Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/123

Cette page a été validée par deux contributeurs.

âme guerrière autre part qu’en bataille rangée. Les simples prêtres se font un cas de conscience de suivre la voie tracée par leurs supérieurs ; aussi les voit-on endosser bravement la cuirasse et s’escrimer d’estoc et de taille pour la défense de leurs dîmes. Ils joignent à cette humeur belliqueuse une étonnante pénétration quand il s’agit de découvrir dans un vieux parchemin n’importe quoi qui puisse effrayer les bonnes gens et les convaincre qu’ils doivent encore bien autre chose que la dîme. Mais ces pillards n’ont garde de lire ce qui est pourtant inscrit partout : leurs devoirs envers le peuple. Leur tonsure ne leur dit rien ; elle ne leur dit pas que le prêtre doit être détaché du monde et n’avoir de commerce qu’avec le ciel. Il est vraiment délicieux de les voir s’imaginer remplir de tous points leurs devoirs, perce qu’ils marmottent quelques prières que Dieu entend et comprend peut-être, mais qu’assurément eux n’entendent pas, alors même qu’ils les braillent à tue-tête.

Mais qu’il s’agisse de leurs intérêts, mieux que des laïques, les prêtres veillent au grain et demandent au besoin des armes à la chicane. Y a-t-il par hasard quelque charge à supporter, ils la rejettent avec adresse sur les épaules d’autrui : c’est une balle qu’ils se renvoient prestement les uns aux autres. Il en est de l’Église comme du gouvernement d’un État. Les princes se reposent sur leurs ministres, les ministres sur leurs commis ; mais tous, par excès de modestie, sans doute, laissent au peuple le soin d’honorer Dieu. Le peu-