Mesdames de la Halle

J. Dagneau & N. Tresse (p. 3-35).


OPÉRA BOUFFE EN UN ACTE



Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre des Bouffes-Parisiens, le 3 Mars 1858.


PERSONNAGES.
Mlle POIRETAPÉE, marchande de poissons et de légumes MM. Léonce.
Mme MADOU, marchande de légumes Désiré.
Mme BEURREFONDU, marchande de légumes Mesmacre.
RAFLAFLA, tambour-major aux Gardes-Françaises Duvernoy.
UN COMMISSAIRE Guyot.
UN MARCHAND D’HABITS Jean Paul.
CROÛTE-AU-POT, jeune gargotier Mmes Tautin.
CIBOULETTE, jeune marchande de fruits Chabert.
UNE MARCHANDE DE PLAISIR Baudoin.
UNE MARCHANDE DE POIS VERTS Byard.
UNE MARCHANDE D’ASPERGES Kunzé.
UNE MARCHANDE DE FRUITS Marie Cico.


Tambours, Gens de la halle, Chalands, deux Soldats des Gardes-Françaises.


La Partition et les Morceaux détachés se trouvent à Paris chez Brandus, Dufour et Cie.




Les indications sont prises de la droite et de la gauche du spectateur.




Décor de la halle sous Louis XV.

À l’avant-scène, à droite, la marchande de fruits avec son éventaire devant elle ; au deuxième plan, l’étal de Mme Beurrefondu couvert de légumes ; au troisième plan, l’étal de Mlle Poiretapée, avec des appliques simulant des poissons et des bourriches d’huîtres ; à l’avant-scène, à gauche, la marchande d’asperges avec son éventaire devant elle ; au deuxième plan, l’étal de Mme Madou, couvert de légumes ; la halle semble se continuer au fond par des appliques, et la toile, qui représente le marché. À droite et à gauche, devant les étals de Mmes Beurrefondu et Madou, se trouvent deux baquets.



Scène PREMIÈRE.

Mme BEURREFONDU, Mme MADOU, Mlle POIRETAPEE, à leurs étals, Marchands et Chalands, qui circulent.[1]
CHŒUR DES MARCHANDES.
––––––Ach’tez nos légum’s et nos fruits,
––––––Ils n’sont pas chers, ils sont exquis.
––––––Vous n’pourriez pas dans tout Paris
––––––En trouver à plus juste prix.
MARCHANDE DE PLAISIRS, entre de gauche.
––––Voilà l’plaisir, mesdames, voilà l’plaisir !
Mlle POIRETAPÉE.
––––––––À la barque ! à la barque !
–––––––––––Écaillère !
MARCHAND D’HABITS, entre de droite.
––––––––––Chapeaux à vendre !
–––––––––––Vieux chap !
MARCHANDE DE POIS VERTS, entre de gauche.
––––––––––Pois verts ! pois verts !
MARCHANDE DE FRUITS.
––––––À deux sous l’ tas, à deux sous l’tas !
MARCHANDE DE PLAISIRS.
––––––––Voilà l’ plaisir, mesdames ?
––––––––––Voilà l’ plaisir !
REPRISE.
––––––Ach’tez… etc…
MARCHANDE D’ASPERGES.
–––––––––La botte d’asperges !
Mme MADOU.
––––V’là des pommes de terre ! des pommes de terre !
–––––––––––Trois sous l’ quart !
MARCHANDE DE PLAISIRS.
––––––––Voilà l’ plaisir, mesdames !
––––––––––Voilà l’ plaisir !
Mlle POIRETAPÉE.
––––––––À la barque ! à la barque !
–––––––––––Écaillère !
ENSEMBLE.
––––––Ach’tez !… etc…

Scène II.

Les Mêmes, LE COMMISSAIRE, RAFLAFLA, à la tête de ses tambours, qui entrent de droite en battant une marche.[2]
LE COMMISSAIRE.
–––––––Mais quel bruit se fait entendre ?
–––––––Qui vient ici nous surprendre ?
LES DEUX MARCHANDES.
–––––––C’est le major Raflafla
––––––––––Le beau tambour !
RAFLAFLA, à ses tambours.
–––––––––––Halte là !
–––Front ! align’ment ! montrez qu’ dans les gard’s-françaises,
–––––––Tapins ! quel que soit le rang,
–––––––On sait, en prenant ses aises,
–––––––Mener de front, tambour battant,
–––––––La gloire et le sentiment !
PREMIER COUPLET.[3]
––––––Au beau jour de la mi-carême,
––––––Sur le marché des Innocents,
––––––Ra, fla, fla, fla, fla, fla, fla,
––––––Le plaisir z’est la loi suprême,
––––––On y tient des propos galants.
––––––Ra, fla, fla, fla, fla, fla, fla.
––––––À nos beautés sans égale ;
––––––À mesdames de la halle,
––––––Et chacun fait des souhaits.
––––––En leur z’offrant des bouquets.
––––––Ra, fla, fla, fla, fla, fla, fla.
––––––Viv’ ces beautés sans égale !
––––––Viv’ les dames de la halle !
bis
CHŒUR.
––––––Viv’ ces beautés sans égale !
––––––Viv’ les dames de la halle !
RAFLAFLA.
DEUXIÈME COUPLET.
––––––Le noble éclat du diadème
––––––N’y pare point de sa splendeur,
––––––Ra, fla, fla, fla, fla, fla, fla.
––––––Les attraits de celle qu’on aime !
––––––C’est le séjour de la candeur,
––––––Ra, fla, fla, fla, fla, fla, fla.
––––––On y trouv’ des choux, des carottes,
––––––D’ frais appas, des oignons en bottes
––––––C’est l’ paradis d’ Mahomet.
––––––Et j’viens offrir mon bouquet
––––––Ra, fla, fla, fla, fla, fla, fla.
––––––À ces beautés sans égale !
––––––À mesdames de la halle !
bis
CHŒUR.
––––––Viv’ ces beautés sans égale !
––––––Viv’ les dames de la halle !

(Il offre un bouquet aux Dames de la halle, qui lui font une gracieuse révérence. — Raflafla fait un commandement avec sa canne, à ses tambours, qui défilent devant le public et sortent par la gauche sur la reprise du chœur.)

REPRISE DU CHŒUR.
––––––Ach’tez nos légum’s et nos fruits, etc.

(Tout le monde s’éloigne très-lentement, excepté Mme Madou et Mme Beurrefondu, qui restent en scène et s’occupent à leurs étals.)


Scène III.

RAFLAFLA, Mme BEURREFONDU, Mme MADOU.[4]
RAFLAFLA, à part, venant de gauche.

Il me faut z’un magot de deux mille pour payer la cantine ; essayons d’attendrir le cœur de l’une de ces beautés…

Mme BEURREFONDU, descendant en scène.

Monsieur Raflafla, c’est-y bien pour nous cette sérénade ?

RAFLAFLA.

Oui, belles dames.

Mme MADOU.

C’est d’une galanterie !

RAFLAFLA.

C’est z’à cette seule fin de fêter vos charmes, z’avec lesquels je suis incomparablement votre admirateur, Raflafla, tambour major du premier des gardes-françaises !

Mme BEURREFONDU.

Ah ! monsieur Raflafla, vous êtes bien comprometteur !

RAFLAFLA, bas à Mme Beurrefondu.

Pourquoi z’êtes-vous si cruelle ?

Mme MADOU.
Ah ! que les hommes sont donc entrepreneurs auprès du sesque !
RAFLAFLA.

Et que le colonel z’et la consigne le permettent superlativement !

Mme MADOU.

