Annales principales
Chapitre VI
Ts’in Che-hoang
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p.100 Ts’in Che-hoang-ti était le fils du roi Tchoang-siang. Lorsque le roi Tchoang-siang était un prince envoyé en otage dans (le pays de) Tchao, il vit la concubine de Lu Pou-wei (101) ; elle lui plut et il l’épousa ; elle enfanta Che-hoang.

La quarante-huitième année (259 av. J.-C.) du roi Tchao, de Ts’in, le premier mois, (Che-hoang) naquit à Han-tan ; or, à sa naissance, son nom personnel fut Tcheng et son nom de famille Tchao (102). Quand il fut âgé de treize ans (247 av. J.-C.), le roi Tchoan-siang p.101 mourut. Tcheng lui succéda et devint roi de Ts’in. En ce temps, le territoire de Ts’in comprenait déjà (les pays de) Pa (103) et Chou (104), Han-tchong (105), Yue (106), Yuan (107) ; il possédait Yng (108) où on avait établi la commanderie de Nan ; au nord, il gardait la commanderie de Chang et ce qui se trouvait à l’Est, possédant (ainsi) les commanderies de Ho-tong, T’ai-yuen et Chang-tang ; à l’Est, il s’étendait jusqu’à Yong-yang (109) ; il avait détruit les deux Tcheou et il avait établi la commanderie de San-tch’oan (110). Lu Pou-wei était conseiller ; il avait une dotation de dix mille foyers et son titre était « marquis de Wen-sin » ; il appelait à lui et attirait les hôtes et les aventuriers, car il voulait par leur moyen subjuguer tout l’empire. p.102 Li Se était son client (111). Mong Ngao, Wang K’i et le gouverneur (112) de Piao étaient à la tête des armées. Le roi était jeune ; au début donc de son règne, il confia les affaires de l’État à ses hauts fonctionnaires. Tsin-yang (113) se révolta.

La première année (246 av. J.-C.), le général Mong Ngao attaqua et soumit cette ville.

La deuxième année (245 av. J.-C.), le duc de Piao, à la tête de ses troupes, attaqua Kiuen (114) et coupa trente mille têtes.

La troisième année (244 av. J.-C.), Mong-Ngao attaqua (le pays de) Han, et lui prit treize places (115). — Wang K’i mourut. — Le dixième mois, le général Mong Ngao attaqua Tch’ang et Yeou-koei (116), (villes) de Wei. — p.103 La (mauvaise) récolte (produisit) une grande famine. La quatrième année (243 av. J.-C.), Tch’ang et Yeou-koei furent prises. Le troisième mois, l’armée fut licenciée. — Le prince (de la maison) de Ts’in qui avait été envoyé en otage revint (du pays) de Tchao ; l’héritier présomptif (117) de Tchao sortit (de Ts’in) pour retourner dans son pays. — Le dixième mois, au jour keng yn, des sauterelles vinrent de l’Est ; elles couvraient le ciel ; il y eut une épidémie dans l’empire. — Tous ceux du peuple qui apportèrent mille che de grains furent gratifiés d’un degré dans la hiérarchie (118).

La cinquième année (242 av. J.-C.), le général (Mong) p.104 Ngao attaqua Wei ; il soumit les villes de Soan-tsao (119), Yen (120), Hiu (121), Tch’ang-p’ing (122), Yong-k’ieou (123) et Chan-yang (124) ; il les prit toutes ; il s’empara de vingt places. On établit pour la première fois la commanderie de Tong. — En hiver il tonna.

La sixième année (241 av. J.-C.), (les États de) Han, Wei, Tchao, Wei et Tch’ou se réunirent pour attaquer Ts’in ; ils prirent Cheou-ling (125). Ts’in fit sortir des soldats. Les troupes des cinq royaumes se débandèrent. — (Ts’in) p.105 s’empara (du pays) de Wei (126) et opprima la commanderie de Tong. Le prince de ce pays, Kio, à la tête des siens, transporta sa résidence à Ye-wang ; il en barra les montagnes afin de protéger le Ho-nei, territoire de Wei. La septième année (240 av. J.-C.), une comète sortit d’abord du côté de l’Est ; elle apparut au Nord ; le cinquième mois, elle fut visible dans l’Ouest. — Le général (Mong) Ngao mourut. — Comme (127) (ce général) était en train d’attaquer (les places de) Long, Kou et K’ing-tou (128), (Ts’in) ramena ses soldats et attaqua (la ville de) Ki (129). — p.106 Une comète parut de nouveau du côté de l’Ouest ; au bout de seize jours, la reine douairière Hia (130) mourut.

La huitième année (239 av. J.-C.), Tch’eng-kiao, prince de Tch’ang-ngan et frère cadet du roi, attaqua (l’État de) Tchao à la tête d’une armée ; il se révolta et mourut à T’oen-lieou (131). Les officiers de son armée moururent tous décapités ; on transporta la population de ce lieu à Lin-t’ao (132). Le général était mort dans ses retranchements ; ceux qui avaient péri à T’oen-lieou, à P’ou et à Kao (133), étant des rebelles, on exposa publiquement leurs cadavres (134). — Les poissons du Fleuve remontèrent en grand p.107 nombre (135) ; avec des chars légers et des chevaux pesamment chargés (136), on se rendit dans l’Est pour les manger. p.108 — Lao Ngai (137) fut anobli sous le titre de marquis de Tch’ang-sin ; on lui donna le territoire de Chan-yang (138) ; il reçut l’ordre d’y demeurer ; ce qui concernait les palais et les édifices, les chevaux et les chars, les vêtements, les jardins et les parcs, les courses et les chasses, était réglé à la fantaisie de Ngai ; il n’était aucune affaire grande ou petite, qui ne fût décidée par Ngai ; en outre, les commanderies de Ho-si et de T’ai-yuen furent transformées en royaume de Ngai. La neuvième année (238 av. J.-C.), une comète parut et remplit presque tout le ciel. (Ts’in) attaqua Yuen et P’ou-yang (139), villes de (l’État de) Wei. — Le quatrième mois, le souverain passa une nuit à Yong. Au jour ki-yeou, le roi prit le chapeau viril et ceignit l’épée (140). (Lao) Ngai, marquis de Tch’ang-sin, fomenta une rébellion ; ayant été découvert, il contrefit le sceau (141) personnel du roi et p.109 le sceau de la reine douairière ; il s’en servit pour lever p.110 les troupes provinciales et les troupes de la garde, la cavalerie des fonctionnaires et les clients des chefs Jong et Ti (142) ; il se proposait d’attaquer le palais k’i-nien et de p.111 faire une révolte (143). Le roi l’apprit ; il ordonna au conseiller d’État, prince de Tch’ang p’ing (144) et au prince de Tch’ang-wen de lever des soldats pour attaquer Ngai ; ils combattirent à Hien-yang (145) et coupèrent plusieurs centaines de têtes ; tous deux reçurent des titres dans la hiérarchie ; en outre, les eunuques du palais avaient tous pris part au combat ; ils reçurent aussi un degré de la hiérarchie. Ngai et les siens furent battus et s’enfuirent. Alors une ordonnance fut promulguée dans le royaume promettant une récompense d’un million de pièces de monnaie à qui prendrait Ngai vivant et cinq cent mille pièces de monnaie à qui le tuerait. (Le roi) s’empara de Ngai et de tous ses complices, le wei-wei Kie, le nei-che Se, le tso-i Kie, le tchong-ta-fou-leng (146) Ts’i et d’autres, en tout vingt hommes. Tous eurent leurs têtes suspendues sur des perches et leurs corps écartelés entre des chars afin qu’ils servissent d’exemple et on extermina leurs parents et leurs clients. Ceux qui étaient moins coupables furent condamnés à recueillir le bois à brûler pour p.112 le temple des ancêtres (147), puis on leur enleva leurs rangs dans la hiérarchie et on les transporta dans le pays de Chou ; plus de quatre mille familles s’établirent à Fang-ling (148). — Le quatrième mois, il fit froid et gela (149) ; des gens moururent. — Yang Toan-ho attaqua Yen-che (150). — Une comète parut à l’Ouest ; puis elle parut au Nord ; elle allait de la Grande-Ourse vers le Sud ; elle dura quatre-vingts jours.

