Traduction par Édouard Chavannes.
Ernest Leroux (p. 293-308).

CHAPITRE XXV
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TROISIÈME TRAITÉ
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LES TUYAUX SONORES[1]
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(Pour ce qui est de) la détermination des affaires et de l’institution des lois par les rois (et quant à ce qui concerne) les règles et les normes des êtres et des mesures, tout cela reçoit (son principe) des six tuyaux sonores[2]. Les six tuyaux sonores sont la tige première de toutes choses. Ils sont aussi à tenir pour importants en ce qui regarde les armes de guerre. C’est pourquoi il y a ce dicton : En regardant de loin l’ennemi[3], on sait si l’événement sera favorable ou néfaste ; en entendant le son, on apprend s’il y aura victoire ou défaite. Telle est la méthode qui n’a pas varié sous cent rois.

Quand le roi Ou attaqua Tcheou, il souffla dans les tuyaux et écouta les sons ; en parcourant toute la série depuis le premier mois du printemps jusqu’au dernier mois de l’hiver[4], ce fut l’émanation de mort violente[5], qui d’un bout à l’autre fut constante et la note prédominante fut kong[6] ; que les sons d’accord (avec la situation) se soient produits en conséquence, c’est ce qui est dans la nature des choses. Qu’y a-t-il là d’étonnant ?

Les armes de guerre sont ce par quoi l’homme saint punit les violents et les cruels, rend le calme à une époque troublée, aplanit les obstacles, secourt ceux qui sont en danger. Tout animal doué de vie personnelle et portant des cornes sur la tête, dès qu’on l’attaque livre bataille ; à combien plus forte raison cela arrive-t-il quand il s’agit de l’homme. (L’homme) porte en lui les influences du bien et du mal, du plaisir et de l’irritation ; quand il éprouve du plaisir, les sentiments d’affection se produisent ; quand il est irrité, sa piqûre empoisonnée s’applique (à celui qui l’irrite). C’est là l’ordre normal des sentiments et du naturel.

Autrefois Hoang-ti eut à combattre à Tchouo-lou[7] pour arrêter la calamité du feu[8] ; Tchoan-hiu eut à livrer bataille contre Kong-kong pour apaiser le fléau de l’eau[9] ; T’ang le victorieux eut à infliger le châtiment de Nan-tch’ao[10] afin de mettre fin aux troubles des Hia. La prospérité et la décadence se succédèrent alternativement. Ceux qui furent vainqueurs et dirigèrent les affaires, c’est du Ciel qu’ils en reçurent (le mandat). A partir de ce moment, les hommes illustres fleurirent les uns après les autres : Tsin se servit de Kieou Fan[11] et Ts’i employa Wang-tse[12] ; Ou employa Suen Ou[13]. (Ces royaumes) développèrent et éclaircirent les lois de la guerre ; les récompenses et les châtiments furent d’une absolue certitude ; en définitive, (ces royaumes eurent l’hégémonie parmi les seigneurs ; ils réunirent dans leurs mains les hommes de valeur des divers États ; quoiqu’ils n’aient pas atteint à (la hauteur que révèlent) les proclamations et les harangues[14] des trois dynasties, cependant ils étaient, personnellement estimés et leurs princes étaient honorés ; de leurs temps ils furent illustres et exaltés. N’est-ce pas là ce qu’on peut appeler la gloire[15] ?

Que dire donc de ces lettrés de notre temps qui sont aveugles sur les grandes questions, qui n’apprécient pas justement ce qui est léger et ce qui est lourd, qui ne savent qu’aboyer les mots de vertu et de transformation et dire qu’il ne faut pas se servir des armes de guerre ? En mettant les choses au pire, ils amèneront la détresse et la honte et la perte du (pays confié à) notre garde ; à tout le moins ils produiront les invasions et les révoltes ; ils nous diminueront et nous affaibliront. Et cependant ils se tiennent fermes à la position invariable (qu’ils ont adoptée)[16] ! Ainsi on ne peut négliger dans la famille l’instruction et les verges, on ne peut renoncer dans le royaume aux supplices et aux châtiments ; on ne peut faire cesser dans l’empire les exterminations et les répressions. Parmi ceux qui dirigent les affaires, il y a les habiles et les maladroits ; parmi ceux qui agissent, il y a les soumis et les rebelles.

