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VI

Comment la Taquine mit à la voile et quelle chasse-partie le capitaine Ourson Tête-de-Fer fit jurer à son équipage.

Les convives faisaient honneur au repas, les verres se choquaient avec un entrain magnifique, les propos joyeux circulaient sans interruption d’un bout à l’autre de la table, les chants et les rires dominaient les conversations particulières, et parfois un plat ou une bouteille vides, lancés à travers le fenêtre, allaient se briser au milieu de la foule rassemblée devant la Maison, et qui saluait cette chute par un rire homérique.

Cependant, grâce à la présence de M. d’Ogeron, la fête côtoyait les extrêmes limites de l’orgie, mais sans jamais les dépasser. Quelques flibustiers avaient bien roulé sous la table où ils ronflaient comme des tuyaux d’orgue, mais leurs chutes étaient passées inaperçues ; ils avaient tout doucement glissé de leurs sièges sans causer le moindre scandale, et les autres convives avaient seulement profité de ces accidents pour éloigner leurs chaises et se mettre plus à leur aise.

Quelques-uns des chefs de la flibuste, seuls, s’étaient ménagés et avaient conservé tout leur sang-froid : c’étaient, avec M. d’Ogeron, Montbarts, Vent-en-Panne, le Poletais, Michel le Basque et le capitaine Ourson Tête-de-Fer, qui, lui, ne buvait jamais que de l’eau ; mais le capitaine était depuis longtemps connu pour un original, et cette infraction aux coutumes flibustières avait été acceptée d’autant plus facilement que, s’il ne buvait pas, il n’empêchait pas les autres de boire ; au contraire.

Il est reconnu que rien n’altère comme de causer, et Dieu sait si les Frères de la Côte s’en donnaient à cœur joie ; parfois même ils parlaient tous à la fois sans aucunement se soucier des réponses qu’on leur faisait ; et puis, ce soir-la, le temps était à l’orage, l’atmosphère lourde, chargée d’électricité, la chaleur étouffante : autant d’excuses à l’ivresse, si pour les buveurs l’ivresse avait besoin d’excuses.

— Corbacque ! s’écria tout à coup le beau Laurent, en levant son verre plein ; attention ! s’il vous plaît compagnons, je bois au capitaine Ourson Tête-de-Fer et à la réussite de ses projets ; foin ! de ceux qui ne me feront pas raison !

— Au capitaine Ourson Tête-de-Fer ! s’écrièrent d’une seule voix tous les flibustiers sans en excepter un seul, de ceux qui pouvaient encore se tenir à peu près, bien entendu.

— Et puisse-t-il rencontrer sur sa route les galions du vice-roi de la Nouvelle-Espagne ! ajouta gaîment Montbarts l’Exterminateur en forme de péroraison.

— À son prompt et heureux retour parmi nous ! dit en souriant le gouverneur, avant de porter son verre à ses lèvres.

Le capitaine Ourson Tête-de-Fer, depuis quelques minutes, semblait plongé dans de profondes réflexions ; cependant, en entendant les santés que lui portaient avec tant d’enthousiasme ses amis, il releva la tête ; son pâle visage s’éclaira d’un charmant sourire, et, saisissant son verre :

— Du vin de France ! dit-il ; ce n’est pas avec de l’eau que je veux répondre aux souhaits de mes Frères.

— Bravo ! vive Ourson ! s’écrièrent les flibustiers en battant joyeusement des mains à cette déclaration imprévue et si en dehors des habitudes du capitaine.

Le vin fut apporté, et versé aussitôt dans les verres des convives.

Le capitaine se leva, et saluant à la ronde :

— Frères ! dit-il d’une voix vibrante, faites-moi raison. Comme le disait tout à l’heure le beau Laurent, je bois à la prospérité de la flibuste.

— À la prospérité de la flibuste ! répétèrent les convives.

— Attendez, reprit le capitaine en tendant de nouveau son verre. Je bois à la France, notre mère commune, et à la liberté sur la mer, puisque la terre nous la refuse !

Cette santé fut accueillie par de frénétiques clameurs de joie.

— Et maintenant, reprit le capitaine en brisant brusquement son verre sur la table, je ne boirai plus. Frères, recevez mes adieux ; l’heure de la séparation a sonné, je pars ; dans un mois je serai de retour ou je serai mort.

— Pourquoi de telles pensées en ce moment, mon cher capitaine ? dit doucement M. d’Ogeron.

Ourson hocha la tête avec mélancolie.

— C’est vrai, monsieur, dit-il, j’ai tort ; je vous attriste tous et je n’aurais pas dû terminer ainsi un joyeux festin ; pardonnez-moi, Frères. En ce moment je joue ma vie sur un coup de dé ; toutes les chances me sont contraires, et, sur le point de vous quitter pour toujours peut-être, le souvenir de notre fraternelle amitié déchire mon cœur, s’il ne fait pas faiblir ma volonté.