La dixième année (237 av. J.-C.), le conseiller d’État, Lu Pou-wei, fut inculpé dans l’affaire de Lao Ngai et donna sa démission. — Hoan K’i fut général. (Les princes de) Ts’i et Tchao vinrent (à la cour de Ts’in) et on célébra le (rite du) vin (151). — Un homme de Ts’i, Mao Tsiao, p.113 conseilla le roi de Ts’in en ces termes :

— Les Ts’in viennent de prendre en main tout l’empire, mais Votre Majesté a la réputation d’avoir exilé sa mère, la reine douairière (152) ; je crains que, lorsque les seigneurs l’apprendront, ils ne se révoltent, à cause de cela, contre Ts’in (153). Alors le roi de Ts’in alla chercher la reine douairière à Yong et la fit rentrer à Hien-yang ; elle demeura de nouveau dans le palais Kan-ts’iuen (154). — On fit une enquête générale pour expulser les étrangers ; Li Se donna ses conseils dans une requête au trône (155) ; alors on suspendit le décret d’expulsion des étrangers. — Li Se conseilla donc le roi de Ts’in ; il lui proposa de p.114 s’emparer d’abord de Han, afin d’effrayer les autres royaumes ; alors (le roi) chargea Li Se de soumettre Han ; le roi de Han, tout anxieux, forma des projets avec Han Fei pour affaiblir Ts’in (156). — Un homme de Ta-leang, Wei Leao, vint auprès du roi de Ts’in et lui donna ce conseil :

— Étant donnée la puissance de Ts’in, on peut comparer les seigneurs à des sujets chefs de commanderies ou de préfectures ; la seule chose à craindre est que les seigneurs ne s’unissent en une ligue du nord au sud et que de leur accord ne résulte une chose imprévue. C’est là certes ce qui a perdu Tche-po (157), Fou-tch’a (158) et le roi Min (159). Je désire que Votre Majesté ne soit pas trop attachée à ses richesses, mais qu’elle soudoie les ministres influents de ces (seigneurs) afin de jeter le trouble dans leurs projets. Il ne lui en coûtera pas plus de trois cent mille livres d’or, pour que les seigneurs soient réduits à l’extrémité.

Le roi de Ts’in suivit cet avis ; il reçut Wei Leao avec de grands égards ; ses vêtements, sa nourriture et sa boisson furent les mêmes que ceux de (Wei) Leao. (Wei) Leao dit :

— Le roi de Ts’in est un homme au nez proéminent, aux yeux larges, à la poitrine d’oiseau de proie ; il a la voix du chacal ; il est peu bienfaisant et a le cœur d’un tigre ou d’un loup. Tant qu’il se trouve embarrassé, il lui est facile de se soumettre aux hommes ; quand il aura atteint son but, il lui sera également aisé de dévorer les hommes (160). Je n’ai que des vêtements de p.115 toile (161) et cependant il a des entrevues avec moi ; en toute circonstance il affecte d’être mon inférieur ; s’il arrive réellement que le roi de Ts’in réalise ses intentions à l’égard de l’empire, tous les hommes de l’empire seront ses esclaves. Je ne saurais aller longtemps avec lui.

Alors il disparut et s’enfuit. Le roi de Ts’in s’en aperçut et le retint de force ; il le nomma général en chef dans le royaume de Ts’in ; en définitive il suivit ses conseils et ses plans. En ce même temps, Li Se était en fonction.

La onzième année (236 av. J.-C.), Wang Tsien, Hoan K’i et Yang Toan-ho attaquèrent Ye (162) et prirent neuf villes. Wang Tsien attaqua Yen-yu (163) et Lao-yang (164). Tous les soldats ne formèrent qu’une seule armée ; (Wang) Tsien n’était commandant que depuis dix-huit jours que p.116 les troupes venaient toutes à lui ; à partir et au-dessous de ceux qui avaient le grade de teou che (165), il ne choisit que deux hommes sur dix pour les attacher à son armée. Quand on prit Ye et Ngan-yang, c’était Hoan K’i qui commandait.

La douzième année (235 av. J.-C.), le marquis de Wen-sin, (Lu) Pou-wei mourut (166) ; on lui fit des funérailles furtives. Parmi ceux de ses clients qui le pleurèrent, ceux qui étaient des gens de Tsin furent expulsés hors du royaume ; ceux qui étaient des gens de Ts’in (167), s’ils avaient des émoluments de six cents che ou plus, se virent enlever leurs rangs dans la hiérarchie et furent déportés ; s’ils avaient des émoluments de cinq cents che ou moins, ils furent considérés comme n’ayant pas pleuré (168), et furent déportés sans qu’on leur enlevât leurs rangs dans la hiérarchie, A partir de ce moment, lorsque le cas se présenta de gens qui, comme Lao Ngai et (Lu) Pou-wei, avaient dirigé les affaires de l’État p.117 contrairement à la justice, on dressa la liste de leur clientèle en prenant modèle sur ce (précédent). — En automne, on fit revenir ceux des clients de Lao Ngai qui avaient été déportés dans le pays de Chou. En ce temps, il y eut dans l’empire une grande sécheresse qui dura du sixième jusqu’au huitième mois et alors seulement il plut.

La treizième année (234 av. J.-C.), Hoan K’i attaqua P’ing-yang (169), ville de Tchao. Il tua le général de Tchao, Hou Tche ; il coupa cent mille têtes ; il fit régner le roi au sud du Fleuve. — Le premier mois, une comète parut à l’est. Le dixième mois (170), Hoan K’i attaqua Tchao (171).

La quatorzième année (233 av. J.-C.), (Ts’in attaqua l’armée de Tchao à P’ing-yang et prit I-ngan (172) ; il défit (Tchao) et tua son général. Hoan K’i s’empara de P’ing-yang et de Ou-tch’eng. — Han Fei fut envoyé en mission à Ts’in, Ts’in suivit les conseils de Li Se et arrêta (Han) Fei. (Han) Fei mourut à Yun-yang (173). — Le roi de Han demanda à être sujet.

La quinzième année (232 av. J.-C.), on fit une grande levée de soldats ; une armée alla à Ye ; une autre armée alla dans le T’ai-yuen et s’empara de Lang-mong (174). — Il y eut un tremblement de terre.

p.118 La seizième année (231 av. J.-C.), au neuvième mois, on envoya des soldats recevoir le territoire (175) ; Nan-yang (ville de) Han fut administrée provisoirement par T’eng. — Pour la première fois il fut ordonné aux habitants mâles d’enregistrer leur âge. — Wei offrit un territoire à Ts’in. — Ts’in établit la ville de Li (176).

