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sur le point d’imiter le Priape de Figuier lorsqu’il fut le témoin des sortilèges des deux sorcières d’Horace. Et il y avait bien de quoi ? Vit-on jamais pareilles jongleries dans le grec de Démosthènes ou le latin de Cicéron ? Ces orateurs tenaient pour mauvais un exorde qui ne se rattachait pas au sujet même. Sans autre maître que la nature, un bouvier connaît cette règle. Mais, au contraire, si on en croit nos docteurs, le vrai chef-d’œuvre de rhétorique est un préambule (c’est le terme consacré) qui n’a aucun rapport avec le reste du discours ; ils ne sont satisfaits que si leurs auditeurs effarés se demandent : « Où veulent-ils donc en venir ? — S’ils disent un mot de l’Évangile, c’est bien entendu en passant et par manière d’anecdote, sans prendre la peine de l’expliquer, bien qu’en réalité ils dussent borner leurs discours à cette explication. Puis tout à coup les voilà qui mettent sur le tapis une question théologique, la plupart du temps aussi étrangère au ciel qu’à la terre ; mais il paraît que c’est là le comble de l’art. C’est pour le coup qu’ils dressent la crête et citent à tout propos les titres ronflants de leurs confrères ; docteurs solennels, docteurs subtils, docteurs séraphiques, docteurs saints, docteurs irréfragables ; c’est alors que viennent les syllogismes, les majeures, les mineures, les conclusions, les corollaires, les suppositions, et mille autres niaiseries scolastiques, qui obtiennent le plus grand succès près du vulgaire, qui n’y voit goutte.

Reste le cinquième acte, où l’orateur doit se surpasser. Cette fois, il avance quelque vieille