— Pourquoi partir aujourd’hui ? dit Montbarts.

— Un treize et un vendredi ! ajouta Vent-en-Panne d’un air pensif.

— Attends à demain, Ourson, crièrent tous les flibustiers ; attends, Frère ; c’est tenter Dieu que de le braver ainsi.

— Il y a de l’orage dans l’air, dit le beau Laurent.

— Vous avez tous raison, mes amis, répondit le capitaine d’une voix ferme ; malheureusement, je ne puis vous répondre que ceci : Il le faut !

— Soit ! Puisqu’il en est ainsi, reprit M. d’Ogeron, nous nous tairons, capitaine ; car vous êtes un de ces hommes que rien ne saurait faire reculer lorsqu’il s’agit d’accomplir un devoir ; ce n’est pas sans raison, ajouta-t-il gaîment, qu’on vous a surnommé Tète-de-Fer, mais nous ne vous quitterons pas ainsi, nous vous accompagnerons tous jusqu’au débarcadère !

— Oui ! oui ! s’écrièrent les flibustiers en battant des mains, au débarcadère.

— Merci, Frères, j’accepte, répondit simplement le capitaine Ourson.

Il se leva.

Tous les Frères de la Côte l’imitèrent.

On sortit alors de l’auberge de l’Ancre-Dérapée, et l’on se dirigea lentement vers la plage entre deux haies de flibustiers qui, de la rue, avaient assisté à toute cette scène et s’associaient à l’émotion générale.

On atteignit ainsi le débarcadère.

Une embarcation montée par dix hommes se balançait au pied de l’échelle.

Les adieux commencèrent.

Le capitaine Ourson Tête-de-Fer et son ami le Poletais serrèrent une dernière fois la main de M. d’Ogeron et des principaux chefs de la flibuste ; tandis que Alexandre, l’engage du boucanier, faisait descendre les animaux, c’est-à-dire les chiens et les sangliers, fidèles compagnons d’Ourson, dans le canot, où ils s’installèrent aussitôt sous les bancs.

Les deux Frères de la Côte s’embarquèrent ; et l’on poussa au large.

L’air était frais, la mer clapoteuse ; quelques nuages glissaient rapides sur le ciel d’un bleu sombre émaillé d’étoiles brillantes comme d’une poussière de diamant ; la lune, presque dans son plein, éclairait la nuit de sa pâle clarté.

La mer était étale.

Les nageurs, courbés sur leurs avirons, franchirent en moins d’un quart d’heure la distance qui les séparait du navire mouillé en grande rade.

Le canot, hélé et reconnu par la sentinelle du Château de l’arrière, accosta le navire par la hanche de tribord.

Pierre Legrand, le second capitaine de la frégate, attendait respectueusement son chef à la coupée, et, lorsqu’il parut, il lui fit rendre les honneurs dus à son rang.

Ourson Tête-de-Fer, en mettant le pied sur le pont de son navire, jeta autour de lui un regard investigateur, puis après avoir un instant considéré d’un air pensif les lumières de la ville qui étincelaient dans l’ombre :

— Tout est-il paré ? demanda-t-il.

— L’ancre est à pic, les barres au guindeau, et les voiles sur les fils de carret, répondit Pierre Legrand.

Le capitaine monta alors sur son banc de quart, inspecta un instant l’horizon, et saisissant son porte-voix :

— Chacun à son poste pour l’appareillage ! cria-t-il d’une voix puissante, qui fût entendue de toutes les parties du navire.

On vit aussitôt apparaître par tous les panneaux les visages hâlés et énergiques des marins, qui, en quelques secondes, furent sur le pont, et se rangèrent sur les manœuvres courantes.

— Sommes-nous parés ? demanda encore Ourson.

— Oui, capitaine, répondit le second qui avait pris son poste sur l’avant.

— Vire à déraper ! garçons !

Une centaine d’hommes placés sur les barres de guindeau donnèrent un coup de force qui enleva l’ancre.

— La barre à tribord ! borde les huniers ! hisse à tête de bois ! hisse le grand foc ! borde à bâbord les basses voiles !

Ces diverses manœuvres s’exécutèrent avec une adresse et une rapidité extrêmes.

— Brasse bâbord d’avant, tribord d’arrière ; borde tribord le grand foc !

Le navire faisait majestueusement son abattée sur tribord ; lorsqu’il fut arrivé de quatre quarts, le capitaine reprit le porte-voix.

On virait toujours au guindeau pour mettre l’ancre au bossoir.

— Change devant, cria le capitaine, la barre droite. Orientez !

Le bâtiment était en route.

Le capitaine descendit alors de son banc de quart et remit le porte-voix à Pierre Legrand, chargé, dès qu’on serait hors de la rade, de faire mettre l’ancre à poste et hisser les embarcations amarrées le long du bord.

