Mœurs des diurnales/2/04

Loyson-Bridet ()
Mœurs des Diurnales : Traité de journalisme
Société du Mercure de France (p. 143-145).


DE L’ÉRUDITION


(Chapitre court)


Rien n’est plus insupportable qu’un pédant au siècle où nous sommes et pour notre optimisme bon enfant qui aime à rire de tout. Ne quid nimis. Laissons cela aux spécialistes, aux techniciens, et aux « magisters ». Il ferait beau vous voir entrer dans le salon de rédaction, la férule à la main. Sachez les noms de quelques auteurs ou artistes anciens, que tout le monde connaît, ceux des romanciers et des pontes à la mode ; ayez des lumières de tout ce qui a coutume d’être dit à un five o’clock ; suivant les feuilles auxquelles vous appartenez, défendez l’art ancien, ou les formules d’avant-garde ; et, comme le marquis de Priola, gardez la devise : Toujours prêt. Faites quelques allusions légères, en homme entendu, et non sans une négligence de bon ton :


Un académicien montrait, l’autre soir, à quelques bibliophiles surpris un petit volume de Stevenson, le romancier australien, gaîné d’une bizarre reliure de cuir rude et velouté.

(Le Figaro, 16 novembre 1902.)


À Nice, cet hiver, le mouvement artistique sera très important en ce qui concerne surtout les représentations extraordinaires et créations. Parmi ces dernières notons : l’Attaque du moulin, d’Isidore de Lara ;.. le Casino municipal, dont la transformation est des plus heureuses…, présentera Zaza, opéra-comique de d’Annunzio, etc.

(Le Journal, 16 novembre 1902.)


Type du Nord, avec sa moustache rousse, ses épaules carrées, sa mâchoire solide et proéminente, M. Beugnet se dressa implacable. Il commença à la manière de Victor Hugo :

— Mon histoire, dit-il, sera brève.

(Le Temps, octobre 1902.)


Très aimablement, M. Alfred Boucher, le maître statuaire et le fondateur de la maison, me fait faire le tour du propriétaire :

— Je sais par expérience, me dit-il, les difficultés contre lesquelles les Apelles et les Périclès en formation ont à lutter.

(Le Journal, 15 novembre 1902)[1].


Nos lecteurs y verront défiler, comme en une galerie, ces belles « Dames du Temps jadis », que Ronsard regrettait en sa ballade fameuse.

(Le Gaulois, 13 mars 1903.)


L’illustre auteur anglais Berboom Tree est arrivé hier, tout exprès, pour assister à la représentation et repart ce matin après avoir eu une entrevue avec M. Bataille[2].

(Le Gaulois, 17 novembre ; le Temps, 18 novembre 1902.)



  1. En Amérique, d’où nous viendra bientôt la haute mode, et qui nous a donné cet hiver la danse « fashionable », le cake-walk, le journalisme est compris de la même manière :

    « In France, there are sold every year of Feuilleton’s works, 50.000 ; of Daudet’s, 80.000, and of Zola’s, 90.000. Hall Caine received outright a check for $ 50.000 for The Christian. »

    (Litterary Magazine. New-York, septembre 1902.)
  2. S’agirait-il ici du même personnage ? « M. H. Beerbohm Tree, directeur du Her Majesty’s Theatre, vient d’acheter le droit de représenter Résurrection à Londres. Il compte donner sous peu la pièce de M. Henry Bataille ».
    (Le Figaro, 23 novembre 1902.)