Vous êtes un bel homme, monsieur Raflafla ; mais depuis que j’ai z’été z’abandonnée par mon gueusard d’époux, j’ai renoncé z’à l’amour… (Criant.) À la barque ! à la barque ! hareng qui glace ! à l’écailler ! (Elle remonte à son étal.)

Mme BEURREFONDU.

C’est comme moi, depuis que j’ai z’été plantée là par mon scélérat d’homme, il y a dix-huit ans, un chenapan qui a z’évu ma première amour !… (Criant.) À trois sous les poires d’Angleterre, à trois sous ! belles bottes d’asperges !… (À un chaland.) Voilà, mon p’tit chou, voilà !… (Elle va à son étal. Pendant toute cette scène, on voit des chalands circuler au fond et s’arrêter aux étals des marchandes.)

Mme MADOU, à Raflafla.

C’était un homme de la haute, le valet de chambre d’un fermier général. (À part.) Ne disons pas que c’était z’un sergent au Royal-Pompon, faut faire du genre. (Haut.) lmaginez-vous, major, que mon gredin d’homme, qui me comblait de petits soins tous les matins et d’ renfoncements tous les soirs et que je le bourrais de grands coups de pied et de tendresse, m’a délaissée après six mois d’un bonheur sans nuage, mélangé d’amour et de calottes, en emportant notre unique enfant, qu’aurait dix-huit ans au jour d’aujourd’hui, qu’il l’aura z’emmenée en Valachitte pour en faire une odalisse ! Oh ! les hommes ! les gredins d’hommes !

RAFLAFLA.

Que les tambours-majors, belle Madou, sont généralement z’incompatibles de ces actions incongrues ! (Bas.) Et que je brûle avec incandescence d’unir mon sort z’au vôtre et à vos… deux mille livres d’économie !

Mme MADOU.

Ne me parlez pas d’amour, major ; ne tendez point z’un piége à ma faible vertu !

RAFLAFLA.

Et que si vous vouliez tant seulement z’entendre la barcarolle du Soleil et de Chloé, que j’ai composée noqueturnement pour vous ?

Mme MADOU, remontant, à une chalande.

Voilà, ma p’tite mère, voilà !

RAFLAFLA, à part, inquiet.

N’aurait-elle point z’un magot de deux mille ?

Mme BEURREFONDU, à son chaland qui s’en va.

Va donc, merlan ! avec ta face de carême ! T’as pas le sou, vieux grigou ! Va donc t’ coucher, vieux pané !… (Revenant à Raflafla.) Comme je vous l’ disais donc, major, j’ai z’uni mon destin, il y a dix-huit ans, à un chenapan, un homme bien aimable, qui m’bourrait de calottes et qui mangeait mon saint-frusquin. C’était un homme cossu, un commis aux gabelles. (À part.) Cachons que c’était un sergent du Royal-Dauphin ; faut faire sa mousse.

RAFLAFLA.

Que les tambours-majors, belle Beurrefondu, n’ont jamais z’agi aussi cavalièrement z’avec les dames ; et que c’est z’avec vous que je voudrais indéfinablement partager ma vie, mes seize sous par jour et votre magot de… trois mille livres.

Mme BEURREFONDU.

Major, vous êtes séduiseur ; mais c’est pas quand on a z’été plantée là par son ravisseur, qui a z’emporté z’avec lui une fille charmante qu’il m’a ravite à l’âge de trois mois, et que depuis dix-huit ans je n’ai plus entendu parler d’eusse, qu’on redonne dans la rocambolle.

RAFLAFLA.

Et que si vous vouliez seulement z’entendre le chant d’amour du Soleil et de Cydalise, que j’ai composé noqueturnement pour vous ?…

Mme BEURREFONDU, voyant revenir Mme Madou.

Vous allez m’ternir, major ; on nous écoute.

RAFLAFLA, inquiet, à part.

Serait-ce z’une défaite, et n’aurait-elle pas un magot de trois mille ?

Mme MADOU, à la chalanle qui s’en va.

Voyez donc madame pincée, avec son nez maquillé ! Va donc te coucher, vieille poupée, t’as pas d’ quoi payer !…

RAFLAFLA, à part.

Ô Cupidon ! sur laquelle jeter le grappin de mon cœur ?

Mme MADOU, à part.

Ah ! si le major connaissait l’objet de ma tendresse, il serait furieux !… Cachons bien ma toquade pour le jeune Croûte-au-Pot.

Mme BEURREFONDU, à part.

Dissimulons ma flamme pour ce jeune gargotier… Le major est jaloux, il pourrait le détériorer !…

RAFLAFLA, à lui-même.
Cette hésitation incohérente z’est intempestive ; il y a quelqu’ anguille sous roche. Allons donner la leçon z’à mes tapins, et revenons mystérieusement. (Il s’éloigne par le fond, à gauche.)

Scène IV.

Mme MADOU, Mme BEURREFONDU, dans leurs étals. CROÛTE-AU-POT, en marmiton, avec un panier, entre de droite.
CROÛTE-AU-POT, entrant.[5]
PREMIER COUPLET.
––––––––––Ma Ciboulette,
––––––––––Que l’amour guette,
––––––––Ah ! viens en cachette
––––––––Écouter ma voix tendre,
––––––––Qui seul’pourra t’apprendre,
–––––––––Loin de tout jaloux,
–––––––––Ce secret si doux !
––––––Combien mon cœur, rempli d’émoi,
––––––Bat près de toi, de toi, de toi !
DEUXIÈME COUPLET.
––––––––––Ma Ciboulette,
––––––––––Ma Ciboulette,
––––––––Combien je regrette
––––––––De ne pouvoir te dire,
––––––––Dans mon cruel martyre,
–––––––––Mes affreux tourments
–––––––––De tous les instants !
––––––Combien mon cœur, rempli d’émoi,
––––––Bat près de toi, de toi, de toi !
Mme MADOU, qui a aperçu Croûte-au-Pot, à part.

C’est lui ! ô mon cœur !

Mme BEURREFONDU, de même.

Croûte-au-Pot ! oh ! j’ai des fourmis dans les mollets !…

CROÛTE-AU-POT, à lui-même.

J’ai laissé mon gâte-sauce à la broche et mon mitron dans la friture… Ô amour ! tu me fais négliger mes ragoûts !… Mais Ciboulette est si jolie !…

Mme MADOU, faisant une gracieuse révérence.

Vot’ servante, jeune homme.

Mme BEURREFONDU, de même.

Bien la vôtre, monsieur Croûte-au-Pot.

CROÛTE-AU-POT, distrait.

Bonjour, mesdames, bonjour ! (À part.) Pas encore arrivée, à neuf heures… Ah ! Ciboulette, vous mettez mon cœur à une sauce bien piquante !

Mme MADOU, arrangeant ses jupons, à part.

Arrangeons mon casaquin.

Mme BEURREFONDU, très-aimable.

Qu’est-ce qu’il vous faut à ce matin, jeune homme ?

CROÛTE-AU-POT.

Rien, mame Beurrefondu, toutes mes provisions sont faites.

Mme MADOU.

Il n’y a rien dans votre panier ; voulez-vous des navets frais comme la rosée ?

CROÛTE-AU-POT.
Je n’en ai pas besoin.
Mme BEURREFONDU.

J’ai des poireaux superbes à deux sous le tas.

CROÛTE-AU-POT.

Il ne m’en faut pas.

Mme MADOU.

Prenez les miens, mon amour, je vous les donne pour un sou. (Elle lui en met une botte dans son panier.)

CROÛTE-AU-POT.

Mais puisque je n’en veux pas !

Mme BEURREFONDU.

J’vous donne mon ail, à l’œil, mon ange ! (Elle lui en fourre une botte dans son panier.)

