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FLORIDES

recueil de modèles qu’il publiait dans le but de former la jeunesse studieuse qui fréquentait ses cours ? Ces trois conjectures, émises et soutenues sérieusement par différents commentateurs, ont trop d’analogie entre elles pour que nous en discutions le plus ou le moins de probabilité. Ce qu’il y a de certain, c’est que les Florides donnent une idée bien précise du talent d’Apulée comme rhéteur, et de l’estime où il s’était placé dans l’esprit des Carthaginois. Sous ce rapport, elles retracent d’une manière intéressante ce qu’était l’art oratoire au deuxième siècle dans la célèbre Carthage.

On reconnaît, en outre, que tous les genres étaient traités par le rhéteur africain avec une égale facilité, et qu’il affectait de réunir à son domaine toutes les sciences de l’esprit humain. Les questions de morale, d’histoire naturelle, d’archéologie, de grammaire, l’éloquence proprement dite, l’apologue, la narration, le conte, finirent tour à tour dans ses improvisations ; et il a bien soin de le faire remarquer : « … Je compose, dit-il[1], des poëmes de toute espèce, des vers propres à être accompagnés par l’archet de la cithare comme par les doigts du joueur de lyre, dignes du cothurne aussi bien que du brodequin comique. C’est peu : satires et griphes, histoires diverses, harangues vantées par les hommes éloquents, j’écris tout, et cela, soit en grec, soit en latin, avec une pareille complaisance, une même ardeur, une semblable facilité, etc. » Sa personnalité se produit, par cela même, sous différents caractères : ici[2], c’est le professeur jaloux de faire briller le talent de ses élèves, et qui organise entre eux des luttes littéraires ; là[3], c’est le rhéteur qui se plaît à montrer sa connaissance consommée des deux idiomes, et qui achève en latin un discours commencé en grec ; ailleurs[4], c’est le prêtre d’Esculape, qui prononce officiellement une harangue en l’honneur d’un préteur ou d’un proconsul ; ou encore, c’est le magistrat autorisé à faire entendre une parole sévère et de graves avis[5]. Dans un autre endroit, c’est l’homme lui-même, citoyen romain, qui cite avec orgueil les amitiés illustres que son talent lui valut à Rome, et les statues qui lui furent érigées : « … Que manque-t-il donc, dit-il dans un endroit[6], pour établir et sanctionner ma gloire, pour mettre le comble

  1. Florides, l. II, suite da no ix.
  2. Florid., liv. IV, no xviii.
  3. Florid., l. IV, no XXIV.
  4. Florid., l. IV, no xviii.
  5. Florid., l. I, no viii.
  6. Florid., l. III, no XVI.