Kie de (la dynastie) Hia, et Tcheou de (la dynastie) Yn maîtrisaient avec la main les loups[17] ; ils poursuivaient en courant à pied un quadrige ; leur bravoure n’était pas mince ; en cent combats ils remportèrent la victoire.

Les seigneurs les craignaient et leur étaient soumis. Leur autorité n’était pas méprisable[18]. Eul-che de (la dynastie) Ts’in fit tenir garnison à ses armées dans les territoires inutiles[19] ; il combattit constamment sur les marches-frontières ; ses forces n’étaient point faibles. Il fut en haine déclarée avec les Hiong-nou ; il mit des obstacles et suscita des malheurs à Yue ; sa situation n’était point celle d’un homme abandonné. Mais son prestige s’épuisa et sa situation devint critique ; un homme[20] sorti de la ruelle d’un village constitua un royaume rival ; l’infortune lui vint de ce qu’il alla jusqu’au bout des guerres sans savoir s’arrêter, de ce que son désir d’agréables conquêtes fut insatiable[21].

Kao-tsou prit possession de l’empire ; sur trois des frontières il y eut des révoltes au dehors ; les rois des grands États, tout en se proclamant les barrières et les appuis (de l’empire), n’observèrent point absolument le devoir de sujets. Il se trouva que Kao-tsou haïssait les choses militaires et qu’il eut d’autre part les conseils de Siao (Ho) et de Tchang (Leang) ; c’est pourquoi il fit cesser la guerre et y mit entièrement fin ; il mit le licou (à l’empire) sans avoir à faire de préparatifs de (guerre).

Arrivons ensuite aux temps où (l’empereur) Hiao-wen eut pris le pouvoir. Le général Tch’en Ou et d’autres dirent dans une délibération :

« (Les États de) Nan Yue[22] et Tch’ao-sien[23], à l’époque où les Ts’in avaient toute leur puissance, dépendaient de l’empire et étaient des sujets et des fils ; ensuite, au contraire, ils ont pris en main les armes et ont suscité des obstacles ; tourbillonnant et se démenant comme des insectes, ils nous ont observés et regardés de loin. Au temps de Kao-tsou, l’empire venait d’être raffermi ; les hommes et le peuple avaient peu de tranquillité ; il ne fut point encore possible d’entrer en campagne. Maintenant, Votre Majesté par sa bonté et sa compassion a rassuré les cent familles ; ses bienfaits se sont étendus (sur le pays) à l’intérieur des mers ; il faudra donc que les officiers et le peuple soient heureux d’être employés à corriger et à punir ces partis de rebelles, afin d’unifier le territoire.

(L’empereur Hiao-wen répondit :

— Lorsque j’ai pu prendre possession de la robe et du bonnet viril, mes pensées ne s’étaient point élevées jusqu’à ceci[24]. Il est arrivé que, lors des troubles de la famille Lu, les ministres illustres et les membres de la famille impériale m’ont tous, sans (songer à la) honte (qu’ils encouraient), mis par erreur à la place suprême. — Si sans cesse on combat et l’on est sur le qui-vive, je crains que cette manière de faire ne finisse pas bien. — En outre les armes de guerre sont des instruments néfastes ; même si l’on obtient par la victoire ce qu’on désire, (le simple fait) qu’on les a mises en mouvement n’en est pas moins fâcheux et nuisible. Quelle excuse donnerai-je aux cent familles et aux contrées éloignées ? — D’ailleurs, les empereurs, mes prédécesseurs, savaient que les fatigues du peuple ne doivent pas être multipliées. C’est pourquoi ils n’entretinrent point de telles pensées[25] ; moi, comment dirai-je spontanément que j’en suis capable ?

« Maintenant les Hiong-nou font des incursions dans l’empire ; mes armées et mes officiers n’ont pas remporté de succès ; parmi le peuple de la frontière, jeunes et vieux[26] souffrent de la guerre depuis de longs jours. C’est là ce qui émeut incessamment mon cœur et ce qui m’afflige ; il n’est pas de jour où je l’oublie.