CROÛTE-AU-POT, impatienté.

Mais, sapristi ! mame Beurrefondu, voulez-vous reprendre votre ail et vos poireaux ?

Mme BEURREFONDU, avec passion.

Appelle-moi Cydalise l (À part.) Je me déclare, tant pis !

Mme MADOU, à part.

Il saura tout. (Bas, l’attirant à elle.) Ah ! jeune homme, si tu savais ! si tu savais ! (Avec passion.) Appelle-moi Chloé !

CROÛTE-AU-POT, à part.

Qu’est-ce qu’elles ont donc, ces deux vieilles toquées ?

Mme BEURREFONDU, bas.

À toi, tous mes choux ! (Elle lui en met dans son panier.)

Mme MADOU, bas.

À toi, toutes mes carottes ! (Elle lui en fourre dans son panier.)

Mme BEURBEFONDU, bas.

Accepte mes navets, et je te louerai une petite maison. (Elle lui en fourre dans son panier.)

Mme MADOU, bas.

Reçois mes artichauts, et je te donne une chaise à porteur… je te ferai faire mon portrait à l’huile… avec deux laquais… (Elle fourre des artichauts dans son panier.)

CROÛTE-AU-POT, se dégageant et remontant un peu.

Mais, sacrebleu ! à la fin !

Mme BEURREFONDU, à madame Madou.

Ah ça ! (Elles se trouvent nez à nez.) Quand aurez-vous fini de m’enlever ma pratique, vous ?

Mme MADOU.

C’est vous qui m’enlevez la mienne, madame !

Mme BEURREFONDU.
C’est vous, madame !
Mme MADOU.

Il est à moi, nous verrons bien si vous l’avez !

UN CHALAND, à l’étal de madame Madou.

À la boutique !

Mme MADOU, remontant.

Voilà, mon amour, voilà !

Mme BEURREFONDU.

C’est z’une infamie ! ce jeune homme fait partie de ma clientèle… Viens, mon petit bonhomme, viens dans ma hotte… (Elle l’emporte et va le déposer dans une hotte qui est près de son étal, dans la coulisse.) Reste là, mon bonhomme, et fais un somme.

CROÛTE-AU-POT, plié en deux.

Au secours ! je me disloque !…

Mme BEURREFONDU, à madame Madou.

Venez donc le chercher, vot’ gargotier ! il est dans l’ panier.

Mme MADOU.

Si ça m’fait plaisir, on ne vous craint pas, mame l’Embarras.

MMme BEURREFONDU.

Ni vous non plus !… mame la Vertu.


Scène V.

Les Mêmes, RAFLAFLA, par la gauche.
RAFLAFLA, qui a entendu la querelle, à part.

J’enlève le petit drôle et je le mets sous cléfe. (Il passe les bras dans les courroies de la hotte.)

Mme MADOU.

Je défendrai mes chalands !

Mme BEURREFONDU.

Je défendrai les miens !

CROÛTE-AU-POT, gigottant.

Arrêtez !… arrêtez !… (Raflafla, la hotte sur le dos, sort par la gauche.)


Scène VI.

Mme BEURREFONDU, Mme MADOU, puis[6] Mlle POIRETAPÉE.
Mme BEURREFONDU.
Voyez-vous ce vieux ragoût, avec son nez de hibou ! vous êtes une rien du tout !
Mme MADOU.

Et vous, madame Couperose, une pas grand’chose ; si je ne me retenais, mon minet, je te donnerais du balai !

Mme BEURREFONDU.

Prenez donc garde ! l’amadou s’enflamme ! la v’là qui se pâme !

Mme MADOU.

Si je n’étais pas une femme comme il faut, j’vous ficherais mon poing sur la gueule, bégueule !

Mme POIRETAPÉE, dans la coulisse à gauche.

À trois sous les poires d’Angleterre, à trois sous !

Mme BEURREFONDU.

Eh bien ! viens-y donc ! beau trognon ! Et allons donc ! voilà de quoi faire du bouillon ! (Elle prend un chou et veut le lui jeter à la tête.)

Mme MADOU, prenant une botte de carottes.

Tiens ! tiens ! v’ là pour te bassiner l’œil, ça l’ mettra en deuil. (Elle va le lui jeter à la tête.)

POIRETAPÉE[7], entrant par le fond avec son éventaire. Elle voit la bataille.

Qu’est-ce que c’est ? une peignée ! Ah ! mesdames ! mesdames ! vous déshonorez le carreau de la halle ! (Elle les sépare.)

Mme BEURREFONDU.

Mademoiselle Poiretapée, c’est elle qui m’enlève ma clientèle !

Mme MADOU.

C’est pas vrai, c’est elle qui m’enlève le jeune Croûte-au-Pot.

POIRETAPÉE, à part.

Croûte-au-Pot ! pour qui j’ai un béguin. (Haut.) Se battre pour un homme, et un jeune homme encore ! Ah ! fi ! mesdames ! vous êtes deux dévergondées.

Mme BEURREFONDU.

Tiens ! voyez donc c’te mijaurée qui fait sa sucrée !

Mme MADOU.

En v’là une sainte-ni-touche avec sa bouche en cœur ! Voyez vous c’t’horreur, qu’est laide à faire peur !

POIRETAPÉE.

Mesdames, j’ai été rosière de Nanterre, et je ne me commets pas avec des gourgandines. Adieu !

Mme BEURREFONDU, lui jetant ses légumes à la tête..
Des gourgandines ! Tiens ! emporte ça avec toi, beau minois !
POIRETAPÉE, criant.

À la garde ! à la garde !

Mme MADOU, lui en jetant aussi.

Et va te faire coiffer, mal peignée !

POIRETAPÉE, criant.

À la garde ! à la garde ! au commissaire !… (Elles se battent, et l’éventaire de Poiretapée tombe avec toute la marchandise.)


Scène VII.

Les Mêmes, LE COMMISSAIRE, Soldats, CIBOULETTE et Chalands.[8]
CIBOULETTE.
––––––Quel est ce vacarme infernal ?
LE COMMISSAIRE.
––––––Qu’on paraisse à mon tribunal !
LES TROIS FEMMES ENSEMBLE.
––––––C’est moi, monsieur le commissaire,
––––––Qu’on insulte.
LE COMMISSAIRE.
––––––Qu’on insulte. Il faut se taire.
Mme MADOU, le tirant à elle.
––––––Écoutez-moi, mon commissaire.
LE COMMISSAIRE.
––––––––––––Paix !… Paix !…
Mme BEURREFONDU, le tirant à elle.
––––––N’écoutez-pas cette mégère !
LE COMMISSAIRE.
––––––––––––Paix !… paix !…
Mme POIRETAPÉE, le tirant à elle.
––––––Vengez-moi, mon commissaire.
LE COMMISSAIRE.
––––––––––––Paix !… paix !…
LES TROIS FEMMES, le tirant chacune de son côté, chacune leur tour.
–––––––Je vais vous conter l’affaire.
LE COMMISSAIRE.
––––––––––––Paix ! paix !
(Il tombe dans le baquet qui se trouve à gauche.)
CIBOULETTE.
––––––Grand Dieu ! quel accident !
LE COMMISSAIRE.
––––––Au secours !
Mme BEURREFONDU et MADOU.
––––––Au secours ! Ah ! quel événement !
POIRETAPÉE.
––––––Quel triste événement !

(Les Soldats retirent le Commissaire du baquet.)

