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préface

Quand des hommes de notre temps sont pris du désir de traduire une œuvre du latin, ils ne reviennent guère à Horace ou à Juvénal, qui tentaient nos pères. Pourquoi n’iraient-ils pas à un des beaux livres écrits en ce latin qui fut la langue encore vivante de l’Humanisme ? Tout un trésor, presque ignoré, reste ouvert à leur curiosité. Ils y goûteraient la surprise du vocabulaire classique exprimant sans effort les idées de la Renaissance, si proches des nôtres ; ils y trouveraient matière à des comparaisons instructives avec les premières grandes œuvres des littératures modernes. Chez les poètes, par exemple, notre Michel de l’Hospital ou l’aimable Muret des Juvenilia semblent tout à fait dignes de leurs amis de la Pléiade, qui, malgré la diversité du langage, les tinrent pour leurs émules. Il y a longtemps, pour ma part, que je préfère la lecture de Pétrarque latiniste ou de Politien à celle de Cicéron, et c’est souvent par les bons humanistes italiens et français que je retourne aux Anciens, nos communs maîtres.

Érasme, chef incontesté des esprits de la Renaissance dans les pays du Nord, devrait nous attirer plus souvent. L’Éloge fameux n’est pas son chef-d’œuvre ; l’auteur ne l’a jamais tenu pour tel et le succès de cette fantaisie l’étonna lui-même. C’est un essai qui ne vaut pas les ouvrages de sa maturité. Comme le Ciceronianus rend mieux l’accent personnel de son esprit ! Comme les Colloques montrent plus nettement les mœurs du temps, peignent plus au vif ces diverses conditions de la vie parmi lesquelles la Folie n’a fait que promener sa marotte ! Le livre était loin de satisfaire le goût universel des contemporains. Il trouva des contradicteurs