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Il serait trop long d’énumérer ici toutes les volitions que ce déblayage brutal a fait apparaître pendant les années 1914-1918.

Le Hasard, d’un coup de matraque, abolissait la logique des philosophes et avec elle, toutes les spéculations philosophiques en leurs subdivisions : métaphysique, psychologie, etc., avec leurs lois considérées comme immuables. La bio-chimie pouvait aussitôt noter la possibilité des superstructures, de l’électron à l’homme, dans le passage continuel de la construction à la désagrégation par l’oscillation éternelle de l’équilibre du stable à l’instable.

La littérature, l’art, y trouve son fondement comme le reste. Et déjà en 1917, j’ai avancé cette loi et je l’ai expliquée sous l’angle littéraire, en formes de paradoxes, dans ma revue Résurrection, et en des causeries, à Bruxelles, « Au Diable au Corps », à un groupe de jeunes qui, bouleversés (ohé les convaincus et si jeunes encore !) s’attribuaient une fiche de consolation en m’appelant « fantaisiste ».

Plus tard mes « fantaisies » furent dénommées bolcheviques et me valurent une perquisition – gendarmes et soldats baïonnette au canon – et une surveillance serrée de la part de la police secrète pour devenir finalement dadaïstes. Quelle joie intersticielle !

Plus explicitement, j’avançais les vérités suivantes ; – quitte à l’esprit, qui n’envisage pas la littérature au seul point de vue du Mercantilisme, d’en extraire à sa convenance : –

1o Les humains ne se ressemblent que par leur dissemblance. Dès lors, chaque individu doit découvrir en lui cette chose, qui le rend étranger à – et le différencie de – son voisin ; et aussitôt cet état extériorisé en art, il est impossible qu’un tel fasse de la peinture comme Cézanne, et un tel du roman comme Bourget ou quiconque.

2o La description de la nature est facile. L’individu est nature à son tour, et il a en lui un terrain inépuisable à découvrir. La nature extérieure peut lui servir les éléments propices à la construction de son œuvre.

3o Les grammairiens ont fait des règles de syntaxe d’après les auteurs (oho ! la stabilité de la langue française !). Cette syntaxe ne suffisait déjà plus à Stéphane Mallarmé pour rendre ses concepts tangibles. Et les mots ont des sens tellement multiples, que pour parer plus ou moins à la confusion, le mot propre importe. On arrive ainsi à condenser en un mot ce que le phraseur dit en six pages. Cela abolit du coup le roman à 350 pages – cette marchandise commerciale ! qui, devant être commerciale, perd toute valeur en art.

On arrive ainsi à conclure sévèrement devant les Paul Bourget, les