LES TROIS FEMMES.
––––––Excusez-nous !
LE COMMISSAIRE.
––––––Excusez-nous ! Pour leur peine,
––––––Au poste qu’on les entraîne !
LES TROIS FEMMES.[9]
––––––––Au poste !
LE COMMISSAIRE.
––––––––Au poste ! À l’instant !
ENSEMBLE.
LE COMMISSAIRE.
Redoutez la colère
De votre commissaire
Vous payerez chèrement
Cet horrible accident.
LES TROIS FEMMES et CIBOULETTE.
Calmez votre colère,
Monsieur le commissaire,
Et soyez indulgent,
Pour ce p’tit accident.

(On entraîne les trois femmes, qui se débattent ; au moment de sortir, Poiretapée donne un croc-en-jambe au Soldat, qui se laisse choir ; tout le monde sort par la gauche, sauf Ciboulette.)


Scène VIII.

CIBOULETTE, seule.
RÉCITATIF.
–––––––Quel bruit et quel tapage !
––––––––Mais cet événement
––Ne doit pas m’empêcher de me mettre à l’ouvrage,
–––––––Il est tard, et c’est le moment
–––––––Où va venir le chaland
––––––––––De toute part,
–––––––––––––Car :
AIR.
––––––Je suis la petite fruitière
––––––Que jalousent tous les marchands ;
––––––Ma boutique est cell’ qu’on préfère
––––––Dans le marché des Innocents.
––––––Je vois accourir à la ronde,
––––––De tous les quartiers de Paris,
––––––Des bourgeois et des gens du monde
––––––Qui viennent admirer tous mes fruits.
––––––Par-ci, par-là, chacun m’adresse
––––––En passant, quelque compliment,
––––––Auquel aussitôt je m’empresse
––––––De répondre bien poliment :
––––––Je suis la petite fruitière
––––––Que jalousent tous les marchands ;
––––––Ma boutique est cell’ qu’on préfère
––––––Dans le marché des Innocents.
––––––Je compte dans ma clientèle
––––––Des abbés coquettement mis,
––––––Et plus d’un coureur de ruelle,
––––––Des financiers et des marquis !
––––––Un seigneur que l’amour entraîne,
––––––Me dit-il : « — De grâce, aime-moi !
––––––— Moi ? je me ris de votre peine !
––––––— Toute ma fortune est à toi !
––––––— Monseigneur, cessez ce langage.
––––––Pour un mari je garde mon cœur ;
––––––Car je suis une fille sage,
––––––Et des plus sages, monseigneur !
––––––Allez porter à vos duchesses
––––––— Vos hommag’s. — Cède à mon ardeur.
––––––— Ell’répondront a vos tendresses…..
––––––— Quoi ! tu refuserais mon cœur ?..
––––––— Je suis la petite fruitière, etc. »

Scène IX.

CIBOULETTE, RAFLAFLA, entrant par la gauche.
RAFLAFLA, à lui-même.[10]

Il s’est z’échappé, le gringalet !

CIBOULETTE.

Qui cherchez-vous donc, major ?

RAFLAFLA.

Qui je cherche, la belle ? C’est ce grain de sel qui m’enlève le cœur de toutes les dames de la halle.

CIBOULETTE.

Je ne sais ce que vous voulez dire, major.

RAFLAFLA.

Il s’est réfugié par ici ; et que si je le rencontre, je le coupe par morceaux, ce marmiton du diable !

CIBOULETTE.

C’est de monsieur Croûte-au-Pot que vous parlez ?

RAFLAFLA.

Tout juste, la belle enfant. Est-ce qu’il vous ferait la cour aussi ?

CIBOULETTE.

Oh ! major !

RAFLAFLA, à part.

Et que chaque fois que je la rencontre, j’aurais envie de l’embrasser… finalement. (Il lui prend la taille.)

CIBOULETTE.[11]

Finissez, ou je me fâche !… (À part.) Il n’est pas jeune, pas beau, mais c’est égal, quand je le vois, mon cœur fait tic tac !

RAFLAFLA, à part.

Elle est gentille, cette petite fleur ! et près d’elle mon cœur bat la générale !… Et que si l’on voulait s’en donner la peine, on la subejuguerait comme toutes les autres… Mais pas de bêtises… songeons au solide.

CIBOULETTE.

Adieu, major, je vais à mon étal.

RAFLAFLA.

Mes hommages à la beauté !

CIBOULETTE, à part.

Allons chercher Croûte-au-Pot. (Elle sort par la gauche.)


Scène X.

RAFLAFLA, POIRETAPÉE.[12]
RAFLAFLA, voyant entrer Poiretapée.
Le solide, le voilà !
POIRETAPÉE, entrant de droite.

On m’a relâchée… La Beurrefondu et la Madou iront aux galères, c’est arrangé… J’ai donné dans l’œil au commissaire, qui a z’évu une toquade pour moi et qui m’a payé un petit verre… Je suis toute guillerette ! toute folichonnette ! (Elle tourne sur elle-même.) V’là la petite marchande !

RAFLAFLA, à part.

Attention !

POIRETAPÉE, voyant Raflafla, à part.

Encore le tambour-major !… depuis quelques jours il rôde souvent autour de ma personne…. (Le regardant.) C’est drôle !… (Haut.) Dites donc, major, est-ce que vous n’avez pas habité Vaugirard ?

RAFLAFLA, surpris.

Hein !… jamais… (À part.) Diable !

POIRETAPÉE, à part.

Cet animal me rappelle… Ô mes souvenirs ! mes souvenirs !…

RAFLAFLA, à part.

Elle n’est pas de première ni de seconde jeunesse… mais quand la fortune z’y est… Allons-y et carrément !… (Haut.) Je profite, belle Poiretapée, de l’occasion z’imminente qui se présente inopinément de vous expliquer instantanément la flamme dont je consume sur toute la ligne pour vous, qu’on croirait z’encore à la fleur des ans !…

POIRETAPÉE.

Major, ne me parlez plus de ça. Vous êtes bel homme, c’est vrai, malgré votre balafre…

RAFLAFLA.

Un peu détérioré par la découpure qui m’a z’enlevé de mes charmes…

POIRETAPÉE.

Et susceptible encore de faire le bonheur du sesque timide et tendre…

RAFLAFLA.

Que je le présuppose agréablement, attendu que j’ai formé le vœu solennel de partager z’avec vous mon bonheur et votre magot de…. quatre mille livres, ainsi que d’unir indestructiblement nos destinées…

POIRETAPÉE.
Oh ! major, vous me faites rougir !
RAFLAFLA.

Et que je m’en vais vous roucouler la complainte de mon cœur, le Soleil et Célimène, que j’ai composée pour vous noqueturnement.

POIRETAPÉE, vivement.

Une complainte pour moi ?…

RAFLAFLA, à part.

La voilà placée !… (Haut.)

PREMIER COUPLET.
–––––––––Vous êtes la lune
––––––Qui brille dans mon firmament :
–––––––––Vous êtes la lune
––––––Dans son vaporeux vêtement.
–––––––––Mais quelle infortune !
–––––––––Une ombre trop souvent,
–––––––––Toujours importune,
––––––Vous cache en m’empêchant.
–––––––––D’admirer la lune
–––––––––Au plus beau moment !
DEUXIÈME COUPLET.[13]
–––––––––Ah ! si de la lune
––––––Je pouvais être le soleil,
–––––––––J’aimerais la lune
––––––Brillante d’un éclat vermeil.
–––––––––Le soir, à la brune,
–––––––––Ô bonheur sans pareil !
–––––––––Sans ombre importune,
–––––––––Dans un simple appareil,
–––––––––On verrait la lune
–––––––––Épouser le soleil !

Êtes-vous contente, ô Célimène ?

POIRETAPÉE.

Certainement, major ; le soleil pourrait épouser la lune, ce serait très-joli, et ce mariage-là me ferait plaisir à voir ; mais je dois vous prévenir que si mes charmes sont à leur apogée ma fortune est à son déclin…

RAFLAFLA, à part.