Vingt minutes plus tard, le navire flibustier filait dans la nuit comme un fantôme, sous ses huniers au second ris, le petit foc, la misaine et la brigantine.

Bien que la brise fût fraîche au large, cependant elle était maniable, le navire faisait bonne route avec trois quarts de largue dans les voiles.

Un coup de sifflet appela, aussitôt l’appareillage terminé et les manœuvres parées, l’équipage à la prière.

Les flibustiers étaient fort religieux, la prière était dite matin et soir en commun, à bord de leurs navires ; le second lisait la prière, que les matelots répétaient après lui ; souvent c’était en chantant des cantiques qu’ils bondissaient comme des tigres à l'abordage des bâtiments ennemis.

Cette singulière coutume est bonne à signaler quand il s’agit de tels hommes.

Une heure plus tard, excepté la bordée de quart qui se tenait sur le pont prête à la manoeuvre, l'équipage dormait avec cette insouciance qui caractérise les marins.

Le bâtiment monté par Ourson Tête-de-Fer était un navire de dix-huit cents tonneaux, sorti depuis un an à peine des chantiers du Ferrol.

Les Espagnols l’avaient armé de trente pièces de canon, lui avaient donné un équipage de cinq cents hommes et l’avaient expédié dans le golfe du Mexique pour protéger le passage des galions.

Il se nommait le San-José, était fin, élancé, ras sur l’eau, facile à manœuvrer, et possédait une marche supérieure.

Malheureusement pour le San-José, à peine arrivé dans les parages des Antilles, il fut surpris, par une belle nuit, entre minuit et une heure du matin et enlevé a l’abordage et presque sans coup férir, par cinq pirogues flibustières commandées par Ourson Tête-de-Fer.

Le capitaine espagnol et son état-major, qui voulurent tenter une résistance impossible, furent pendus au bout des vergues, le San-José conduit à Port-Margot, et son équipage vendu aux habitants et aux boucaniers.

Après avoir donné à ses compagnons les parts qui leur revenaient dans la prise, Ourson acheta pour son compte particulier le San José, qu’il débaptisa, séance tenante, et auquel il donna le nom de la Taquine, nom qui, du reste, convenait sous tous les rapports à ce bâtiment si fin, si leste, si fringant, et si coquettement espalmé.

Depuis que la Taquine avait changé de maître, c’était la première fois qu’elle reprenait la mer.

Vers deux heures du matin, le capitaine remonta sur le pont.

La brise s’était maintenue.

Ourson dit quelques mots à voix basse à l’officier de quart.

Cet officier était justement le Poletais, aussi rude marin que hardi boucanier.

Le Poletais fit hisser un fanal allumé à la tête de chaque mât, un autre à la corne, et masqua le grand-hunier.

Le navire demeura alors stationnaire.

On se trouvait tout au plus à cinq ou six encâblures de la côte, que le navire longeait depuis son départ de Port-Margot et qu’on apercevait distinctement, grâce à la clarté de la nuit.

Une demi-heure environ s’écoula.

Ourson se promenait à l’arrière, la tête inclinée sur la poitrine, les bras derrière le dos, plongé en apparence dans de sérieuses réflexions.

— Capitaine, dit respectueusement le Poletais, car la discipline était fort sévère sur les bâtiments de la flibuste, j’aperçois des lumières par notre travers à bâbord.

— Combien en voyez-vous ?

— Quatre.

— C’est le compte ; qu’on soit paré à lancer une amarre aux pirogues, lorsqu’elles accosteront après avoir été reconnues.

Le Poletais salua sans demander d’explication et remonta sur son banc de quart.

Une vingtaine de minutes se passèrent encore ; les lumières se rapprochaient rapidement de la Taquine, maintenant on distinguait le bois des pirogues.

— Ho ! du navire ! cria une voix forte.

— Holà ! répondit le Poletais ; qui êtes-vous et que voulez-vous ?

— Frères de la Côte ! cria la même voix, nous gouvernons sur la Taquine.

— Le nom de votre chef ?

— L’Olonnais !

À ce nom célèbre parmi les flibustiers, les marins de quart tressaillirent.

— Accostez ! reprit le Poletais.

L’amarre fut lancée, saisie pour ainsi dire au vol, et deux cent cinquante flibustiers, armés jusqu’aux dents, escaladèrent avec une adresse de singes les murailles de la Taquine, au moyen des chaînes des porte-haubans, et, en quelques minutes, ils se trouvèrent réunis sur le pont, sans se soucier le moins du monde des pirogues qui les avaient amenés, et qu’ils laissèrent aller à la dérive.

— Me voilà ! dit simplement l’Olonnais à Ourson.