La dix-septième année (230 av. J.-C.), le nei-che T’eng attaqua Han ; il s’empara du roi Ngan, de Han, et prit tout son territoire. De ce territoire on fit une commanderie qui reçut le nom de Yng-tch’oan (177). — il y eut un tremblement de terre. — La reine douairière, (princesse de) Hoa-yang, mourut (178). — Le peuple souffrit fort de la faim.

La dix-huitième année (229 av. J.-C.), on fit une p.119 grande levée de troupes pour attaquer Tchao ; Wang Tsien commandait dans le territoire de Chang et soumit (la place de) Tsing-hing (179) ; (Yang) Toan-ho commandait dans le Ho-nei ; K’iang Hoei battit Tchao ; (Yang) Toan-ho investit la ville de Han-tan. La dix-neuvième année (228 av. J.-C.), Wang Tsien et Kiang Hoei soumirent et prirent tout le territoire de Tchao. A Tong-yang, ils s’emparèrent du roi de Tchao. Ils emmenèrent leurs soldats, et, comme ils désiraient attaquer Yen, ils prirent leurs quartiers à Tchong-chan. — Le roi de Ts’in entra dans Han-tan. Tous ceux qui, au moment où le roi était né à Tchao, s’étaient montrés hostiles à sa mère, tous ceux-là furent exterminés (180). Le p.120 roi de Ts’in s’en retourna et revint en passant par les commanderies de T’ai-yuen et de Chang. La reine douairière, mère de Che-hoang-ti, mourut. — Kia (181), de la famille ducale de Tchao, se mit à la tête de quelques centaines d’hommes de son clan et se rendit dans (le territoire de) Tai ; il se proclama lui-même roi de Tai. A l’est, il réunit son armée à celle de Yen et campa à Chang-kou (182). — il y eut une grande famine.

La vingtième année (227 av. J.-C.), Tan, héritier présomptif de Yen, tourmenté de ce que les soldats de Ts’in étaient arrivés jusqu’à son royaume, eut peur et chargea King K’o d’assassiner le roi de Ts’in (183). Le roi de Ts’in découvrit (le complot) ; il coupa en morceaux (King) K’o afin de faire un exemple, puis il envoya Wang Tsien et Sin Cheng attaquer Yen. Yen et Tai firent avancer leurs soldats pour attaquer l’armée de Ts’in. L’armée de Ts’in battit Yen à l’ouest de la rivière I (184).

La vingt et unième année (226 av. J.-C.), Wang Pen attaqua Ki (185) ; on leva encore de nouveaux soldats qui p.121 allèrent rejoindre l’armée de Wang Tsien. Alors (Wang Tsien) écrasa l’armée de l’héritier présomptif de Yen, s’empara de la ville de Ki, (capitale) de Yen, et prit la tête de l’héritier présomptif Tan (186). Le roi de Yen se cantonna à l’est dans le Leao-tong et y régna. — Wang Tsien prétexta la maladie et la vieillesse pour revenir. — Sin-tcheng (187) se révolta. — Le prince de Tch’ang-p’ing fut transféré à Yng (188). — il tomba une neige abondante qui atteignit deux pieds et cinq pouces d’épaisseur.

La vingt-deuxième année (225 av. J.-C.), Wang Pen attaqua Wei ; il amena une dérivation du Fleuve pour inonder Ta-leang ; le rempart de Ta-leang s’effondra, Le roi demanda à se soumettre (189) ; on s’empara de tout son territoire.

La vingt-troisième année (224 av. J.-C.), le roi de Ts’in manda de nouveau Wang Tsien et le força à entrer en campagne ; il l’envoya, à la tête d’une armée, attaquer King (190) ; il s’empara des pays au sud de Tch’en (191) et arriva p.122 jusqu’à P’ing-yu (192) ; il fit prisonnier le roi de King. Le roi de Ts’in fit une tournée et se rendit jusqu’à Yng et à Tch’en. Un général de King, Hiang Yen (193), nomma le prince de Tch’ang-p’ing (194) roi de King ; il se révolta contre Ts’in au sud du Hoai. La vingt-quatrième année (223 av. J.-C.), Wang Tsien et Mong Ou attaquèrent King ; ils défirent l’armée de King. Le prince de Tch’ang-p’ing périt et alors Hiang Yen se suicida.

La vingt-cinquième année (222 av. J.-C.), on fit une grande levée de soldats. Wang Pen fut mis à leur tête et fut chargé d’attaquer Yen dans le Leao-tong. il prit Hi, roi de Yen. A son retour, il attaqua Tai et fit prisonnier Kia, roi de Tai. Wang Tsien pacifia alors la partie du territoire de King qui était au sud du Kiang ; il soumit les princes de Yue et établit la commanderie de Koei-ki. — Le cinquième mois, on célébra un grand banquet dans tout l’empire (195).

La vingt-sixième année (221 av. J.-C.), le roi de Ts’i, Kien, et son conseiller Heou Cheng envoyèrent des soldats protéger leur frontière de l’ouest et rompirent les relations avec Ts’in. Ts’in envoya son général Wang Pen attaquer Ts’ien passant par le sud de Yen. (Wang Pen) fit prisonnier Kien, roi de Ts’i. — Ce fut alors que p.123 pour la. première fois Ts’in posséda tout l’empire. (Le roi de Ts’in) adressa aux conseillers et aux yu-che un édit en ces termes :

« Autrefois (196) le roi de Han m’a remis son territoire et m’a offert son sceau en me demandant d’être mon vassal (197) ; ensuite il a violé le pacte ; il a formé avec Tchao et Wei une ligue du nord au sud et s’est révolté contre Ts’in ; c’est pourquoi j’ai levé des soldats et j’ai puni de mort (ces rebelles) ; j’ai fait prisonnier leur roi ; j’estimais que c’était un résultat excellent et que peut-être j’en aurais fini avec la guerre. Le roi de Tchao envoya son conseiller Li Mou, qui vint conclure une convention ; c’est pourquoi je lui rendis le fils qu’il m’avait donné en otage ; mais ensuite il a violé la convention ; il a soulevé mon pays de T’ai-yuen ; c’est pourquoi j’ai levé des soldats ; j’ai puni de mort (ces rebelles) et je me suis emparé de leur roi. Le fils de la maison ducale de Tchao, Kia, s’est alors nommé lui-même roi de Tai ; c’est pourquoi j’ai fait partir des soldats qui l’ont attaqué et l’ont anéanti. Le roi de Wei s’était d’abord engagé à se soumettre et à se rattacher à Ts’in ; puis il a comploté avec Han et Tchao d’attaquer Ts’in à l’improviste ; les soldats et les officiers de Ts’in l’ont puni de mort et l’ont aussitôt écrasé. Le roi de King (198) m’avait offert le territoire situé à l’ouest de Ts’ing-yang (199) ; puis il a violé le pacte ; il a attaqué notre p.124 commanderie de Nan ; c’est pourquoi j’ai envoyé des soldats punir de mort (ces rebelles) ; je me suis emparé de leur roi et me suis assuré de son territoire de King. Le roi de Yen, dans son aveuglement, a fait des troubles ; son héritier présomptif Tan a chargé secrètement King K’o de m’assassiner ; mes soldats et mes officiers l’ont puni de mort et ont anéanti son royaume. Le roi de Ts’i, suivant le conseil de Heou Cheng, a rompu les relations diplomatiques avec Ts’in et a voulu susciter des troubles ; mes soldats et mes officiers ont puni de mort (ces rebelles) et ont fait prisonnier leur roi ; j’ai pacifié le territoire de Ts’i. Moi donc, avec ma faible personne, j’ai levé des soldats qui ont puni de mort les cruels et les rebelles ; j’ai mis mon appui en l’influence surnaturelle du temple ancestral ; les six rois ont tous subi la peine de leurs crimes (200) ; l’empire a été entièrement pacifié. Maintenant, si le titre dont on m’appelle n’est pas changé, il n’y aura rien qui soit en proportion de mon mérite accompli et qui le transmette à la postérité (201). Délibérez sur un titre impérial (202). »

