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les fais se reposer sur le hasard du soin de leurs empires, et ne prêter l’oreille qu’à la flatterie tant ils ont peur qu’une pensée sérieuse ne vienne troubler leurs âmes ! Leur métier de rois se borne, ils se l’imaginent, à chasser sans trêve ni cesse, à monter de superbes chevaux, à vendre chèrement à leur profit les chasses et magistratures, et surtout à trouver de nouveaux moyens d’enlever les biens de leurs sujets, pour en remplir leur trésor. Et les voit-on, pour y arriver, ressusciter de vieux titres, afin de couvrir du masque du droit leurs monstrueuses iniquités. Il est vrai que, le tour fait, ils daignent adresser quelques compliments au peuple, afin de se ménager son affection au moins par un côté.

Figurez-vous un prince comme il y en a tant, ignorant des lois, sans souci du bien public, tout entier à ses intérêts et au plaisir, ennemi de la science, ennemi de la liberté et de la vérité, ne songeant à rien moins qu’au salut de la république et ne connaissant d’autre règle que son caprice et sa convenance ; pendez-lui au cou le collier de la Toison d’or, emblème de la solidarité de toutes les vertus ; placez sur sa tête une couronne enrichie de brillants, destinée à lui rappeler qu’il doit briller au milieu de ses sujets par ses actions héroïques ; mettez-lui en main le sceptre, symbole de la justice et de l’impartialité qui doit animer son cœur ; revêtez-lui la pourpre, qui désigne l’amour ardent qu’un souverain doit porter à son peuple. Et maintenant que ce mauvais prince compare, s’il l’ose, ses vête-