Ornithologie du Canada, 1ère partie/Le Loriot des Vergers


Atelier typographique de J. T. Brousseau (p. 247-249).

LE LORIOT DES VERGERS.[1]
(Orchard Oriole.)


Il s’opère aux différentes saisons, parmi nombre de nos oiseaux, de singulières transformations dans le plumage : le Chardonneret, le Goglu, l’Oiseau Rouge, le Baltimore nous en fournissent des exemples frappants. C’est sans doute à ses étonnantes variations dans la livrée, qu’il faut attribuer les erreurs commises par les naturalistes, en confondant ce Loriot avec le Baltimore. Buffon, Latham, Pennant et Catesby ont pris le mâle du Loriot des Vergers pour la femelle du Baltimore.

Cette espèce diffère entièrement dans ses habitudes du Baltimore, oiseau farouche qui ne peut souffrir de voisin, pas même ceux de son espèce, dans l’endroit est placé son nid, tandis que le Loriot des Vergers aime la société de ses semblables. Audubon a compté jusqu’à neuf nids de ces derniers dans le même enclos : une harmonie parfaite régnait dans la petite république.

Les mâles précèdent les femelles, de huit à dix jours au printemps. Dès qu’ils ont fixé la localité qui doit contenir le berceau de leurs amours, leurs mouvements deviennent d’une allégresse, d’une prestesse extrêmes : le mâle s’élance par bonds dans les airs à une centaine de pieds, agitant son corps et sa queue et chantant avec énergie pendant tout ce temps, comme si quelque chose le pressait de revenir à l’arbre qu’il vient de quitter. Il passe la journée à faire ses évolutions et à attraper les insectes qui se cachent sous la verdure des arbres, ou bien il s’élancera à terre sur un vermisseau qui cherche en vain à fuir, puis il retournera inspecter avec soin chaque bouton, chaque fleur du pommier voisin. Son chant redouble lorsqu’il s’agit de se procurer une compagne. Ces oiseaux amassent des brins de foin qu’ils lient ensemble avec une rare industrie et en composent un nid d’une grande solidité, qui a la forme d’une hémisphère ; les œufs sont au nombre de six, d’un bleu blanchâtre tacheté de brun foncé ; une seule couvée est le fruit de leur union. Les jeunes suivent les vieux pendant plusieurs semaines, mais bientôt les mâles se séparent des femelles et voyagent par eux-mêmes tels qu’ils sont arrivés au printemps.

Cette espèce se nourrit d’insectes, ainsi que de fruits et de baies ; elle est friande de fraises. À son arrivée, le Loriot des Vergers fréquente les hauteurs pendant la saison des œufs ; la famille élevée, il descend dans les prairies et les champs de foin où il se nourrit de grillons, d’araignées et de sauterelles. Les Français de la Louisiane appellent ce Loriot Pape des Prairies, tandis que le Baltimore porte le nom de Pape des Bois, d’après les lieux qu’ils fréquentent. À l’état de domesticité, il chante avec le même entrain que dans l’état de nature et se contente de fruits et de riz : son chant n’est pas aussi beau que celui des Baltimore. C’est un des hôtes les plus communs des vergers du Haut-Canada ; il ne visite pas le district de Québec que nous sachions.

Le mâle a les parties supérieures d’un jaune-olive nuancé d’une teinte brunâtre sur le dos ; les ailes sont d’un brun foncé ; les couvertures alaires inférieures terminées d’un blanc jaunâtre ainsi que les couvertures supérieures et les primaires ; la queue arrondie au bout ; les deux plumes externes trois quarts de pouces plus courtes que celle du milieu ; les parties inférieures, jaunes ; le bec et les jambes bleu clair ; l’iris, noisette ; le globe de l’œil noir : telle est la livrée du jeune mâle à sa première année ; à son second printemps, il se montre avec une large plaque noire sur le front et la poitrine et quelquefois sur les deux plumes médianes de la queue : de petites taches roussâtres se montrent sur les côtés et le ventre. Quand l’oiseau reçoit son plumage complet, le noir se répand sur toute la tête, le dos, les ailes et la queue ; un rouge-bai, ou un châtain clair, est perceptible sur le ventre, le croupion et les couvertures caudales ; le noir de la tête est lustré comme du velours ; celui des ailes tire sur le brun ; et les couvertures supérieures des ailes sont terminées de blanc.

Dimensions, 6 × 9.


  1. No. 414. — Icterus spurius. — Baird.
    Icterus spurius.Audubon.