« Maintenant, puisque je n’ai point encore pu dissiper et repousser (ce fléau), je désire du moins fortifier la frontière et y établir une garde, nouer des relations d’amitié (avec les Hiong-nou) et avoir (avec eux) des échanges d’ambassadeurs. Assurer le repos et la tranquillité à la Marche du nord, c’est ce que je considérerai comme une grande gloire. D’ailleurs qu’on ne délibère plus sur les affaires militaires.

Ainsi les cent familles n’eurent à souffrir de corvées ni au dedans, ni au dehors ; elles purent décharger leurs épaules[27] dans leurs champs ; l’empire fut puissant et prospère ; le grain en vint à valoir une dizaine de pièces de monnaie[28]. Sur un espace de dix mille li (on entendit) chanter les coqs, aboyer les chiens et (on vit) fumer les feux[29]. C’est bien là ce qu’on peut appeler la concorde et la joie[30] !

Le duc grand astrologue dit : Au temps de l’empereur Wen, il se trouva que l’empire venait d’échapper au feu brûlant[31]. Les hommes et le peuple se plurent à leurs travaux ; leurs désirs furent satisfaits ; ils purent n’être plus molestés et troublés ; c’est pourquoi donc les cent familles furent paisibles. Même les vieillards de soixante ou soixante et dix ans, qui n’avaient point eu jusqu’alors coutume d’aller sur les marchés et auprès des puits[32], se promenaient d’ici et de là[33] et s’amusaient comme des enfants. C’est bien (à cet empereur que s’applique) ce mot de K’ong-tse : « Il est le prince doué de vertu[34]. »

Le Chou (King)[35] dit :

« Les sept directeurs[36], et les vingt-huit mansions, les tuyaux sonores et le calendrier sont ce par quoi le Ciel est en communication avec les émanations des cinq éléments[37] et des huit corrects[38].

Le Ciel est ce dont les dix mille (sortes d’)êtres tiennent leur existence et leur maturité ; les mansions sont les lieux où séjournent le soleil et la lune ; les mansions sont une émanation de dilatation[39].

Le vent Pou-tcheou[40] réside au nord-ouest ; il préside au meurtre des êtres vivants.

— (La mansion) Tong pi est à l’est du vent Pou-tcheou et préside à l’émanation qui produit une extension de vie. En allant plus à l’est, on arrive à (la mansion) Yng-che ; Yng-che préside à la conformation des fœtus[41] ; sous l’influence du principe yang, il y a production (des fœtus). — Plus à l’est, on arrive à (la mansion) Wei ; wei est même chose que koei* ; cela signifie que l’influence du principe yang menace ruine et c’est pourquoi on donne (à cette mansion) le nom de Wei. — (Ce vent correspond au) dixième mois.

— Parmi les tuyaux sonores, (il correspond au) yng-tchong ; yng-tchong signifie qu’il y a conformité des êtres avec l’influence du principe yang et qu’on ne fait plus rien[42].

— Parmi les douze caractères du cycle secondaire, (ce tuyau correspond au) caractère hai ; hai est la même chose que kai ; cela signifie que l’influence du principe yang est cachée sous terre et c’est pourquoi il y a obstruction[43].

? Le vent Koang-mo réside au nord. L’expression koang-mo signifie que l’influence du yang étant en bas, le yn est anéanti (mo), tandis que le yang s’élargit (koang) et s’agrandit ; c’est pourquoi on dit Koang-mo. — A l’est, on arrive à (la mansion) Hiu ; le mot hiu indique ce qui est susceptible d’être plein (che) ou d’être vide (hiu) ; cela signifie que l’influence du yang a diminué en hiver et se cache dans le vide (hiu) ; au solstice d’hiver, pour la première fois le yn commence à descendre et à se cacher, et pour la première fois le yang commence à monter et à s’étaler ; c’est de là que vient le nom de Hiu[44]. — Plus à l’est, on arrive à (la mansion) Siu-niu ; (ce nom) signifie que les dix mille espèces d’êtres se mettent à remuer en restant là où ils sont ; les influences du yn et du yang ne se sont point encore séparées ; elles restent par rapport l’une à l’autre confondues (jou) et réunies (siu) ; c’est de là que vient le nom de siu-niu.

— C’est le onzième mois.

— Parmi les tuyaux sonores, c’est le hoang-tchong ; le nom de hoang-tchong signifie que l’influence du yang frappe du talon (tchong) les sources jaunes (hoang) et sort[45].

