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voir se moquer de la syntaxe, mais la canaille le partage avec eux !

Pour finir, vous les portez au ciel en les saluant Magistri nostri (nos maîtres), formule puissante comme le Jéhovah des Hébreux. Mais ne manquez pas surtout de l’écrire en lettres majuscules ; gardez-vous d’intervertir l’ordre des deux mots magiques, vous pourriez détruire d’un seul coup toute la majesté théologique.


Des mortels qui ne doivent pas moins que les théologiens à mes faveurs sont les religieux ou moines. Expressions abusives, s’il en fut, car d’un côté la religion se rencontre rarement chez eux ; et, de l’autre, moine veut dire solitaire, et ils sont sans cesse par monts et par vaux. Rien ne serait plus misérable que leur sort si je n’étais pas là pour leur en dérober les misères. Le genre humain entier les abhorre, si bien que leur rencontre est d’un funeste présage. Ce qui n’empêche pas qu’ils n’aient la meilleure opinion d’eux-mêmes. Pour eux, la suprême piété consiste à être assez ignorants pour ne pas savoir lire, et du moment qu’ils ont braillé, comme des ânes un psaume, dont ils connaissent peut-être le rhythme, mais non le sens, à coup sûr, ils croient avoir tout fait pour charmer les oreilles de Dieu ! Certains d’entre eux vont étaler de porte en porte leur crasse et leur mendicité et demander du pain à haute voix. Partout, dans les auberges, les coches, les bateaux, au grand dommage des pauvres véritables, pénètre cette engeance dé-