— Merci, Frère ! répondit celui-ci en lui serrant cordialement la main. Tu es un homme de parole ; d’ailleurs, tu le vois, je t’attendais. Personne ne se doute de rien, la-bas ?

— Personne.

— M. d’Ogeron ?

— Il n’a pas le moindre soupçon.

— Tant mieux ! plus l’expédition que nous tentons est folle, plus elle doit demeurer secrète. Es-tu sûr de tes hommes ?

— Comme de moi-même ; je les ai choisis un à un ; sois tranquille, le plus timide d’entre eux est un démon incarné.

— Tant mieux ! Mes gars, ajouta le capitaine Ourson, en élevant la voix et en s’adressant aux nouveaux venus qui s’étaient groupés sur les passavants de bâbord ; à la guerre comme à la guerre, dans trois heures il fera jour ; jusque-là, arrimez-vous comme vous pourrez dans les postes à canons et dans les canots, et dormez ; au lever du soleil, nous causerons.

Les flibustiers se retirèrent sans répondre, et comme ils étaient tous de véritables loups de mer, quelques minutes leur suffirent pour s’installer soit dans les embarcations, soit sous le gaillard d’avant, de façon à ne pas gêner la manœuvre.

La Taquine avait remis le cap en route.

— Viens, matelot ! dit Ourson à l’Olonnais, j’ai à te parler.

Tous deux descendirent dans la cabine, où ils s’enfermèrent et causèrent bouche à oreille, pendant plus d’une heure.

Puis Ourson souhaita le bonsoir à son compagnon et se jeta tout habillé sur son cadre ; quant à l’Olonnais, il s’étendit tout simplement sur le plancher, se roula dans son manteau, et bientôt les deux hommes dormirent à poings fermés.

Vers quatre heures et demie, le soleil se leva dans un nuage ; pendant la nuit, la brise avait fraîchi de plus en plus ; la mer était grosse, houleuse, les lames courtes et profondes ; la terre n’apparaissait plus au loin que comme un nuage bleuâtre.

La Taquine fatiguait beaucoup ; elle tanguait et roulait bord sur bord, bien qu’elle ne portât que ses huniers au bas ris, le petit foc, la misaine et la brigantine, réduite de moitié.

Cependant elle avait du large et faisait bonne route.

Le capitaine monta sur le pont, suivi de quelques-uns de ses amis les plus intimes, au nombre desquels se trouvaient l’Olonnais, le Poletais, et Alexandre, son engagé de prédilection.

Pierre Legrand, en sa qualité de second du navire, avait pris le quart à quatre heures du matin.

Le capitaine, après avoir consulté attentivement le compas pendant quelques minutes et examiné la mâture, s’approcha de lui et lui dit quelques mots à voix basse.

L’officier salua, porta son sifflet à sa bouche, et se penchant sur l’iloire du grand panneau :

— En haut, tout le monde pour la chasse-partie ! cria-t-il d’une voix de Stentor.

Cinq minutes plus tard, l’équipage était rangé tribord et bâbord sur les passavants.

Les aventuriers se tenaient immobiles, silencieux, la crosse du fusil reposant sur le pont, les mains croisées sur l’extrémité du canon, les yeux sur leur chef, qui se tenait debout, les bras croisés, un peu en arrière du grand mât.

C’était un étrange spectacle que celui de ces hommes aux traits hâlés, à la physionomie énergique, calmes et insouciants sur ce navire battu par une mer furieuse.

Leur costume ajoutait encore un cachet de singularité pittoresque à cette scène extraordinaire par sa simplicité naïve et sa parcimonieuse exiguïté.

Ils n’avaient pour tout vêtement qu’une petite casaque de toile et un caleçon qui ne venait qu’à la moitié de la cuisse ; il fallait les examiner de près pour reconnaître si ce vêtement était de toile ou non, tant il était imbu de sang et de graisse, ce qui, du reste, le rendait imperméable.

Les uns avaient les cheveux hérissés, sous une forme de chapeau dont les rebords avaient été coupés, excepté par devant, en guise de visière ; d’autres les portaient noués. Tous laissaient pousser leur barbe, quelques-uns d’entre eux l’avaient fort longue.

Chaque aventurier avait à sa ceinture, d’un côté, une hache et un sabre court à la lame droite et large, nommé langue-de-bœuf, un sac à balle et une calebasse pleine de poudre ; de l’autre côté, un étui en peau de crocodile, renfermant quatre couteaux et une baïonnette : de plus, ils avaient chacun un fusil, ainsi que nous l’avons dit plus haut et portaient en bandoulière une pièce de toile fine, roulée, qui leur servait de tente de campement.

Les fusils méritent une description particulière : ils étaient expressément fabriqués en France pour les aventuriers chez Brachie, à Dieppe, et chez Gélin, à Nantes ; le canon de ces armes avait quatre pieds et demi de long ; la crosse était presque droite, massive et chargée d’ornements d’argent ; ces fusils portaient la balle de seize à la livre et étaient d’une justesse de tir remarquable, surtout entre les mains des boucaniers, dont l’adresse était proverbiale.