— Parmi les douze caractères du cycle secondaire (ce tuyau correspond au caractère) tse ; tse est la même chose que « se multiplier »* ; le mot « se multiplier » donne à entendre que les dix mille sortes d’êtres se multiplient au-dessous (de la terre).

— Parmi les dix caractères du cycle primaire, (ce tuyau) correspond aux caractères jen et koei ; jen est ici l’équivalent du mot « bonté »* ; cela signifie que l’influence du yang nourrit avec bonté les dix mille sortes d’êtres au-dessous (de la terre) ; koei est ici l’équivalent du mot « mesurer »* ; cela signifie que les dix mille sortes d’êtres peuvent être soumis à la mesure et à la règle ; c’est de là que vient le nom koei. — Plus à l’est, on arrive à (la mansion) K’ien-nieou. L’expression k’ien-nieou signifie que l’influence du yang tire (k’ien) les dix mille sortes d’êtres et les fait sortir ; quant au mot nieou, il est l’équivalent du mot « couvrir » ; cela signifie que, bien que la terre soit gelée, elle peut couvrir et faire naître (les êtres) ; le bœuf (nieou) est en effet celui qui laboure, plante et sème (de façon à faire exister) les dix mille sortes d’êtres. — Plus à l’est, on arrive à (la mansion) Kien-sing[46] ; l’expression kien-sing signifie que (cette constellation préside à) l’établissement de toutes les existences.

— C’est le douzième mois.

— Parmi les tuyaux sonores, c’est le ta-lu. — Le tuyau ta-lu, entre les douze caractères du cycle secondaire, correspond au caractère tch’eou ; tch’eou est ici l’équivalent du mot « nouer »* ; cela signifie que l’influence du yang est en haut et n’est point encore descendue ; les dix mille espèces d’êtres sont nouées et n’osent point encore sortir.

Le vent T’iao réside au nord-est. Il préside à la sortie des dix mille sortes d’êtres. Le mot t’iao signifie que (ce vent) range en ordre (t’iao tche) les dix mille sortes d’êtres et les fait sortir ; c’est de là que vient le nom de vent T’iao.

— Au sud, on arrive à (la mansion) Ki ; le mot ki signifie que les dix mille sortes d’êtres ont là leur racine et leur fondement (k’i)* ; c’est de là que vient le nom de (la mansion) Ki.

— C’est le premier mois.

— Parmi les tuyaux sonores, c’est le t’ai-ts’eou ; l’expression t’aits’eou signifie que les dix mille espèces d’êtres pullulent (ts’eou) et naissent ; c’est de là que vient le nom de t’ai-ts’eou.

— Parmi les douze caractères du cycle secondaire, (ce tuyau correspond au caractère) yn ; le mot yn signifie que les dix mille sortes d’êtres commencent à naître à la manière des vers (yn)* ; c’est de là que vient le nom de yn. — Plus au sud, on arrive à (la mansion) Wei ; ce mot signifie que les dix mille sortes d’êtres commencent à naître comme (à la suite d’)accouplements[47]. — Plus au sud, on arrive à (la mansion) Sin ; ce mot signifie que les mille sortes d’êtres commencent à naître et ont un cœur (sin) brillant de fraîcheur. — Plus au sud, on arrive à (la mansion) Fang ; le mot fang désigne la porte des dix mille sortes d’êtres ; arrivés à la porte, les êtres sortent.

Le vent Ming-chou réside à l’est. L’expression ming-chou signifie que (ce vent) met au jour (ming) la foule (tchong)[48] des êtres et les fait tous sortir.

— C’est le second mois.

— Parmi les tuyaux sonores, c’est le kia-tchong ; l’expression kia-tchong signifie que le yn et le yang se pressent (kia) et s’enserrent mutuellement.

— Parmi les douze caractères de la série secondaire, (ce tube correspond au caractère) mao ; mao a le même sens que le mot « abondant »* ; cela signifie que les dix mille sortes d’êtres abondent.

— Parmi les dix caractères de la série primaire, ce sont les caractères kia et i. Le mot kia signifie que les dix mille sortes d’êtres rompent et forcent leurs enveloppes (kia) et sortent au dehors. Le mot i signifie que les dix mille sortes d’êtres naissent et sont bruyants comme des chars*.