Le conseiller (Wang) Koan, le yu-che-ta-fou (Fong) Kie, le t’ing-wei (Li) Se et d’autres dirent tous :

— Dans p.125 l’antiquité, le territoire des cinq empereurs était un carré de mille li de côté ; en dehors de ce territoire se trouvaient les domaines des seigneurs et les domaines des barbares ; les seigneurs tantôt venaient rendre hommage et tantôt s’en dispensaient ; le Fils du Ciel était incapable de leur imposer une règle. Maintenant Votre Majesté (203) a levé les soldats de la justice (204) ; elle a puni de mort les oppresseurs et les brigands (205) ; elle a pacifié l’empire ; l’intérieur des mers a été organisé en commanderies et en préfectures ; les lois et les ordonnances émanent d’un seul chef ; depuis la haute antiquité jusqu’à nos jours, il n’y a jamais rien eu de tel ; c’est un résultat auquel n’ont point atteint les cinq empereurs. Vos sujets ont attentivement délibéré avec les lettrés au vaste savoir et ont dit : — Autrefois il y eut le Souverain céleste, le Souverain terrestre et le Souverain majestueux (206) ; le Souverain majestueux fut le plus élevé. Vos p.126 sujets, en se dissimulant qu’ils méritent la mort (207), vous proposent une appellation honorifique : que le roi soit le Souverain majestueux ; que ses mandements soient des décrets (tche) ; que ses ordonnances soient des édits (tchao) (208) ; que le Fils du Ciel, en parlant de lui-même, p.127 dise tchen (209). Le roi dit :

— Je repousse « majestueux » ; j’adopte « souverain » ; j’y ajoute le titre de la dignité impériale de la haute antiquité ; mon titre sera « Souverain empereur (210). » Quant au reste, que ce soit conforme à votre délibération.

Un décret prononça p.128 l’approbation. — Par une vénération posthume, le roi Tchoang-siang devint le T’ai-chang hoang (211). (L’empereur) fit un décret en ces termes :

« D’après ce que j’ai entendu dire, dans la très haute antiquité il y avait des titres et il n’y avait pas de noms posthumes (212) ; dans la moyenne antiquité il y avait des titres, mais, lorsqu’(un prince) était mort, on lui donnait un nom posthume approprié à la conduite qu’il avait tenue ; agir ainsi, c’est laisser les fils critiquer leurs pères, les sujets critiquer leurs princes ; c’est par trop inexplicable et je ne l’admets point ; à partir de maintenant, je supprime le système des noms posthumes (213). Je suis le premier souverain empereur (Che-hoang-ti) ; les générations qui me suivront (se nommeront) en faisant le calcul des nombres : la deuxième génération, la troisième génération, et iront jusqu’à mille et dix mille générations en se transmettant sans fin ce principe (214).

Che hoang fit avancer l’évolution des cinq vertus quant à leur succession (215) : considérant que les Tcheou avaient p.129 eu la vertu du feu et que les Ts’in avaient remplacé les Tcheou, il adopta comme vertu celle que (la vertu des Tcheou) n’avait pas vaincue (216) ; c’était donc maintenant le commencement de la vertu de l’eau. — Il changea le commencement de l’année (217) et les félicitations (qu’on apportait alors) à la cour. Toutes choses partirent du premier jour du dixième mois. Pour les vestes et les robes, pour les guidons en poils et les guidons en plumes (218) p.130 et pour les étendards, on mit en honneur le noir (219). Dans les nombres, six fut l’étalon (220) ; les plaques des contrats et les chapeaux officiels eurent tous six pouces et les chars eurent six pieds ; six pieds firent un pas ; l’attelage eut six chevaux. On changea le nom du (Hoang) Ho et on l’appela « l’eau efficace ». Comme on estimait que c’était le commencement de la vertu de l’eau, on (pensa) qu’en étant dur et violent, en ayant une sévérité extrême, en décidant toutes les affaires d’après la loi, en châtiant et en opprimant, en n’usant ni de bonté ni de bienfaisance, en se conformant à la justice, on serait d’accord avec les nombres des cinq vertus. Alors donc on pressa l’application des lois ; pendant longtemps (221) on ne fit aucune grâce.

p.131 Le conseiller (Wang) Koan et d’autres dirent :

— Les seigneurs viennent d’être détruits : les territoires de Yen, de Ts’i et de King (222) sont éloignés ; si on ne s’occupe pas d’y placer des rois, il n’y aura aucun moyen de les maintenir dans l’ordre (223) ; nous proposons qu’on y nomme les fils de la famille impériale. Que seulement Votre Majesté impériale veuille bien y consentir.

Che-hoang livra cette délibération à ses ministres ; ceux-ci estimèrent tous que c’était (une mesure) avantageuse. (Mais) le t’ing-wei Li Se dit au milieu de la délibération :

— C’est en grand nombre que les rois Wen et Ou de la dynastie Tcheou donnèrent des fiefs à leurs fils, à leurs frères cadets et à ceux de leur famille ; mais avec le temps ces proches parents se divisèrent et s’éloignèrent ; ils s’attaquèrent les uns les autres comme des ennemis ; les seigneurs s’entretuèrent de plus belle et se firent la guerre, sans que les Fils du Ciel de la dynastie Tcheou pussent les empêcher. Maintenant tout ce qui est à l’intérieur des mers, grâce à l’inspiration p.132 divine de Votre Majesté est, d’une manière uniforme, réduit en commanderies et en préfectures. Les fils de la famille impériale et les sujets qui ont bien mérité ont été amplement récompensés par des titres de ducs, par des perceptions d’impôts ou de droits de douane : cela suffit largement. Il est facile de gouverner ; que l’empire n’ait pas d’autre pensée, c’est le moyen d’assurer le repos et la tranquillité. Établir des seigneurs ne serait pas avantageux.

Che-hoang dit :

— Si l’empire tout entier a souffert, s’il a été en proie à des combats et à des luttes qui ne lui laissaient aucun repos, c’est parce qu’il y avait des seigneurs et des rois. Grâce à l’appui du temple de mes ancêtres, l’empire vient d’être raffermi ; or si j’établissais de nouveau des royaumes, ce serait implanter la guerre et chercher à faire cesser cette tranquillité. Comment ne serait-ce pas fâcheux ? L’avis du t’ing-wei est le bon.