Le capitaine monta sur son banc de quart, et, d’un geste, il ordonna aux flibustiers de s’approcher.

Ce mouvement s’exécuta dans le plus grand ordre.

Un coup de sifflet, strident et prolongé, réclama le silence.

Ourson Tête-de-Fer se décoiffa, salua les Frères de la Côte et prit la parole ; sa voix s’éleva alors, calme, accentuée, sonore, se mêlant aux sifflements aigus de la brise dans les cordages et aux sourds grondements de la mer furieuse contre les flancs du navire.

Les chiens et les sangliers, compagnons inséparables du capitaine, s’étaient couchés aux pieds de son banc de quart, se laissant insoucieusement bercer par le roulis, et regardant les aventuriers avec cette expression si naïvement mélancolique que Dieu a mise dans l’œil des animaux créés pour vivre avec ou pour l’homme, reproche tacite et instinctif qu’ils lui adressent sur sa cruauté envers eux.

Ourson passa sa main sur son front, et, relevant fièrement la tête :

— Frères de la Côte, dit-il en jetant autour de lui un regard chargé d’éclairs, nous sommes de vieilles connaissances ; parmi vous tous, il n’y en a pas un qui n’ait déjà navigué avec moi. Donc, vous savez non-seulement qui je suis, mais encore ce dont je suis capable, et, en mettant le pied sur le pont de mon navire, votre conviction était faite : vous saviez que j’allais vous conduire à une de ces conquêtes que seuls les flibustiers de l’île de la Tortue savent tenter et accomplir ! Vous ne vous êtes pas trompés, compagnons ; une nouvelle expédition commence, mais, je vous le dis franchement tout d’abord, plus folle, plus téméraire, plus insensée qu’aucune de celles exécutées jusqu’à ce jour ! En un mot, nous allons surprendre les Espagnols dans leur refuge suprême ! leur enlever leurs galions au milieu du port même, que dans leur orgueil castillan ils affirment invincible, parce que l’idée ne nous était pas encore venue de nous en emparer ! Frères ! nous allons prendre Carthagène ?

— À Carthagène ! à Carthagène ! Vive Ourson Tête-de-Fer ! s’écrièrent les flibustiers en brandissant leurs armes avec enthousiasme.

– Je ne vous parle pas, reprit le capitaine, des périls que nous aurons à braver, des difficultés sans nombre qui surgiront sur nos pas ! Que nous importe, cela ? Nous sommes les Frères de la Côte ! les vautours de l’île de la Tortue ! Nous vaincrons !

— Oui ! oui ! hurlèrent les flibustiers avec un redoublement d’enthousiasme à ces hautaines paroles, dont ils comprenaient toute la portée.

— Certes, continua le capitaine avec une mordante ironie, il m’eût été facile de suivre l’exemple de Morgan, lors de son expédition de Porto-Bello, et d’armer une escadre ; mais si les oies volent en troupe, l’aigle est toujours seul, et seuls nous suffirons à notre tâche ! L’ennemi, qui ne soupçonne pas nos desseins, sera frappé comme par un coup de tonnerre et terrassé avant même d’avoir eu le temps de songer à se défendre !

— Vive Ourson Tête-de-Fer ! interrompirent de nouveau les flibustiers avec un entraînement qui atteignait presque les limites de la frénésie.

— Mais, vous le savez, reprit-il, plus cette expédition est glorieuse, plus nos périls sont grands, plus aussi notre discipline doit être sévère. J’ai rédigé une chasse-partie, cette chasse-partie, écoutez-en attentivement la lecture ; car elle devra être revêtue de vos signatures.

– La chasse-partie ! la chasse-partie ! hurla l’équipage.

La capitaine sortit de la poche de son pourpoint une feuille de papier pliée en quatre, réclama le silence d’un geste, puis il la déplia et lut :

— Article 1er. Tous les Frères de la Côte embarqués sur la frégate la Taquine jurent au capitaine Ourson Tête-de-Fer, chef de l’expédition et aux officiers composant son état-major, obéissance entière sous peine de mort.

— Nous jurons ! s’écria l’équipage d’une seule voix.

– Article 2. Le capitaine nommera seul les officiers destinés à commander sous ses ordres jusqu’aux grades de maître d’équipage et de maître canonnier.

– Nous jurons !

– Article 3. Celui qui enlèvera le pavillon ennemi sur une forteresse pour y arborer le pavillon français de la flibuste, à trois couleurs, aura, outre sa part, cinquante piastres.

– Nous jurons !