— Plus au sud, on arrive à (la mansion) Ti. Ce nom de ti signifie que les dix mille sortes d’êtres sont toutes arrivées (à leur but). — Plus au sud, on arrive à (la mansion) K’ang. Ce nom de k’ang signifie que les dix mille sortes d’êtres sont montées au plus haut degré (k’ang) et sont visibles. — Plus au sud, on arrive à (la mansion) Kio. Ce nom de kio signifie que les dix mille sortes d’êtres ont toutes des branches et des ramures semblables à des cornes (kio).

— C’est le troisième mois.

— # Parmi les tuyaux sonores, c’est le hou-sien. Ce nom de hou-sien signifie que les dix mille sortes d’êtres naissent pures.

— Parmi les douze caractères de la série secondaire, (ce tuyau correspond au caractère) tch’en ; le mot tch’en signifie que les femelles des dix mille sortes d’êtres sont enceintes*.

Le vent Ts’ing-ming réside dans la direction du sud-est[49]. Il préside au vent qui souffle sur les dix mille sortes d’êtres ;

— à l’ouest, il va jusqu’à (la mansion) Tchen. Ce nom de tchen signifie que tous les êtres divers deviennent de plus en plus grands et ont des mouvements sinueux (tchen). — Plus à l’ouest, on arrive à (la mansion) I. Ce nom de I signifie que tous les êtres divers ont des plumes et des ailes.

— C’est le quatrième mois.

— Parmi les tuyaux sonores, c’est le tchong-lu. Ce nom de tchong-lu signifie que tous les êtres divers se mettent en route (lu*) et se dirigent vers l’ouest.

— Parmi les douze caractères de la série secondaire, (ce tuyau correspond au caractère) se. Le mot se signifie que le commencement (se) de l’influence du yang est terminé.

