univers, pour défendre que personne se hasardât à reproduire l'effigie du roi sur le bronze, sur la toile ou sur les médailles : Polyclète seul devait la couler, Apelles, la peindre, Pyrgotèle, la graver au burin. Hormis ces trois-là, maîtres chacun dans leur art, si l'on rencontrait un autre artiste qui eût approché les mains de cette royale et sainte image, il y avait peine prononcée contre lui comme contre un sacrilège. Grâce à cette crainte générale, Alexandre seul fut constamment Alexandre sur ses portraits. Toutes les statues, toutes les toiles, toutes les ciselures reproduisaient avec la même fidélité cette vigueur du bouillant guerrier, ce génie du héros incomparable, cette beauté de la jeunesse dans sa fleur, ce charme d'un front gracieusement découvert. Plût au ciel que pareillement la philosophie pût interdire au premier venu de reproduire son image !