– Article 4. Celui qui fera un prisonnier quand on voudra avoir des nouvelles de l’ennemi, outre son lot, aura cent piastres ; les grenadiers pour chaque grenade jetée dans un fort, cent piastres ; quiconque prendra un officier supérieur ennemi, deux cents piastres.

– Nous jurons !

– Article 5. Le capitaine par cent prisonniers en aura un, les autres officiers un sur deux cents. La part du roi sera d’un dixième prélevé sur la totalité du butin ; une autre part du dixième aussi des prises sera réservée pour les veuves et les orphelins des Frères de la Côte, morts pendant l’expédition.

– Nous jurons !

– Maintenant, Frères, voici ce qui a rapport aux blessés ou estropiés. Ces allocations seront prises sur la totalité du butin avant le partage.

– Bravo ! vive le capitaine ! Écoutons, écoutons ! s’écrièrent les flibustiers, que ce dernier article intéressait surtout.

— Article 6. Celui qui aura perdu les deux jambes recevra quinze cents piastres ou quinze esclaves, à son choix ; pour la perte des deux bras, dix-huit cents piastres ou dix-huit esclaves ; pour la perte d’une jambe, sans distinction de la droite ou de la gauche, cinq cents piastres ou six esclaves ; pour un bras ou une main, même indemnité ; pour un œil, cent piastres ou un esclave ; pour les deux yeux, deux mille piastres ou vingt esclaves ; pour un doigt, cent piastres ou un esclave. Tout individu estropié d’un bras ou d’une jambe sera indemnisé comme si ce membre avait été coupé ou emporté ; tout individu blessé gravement en plein corps recevra cinq cents piastres ou cinq esclaves[1].

— Bien ! reprirent les flibustiers, le capitaine a pensé à tout. Vive Ourson Tête-de-Fer !

— Donc toute la chasse-partie est approuvée ? demanda le capitaine.

— Approuvée et jurée sans hésitation, s’écrièrent joyeusement les flibustiers ;

— Maintenant, frères, reprit le capitaine, écoutez les noms des officiers auxquels j’ai remis une partie de mon pouvoir sur vous ; j’espère que le choix que j’ai fait vous satisfera.

Le silence se rétablit comme par enchantement.

— Premier capitaine de la Taquine, reprit Ourson, Pierre Legrand ; second capitaine, David ; premier lieutenant, l’Olonnais ; deuxième lieutenant, le Poletais ; maître d’équipage, Alexandre ; maître canonnier, Tributor : jurez-vous obéissance à ces officiers ?

— Oui, capitaine.

— À présent, Frères, nommez vous-mêmes vos sous-officiers, maîtres, seconds maîtres et quartiers maîtres ; amatelottez-vous et partagez-vous en deux bordées. À partir de ce moment, je déclare l’expédition en cours d’exécution. Aussitôt les élections terminées, l’écrivain du navire vous fera signer la chasse-partie. Rompez vos rangs.

L’équipage se retira aussitôt sur l’avant, et les élections commencèrent avec un calme et un sang-froid qu’on aurait été loin d’attendre de la part de pareils hommes, mais qui prouvait combien ils avaient conscience de l’acte qu’ils accomplissaient.

Le capitaine et ses officiers demeurèrent seuls sur l’arrière. Il était huit heures du matin, le timonier piqua huit ; David prit le quart.

— Frères, dit Ourson à ses officiers, faites-moi l’honneur de déjeuner avec moi ; tout en mangeant, nous causerons ; je vous communiquerai le plan que j’ai formé pour nous emparer de la ville que nous nous préparons à attaquer, et nous le discuterons le verre à la main.

Les officiers s’inclinèrent respectueusement, et descendirent avec lui dans la chambre du conseil, où la table était dressée.

La brise fraîchissait de plus en plus et tournait à la tempête, mais personne à bord de la Taquine ne semblait s’en inquiéter.

Ourson Tête-de-Fer et ses officiers n’étaient pas hommes à se préoccuper de la force plus ou moins grande du vent.

La Taquine était un bâtiment neuf, bâti avec ce soin que les Espagnols apportaient alors dans leurs constructions navales. À cette époque, la marine française n’existait encore pour ainsi dire que de nom ; Colbert préludait à peine à ces armements qui bientôt devaient devenir si formidables ; la marine anglaise était constituée déjà, à la vérité, mais n’était encore ni bien nombreuse ni bien installée ; la marine espagnole, disons-nous, passait avec la marine hollandaise pour être la première du monde, par le nombre de ses bâtiments d’abord et puis ensuite par leurs conditions d’armements et leurs incontestables qualités nautiques.

La frégate, la Taquine, dont le gréement était neuf, les membrures solides, qui gouvernait comme un cheval de course et manœuvrait comme si elle était douée d’intelligence, n’avait donc rien à redouter d’un grain plus ou moins fort, et il était inutile de s’inquiéter à ce sujet.