(Ts’in Che-hoang-ti) divisa l’empire en trente-six commanderies (224) ; dans les commanderies p.133 il plaça des administrateurs, des gouverneurs militaires et des surintendants (225) ; il appela le peuple d’un nom nouveau, « les têtes noires » (226) ; il célébra un grand banquet p.134 de réjouissance ; il recueillit toutes les armes qui se trouvaient dans l’empire et les rassembla à Hien-yang ; il les fondit et en fit des cloches, des supports de cloches et douze hommes en métal (227) ; le poids de chacun de p.135 ceux-ci était de mille che ; il les plaça dans le palais impérial ; il unifia les lois et les règles, les mesures de pesanteur et les mesures de longueur ; les chars eurent des essieux de dimensions identiques ; dans les écrits on se servit de caractères uniformes (228).

Le territoire s’étendit à l’est jusqu’à la mer et atteignit le Tch’ao-sien (229) ; à l’ouest il s’étendit jusqu’au p.136 Lin-t’ao et au K’iang-tchong (230) ; au sud il s’étendit jusqu’au pays où les portes sont tournées vers le nord (231) ; au nord p.137 il s’appuya sur le Ho qui lui constituait une barrière, longea le Yn-chan (232) et arriva jusqu’au Leao-tong. (Ts’in Che-hoang-ti) transporta à Hien-yang, au nombre de cent vingt mille familles, les gens puissants et riches de tout l’empire. Les divers temples ancestraux, ainsi que la terrasse de Tchang (233) et (le parc de) Chang-lin (234) se trouvaient tous au sud du Wei. Chaque fois que Ts’in avait détruit un seigneur, il avait copié le plan de son p.138 palais et l’avait réédifié à Hien-yang sur la rive nord ; au sud, (ces palais) bordaient la (rivière) Wei (235). A partir de Yong-men (236), en allant à l’est jusqu’aux (rivières) King et Wei, les édifices et les habitations, les chemins couverts et les galeries de ronde (237) se touchaient les uns les autres. Tout ce que (Ts’in Che-hoang-ti) avait pris aux seigneurs de belles femmes, de cloches et de tambours, il les fit entrer dans ses palais qui en furent remplis.

p.139 La vingt-septième année (220 av. J.-C.), Che-hoang fit une tournée d’inspection dans le Long-si et le Pei-ti (238) ; il sortit par la montagne Ki-t’eou (239) et passa par Hoei-tchong (240). Il éleva le palais Sin au sud de la (rivière) Wei ; ensuite il changea le nom du palais Sin et l’appela le temple ancestral Ki, par allusion à (la constellation) T’ien-ki. A partir du temple ancestral Ki, un chemin pénétrait jusqu’à la montagne Li. Il construisit le palais antérieur de Kan-ts’iuen ; il bâtit un chemin bordé de murs (241) qui se rattachait à Hien-yang. Cette année, il conféra un degré dans la hiérarchie (242) ; il traça des chaussées impériales (243).

La vingt-huitième année (219 av. J.-C.), Che-hoang parcourut dans l’est les commanderies et les préfectures ; p.140 il monta sur la montagne I (244), de (la préfecture de) Tseou ; il y dressa une pierre (245). Avec les maîtres lettrés (du pays) de Lou, il tint une délibération pour graver sur la pierre les mérites de Ts’in ; il délibéra sur ce qui concernait les cérémonies fong et chan et les sacrifices faits de loin aux montagnes et aux cours d’eau ; puis il monta donc sur le T’ai-chan ; il y dressa une pierre ; il fit la cérémonie fong (246) ; il offrit les sacrifices. Quand il descendit, un orage de vent et de pluie survint ; il s’abrita sous un arbre et c’est pourquoi il conféra à cet arbre le titre de ou-ta-fou (247) ; il fit le sacrifice chan sur le mont Leang-fou. Il fit une inscription sur la pierre qu’il avait dressée ; le texte en était ainsi conçu :


(1e strophe) (248)

« Le souverain empereur exerçant avec vigilancé son autorité,

a fait et déterminé des lois claires ;

ses p.141 sujets au-dessous de lui se perfectionnent et s’améliorent.

En la vingt-sixième année (249),

il réunit pour la première fois le monde ;

il n’est personne qui ne soit obéissant et soumis.

Lui-même il a inspecté le peuple aux cheveux noirs (250) dans les contrées éloignées ;

il est monté sur cette montagne T’ai ;

il a embrassé de son regard l’extrême orient.

Ses officiers qui l’accompagnent songent à suivre ses traces ;

suivant leur devoir fondamental, ils agissent et se conduisent ;

avec respect ils célèbrent ses mérites.

La sage conduite de son gouvernement influe tout à l’entour ;

toutes les créatures trouventleur profit ;

toutes choses ont une loi et une forme. p.142

Sa grande justice est bienfaisante et illustre ;

elle s’étend jusqu’aux générations futures ;

on la reçoit en s’y conformant sans y rien changer (251).


(2e strophe).

La sainteté personnifiée dans le souverain empereur,

après avoir pacifié le monde,

ne se relâche point dans son gouvernement.

Il se lève dès l’aube et ne se couche que dans la nuit (252) ;

il a fondé et établi ce qui sera profitable longtemps ;

il répand et il exalte les instructions et les enseignements.

Ses avis et ses règles pénètrent partout ;

au loin et au près on agit en tout suivant la raison ;

tous les êtres reçoivent sa sainte volonté.

Le noble et le vil sont bien distingués ;

l’homme et la femme se conforment aux rites ;

avec attention chacun remplit son devoir.

Il a séparé avec évidence l’intérieur et l’extérieur (253) ;

il n’est rien qui ne soit pur et sans tache ;

sa bonté s’étend jusqu’à la postérité future.

Le perfectionnement se prolongera sans fin ;

acceptez avec respect les ordres qu’il vous laisse ;

recevez-les pour toujours et redoublez de vigilance (254).

p.143 Ensuite (Ts-in Che-hoang-) longea le P’o-hai (255) en se dirigeant vers l’est ; il passa par Hoang (256) et par Tch’oei (257) ; il monta jusqu’à l’extrémité de la montagne Tch’eng (258) ; il gravit la montagne Tche-feou (259). Il dressa des stèles (260) p.144 pour célébrer les vertus de Ts’in, puis il s’en alla. Au sud il monta à Lang-ya et s’y plut fort ; il y resta trois mois ; alors il transporta des têtes noires, au nombre de trente mille familles, au pied de la terrasse Lang-ya (261) ; il les exempta de douze années de redevances. Il construisit la terrasse Lang-ya ; il y éleva une stèle sur laquelle il grava l’éloge des vertus de Ts’in et mit en lumière le sens de ses vertus en ces termes (262) :


(1e strophe) « p.145 C’est la vingt-sixième année (263)

que le souverain empereur a prise pour commencement.

Il a réglé et égalisé les lois et les mesures

et les étalons qui servent pour tous les êtres (264).

Ainsi il a rendu claires les occupations des hommes ;

il a établi l’union et la concorde entre les pères et les fils.

Avec sagesse il a bien compris la bonté et la justice ;

manifestement il a montré la droite voie et la raison.

A l’est il a mis l’ordre dans la terre orientale

afin de supprimer (265) les batailles.

Lorsque cette affaire a été complètement terminée,

alors il s’est approché de la mer (266).


(2e strophe) Le mérite du souverain empereur

s’est appliqué avec diligence (267) aux occupations fondamentales.

Il a mis en honneur l’agriculture ; il a proscrit la dernière des professions (268) ;

les p.146 têtes noires ont alors été heureuses.