— Plus à l’ouest, on arrive à (la mansion) Ts’i-sing[50]. Ce nom de

  1. Toute la première partie de ce traité est consacrée, non pas aux tuyaux sonores, mais à la guerre qui se trouve rattachée par un lien assez subtil à la théorie des tubes musicaux. Je serais disposé à voir dans cette section du traité un fragment d’un traité sur les armes de guerre que certains commentateurs supposent avoir été écrit par Se-ma Ts’ien. Ce qui suit cette section, à partir des mots « Le duc grand astrologue dit... », constitue, à proprement parler, le traité des tuyaux sonores. Mais peut-être cette seconde partie faisait-elle au début partie intégrante du traité sur le calendrier et n’en a-t-elle été détachée que pour suppléer au traité presque entièrement perdu sur les armes de guerre. Cf. tome I, Introduction, pp. CCV-CCVII.
  2. Comme on le verra plus loin, il y a en réalité douze tuyaux sonores ; les six qui correspondent au principe yang et les six qui correspondent au principe yn. On mentionne souvent, comme ici, les six premiers seulement, tout en ayant l’intention de donner à entendre l’ensemble des douze tuyaux.
  3. On croyait qu’au-dessus des armées flottait une émanation à l’inspection de laquelle les gens habiles pouvaient prédire si elle serait victorieuse ou vaincue. De même, le son qu’elle faisait entendre était un présage de sa destinée future.
  4. Les douze tuyaux sonores correspondent aux douze mois de l’année.
  5. L’influence ou l’émanation de mort violente était celle qui se manifestait lorsque le gouvernement était cruel ; cette émanation révélait donc les oppressions dont s’était rendu coupable Tcheou, le dernier souverain de la dynastie Yn.
  6. Tchang Cheou-tsie cite un traité sur les armes de guerre d’après lequel la note chang indiquait que l’armée serait victorieuse, et la note hong, que les officiers et les soldats auraient des sentiments unanimes. Cf. n. 24. 253. .
  7. Cf. tome I, n. 01.117.
  8. Le rebelle Tch’e-yeou, que Hoang-ti vainquit à Tchouo-lou représentait l’influence du feu.
  9. Cf. tome I, n. 00.132.
  10. D’après le Chou King, T’ang le victorieux exila Kie, le dernier souverain de la dynastie Hia à Nan-tch’ao. Cf. tome I, n. 02.332.
  11. Kieou Fan est cité vers 640 avant J.-C. Cf. Mémoires historiques, chap. XXXIX.
  12. Wang-tse Tch’eng-fou est un général cité à la date de 649 avant J.-C. Cf. Mém. hist., chap. XXXII.
  13. Suen Ou fut au service du roi de Ou, Ho-lu (514-496 av. J.-C.). Cf. Mémoires historiques, chap. LXV.
  14. Les proclamations et les harangues du Chou King.
  15. Ce paragraphe mentionne les souverains de l’antiquité et les seigneurs de l’époque plus récente des Tcheou qui employèrent avec succès les armes de guerre.
  16. Cette virulente apostrophe aux lettrés est très digne de remarque. Elle fait comprendre que les Mémoires historiques aient été souvent regardés par les lettrés comme un ouvrage hostile à leur école. Se-ma Ts’ien paraît se faire ici l’écho des récriminations des militaires contre les « intellectuels » de son temps.
  17. Cf. tome I, p. 199, ligne 9.
  18. La conclusion sous-entendue est celle-ci : Et cependant ils furent vaincus.
  19. Les territoires inutiles désignent, comme l’expliquent les commentateurs, les pays barbares situés en dehors des limites de l’empire propre. La phrase ne signifie pas qu’il n’était pas utile de tenir garnison dans ces régions ; l’expression « inutile » est une simple épithète qui désigne les pays barbares.
  20. Tch’en Ché. Cf. Mém. hist., chap. XLVIII.
  21. Dans ce paragraphe, l’historien énumère les empereurs qui, quoique puissants, furent vaincus, parce qu’ils avaient fait un mauvais usage des armes de guerre. Cf. plus haut, note 115.
  22. Cf. Mémoires historiques, chap. CXIII.
  23. Cf. Mémoires historiques, chap. CXV.
  24. C’est-à-dire : Je ne pensais pas que je pourrais un jour devenir empereur.
  25. La pensée d’imposer de nouveau la suprématie chinoise aux princes de Nan-yue et de Tch’ao-sien.
  26. Littéralement : pères et fils.
  27. L’expression désigne l’action d’un homme qui se soulage d’un fardeau pesant, qui en « décharge son épaule », Cf. Tso tchoan, 2e année du duc Siang : « il lui proposa de se décharger de son fardeau sur Tsin. Une phrase toute semblable se retrouve dans le Tso tchoan, 6e année du duc Ting. Cf. encore Ts’ien Han chou, chap. I b, 2e année tchong yuen de Koang-ou ti : « d’ailleurs il savait que l’empire était épuisé et ruiné, songeait à se réjouir et déchargeait son épaule.