Les officiers, présidés par leur capitaine, s’assirent autour de la table à roulis, sur ou plutôt dans laquelle le repas était servi.

Les braves flibustiers avaient grand faim, depuis leur pantagruélique banquet à l’Ancre-Dérapée. Tant d’affaires avaient absorbé leur temps qu’ils avaient à peine trouvé quelques secondes pour avaler à la hâte quelques bouchées de biscuit et boire une gorgée d’eau-de-vie.

L’on mangea et l’on but gaiement en causant de toutes sortes de choses, plus ou moins intéressantes, puis, lorsque l’appétit de ces puissantes natures fut enfin satisfait, des bouteilles d’eau-de-vie furent posées sur la table, les pipes allumées, et la conversation prit tout doucement une allure plus sérieuse.

— Est-ce une belle ville, Carthagène ? demanda l’Olonnais.

— On le dit, répondit Ourson ; quant à moi, je l’ignore, ne l’ayant jamais vue.

— C’est juste, reprit en riant l’Olonnais, pas plus qu’aucun de nous, je suppose.

— Les Espagnols sont si jaloux de leurs colonies dit le Poletais, qu’on ne peut les visiter que le fusil à la main.

— Eh ! fit Pierre Legrand avec un sourire, j’aime assez cette façon-là, moi ; cela rapporte.

— Tu n’es pas dégoûté, reprit l’Olonnais avec un gros rire ; seulement je me demande pourquoi, voulant faire une expédition, Ourson a justement été choisir Carthagène de préférence à toute autre ville du littoral.

— Tu n’y entends rien, dit le Poletais en échangeant à la dérobée un regard d’intelligence avec Ourson ; c’est cependant bien facile à concevoir.

— Tu trouves, toi ?

— Pardieu, cela saute aux yeux.

— Bon, dis-nous-le alors.

— Je ne demande pas mieux ; d’ailleurs, si je me trompe, Ourson est là pour rectifier ce que je dirai.

— Va matelot, dit le capitaine.

— C’est cela, nous écoutons.

— Ah ! ce ne sera pas long, reprit le Poletais en riant.

— Bon, bon, va toujours, bavard.

— Voici donc l’affaire en deux mots : toutes les villes du littoral de terre ferme ont été plus ou moins explorées par nous, c’est-à-dire, prises, pillées et brûlées ; quelques-unes ont seules échappé à nos explorations.

— Exploration est joli, dit Pierre Legrand en riant.

— N’est-ce pas ? Or ces villes, au nombre d’une dizaine tout au plus, ont été négligées jusqu’à présent, soit parce qu’elles sont trop pauvres, et, ainsi qu’on le dit dans mon pays, le jeu n’en aurait pas valu la chandelle, soit parce qu’elles passent pour être trop bien fortifiées pour que nous osions essayer de mettre, non pas le cap, ce qui à la rigueur serait facile, mais le grappin dessus, ce qui est bien autrement dangereux. Deux ou trois d’entre elles surtout passent pour être réellement imprenables. Montbarts et Morgan ont pris Porto-Bello, Panama, Maracaïbo, que sais-je encore, toutes expéditions d’une audace inouïe ; Ourson Tête-de-Fer est un excellent camarade, cela est vrai ; malgré cela, ces grands coups de main tentés et si habilement exécutés par ses amis, le chagrinent intérieurement non pas qu’il soit jaloux, mais la gloire de Montbarts, de Morgan, du beau Laurent et de bien d’autres encore, l’empêche de dormir ; il a voulu, lui aussi, organiser une de ces expéditions qui épouvantent nos ennemis, et font passer leurs richesses dans nos mains. La ville qui passe pour la plus redoutable de celles qui n’ont pas été visites est Carthagène ; Ourson devait naturellement choisir celle-la. Il y a quatre jours, il est venu me trouver au grand fond où je chassai : — « Je veux organiser une expédition, me dit-il, j’ai besoin de toi, veux-tu venir ? — Parbleu, répondis-je, comme eût répondu n’importe lequel de vous ; où allons-nous ? — À Carthagène. — Tope, va pour Carthagène. » Et je le suivis, sans plus d’explications.

— Le fait est qu’il n’y en avait pas besoin, dit l’Olonnais.

— Oui, c’était suffisant, ajouta Pierre Legrand.

— Et voilà, matelots, comment nous sommes en route pour prendre Carthagène ; n’est-ce pas, Ourson ?

— C’est l’exacte vérité, dit en souriant le capitaine.

L’explication était claire, simple, et surtout elle parut très-logique à ces hommes qui n’avaient même pas besoin de prétextes quand il leur plaisait de courir sus aux Espagnols.

— Messieurs, dit Ourson au bout d’un instant, la nuit s’avance, nous avons tous besoin de repos avant de nous séparer, je désire m’entendre avec vous, au sujet d’une mesure urgente qu’il nous faut prendre sans retard.

