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ple, tout comme s’il était étranger lui-même à l’Église et qu’il comptât pour rien le baptême, rejette ce soin sur ceux qu’on nomme gens d’église ; les gens d’église, qu’on dit séculiers, comme s’ils étaient du monde et non du Christ, le repassent par procuration aux réguliers, les réguliers aux moines, les moines relâchés aux réformés, tous d’un commun accord aux ordres mendiants. Mais ceux-ci s’en démettent en faveur des Chartreux, chez qui seuls la piété s’est cachée, dit-on, mais si bien cachée que depuis nul ne put la voir.

En vertu du même principe, les souverains pontifes, si actifs à moissonner les écus, délèguent volontiers les travaux trop apostoliques aux évêques, les évêques aux curés, les curés aux vicaires, les vicaires aux frères mendiants, et ceux-ci confient les ouailles à des gens qui ont l’art de tondre de près.


Mais il est temps de cesser d’éplucher ainsi la vie des pontifes et des prêtres ; j’aurais l’air de faire plutôt la satire des autres que mon éloge, et l’on pourrait croire qu’en louant les mauvais princes, j’ai eu dessein de critiquer les bons. Le peu que j’en ai dit n’avait d’autre but que de prouver qu’il n’est pas un mortel sur la terre qui puisse se dire heureux, s’il n’est initié à mes mystères et soutenu par ma protection.

Le bonheur sans mon intervention, je le répète, est chose impossible, puisque la fortune, cette arbitre souveraine du monde, est si bien d’accord avec moi que jamais elle