Dans tout ce qui est sous le ciel,

les cœurs se sont appliqués, les volontés se sont unies.

Les armes défensives et offensives ont eu des dimensions identiques ;

il a rendu uniformes les caractères primitifs et les caractères dérivés (269).

Dans tous les lieux qu’éclairent le soleil et la lune,

dans tous ceux où se transportent les bateaux et les chars,

Chacun accomplit jusqu’au bout sa destinée ;

il n’est personne qui ne soit satisfait (270).


(3e strophe) Celui qui au temps opportun exécute les affaires,

c’est le souverain empereur.

Il a corrigé et amélioré les mœurs étranges ;

il a réglé les eaux ; il a délimité les terres.

Plein de sollicitude et de compassion pour les têtes noires,

ni le matin, ni le soir il ne se relâche.

Il a supprimé les doutes et fixé les lois ;

tous savent ce qui est à éviter.

Les gouverneurs de régions ont chacun la charge qui lui est assignée ;

tous exercent leur administration d’une manière régulière et juste. p.147

Il a enlevé l’erreur ; il a fixé ce qu’il fallait faire ;

il n’y a rien qui ne se conforme à ses plans (271).


(4e strophe) La sagesse du souverain empereur

s’est rendue aux quatre côtés (du monde) pour les inspecter.

Le noble et le vil, l’honoré et le méprisé

n’ont point outrepassé leurs rangs.

Les méchants et les pervers n’ont pas été à leur aise ;

tous s’appliquent à la rectitude et à la bonté.

Dans les petites et dans les grandes choses, il a épuisé ses forces ;

il n’a point osé être paresseux ni oisif.

Au loin et au près il a dissipé les obscurités ;

il s’est appliqué spécialement à la dignité et à la majesté ;

Il a rendu régulières et droites la vertu et la fidélité ;

les affaires et les occupations ont une règle constante (272).


(5e strophe) La vertu du souverain empereur

a maintenu et affermi les quatre extrémités (du monde).

Il a exterminé les rebelles et il a supprimé les méchants ;

il a fait fleurir ce qui est profitable et il a rendu très grande la prospérité.

Son action modératrice s’exerce en observant les saisons ;

toutes les productions abondent et se multiplient.

Les têtes noires jouissent du calme et du repos ; p.148

on ne se sert plus des armes offensives ni des armes défensives.

Les six degrés de parenté (273) se protègent mutuellement ;

en définitive il n’y a plus de brigands ni de voleurs.

Avec joie on reçoit ses renseignements ;

partout on connaît les lois et les règles (274).


(6e strophe) Tout ce qui est compris dans les six directions (275)

est la terre du souverain empereur ;

A l’ouest, il a traversé les sables mouvants (276) ;

au sud, il a été jusqu’à l’extrémité du Pei-hou (277) ;

A l’est, il possède la mer orientale ;

au nord, il a dépassé le Ta-hia (278). p.149

Partout où atteignent les pas des hommes ;

il n’est personne qui ne se soit déclaré son sujet.

Sa gloire surpasse celle des cinq empereurs ;

sa bienfaisance s’étend jusqu’aux chevaux et aux bœufs ;

Il n’est rien qui n’éprouve sa bonne influence ;

chacun est tranquille dans sa demeure (279).


(Partie en prose) Or le roi de Ts’in, ayant réuni en sa possession l’univers, institua pour lui le titre de souverain empereur ; alors il établit le bon ordre dans les terres orientales et arriva à Lang-ya. Le lie-heou, marquis de Ou-tch’eng, Wang Li ; le lie-heou, marquis de T’ong-ou, Wang Pen ; le luen-heou (280), marquis de Kien-tch’eng, Tchao Hai ; le luen-heou, marquis de Tch’ang-ou, Tch’eng ; le luen-heou, marquis de Ou-sin, Fong Ou-tse ; le grand p. 150 conseiller Wei Tchoang (281) ; le grand conseiller Wang Koan ; le haut dignitaire Li Sse ; le haut dignitaire Wang Ou ; le ou-ta-fou Tchao Yng ; le ou-ta-fou Yang Kieou l’accompagnaient ; avec lui ils délibérèrent au bord de la mer, disant (282) :


(1e strophe) Ceux qui dans l’antiquité furent empereurs

avaient un territoire qui ne dépassait pas mille li ;

Les seigneurs se gardaient chacun dans son fief ;

à leur guise ils venaient ou ne venaient pas rendre hommage.

Ils se dépouillaient les uns les autres et étaient cruels et turbulents ;

la destruction et la guerre ne cessaient pas.

Cependant ils faisaient des inscriptions sur métal et sur pierre

pour conserver leur propre mémoire (283).


(2e strophe) Dans l’antiquité, sous les cinq empereurs et les trois dynasties (284), p.151

Les connaissances et les enseignements n’étaient pas uniformes ;

les lois et les mesures n’étaient pas claires.

Ils feignirent d’avoir un prestige comme celui dés génies et des dieux

afin d’en imposer aux contrées éloignées.

La réalité ne répondait pas à leur renommée ;

c’est pourquoi ils ne subsistèrent pas longtemps.

Ils n’étaient pas encore morts

que les seigneurs se révoltaient

et que leurs lois et leurs ordonnances n’étaient plus en vigueur (285).


(3e strophe) Maintenant le souverain empereur a réuni tout l’intérieur des mers ;

il l’a divisé en commanderies et en préfectures ;

l’empire a été dans l’harmonie et dans la paix.

Il a couvert d’éclat le temple ancestral ;

il a réalisé ce qui est raisonnable et pratiqué la vertu ;

son titre majestueux s’est grandement confirmé (286).

Tous ses sujets se disent les uns aux autres les mérites du souverain empereur ;

ils ont gravé des inscriptions sur métal et sur pierre

pour en faire un modèle et une règle (287). »


Quand cette affaire fut terminée, Siu Che, originaire du pays de Ts’i, et d’autres personnes firent une requête p.152 en ces termes :

— Au milieu de la mer il y a les trois montagnes surnaturelles ; leurs noms sont P’ong-lai, Fang-tchang et Yng-tcheou ; les immortels y habitent. Nous demandons qu’il nous soit permis, après nous être purifiés, de partir avec de jeunes garçons et de jeunes filles à leur recherche. » Alors (l’empereur) envoya Siu Che et fit partir (avec lui) plusieurs milliers de jeunes garçons et de jeunes filles ; ils prirent la mer pour aller à la recherche des immortels (288).

p.153 Che-hoang s’en retourna et passa par P’ong-tch’eng (289) ; p.154 il s’y purifia et y fit des prières et des sacrifices. Il désira retirer le trépied des Tcheou de la rivière Se ; il envoya mille hommes plonger dans l’eau pour le chercher, mais il ne le trouva point (290).

Puis il se dirigea vers le sud-ouest, pour traverser la rivière Hoai, arriver à la montagne Heng (291) et à la commanderie de Nan. il navigua sur le Kiang et parvint jusqu’au temple de la montagne Siang (292) ; il rencontra un grand vent et faillit ne pas pouvoir traverser ; l’empereur demanda aux lettrés au vaste savoir :

— Quel dieu est le prince de Siang ?

Les lettrés au vaste savoir lui répondirent :

— Nous avons entendu dire que c’étaient les filles de Yao, femmes de Choen (293), qui p.155 étaient enterrées là (294).

