Noëls anciens de la Nouvelle-France/appendice/1

Dussault & Proulx, imprimeurs (p. 191-193).
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La photogravure du titre représente Notre-Dame de Québec, l’Alma mater de tous les diocèses de l’Amérique du Nord. Vue sous cet aspect, dans son décor d’hiver, l’église métropolitaine m’a parue caractéristique, et bien en harmonie avec le sujet de ce livre.[1]

Nous sommes à la veille de Noël, très tard dans la nuit. La Basilique, étincelante de gaz et d’électricité, rayonne la lumière par toutes ses fenêtres sur les ténèbres extérieures. Son vieux clocher renaissance carillonne avec majesté l’appel de la messe de minuit. Au dehors le vent fait rage ; une furieuse bourrasque s’élève ; la neige, affolée, tourbillonne, enveloppant comme d’un nuage de blanche fumée les courageux piétons qui se rendent à l’église.

La première pierre de Notre-Dame de Québec fut posée le 23 septembre 1647, par le Père jésuite Jérôme Lalemant.

« Le 23 septembre 1647, le R. P. Hiérosme Lallemant, Supérieur de la mission, et M. de Montmagny, Gouverneur, ont mis la première pierre de l’église de Notre-Dame de la Conception à Québec, soubs le tiltrede Notre-Dame de la Paix. La dite première pierre est au coin de la croisée de main gauche, en entrant à l’église, au costé et coin qui est le plus proche du grand autel. Il y a un nom de Jésus et Maria gravé en la dite pierre, avec une plaque de plomb.

Barthélémy Vimont. »[2]

En 1897, la basilique de Québec comptait donc deux cent cinquante ans. Cette doyenneté d’âge, deux siècles et demi, ne lui est disputée par aucune église au Canada.

Notre-Dame de Québec ne fut ouverte au culte qu’en 1657. Elle avait alors la forme d’une croix latine et son clocher s’élevait sur le transept. Elle mesurait cent pieds de longueur sur une largeur de trente-huit pieds.

Trente ans plus tard, en 1687, on résolut d’agrandir l’église, c’est-à-dire de l’allonger par le portail. Un architecte de Paris, Hilaire Bernard, mandé à cet effet, dirigea les travaux. Les deux tours carrées actuelles furent bâties, mais une seule fut terminée : c’est le beffroi qui existe encore.[3]

Le 23 décembre 1745 on décida, en assemblée publique, de rebâtir l’église d’après les plans de Gaspard Chaussegros de Léry, chevalier de Saint-Louis, ingénieur de la marine. Les anciennes murailles furent utilisées : les piliers actuels de la nef en sont une partie ; les bas-côtés datent aussi de cette époque (1745). Les travaux furent terminés le 15 novembre 1748, précisément un siècle après la première construction.

Incendiée au siège de 1759, la cathédrale fut rebâtie en 1768, par un architecte canadien, M. Laflèche, qui utilisa les mêmes murs ; mais on allongea le sanctuaire de vingt-deux pieds. Ce qui donne, pour les dimensions actuelles de l’édifice, deux cent seize pieds de longueur sur quatre-vingt-quatorze pieds de largeur.

En 1843 on fit disparaître l’ancien portail,[4] que l’on reconstruisit en pierre de taille d’après un plan nouveau. Par bonheur, on épargna le beffroi dont la lanterne est l’exacte reproduction de celle qui existait avant l’incendie de 1759.[5]

De sorte que si nos premiers ancêtres, les Français-canadiens du dix-septième siècle et les Canadiens-français du dix-huitième, revenaient à Québec, la nuit de Noël, ils pourraient encore s’orienter sur le clocher de leur vieille cathédrale.

  1. Je me suis inspiré, pour la préparation de cette vignette, d’un dessin de M Fred B. Schell, et dont la gravure a été publiée dans le Picturesque Canada, (Vol. I, page 51) de G. M. Grant, — Toronto, chez Belden Bros, 1882.
  2. Archives de la Fabrique Notre-Dame de Québec.
  3. La seconde tour fut terminée en 1843, quand le portail de la cathédrale fut reconstruit.
  4. Cf : Vues de Québec en 1832, — dessins de Sproule, chromo-lithographies de Craven.
  5. À la fin du quinzième siècle, Marie de Luxembourg fit bâtir une église sur les ruines d’une construction très ancienne élevée à l’endroit où était venu prêcher saint Martin, l’apôtre des Gaules. Je signale à mes lecteurs le clocher de cette église, connue sous le nom de Saint-Martin de Vendôme, dans le département de Loir-et-Cher, car le clocher de notre basilique lui ressemble étonnamment. Consultez à cet effet le Magasin Pittoresque de Paris, année 1858, page 164, et faites la comparaison.