Diantre !

POIRETAPÉE.

Et puis, j’ai juré de mourir rosière, et je ne puis donc participer à votre amour, ni rien partager avec vous.

RAFLAFLA.

Pour lors, je retourne z’au quartier.

POIRETAPÉE, faisant la révérence.

Rosière ! (À part.) Je lui colle une colle : je ne mourrai pas rosière, mais je serai fidèle à mon béguin ! (Haut.) Payez-vous quelque chose, major, malgré mes rigueurs ?

RAFLAFLA.

Je vous offre un verre de riquiqui, chez le liquorisse. Le Français z’est généreux et galant. (À part.) Je la lâcherai z’en l’Oute. (Ils sortent par la gauche, bras dessus, bras dessous, en fredonnant : Vous êtes la lune, etc.)


Scène XI.

CIBOULETTE au bras de CROÛTE-AU-P0T.

(Ils entrent de droite.)

CROÛTE-AU-POT.[14]

Ce vilain major m’avait fourré au violon ; mais je me suis en sauvé par la fenêtre… Je craignais que vous ne vinssassiez pas ce matin, chère Ciboulette !

CIBOULETTE.

Je vas vous dire, c’est que je me suis fait dire la bonne aventure sur le Pont-Neuf, et on m’a dit que j’épouserais un jeune serin.

CROÛTE-AU-POT.

Ô bonheur ! le jeune serin, c’est moi qui vous adore !

CIBOULETTE.

C’est-y bien vrai, ça ?

CROÛTE-AU-POT.

Ah ! Ciboulette !

DUO.
CROÛTE-AU-POT.
––––Oui, mon bonheur, le bonheur que je rêve,
––––Ô Ciboulette ! est d’être votre époux !
CIBOULETTE.
––––Si c’est un rêve, ah ! bientôt qu’il s’achève,
––––Et le réveil nous sera des plus doux !
CROÛTE-AU-POT.
––––Espoir charmant, dont mon âme est ravie !
CIBOULETTE.
––––Cette union embellira ma vie !
CROÛTE-AU-POT.
––––Ah ! que mon sort va faire de jaloux !
CIBOULETTE.
––––––––Ah ! que mon sort est doux !
CROÛTE-AU-POT.
–––––––À ce charmant mariage
–––––––Le plaisir présidera.
–––––––Quel bruit, quel chant, quel tapage !
–––––––Vraiment, je m’y vois déjà.
––––––––––Nous rirons bien (bis) !
––––––Ah ! quel bonheur sera le mien !
ENSEMBLE.
––––––––––Heureux présage !
––––––––––Notre ménage
––––––––––Du dieu d’amour
––––––––––S’ra le séjour !
CIBOULETTE.
–––––––––Idole de ma vie,
–––––––––Crois bien que ton amie
–––––––––Te chérira sans cé…
–––––––––––Sans cé… cé…
–––––––––––Sans cé… cé…
–––––––––Sans cérémonie !
ENSEMBLE.[15]
––––––––––Heureux présage ! etc.
CROÛTE-AU-POT.
–––––––––Et cet heureux lien,
–––––––––Tous les ans pourra bien
–––––––––Voir naître un p’tit ci…
–––––––––––Un ci… ci…
–––––––––––Un ci… ci…
–––––––––Un petit citoyen !
–––––––N’est-ce pas qu’ ce s’ra gentil,
––––––––Et que tout ira bien ?
CIBOULETTE.
––––––––Oh ! oui, ça s’ra gentil,
––––––––Ici tout ira bien !
CROÛTE-AU-POT.
–––––––––––C’est charmant !
CIBOULETTE.
–––––––––––C’est charmant !
ENSEMBLE.
––––––––––Heureux présage ! etc.

(À la fin du duo, il l’embrasse.)


Scène XII.

Les Mêmes, Mme BEURREFONDU.
Mme BEURREFONDU, entre de gauche.[16]

J’ai fait la conquête du caporal, qui m’a mise à la porte ; la Poiretapée sera condamnée z’a mort ! (voyant Croûte-au-Pot embrasser Ciboulette.) Oh ! escandale ! qu’ai-je vu ?…

CROÛTE-AU-POT, la voyant, à part.

Madame Beurrefondu ! filons ! (Haut à Ciboulette.) Je reviens au galop. (Il sort par la gauche, en courant.)

Mme BEURREFONDU.
C’est du propre ! en v’là des mœurs !…
CIBOULETTE.

Eh bien ! après tout, où est le mal ? On peut bien s’ laisser embrasser par son futur.

Mme BEURREFONDU.

Son futur ?… Jamais je ne permettrai que vous épousassiez ce jeune homme.

CIBOULETTE.

Nous n’attendons que le consentement de mes parents pour nous marier ; ça sera peut-être difficile, vu que j’suis orpheline de naissance.

Mme BEURREFONDU.

Eh bien ! qu’on vienne me consulter, j’en dirai de belles ! Une jeunesse qui se laisse embrasser par des jeunes gens sur le carreau de la halle !…

CIBOULETTE.

Je ne crains rien ; et si je retrouvais seulement mon père, qu’était sergent de grenadiers…

Mme BEURREFONDU.

Comment ! votre père était sergent ?…

CIBOULETTE.

Et qui m’a laissée en plan pour les mois de nourrice qu’il n’a pas payés, en partant pour l’autre monde, après m’avoir fait ses adieux…

Mme BEURREFONDU, très-émue jusqu’à la fin de la scène.

Quel soupçon !… (A Ciboulette.) Quel est ton âge ?

CIBOULETTE.

Dix-huit ans, aux haricots verts prochains.

Mme BEURREFONDU.

Ton sesque ?

CIBOULETTE.

Féminin.

Mme BEURREFONDU.

Et t’es native ?

CIBOULETTE.

De Vaugirard !

Mme BEURREFONDU.

Ah ! un canapé ! une bergère ! je m’affaisse ! (Elle tombe dans le baquet placé à droite.)

CIBOULETTE, effrayée.

Dieu ! au secours !

Mme BEURREFONDU.
Je bois un coup… sauvez-moi !

Scène XIII.

Les Mêmes, POIRETAPÉE.
POIRETAPÉE, venant de gauche.

Retirons là des flots. (Elle la retire du baquet.)[17]

BEURREFONDU, ruisselant, très-émue.

Je suis t’une éponge !… (Ton de mélodrame.) Ah ! la Poire… (Elle lui frappe sur la poitrine.)

POIRETAPÉE.

Tapez pas là !

BEURREFONDU.

Si vous saviez !… un sergent !… ma fille !…

POIRETAPÉE, au public.

Un sergent est sa fille !

BEURREFONDU, à Ciboulette.

Jette-toi sur mon cœur de mère ; t’es ma fille !

POIRETAPÉE.

Sa fille !

CIBOULETTE.[18]

Ma mère ! (Elle se jette dans les bras de Beurrefondu.)

POIRETAPÉE.

Quelle immortalité !

BEURREFONDU.

Oui, tu es mon enfant ! Ah ! que c’est donc bon d’embrasse son enfant !… Reste épanchée sur mon sein gauche !

CIBOULETTE.

Ah ! ma mère, quel bonheur de vous rencontrer !

BEURREFONDU.

Qu’elle est jolie ! c’est tout mon portrait !

POIRETAPÉE.

Horreur !

CIBOULEITE, à madame Beurrefondu.

Mais par quel hasard… comment se fait-il ?

BEURREFONDU.

