J.-B. Baillières (p. 15-18).

1e DEODACTYLES CULTRIROSTRES, DEODACTYLI CULTRIROSTRES
FAM. XII — CORVIDÉS, CORVIDÆ.
S.-FAM. XIX — CORVIENS, CORNVINÆ.
GENRE XLVII — CORBEAU, CORVUS.

CORBEAU FREUXCORVUS FRUGILEGUS. Linn.

Le Freux est un oiseau fort intelligent et peu sauvage, du moins en certains endroits. Comme tant d’autres oiseaux, il ne craint pas de mettre sa couvée sous la protection de l’homme ; malheureusement il est souvent victime de sa confiance.

Le 25 mars 1873, on comptait vingt-cinq nids de Freux sur les platanes qui surplombent la fontaine de Médicis, au jardin du Luxembourg ; plusieurs arbres même en supportaient jusqu’à cinq et six.

Le Freux déploie une activité prodigieuse pour construire cette demeure ; en six ou sept jours un couple vient à bout de l’achever.

Les matériaux employés sont, à l’extérieur : des petites bûchettes soigneusement et solidement entrelacées, ce qui donne à ces nids une grande ressemblance avec ceux des pies ; à l’intérieur il y a des écorces, des brins d’herbe, de paille, du fil, des crins, de la laine, des morceaux d’étoffes, le tout mastiqué avec de la terre gluante et argileuse.

Ces nids (dont les matériaux varient beaucoup suivant les localités) sont posés au sommet des arbres.

L’administration du jardin du Luxembourg les fit détruire. Ce jour-là, les Freux se réunirent en faisant retentir l’air de cris stridents, puis, à la tombée de la nuit, la bande prit son vol et disparut vers le sud.

Huit jours après, quelques couples plus hardis que les autres revinrent bâtir de nouveau sur ces mêmes arbres. Le 20 avril, je comptais 7 nids qui avaient été construits plus rapidement encore que la première fois ; on les jeta à terre derechef, alors les Freux partirent et ne revinrent plus.

D’ailleurs le Luxembourg n’est pas le seul endroit de Paris où les Freux s’établirent ; à la fin de mars, on voyait plusieurs nids sur les grands arbres du jardin de l’Élysée et, chose curieuse, cinq sur un platane isolé qui se trouve devant un petit hôtel, 104, boulevard Haussmann.

Tous les passants s’amusaient à contempler ces audacieux volatiles.

Cette année, les Freux sont revenus au Luxembourg le 25 février. Après être demeurés longtemps inactifs, ils se sont mis enfin à la besogne et, le 16 mars, on voyait sur les platanes de la fontaine de Médicis seize nids, dont sept sur le dernier platane derrière la fontaine. Comme en 1873, on les détruisit, mais cette fois, ces oiseaux abandonnèrent d’emblée le Luxembourg ; la leçon de l’an dernier leur avait sans doute profité. Deux paires seulement revinrent, mais au lieu de placer bêtement leurs nids en évidence, nos Freux allèrent les construire sur deux platanes très-élevés bordant la rue Bonaparte devant le numéro 122.

Le 20 avril, ils étaient terminés, les femelles couvaient, et j’eus la satisfaction de voir plus tard les petits quitter leur nid.

Les Freux avaient été plus malins que l’administration.

Au mois de mars (1874) une colonie de Freux est encore venue s’établir au jardin de l’Élysée.

P. — N.