  28. Il est fâcheux que Se-ma Ts’ien n’indique pas ici quelle est la mesure de riz qui atteignit ce très bas prix. Sur la valeur qu’eut parfois le riz, cf. tome II, p. 16.
  29. Ce sont des signes que la population est dense et paisible.
  30. Dans ce paragraphe, l’historien rappelle les noms des empereurs qui, tout en ayant une grande puissance militaire, n’en firent pas usage. Il paraît donner à entendre que c’est là le meilleur emploi des armes de guerre : les avoir sous la main, et ne pas s’en servir.
  31. Cette métaphore désigne les guerres qui, pendant de longues années, avaient désolé l’empire.
  32. C’est-à-dire dans les lieux où se produisent des attroupements d’hommes.
  33. L’expression se retrouve dans le Che King, section Kouo fong, Xe ode de Ts’i, ad fin.
  34. Comme le fait remarquer le Che hi luen wen, cet éloge enthousiaste de l’empereur Wen n’est au fond qu’une satire déguisée de l’empereur Ou dont les guerres incessantes avaient ruiné l’empire. A mon avis, c’est ici que se termine le fragment du traité sur les armes de guerre. Ce qui suit constitue le traité sur les tuyaux sonores qui devrait faire partie intégrante du traité sur le calendrier.
  35. Cette citation ne se trouve pas dans le Chou King tel que nous le possédons.
  36. Le soleil, la lune et les cinq planètes. Les sept gouverneurs sont cités dans le Choen tien ; cf. tome I, n. 01.224
  37. Métal, bois, eau, feu, terre.
  38. Les huit divisions exactes qui correspondent aux huit directions de l’espace d’où viennent les huit vents ; voyez plus bas la théorie des huit vents.
  39. Les explications des Chinois sur les émanations sont du pur pathos et il serait assez inutile de chercher à savoir pourquoi ils attribuent les mansions lunaires à une émanation de dilatation plutôt qu’à une émanation de restriction.
  40. Litt. : « le vent incomplet ». La théorie des huit vents se retrouve dans Hoai-nan tse (=Lieou Ngan, † 122 av. J.-C. ; cf. p. 95, § 4), chap. III, p. 5 v°-6 r° ; Hoai-nan tse commence l’énumération par le vent T’iao qui n’est que le troisième dans la liste de Se-ma Ts’ien. Les huit vents correspondent aux huit directions de l’espace : ils sont mis en outre en relation avec les mansions lunaires, les mois, les tuyaux sonores et les séries cycliques de douze et de dix caractères. Les vingt-huit mansions lunaires sont énumérées aujourd’hui dans l’ordre suivant : Est   : 1. Kio — 2. K’ang — 3. Ti — 4. Fang — 5. Sin — 6. Wei — 7. Ki. Nord  : 8. Teou — 9. Nieou — 10. Niu — 11. Hiu — 12. Wei — 13. Che — 14. Pi. Ouest : 15. K’oei — 16. Leou — 17. Wei — 18. Mao — 19. Pi — 20. Tsoei — 21. Chen. Sud   : 22. Tsing — 23. Koei — 24. Lieou — 25. Sing — 26. Tchang — 27. I — 28. Tchen. La liste des douze tuyaux sonores est la suivante : 1. hoang-tchong — 2. ta-lu — 3. t’ai-ts’eou — 4. kia-tchong — 5. kou-sien — 6. tchong-lu 7. joei-pin — 8. lin-tchong — 9. i-tso — 10. nan-lu — 11. ou-i — 12. yng-tchong. Les cycles de douze et de dix caractères sont trop connus pour qu’il soit nécessaire de les reproduire ici. Maintenant, si nous désignons les termes de chacune de ces listes par les numéros d’ordre qu’ils portent dans les énumérations actuelles, nous dresserons le tableau suivant des correspondances des huit vents, d’après Se-ma Ts’ien : (ici image du tableau des huit vents) On remarquera que, dans ce tableau, les mansions lunaires sont énumérées en commençant par la 14e pour finir par la 15e  ; [c’est exactement, mais en sens inverse, l’ordre suivi par les Hindous, les Persans et les Arabes dont la liste des 28 mansions commence avec la 15e mansion chinoise pour finir avec la 14e (Cf. le tableau dressé par M. Schlegel, Uranographie chinoise, p. 80-81).] [css : cf. errata en fin de note 140] Il est très vraisemblable que l’énumération de Se-ma Ts’ien nous présente la liste des vingt-huit mansions sous sa forme la plus ancienne ; l’énumération usuelle, qui commence à la mansion Kio, fut une modification apportée à la liste ancienne sous les premiers Han, lorsqu’on se préoccupa de constituer un système de philosophie naturelle dans lequel l’orient (et par suite la mansion Kio) occupait la première place. Cette simple remarque infirmerait tous les raisonnements de M. Schlegel (Uranographie chinoise, p. 79-80 et p. 487) qui veut faire remonter à plus de quatorze mille ans avant notre ère la détermination par les Chinois des mansions lunaires, sous le prétexte que l’astérisme Kio, étant le premier sur la liste, devait annoncer par son lever héliaque l’équinoxe de printemps, ce qui n’a pu arriver