C’est z’une targédie de monsieur Molière ; c’est z’un roman de monsieur de Corneille. Je te conterai ça une autre fois. Je cours chercher ton amoureux, que je te ramène pour vous bénir. (À Poiretapée.)[19] Si on vient me demander, tu diras que je suis à me sécher chez le marchand de vin. Ah ! que c’est donc bon de retrouver son enfant ! (Elle sort par la gauche.)

CIBOULETTE.

Et moi, je vais apprendre ça à ma portière, qui m’a servi de seconde mère. Ah ! que c’est donc bon d’être la fille de quelqu’un ! (Elle sort à droite.)


Scène XIV.

Mlle POlRETAPÉE, puis Mme MADOU.


POIRETAPÉE, seule, parcourant la scène à grands pas.[20]

C’est affreux ! affreux ! Une mère marâtre qui abandonne son enfant ! Je m’en vas conter ça à toute la halle !…

Mme MADOU, à la cantonade.

Libre ! libre !… (Entrant par la droite.) La sentinelle m’a fait un doigt de cour, je lui ai payé un petit verre, et elle m’a délivrée…

POIRETAPÉE.

Vous ne savez pas tout le tapage, tout le bruit, toute la musique qui se fait ici ?

Mme MADOU.

Puisque je sors du violon !

POIRETAPÉE.

Ah ! il se passe des choses ! des choses !… c’est une horreur à faire frissonner !…

Mme MADOU.

Qu’est-ce qu’il y a donc ?

POIRETAPÉE, débitant tout d’une haleine.

Il y a que tous les sergents sont des monstres !…

Mme MADOU.
À qui le dites-vous ?
POIRETAPÉE.

Et que la Beurrefondu a fait une faute, qu’elle a manqué à tous ses devoirs de femme et de mère ; c’est à faire pleurer la fontaine des Innocents. Je n’lui parle plusse. Elle a un enfant qu’on présuppose sa fille, belle comme le jour, qu’a dix-huit ans, abandonnée par sa famille en pleurs, en pays étranger, qu’on a retrouvée dans les carrières de Montmartre, cachée dans un bonnet à poil qui l’avait enlevée de chez sa nourrice, qu’a été condamnée aux travaux forcés pendant quinze ans… C’est un sergent qui l’a gardée neuf mois dans son sein, en mil sept cent soixante-neuf… l’année de la comète… l’année de la comète !…

Mme MAD0U, avec la plus vive émotion.

Un sergent !… Montmartre !… bonnet à poil !… l’année de la comète !…

POIRETAPÉE.

Et cette victime…

Mme MADOU.

C’est ?

POIRETAPÉE.

Ci…

Mme MADOU.

Ci…

POIRETAPÉE.

Boul…

Mme MADOU.

Boul…

POIRETAPÉE.

Lette !…

Mme MADOU.

Lette !… Ciboulette !…

POIRETAPÉE.

Qu’a z’été volée en nourrice !…

Mme MADOU.

Je m’évanouis !… (Elle tombe dans le baquet que à droite.)

POIRETAPÉE, agitant son mouchoir.
Dieu !… elle se submerge !… Au secours !…

Scène XV.

Les Mêmes, RAFLAFLA, puis CIBOULETTE. (Ils entrent de gauche.)
RAFLAFLA.[21]

Retirons-la des flots !… (À part.) Je demanderai la médaille !…

Mme MADOU.

Bien obligée, major ! J’viens d’attraper un rhume de cerveau… (Elle éternue.)

RAFLAFLA.

Quelle est la cause de cette immersion subite et imprévue, belle Madou ?

Mme MADOU.

Vous ne savez pas ?… (Elle éternue.) Ciboulette… (Elle éternue.) n’est pas l’enfant…. (Elle éternue.) de la Beurrefondu !… (Elle éternue.)

RAFLAFLA.

La Beurrefondu était donc sa mère ?

POIRETAPÉE.

De qui donc qu’elle est la fille ?

Mme MADOU, ton de drame jusqu’à la fin de la scène.

Vous demandez de qui elle est la fille ?

POIRETAPÉE et RAFLAFLA.

Oui.

Mme MADOU, se cachant la tête sur l’épaule de Raflafla.

C’est la mienne !

POIRETAPÉE.

Ô prodige !

RAFLAFLA.

Renouvellement de surprise !…

CIBOULETTE, venant de gauche.[22]

J’ai tout dit à ma portière ; elle est dans le ravissement !

POIRETAPÉE.
Tout est changé ; la Beurrefondu n’est plus ta mère !
CIBOULETTE.

Comment ?

POIRETAPEE.

Celle qui t’a portée dans ses entrailles…

CIBOULETTE.

Eh bien !

POIRETAPÉE, lui montrant Mme Madou et la poussant dans ses bras,

La voilà !

CIBOULETTE.

Est-il possible ?…

Mme MADOU.

Jette-toi sur mon sein droit ! tu es ma fille !… (Ciboulette se jette dans les bras de Mme Madou.) Qu’elle est belle ! c’est tout mon portrait !… Ah ! que c’est donc bon de retrouver son enfant !…

POIRETAPÉE.

Quelle scène émouvante ! quelle scène émouvante !…

RAFLAFLA,

Mon plumet z’en frémit !…


Scène XVI.

RAFLAFLA, CIBOULETTE, POIRETAPÉE, Mme MADOU, Mme BEURREFONDU, amenant CROÛTE-AU-POT, puis LE COMMISSAIRE.
CROÛTE-AU-POT, entrant de gauche.[23]

Ah ! Ciboulette ! quelle joie ! Que viens-je d’apprendre ?…

Mme BEURREFONDU.

Ma fille, v’là ton futur, que j’ai z’arraché du gril !…

Mme MADOU.

Sa fille !…

TOUS.

Elle n’est plus votre fille !

Mme BEURREFONDU.

Elle n’est plus ma fille ?

POIRETAPÉE.

C’est l’enfant de la Madou.

CROÛTE-AU-POT.

Quel est cet escamotage ?

Mme BEURREFONDU.

On veut me voler mon enfant !…

LE COMMISSAIRE, entrant.[24]

Voler un enfant ! Qu’est-ce qui parle de voler un enfant ?

Mme BEURREFONDU, secouant le Commissaire.

Monsieur le commissaire, elle veut me ravir ma fille !

LE COMMISSAIRE.

Ravir une fille !

Mme MADOU, secouant le Commissaire.

Monsieur le commissaire, elle veut me ravir mon enfant !

LE COMMISSAIRE.

Ravir une enfant à sa mère !

Mme BEURREFONDU.[25]

Viens, ma fille, te réfugier dans mon giron !…

Mme MADOU.

Viens, mon enfant, t’abriter sous mon aile !… (Elle la tire à elle.)

POIRETAPÉE.

Quel drame ! quel drame !…

CIBOULETTE.

Mon Dieu ! quel embarras !…

RAFLAFLA.

Voilà qu’elle a deux mères z’à présent !…

CIBOULETTE.

Que faire, monsieur le commissaire ?

Mme MADOU.

Que faire ?

LE COMMISSAIRE.