Alors Che-hoang se mit fort p.156 en colère ; il envoya trois mille condamnés abattre tous les arbres de la montagne Siang et peindre en rouge (295) cette montagne. L’empereur revint en passant par la commanderie de Nan et en traversant la passe Ou (296).

La vingt-neuvième année (218 av. J.-C.), Che-hoang fit p.157 une tournée dans l’est ; arrivé à Po-Lang-cha, dans la (préfecture de) Yang-ou (297), des brigands lui causèrent une alerte ; on rechercha (le malfaiteur) sans pouvoir le trouver ; alors on ordonna dans tout l’empire une grande enquête pendant dix jours. — (Che-hoang) monta sur le Tche-feou et y fit une inscription sur pierre qui était ainsi conçue (298) :


(1e strophe). « La vingt-neuvième année ;

alors qu’on était au milieu du printemps

et que l’harmonie du principe yang venait de s’élever,

Le souverain empereur voyagea dans l’est ;

pendant sa tournée il monta sur le Tche-feou

et dans tout son éclat s’approcha de la mer.

Ses officiers qui le suivaient le contemplèrent en se p.158 répandant en éloges ;

ils ne pensaient qu’à sa bonté et à sa gloire ;

réfléchissant au passé, ils célébraient ses premiers commencements.

Sa grande sagesse a exercé le gouvernement ;

il a établi et fixé les lois et les règles ;

il a mis en lumière les principes essentiels.

Au dehors il a donné une leçon aux seigneurs ;

il a répandu avec éclat sa gracieuse bienfaisance ;

il s’est illustré par la justice et la raison.

Les six royaumes étaient pervers ;

leur avidité et leur méchanceté étaient insatiables ;

leurs cruautés et leurs meurtres ne cessaient pas (299).


(2e strophe).

Le souverain empereur eut pitié de la multitude ;

il leva donc des soldats vengeurs ;

sa vertu guerrière prit son essor et se dressa.

Il châtia avec justice ; il agit avec bonne foi ;

son ardeur majestueuse pénétra partout ;

il n’y eut personne qui ne se soumît à lui.

Il anéantit dans la chaudière bouillante les violents et les cruels ;

il soutint et secourut les têtes noires ;

il pacifia à la ronde les quatre extrémités (du monde).

Partout il promulga des lois claires ;

il régla en long et en large tout l’empire ;

il institua pour l’éternité un modèle de justice.

Que cela est grand !

Dans l’univers et dans le domaine impérial ;

on reçoit sa pensée sage et on s’y conforme.

Tous ses officiers ont célébré ses mérites

et ont p.159 demandé qu’on gravât cela sur la pierre

pour le manifester et le transmettre et en faire (300) un modèle impérissable (301).


(L’inscription de) la face orientale était ainsi conçue :


(1e strophe). Or, en la vingt-neuvième année ;

le souverain empereur voyagea au printemps ;

pour observer et examiner les contrées éloignées.

Parvenu au bord de la mer (302),

il monta sur le p.160 Tche-feou

et illumina (303) l’orient (304).

Il contempla et regarda au loin le vaste et beau spectacle ;

ses officiers qui le suivaient songeaient tous

à la conduite qu’il avait tenue dès le début, à la gloire qu’il avait atteinte.

Des lois sages pour la première fois ont été mises en vigueur :

avec pureté il a gouverné à l’intérieur de ses frontières ;

au dehors il a puni de mort les cruels et les violents.

Son prestige guerrier a pénétré (305) partout ;

il a p.161 secoué et agité les quatre extrémités du monde ;

il a fait prisonniers et exterminé les six rois.

Il a réuni dans ses mains toute l’étendue (306) de l’empire ;

les calamités (307) et les malheurs ont pris fin ;

pour toujours il a fait reposer les soldats et les armes (308).


(2e strophe).

L’éclatante vertu du souverain empereur

a réorganisé l’univers ;

il ne se lasse jamais de regarder ni d’écouter.

Il a institué une grande justice ;

il a établi d’une manière évidente des instruments préparés d’avance :

tous ont leurs insignes et leurs étendards (309).

p.162 Les officiers en charge se conforment à leurs attributions ;

chacun sait ce qu’il a à faire ;

en toutes choses il n’y a rien d’ambigu ni d’incertain.

Les têtes noires se sont réformées ;

au loin et au près il y a des mesures uniformes ;

si l’on abaisse ses regards sur l’antiquité, on voit qu’il lui est fort supérieur.

Les fonctions immuables ayant été déterminées,

ses successeurs se conformeront à sa conduite ;

pendant longtemps ils recevront sa sage direction :

La foule de ses officiers, célébrant sa vertu

et louant son auguste gloire,

a proposé qu’on fit cette inscription sur le Tche-feou (310).

(Ts’in Che-hoang-ti s’en retourna ; il arriva alors à Lang-ya (311) et rentra (à la capitale) en passant par le Chang-tang. La trentième année (217 av. J.-C.), il n’y eut rien.

Trente et unième année (216 av. J.-C.) : le douzième mois échangea son nom de la contre celui de kia p’ing (312). p.163 On fit présent aux têtes noires de six che de riz et de deux moutons par village. — Che-hoang se promenait incognito dans Hien-yang, accompagné seulement (313) de p.164 quatre soldats ; étant sorti de nuit, il rencontra des brigands auprès de l’étang des Orchis (314) et se vit fort menacé ; les soldats attaquèrent et tuèrent les brigands. Il y eut à l’intérieur des passes une grande enquête pendant vingt jours. — Le che de riz valut 1600 (pièces de monnaie).

La trente-deuxième année (215 av. J.-C.). Che-hoang se rendit à Kie-che (315). il envoya maître Lou, originaire du p.165 pays de Yen, à la recherche de Sien-men, et de Kao-che (316). Il grava sur la porte de Kie-che comment il avait détruit les remparts intérieurs et extérieurs et ouvert un passage à travers les barrages et les obstacles. Le texte (de cette inscription) était ainsi conçu (317) :


(1e strophe)

Il leva donc les bataillons de ses soldats ;

il punit p.166 de mort ceux qui agissaient contrairement à la raison ;

les fauteurs de rébellion furent exterminés.

Par ses vertus guerrières il anéantit les cruels et les révoltés ;

par ses vertus pacifiques il rendit le calme aux innocents ;

les cœurs du peuple lui furent tous soumis.

Sa bonté apprécie la valeur et le mérite ;

ses faveurs s’étendent jusqu’aux bœufs et aux chevaux ;

ses bienfaits ont enrichi le sol de la terre (318).


(2e strophe) Le souverain empereur a déployé son prestige ;

sa vertu a absorbé les seigneurs ;

le premier, il a établi uniformément un grand calme.

Il a renversé et détruit les remparts intérieurs et les murs extérieurs (319) ;

il a ouvert des passages dans les barrages des fleuves ;

il a aplani et supprimé les difficultés et les obstacles.

La face de la terre étant bien réglée,

la multitude aux cheveux noirs ne fut pas accablée de corvées ;

dans le monde tous furent (sagement) gouvernés.

Les hommes se livrèrent avec joie à la culture des champs ;

les femmes vaquèrent avec soin à leurs occupations ;

toute chose eut son rang.

Sa bonté s’est étendue sur tous les patrimoines ;

pour longtemps, tous sont venus dans leurs champs ;

il n’est personne qui ne soit tranquille chez soi.

