Page:Œuvres complètes d’Apulée (éd. Garnier), tome 2, 1883.djvu/23

Cette page n’a pas encore été corrigée

ni ce qui est un peu trop loin, ni ce qui est un peu trop près ; nous sommes frappés de cécité, pour ainsi dire ; et si l'on nous réduit aux yeux et à notre vue terrestre, si débile, rien ne sera plus vrai que ces paroles d'un excellent poète : “Qu'une nuée est en quelque sorte répandue devant nos yeux, et que nous ne pouvons voir au-delà d'une portée de pierre.” Mais que dans son vol sublime l'aigle monte jusqu'aux nues à l'aide de ses ailes, qu'il parvienne à ces régions où se forment les pluies et les orages, régions au-delà desquelles la foudre et l'éclair ne trouvent plus d'horizon, bases des cieux et sommet des hivers, qu'élevé à cette hauteur, il glisse à gauche ou à droite d'un mouvement presque insensible et de toute la masse de son corps, ses ailes étant des voiles qu'il tourne où il lui plaît, sa queue faisant l'office d'un petit gouvernail, ses plumes celui de rames infatigables, ses yeux, auront aussitôt dévoré l'espace. Un instant son vol irrésolu le balance presque au même point ; et pendant ce temps-là il embrasse toute l'étendue, cherchant sur quelle proie de préférence il s'abattra comme la foudre. Ainsi suspendu à la voûte des cieux, il distingue à la fois dans les plaines les troupeaux sans défiance, les bêtes sauvages sur les montagnes, les hommes au sein des villes. Tous sont dominés par son regard, menacés de son élan : et c'est de là qu'il va fondre pour percer de son bec, pour déchirer de ses serres ou l'imprévoyant agneau,