Que faire ?… Donnez-moi d’abord une chaise, que je réfléChisse !… (Le Commissaire s’asied au milieu ; tout le monde l’entoure.)[26]

SEPTUOR BURLESQUE.
Mme MADOU.
–––––––Je défendrai mon enfant !
Mme BEURREFONDU.
–––––––Je défendrai mon enfant !
POIRETAPÉE et CROÛTE-AU-POT.
–––––––Ell’s s’arrachent leur enfant !
CIBOULETTE.
–––––––De qui donc suis-je l’enfant ?
CROÛTE-AU-POT.
–––––––De qui donc es-tu l’enfant ?
Mme BEURREFONDU.
–––––––L’enfant que j’ai dans mon flanc…[27]
Mme MADOU.
–––––––L’enfant que j’ai dans mon flanc…
Mme BEURREFONDU.
–––––––Nourri de mon propre sang…
Mme MADOU.
–––––––Nourri de mon propre sang…
Mme BEURREFONDU.
–––––––Comme le grand pélican blanc !
Mme MADOU, LE COMMISSAIRE, POIRETAPÉE, RAFLAFLA.
–––––––Comme le grand pélican blanc ![28]
ENSEMBLE.
CIBOULETTE.
––––––––Hélas ! comment donc faire
––––––––Pour retrouver ma mère ?
CROÛTE-AU-POT.
––––––––Hélas ! comment donc faire
––––––––Pour retrouver sa mère ?
RAFLAFLA et LE COMMISSAIRE.
––––––––Ran tan plan, ran tan plan,
––––––––Ran plan, ran plan, ran plan !
Mme BEURREFONDU.
––––––––Mon âme se déchire ![29]
Mme MADOU.
––––––––Ah ! quel cruel martyre !
POIRETAPÉE, RAFLAFLA, LE COMMISSAIRE.
––––––––Ran tan plan, ran tan plan,
––––––––Ran tan plan, plan, plan, plan !
Mme BEURREFONDU, avec charge.
––––––––Allons, fille coupable,
Mme MADOU.
––––––––Allons, fille coupable,
RAFLAFLA et LE COMMISSAIRE.
––––––––Quelle mère choisis-tu ?
POIRETAPÉE.
––––––––Quelle mère choisis-tu ?
CIBOULETTE.
–––––––––––Ô nature !
––––––––J’admire tes travaux !
––––––––Tu donn’s la nourriture
––––––––Aux plus petits oiseaux !
––––––––Un’mère et la pâture
––––––––À tous les animaux !
Mme BEURREFONDU.
––––––––Je r’noncerais à la vie
––––––––Plutôt qu’à mon enfant !…
Mme MADOU.
–––––––On m’arracherait la vie,
––––––––Plutôt que mon enfant !…
––––––––Mon âme se déchire !
Mme BEURREFONDU.
––––––––Ah ! quel cruel martyre ![30]
POIRETAPÉE, Mme BEURREFONDU, Mme MADOU.[31]
ENSEMBLE.
––––––––Je r’noncerais
––––––––Ell’s r’nonceraient
à la vie
––––––––Plutôt qu’à
mon
leur
enfant !
CROÛTE-AU-POT et CIBOULETTE.
REPRISE.
––––––––Hélas ! comment donc faire, etc.
TOUT LE MONDE, deux fois.
––––––––Dis-nous, fille coupable,
––––––––En ce jour mémorable,
––––––––Quelle mère choisis-tu ?
CIBOULETTE.
––––––––Le secret redoutable
––––––––D’ ma naissance coupable
––––––––M’est encore inconnu !
ENSEMBLE GÉNÉRAL.
–––––––––––Ô nature !
––––––––J’admire tes travaux !
––––––––Tu donn’s la nourriture
––––––––Aux plus petits oiseaux !
––––––––Un’mère et la pâture
––––––––À tous les animaux ![32]
RAFLAFLA.

Il faut pourtant savoir laquelle de vous deusses est sa mère !

TOUS.

Que faire ?…

RAFLAFLA, au Commissaire.

On me peut pas la couper z’en trois !

LE COMMISSAIRE.

Ô Salomon ! inspire-moi.

Mme MADOU.

Salomon n’est pas nécessaire. (À Ciboulette) (Ton de drame.) As-tu la croix de ta mère ?

Mme BEURREFONDU.
Tu dois avoir la croix de ta mère ?…
POIRETAPÉE.

A-t-elle la croix de sa mère ?

RAFLAFLA.

Elle doit avoir la croix de sa mère !

CROÛTE-AU-POT.

Comment ! la croix de sa mère ?

LE COMMISSAIRE, voix grave.

Montre la croix de ta mère !

CIBOULETTE.

Je n’ai pas la croix de ma mère.

TOUS.

Horreur !

CIBOULETTE.

Mais j’ai peut-être un moyen.

TOUS, mystérieusement.

Elle a un moyen ?…

LE COMMISSAIRE, voix grave,

Elle a un moyen ?…

TOUS.

Lequel ?…

CIBOULETTE.

Une lettre que j’ai reçue de mon père quand j’étais en nourrice.

Mme MADOU.

Une lettre !

TOUS, dramatiquement.

Merci, mon Dieu !

RAFLAFLA.

Cette missive, où est-elle ?…

BEURREFONDU.

Va la chercher.

CIBOULETTE.

Je la porte sur moi depuis l’âge de trois mois. (Elle tire une lettre de son sein.)

POIRETAPÉE.

Voilà une enfant soigneuse !

RAFLAFLA.

Il faut la communiquer z’à l’autorité.

CIBOULETTE.

Monsieur le commissaire, voulez-vous nous la lire. (Elle lui donne la lettre.)

LE COMMISSAIRE, prenant la lettre.

Je n’ai pas mes lunettes ; à vous, major.

RAFLAFLA, même jeu.

Je n’ai pas ma canne ; à vous, belle Madou.

Mme MADOU, même jeu.

Comme c’est gros !… je ne sais lire qu’en fin !

CIBOULETTE, même jeu.

C’est trop fin… je ne sais lire qu’en gros.

Mme BEURREFONDU, même jeu.

Comme c’est moyen !… je ne sais lire que dans Mathieu Laensberg !

POIRETAPEE, même jeu.

Vous êtes tous d’une ignorance crasse… je ne sais pas lire du tout !

RAFLAFLA.

C’est beaucoup mieusse !…

PoIRETAPÉE, à Croûte-au-pot.

À vous, jeune gargotier, qui avez été élevé dans la graisse, vous devez avoir de l’érudition. (Elle lui remet la lettre.)

CROÛTE-AU-POT, lisant.[33]

Mâche… mâ chre… ma chère fille !

TOUS.

Sa fille !

RAFLAFLA.

Il paraît que c’est de son père !

CROÛTE-AU-POT.

« Ma chère fille, je m’expatrie pour une garnison inconnue, z’où je vais casser ma pipe… »

Mme MADOU.

Il est fumé !

CROÛTE-AU-POT, continuant.

« À ce moment sup… suprême, je te reconnais pour mon enfant… »

TOUS.

Son enfant !

CROÛTE-AU-POT, continuant.

« Porte de mes nouvelles à ta mère, Célimène Crapuzot, dont je ne sais pas l’adresse, et que tu ne connais pas encore ; ton père qui fait son paquet pour l’autre monde, avec lequel z’il est pour la vie, — Larissole, — sergent aux gardes-françaises. »

POIRETAPÉE, jetant un cri.

Ah ! (Elle tombe dans le baquet, à gauche.)[34]

RAFLAFLA.

Oh ! (Il tombe dans le baquet de droite.)