que 16.471 années exactement (p. 487) avant la date où M. Schlegel écrivait. Le meilleur travail à consulter sur les mansions lunaires est encore celui de Whitney, On the lunar zodiac of lndia, Arabia and China (dans Oriental and linguistic Studies, second series, pp. 341-421 et carte). Errata : Il faut supprimer [l’entre-crochet] : En rédigeant ces lignes, j’ai eu le tort d’accepter, sans la contrôler, l’assertion erronée de M. Schlegel (op. cit., p. 80-81) que Revatî serait la première mansion dans la liste hindoue, ce qu’elle n’a jamais été. M. Aug. Barth a bien voulu m’écrire à ce sujet une lettre que je suis heureux de citer ici : « La liste de Se-ma Ts’ien commençant par K’oei = Revatî (ou par Pi = Uttarâ Bhadrapadâ) ne correspond pas à une liste hindoue. De ces listes, nous en avons deux, la plus ancienne commençant par Krittikà, et une plus récente commençant par Açvinî. En admettant qu’elles commencent avec 1’équinoxe du printemps, la première nous reporterait vers 2500 avant J.-C. ; la deuxième, vers 500 avant J.-C. ; avec une bonne marge, bien entendu, de plusieurs siècles pour l’une et pour l’autre, dans les deux sens, en avant et en arrière. « Mais, outre ces listes, il y a des indications astronomiques : d’abord, celle du Jyotisha, un calendrier annexé au Veda, qui place l’équinoxe du printemps dans Bharanî, ce qui était exact vers 1500 avant J.-C. (toujours avec la même marge dans les deux sens) ; et une autre (chez les astronomes postérieurs, en possession des doctrines grecques), qui place cet équinoxe en Revatî, ce qui correspond au VIe siècle après J.-C. (toujours avec la même marge). « Bien que Revatî = K’oei corresponde à peu près au commencement de la liste de Se-ma Ts’ien, la date, à elle seule, de l’auteur chinois empêcherait de voir là plus qu’une coïncidence et d’admettre un rapport quelconque avec l’équinoxe (avec Pi = Uttarâ Bhadrapadâ, ce serait bien pis ; la moyenne nous reporterait vers 1400 après J.-C.). Pour trouver ici une donnée chronologique, il faudrait savoir où Se-ma Ts’ien place cet équinoxe. A première vue, il semble nous donner à cet égard une certaine approximation, puisqu’il met les astérismes en rapport avec les mois de l’année chinoise. Mais, c’est précisément ici que je ne le comprends plus. Toutes les listes des Nakshatras, y compris la liste chinoise actuelle, les donnent dans l’ordre où ils passent au méridien par suite du mouvement diurne et aussi dans l’ordre où le soleil et la lune les parcourent et, par conséquent, dans lequel ils peuvent être en rapport avec les mois. Or Se-ma Ts’ien énumère les mois dans l’ordre direct : pourquoi énumère-t-il les astérismes à rebours? Tant que vous n’aurez pas élucidé ce point, je ne vois rien à tirer chronologiquement de son énumération.
  41. D’après Siu Koang, un texte donnerait, au lieu de [], la leçon [] ; il faudrait alors traduire : Yng-che préside aux plans de construction des maisons.
  42. Au 10e mois, qui marque le commencement de l’hiver, le principe yang cesse d’agir ; il en est de même de tous les êtres qui se retirent dans leurs demeures pour passer l’hiver en repos ; le nom du tuyau appelé yng tchong exprime cette conformité (yng) des êtres avec le principe yang.
  43. Jeu de mots. Au commencement de l’hiver, le principe de vie et d’activité est comme bouché sous terre.
  44. Au moment du solstice d’hiver, le principe yn a atteint son maximum d’intensité et va commencer à décroître ; le principe yang, qui s’était affaibli de plus en plus au point de laisser le vide dans l’univers, va commencer à reprendre de l’énergie et à remplir ce vide. La mansion qui correspond à cette époque de l’année est donc appelée Hiu = vide.
  45. Les Sources jaunes symbolisent le domaine souterrain des morts ; au onzième mois, le principe yang frappe du talon les Sources jaunes pour prendre son élan et reparaître sur terre.
  46. Le groupe d’étoiles appelé « la constellation qui fonde ou qui établit (le principe des calculs du calendrier) » est fort voisin de la mansion Teou, et dans le présent texte, en tient lieu. Sur cette constellation, cf. Schlegel, Uranographie chinoise, p. 547-548.
  47. Le mot [] paraît avoir ici le sens de « s’accoupler » qu’il a dans le texte traditionnel du Yao tien. Cf. tome I, n. 01.182.
  48. Chou « multitude » a le même sens que tchong.
  49. le mot [] signifie une direction de l’espace.
  50. Les sept étoiles. — Cette mansion est appelée aujourd’hui, par abréviation, Sing. Cf. Schlegel, Uranographie chinoise, p. 448 et suiv.