Le silence se rétablit aussitôt.

— Nous vous écoutons, capitaine, dit le Poletais.

— Voici ce dont il s’agit, messieurs, reprit le capitaine ; notre armement a été si vivement fait que nos hommes n’ont que les trois livres de farine réglementaires et les cinq livres de viande boucanée, qu’ils sont tenus d’apporter avec eux. Les magasins de Port-Margot étaient si mal fournis, et les marchands élevaient si haut leurs prétentions que je me suis vu contraint de refuser de traiter avec eux ; de sorte que nos soutes sont vides. Nous avons de la poudre, des balles et des boulets en abondance, mais nous manquons complétement de vivres : ni viande, ni biscuit, ni vin, ni liqueurs ; de l’eau seulement. Or il nous faut parer le plus tôt possible à cet état de choses qui, s’il se prolongeait vingt-quatre heures, pourrait amener des complications sérieuses. De plus, il nous est indispensable de trouver un guide, un homme qui connaisse Carthagène et nous puisse désigner les endroits faibles de la place : voilà la position franche et nette ; maintenant quel est votre avis ?

— Pardieu, dit l’Olonnais, il nous faut avoir des vivres et un guide, et pour cela je ne vois qu’un moyen.

— Lequel ?

— Les prendre là où nous sommes certains d’en trouver, corbacque ! Nous n’avons que l’embarras du choix, il me semble, nous nous trouvons ici au milieu d’îles espagnoles, toutes riches et pourvues à foison ; laissons arriver en grand sur la plus proche, emparons-nous-en, et mettons-la à rançon ; ce n’est pas plus difficile que cela.

— L’Olonnais a raison, dit le Poletais, nous pouvons aussi laisser arriver sur la côte même de Saint-Domingue, il ne manque pas de hameaux et de villages où nous trouverons facilement ce dont nous avons besoin.

— Non, cela nous retarderait, dit Ourson, nous ne devons perdre que le moins de temps possible ; l’avis de l’Olonnais est aussi le mien. J’avais songé à cette descente sur une île, mais je ne voulais pas prendre cette détermination sans connaître d’abord votre opinion.

— Notre opinion est la vôtre, capitaine, répondirent les officiers d’une seule voix.

— Quelle est l’île la plus proche ? demanda le Poletais.

— Eh ! la plus proche, c’est Cuba, dit Pierre Legrand.

— Hum fit l’Olonnais, le morceau est de dure digestion.

— Il n’y faut pas songer, dit le Poletais.

— Peut-être, reprit Ourson Tête-de-Fer.

— Hein ? s’écrièrent les flibustiers avec surprise.

— L’audace même de notre coup de main, reprit le capitaine, en assurera le succès, la rapidité de notre descente rend ce succès infaillible ; quand les Espagnols seront revenus de leur stupeur, nous serons embarqués et à l’abri de leur vengeance, Écoutez-moi bien : Cuba ne possède en réalité qu’une seule ville importante, la Havane, qui compte aujourd’hui six ou huit mille habitants ; les nombreux ports disséminés sur la côte ne sont que des hameaux de pêcheurs, hors d’état de résister à une surprise habilement exécutée ; en quatre heures nous pouvons avoir embarqué sur nos canots les provisions dont nous avons besoin et être de nouveau sous voiles. Avez-vous confiance en moi ?

— Pardieu ! s’écrièrent les flibustiers.

— Eh bien, laissez-moi faire à ma guise et nous réussirons.

— Tu es le maître d’agir comme il te plaira, nous comptons sur toi comme tu comptes sur nous, répondit le Poletais ; donne des ordres, et sois tranquille, ils seront exécutés.

— Bien ! allez vous reposer, il est dix heures du soir ; à trois heures le débarquement aura lieu ; demain soir nous aurons, je vous le promets, des vivres à foison. Pierre Legrand, fais arriver de trois quarts, la brise semble avoir un peu molli ; on larguera toutes les voiles que la mâture pourra tenir sans risquer de briser des espars.

Pierre Legrand monta sur le pont pour faire exécuter l’ordre qu’il avait reçu ; bientôt on s’aperçut au mouvement plus accentué du navire que cet ordre était exécuté.

Ourson Tête-de-Fer se leva :

— Bonne nuit ! compagnons, dit-il ; souvenez-vous que le branle-bas se fera à trois heures.

Cinq minutes plus tard les flibustiers dormaient comme s’ils ne devaient jamais se réveiller.

L’attente du danger qu’ils allaient courir n’avait en aucune façon influé sur leur tranquillité, ni sur leurs dispositions au sommeil.

Qu’est-ce que c’était que le danger, pour ces lions de mer !



  1. Cette singulière chasse-partie est rigoureusement historique, elle se trouve tout au long dans l’ouvrage si intéressant d’Olivier Œxmelin.