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XXXIII
PRÉFACE


POST SCRIPTUM.




Les circonstances et le vœu des amis de Nelligan veulent que j’essaie d’être cet homme.

On l’a reconnu volontiers, les lignes qui précèdent répètent exactement le caractère et l’œuvre de notre jeune poète. Je n’y ajouterai que quelques mots.

D’abord, je tiens à dire que l’édition présente n’est qu’un extrait des volumineux cahiers laissés par Émile Nelligan. Elle n’est pas « toute la lyre », et laisse ample matière à glaner aux chercheurs de miettes posthumes. Mais je crois y avoir réuni tout ce qui vraiment mérite de vivre, tout ce qui peut servir la gloire de nos lettres et celle de notre malheureux ami.

Je le déclare ici, pour justifier cette sélection, l’inspiration d’Émile Nelligan était fort inégale, et son sens critique assez peu mûri. On trouve pêle-mêle, dans ses cahiers, des pièces de valeur fort diverse, de simples ébauches à côté de morceaux finis, des strophes alertes et françaises à côté d’autres où l’incorrection le dispute à l’obscurité. Fallait-il, dans ce volume, vider au hasard toute la corbeille ? C’eût été, à coup sûr, rendre à l’auteur comme aux lecteurs un piètre service.

Je sais bien que tout choix est périlleux, qu’on risque d’y glisser des idées, des goûts personnels, qui masquent et empêchent d’éclater la pleine personnalité d’une œuvre. Mais, sachant ce péril, j’ai tâché de mettre en ce choix le plus du poète et le moins de l’éditeur que j’ai pu. Je n’ai élagué aucune pièce portant l’empreinte du talent, même sous ses formes les plus scabreuses : je n’ai rogné que sur le banal, l’imprécis, le faux, le médiocre : et d’aucuns jugeront même que je n’ai pas toujours eu la sévérité qui eût été justice.