FINAL.
TOUS.
––––––––Quel prodige s’opère !
––––––––Tous deux tombent par terre !
POIRETAPÉE, tendant les bras à Ciboulette.
––––––––Ma fille ! je suis ta mère !
CIBOULETTE, courant la retirer du baquet.
––––––––––––Ma mère !
TOUS.
––––––––––––Sa mère ![35]
RAFLAFLA, tendant les bras à Ciboulette.
––––––––Ma fille !… je suis ton père !
CIBOULETTE, allant vers lui et le relevant.
––––––––––––Mon père !
TOUS.
––––––––––––Son père !
POIRETAPÉE.
––––––––––––Son père !
RAFLAFLA.
––––––––––––Sa mère !
POIRETAPÉE.
––––Sous le bonnet de ce tambour majeur,
––––Je reconnais mon lâche séducteur !
TOUS.
––––––––Il est son séducteur !
RAFLAFLA, à part.
––Ô destin, pas de chanc’ ! c’est jouer de malheur !
––Je retrouv’ la beauté qui fit battre mon cœur !
LE COMMISSAIRE.
––––––––Allons, parlez, caporal,
––––––––Expliquez-nous ce mystère infernal.
RAFLAFLA, à Poiretapée.[36]
––Le sergent Larissol, qui t’donna son amour,
––Dev’nu tambour-major, sans tambour ni trompette,
––Pour suivre la consign’, dut partir un beau jour,
––En secret, d’ Vaugirard, emportant Ciboulette.
POIRETAPÉE, à Raflafla.
–––––––––––Plus de doute,
–––––––––––C’est ton père !
TOUS.
–––––––––––Plus de doute,
–––––––––––C’est
son
ton père !
mon
POIRETAPÉE, à Ciboulette.
–––––––––––Beau tambour,
–––––––––––Je suis bonne !
–––––––––––J’te pardonne,
–––––––––––Et j’t’ redonne
–––––––––––Mon amour !
ENSEMBLE.
–––––––––––Elle est bonne !
–––––––––––Elle pardonne
–––––––––––Et lui r’donne
–––––––––––Son amour.
CROÛTE-AU-POT, à Raflafla.[37]
––––––Major, mon tourment est extrême,
––––––Accordez-moi vot’ fille que j’aime.
CIBOULETTE, à Poiretapée.
––––––Maman, mon tourment est extrême,
––––––Donnez-moi Croûte-au-pot que j’aime !
RAFLAFLA, à Poiretapée.
––––––La flamme de ces deux enfants
––––––Me rappelle notre bon temps.
––––––Toujours aussi fraîche et jolie,
––––––Je retrouve ma tendre amie ;

(À part.)

––––––Quel dégommage !…
POIRETAPÉE.
––––––Quel dégommage !… Ô beau tambour !
––––––Comme au beau temps de notre amour,
––––––Je te retrouv’ mince et fluet.

(À part.)

––––––Dieu ! qu’il est laid !
RAFLAFLA, à Croûte-au-Pot,
––––––Puisque tu l’aimes tendrement
––––––Nous te l’accordons carrément !
REPRISE DE L’ENSEMBLE.
–––––––––––Elle est bonne, etc.
RAFLAFLA.
––––––––Mais j’entends le tambour !…
––Que les jeux et les ris règnent en ce séjour !
TOUS.
––Que les jeux et les ris règnent en ce séjour !

(Il va se mettre à la tête des tambours qui entrent en scène. — Arrivée des Marchands et Marchandes de la halle. — Tous les personnages en scène exécutent une fricassée, avec accompagnement de tambours. Après le ballet.)

COUPLET FINAL.[38]
CIBOULETTE.
––––––Je retrouve un père, une mère,
––––––Et j’ vais épouser mon amant !
––––––Ra, fla, fla, fla, fla, fla, fla.
CROÛTE-AU-POT.
––––––Ell’ retrouve un père, une mère,
––––––Pour son cœur, c’est un doux moment !
––––––Ra, fla, fla, fla, fla, fla, fla.
LE COMMISSAIRE.
––––––Ah ! consolez ces commères !
Mme MADOU, Mme BEURREFONDU, POIRETAPÉE, faisant la révérence.
––––––Fait’s nous d’venir centenaires !
CIBOULETTE et CROÛTE-AU-POT.
––––––Messieurs, applaudissez tous !
––––––Pour nous c’est un bruit bien doux !
––––––Ra, fla, fla, fla, fla, fla, fla.
RAFLAFLA.
––––––Viv’ ces beautés sans égale !
––––––Viv’ les dames de la halle !
CHŒUR.
––––––Viv’ ces beautés sans égale !
––––––Viv’ les dames de la halle !



FIN.
  1. Marchande, Madou, Poiretapée, assises à leurs étals, Beurrefondu, Marchande.
  2. Marchandes, Madou, Poiretapée, Marchande, Raflafla, Marchande de plaisirs, Beurrefondu, Marchand d’habits, Commissaire.
  3. Madou, Poiretapée, Marchande, Raflafla, Marchande de plaisirs, Marchands d’habits, Beurrefondu, Marchande, Commissaire.
  4. Mme Madou, Raflafla, Mme Beurrefondu.
  5. Madou assise, Croûte-au-Pot, Beurrefondu assise.
  6. Madou, Beurrefondu.
  7. Madou, Poiretapée, Beurrefondu.
  8. Ciboulette, Madou, Poiretapée, Commissaire, Beurrefondu.
  9. Premier Soldat, Poiretapée, Madou, Beurrefondu, deuxième Soldat, Commissaire, Ciboulette.
  10. Ciboulette, Raflafla.
  11. Raflafla, Ciboulette.
  12. Raflafla, Poiretapée.
  13. Poiretapée, Raflafla.
  14. Croûte-au-Pot, Ciboulette.
  15. Ciboulette, Croûte-au-Pot.
  16. Croûte-au-Pot, Ciboulette, Beurrefondu.
  17. Ciboulette, Poiretapée, Beurrefondu.
  18. Poiretapée, Ciboulette, Beurrefondu.
  19. Poiretapée, Beurrefondu, Ciboulette.
  20. Poiretapée, Madou.
  21. Poiretapée, Madou, Raflafla.
  22. Poiretapée, Ciboulette, Madou, Raflafla.
  23. Poiretapée, Croûte-au-Pot, Beurrefondu, Ciboulette, Madou, Raflafla.
  24. Poiretapée, Croûte-au-Pot, Beurrefondu, le Commissaire, Ciboulette, Madou, Raflafla.
  25. Poiretapée, Croûte-au-Pot, Beurrefondu, Ciboulette, Madou, Raflafla, Commissaire.
  26. Poiretapée, Croute-au-Pot, Beurrefondu, Commissaire, Ciboulette, Madou, Raflafla.
  27. Croûte-au-Pot, Beurrefondu, Poiretapée, Raflafla, Madou, Ciboulette, le Commissaire au milieu.
  28. Raflafla, le Commissaire, Poiretapée, Beurrefondu, Madou, Croûte-au-Pot, Ciboulette.
  29. Raflafla, le Commissaire, Poiretapée, Beurrefondu, Madou, Croûte-au-Pot, Ciboulette.
  30. Raflafla, le Commissaire, Croûte-au-Pot, Ciboulette, Beurrefondu, Poiretapée, Madou.
  31. Beurrefondu, Poiretapée, Madou, Croûte-au-Pot, Ciboulette, Raflafla, Commissaire.
  32. Poiretapée, Croûte-au-Pot, Beurrefondu, Ciboulette, Madou, Raflafla, Commissaire.
  33. Poiretapée, Beurrefondu, Ciboulette, commissaire, Croûte-au-Pot, Madou, Raflafla.
  34. Poiretapée, Beurrefondu, Croûte-au-Pot, Ciboulette, Commissaire, Madou, Raflafla.
  35. Poiretapée, Ciboulette, Beurrefondu, le Commissaire, Madou, Croûte-au-pot, Raflafla.
  36. Croûte-au-Pot, Commissaire, Poiretapée, Ciboulette, Raflafla, Beurrefondu, Madou.
  37. Commissaire, Croûte-au-Pot, Raflafla, Ciboulette, Poiretapée, Beurrefondu, Madou.
  38. Commissaire, Marchandes, Raflafla, Croûte-au-Pot, Ciboulette, Poiretapée, Beurrefondu, Madou, Marchand d’habits.