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batteries, meurtres, impostures, perfidies, trahisons ; tout est, selon lui, racheté en bonne et due forme ; si bien racheté qu’il se croit autorisé à recommencer sur de nouveaux frais.

Il est difficile de trouver d’animaux plus fous et partant plus heureux que ces gens qui se promettent mieux que la béatitude éternelle s’ils récitent chaque jour sept versets des psaumes sacrés ; — recette qu’un diable facétieux indiqua, dit-on, à saint Bernard ; pauvre diable plus étourdi que rusé, puisqu’il trouva son maître. — Ces pratiques si saugrenues, que j’en rougis moi-même, ne trouvent pas cependant crédit seulement auprès du populaire ; elles ont encore l’entière approbation de vos docteurs en théologie. À ce genre de folie se rattachent ces divinités particulières que chaque pays érige en patrons. Elles ont leur puissance particulière, comme leur culte particulier ; l’un guérit le mal de dents, l’autre assiste les femmes en travail d’enfants, celle-ci fait découvrir les voleurs, celle-là secourt les naufragés, tandis que cette dernière protége les troupeaux ; et ainsi des autres, car il serait trop long de les passer toutes en revue. Il en est même qui cumulent plusieurs de ces spécialités ; de ce nombre est la Vierge, mère de Dieu, à qui le peuple attribue pour ainsi dire plus de puissance qu’à son fils.

Que demande-t-on à ces déités ; ne sont-ce pas toutes choses qui ont avec la folie le plus intime rapport ? Voyez, parmi tant d’ex-voto appendus aux murs et jusqu’aux voûtes des