La foule de ses sujets, célébrant sa gloire,

a p.167 demandé qu’on gravât cette pierre,

afin de transmettre et de manifester un modèle et une règle (320).


Puis (l’empereur) envoya Han-tchong, Heou-kong et maître Che à la recherche des immortels et de la drogue qui empêche de mourir.

Che-hoang parcourut la frontière du nord et revint en passant par la commanderie de Chang. Maître Lou, originaire de Yen, avait été envoyé sur mer ; à son retour, il prétexta quelque affaire des mânes et des dieux et en profita pour présenter un livre de Lou-t’ou (321) où il était dit : « Ce qui perdra Ts’in, c’est Hou (322). Alors Che-hoang envoya le général Mong T’ien, à la tête de trois cent mille soldats, attaquer les Hou sur la frontière du nord ; il s’empara du territoire au sud du fleuve.

La trente-troisième année (214 av. J.-C.), il envoya p.168 tous les vagabonds invétérés, les fainéants (323) et les boutiquiers conquérir le territoire des Lou-leang (324) ; il en fit les commanderies de Koei-lin, de Siang et de Nan-hai (325) ; il se servit de ceux qui avaient encouru des blâmes pour les bannir là en garnison. Au nord-ouest, il repoussa les Hiong-nou ; à partir de Yu-tchong (326), il longea le fleuve vers l’est et le raccorda aux montagnes Yn (327) ; il fit de ce territoire trente-quatre préfectures (328). Il construisit un mur au bord du fleuve pour servir de barrière. En outre, il chargea Mong T’ien de traverser le fleuve, de s’emparer de Kao-k’iue, de T’ao-Chan et de Pei-kia (329) et d’y construire des forteresses afin de p.169 repousser les Jong (330) ; il déporta des condamnés pour remplir ces territoires qui, pour la première fois, devinrent des préfectures. — On ne parvint pas à sacrifier (331). — Une étoile brillante apparut du côté de l’ouest.

La trente-quatrième année (213 av. J.-C.), il envoya ceux des juges qui n’avaient pas été intègres à la construction de la Grande Muraille et dans le territoire de Nan-yue. — Che-hoang disposa un banquet (332) dans le palais de Hien-yang. Les lettrés au vaste savoir, au nombre de soixante-dix, s’avancèrent pour lui souhaiter une longue vie. Le p’ou-ye Tcheou Ts’ing-tch’en présenta son éloge en ces termes :

— Autrefois, le territoire de Ts’in ne dépassait pas mille li ; grâce à la pénétration surnaturelle et à la sagesse éclairée de Votre Majesté, vous avez pacifié et réuni ce qui est à l’intérieur des mers, vous avez repoussé et chassé les barbares Man et I ; de tout ce qu’éclairent le soleil et la lune, il p.170 n’est rien qui ne vous soit soumis ; vous avez transformé les États féodaux en provinces et en préfectures. Tous les hommes sont naturellement paisibles et heureux ; ils ne subissent plus le fléau des guerres et des luttes. On se transmettra (ces avantages) pendant dix mille générations. Depuis la haute antiquité, jamais le prestige et la vertu de Votre Majesté n’ont été égalés (333).

Che-hoang fut satisfait. Le lettré au vaste savoir, Choen-yu Yue, qui était originaire de Ts’i, prit la parole en ces termes :

— Votre sujet a entendu dire que les règnes des Yn et des Tcheou avaient duré plus de mille années ; (ces souverains) avaient donné des fiefs à leurs fils, à leurs frères cadets et à leurs sujets de distinction pour s’en faire des branches et des appuis ; maintenant Votre Majesté possède tout l’intérieur des mers tandis que ses fils et ses frères cadets sont de simples particuliers ; s’il y avait tout à coup des sujets qui fissent comme T’ien Tch’ang (334) ou les six hauts dignitaires (335), vous n’auriez aucun aide qui pût vous porter secours. Que dans une affaire on ne prenne pas modèle sur l’antiquité et que cependant on puisse durer, c’est ce que je n’ai jamais entendu dire qui soit arrivé. Maintenant (Tcheou) Ts’ing-tch’en vous en a outre flatté ouvertement, de manière à aggraver les fautes de Votre Majesté ; ce n’est pas la conduite d’un sujet fidèle.

p.171 Che-hoang soumit ce cas à la délibération. Le conseiller Li Se dit :

— Les cinq empereurs ne se sont pas répétés les uns les autres ; les trois dynasties ne se sont pas imitées mutuellement ; ils ont été personnels dans leur gouvernement ; ce n’est pas qu’ils prissent le contre-pied les uns des autres ; mais c’est que les temps avaient changé. Maintenant Votre Majesté a accompli pour la première fois une grande œuvre ; elle a fondé une gloire qui durera pendant dix mille générations ; c’est assurément ce que des lettrés stupides sont incapables de comprendre. En outre, ce dont (Choen-yu) Yue a parlé, ce sont des affaires des trois dynasties ; comment pourrait-on les prendre pour règle ? Autrefois (336) les seigneurs étaient tous en lutte ; ils estimaient les sophistes voyageurs (337) et les appelaient auprès d’eux. Maintenant l’empire a été pacifié ; les lois et les ordonnances émanent d’un seul ; le peuple et les chefs de famille s’appliquent aux travaux de l’agriculture et de l’industrie ; les classes supérieures s’instruisent des lois et des ordonnances, des interdictions et des défenses. Cependant les maîtres-lettrés ne prennent pas modèle sur le présent, mais étudient l’antiquité afin de dénigrer l’époque actuelle ; ils jettent le doute et le trouble parmi les têtes noires. Le conseiller, votre sujet (Li) Se, se dissimulant qu’il s’expose à la mort, dit : Dans l’antiquité, l’empire était morcelé et troublé ; il ne se trouvait personne qui pût l’unifier ; c’est pourquoi les seigneurs régnaient (338) simultanément. p.172 Dans leurs propos, (les lettrés) parlent (339) tous de l’antiquité afin de dénigrer le temps présent ; ils colorent des faussetés afin de mettre la confusion dans ce qui est réel : ces hommes font valoir l’excellence de ce qu’ils ont appris dans leur études privées afin de dénigrer ce qu’a institué Votre Majesté. Maintenant que le souverain empereur possède l’empire dans son ensemble, qu’il a distingué le noir du blanc et qu’il a imposé l’unité, ils mettent en honneur leurs études privées et tiennent des conciliabules. Ces hommes qui condamnent les lois et les instructions, dès qu’ils apprennent qu’un édit a été rendu, s’empressent de le discuter chacun d’après ses propres principes ; lorsqu’ils sont à la cour, ils désapprouvent dans leur for intérieur ; lorsqu’ils en sont sortis, ils délibèrent dans les rues ; louer le souverain, ils estiment que c’est (chercher) la réputation ; s’attacher à des principes extraordinaires, ils pensent que c’est le plus haut mérite ; ils entraînent le bas peuple à forger des calomnies. Les choses étant ainsi, si on ne s’y oppose pas, alors en haut la situation du souverain s’abaissera, tandis qu’en bas les associations se fortifieront. Il est utile de porter une défense. Votre sujet propose que les histoires officielles, à l’exception des Mémoires de Ts’in (340), soient toutes brûlées ; sauf les personnes qui ont la charge de lettrés au vaste savoir (341), ceux qui dans l’empire se permettent de cacher le Che (king), le Chou (king), ou les discours des Cent écoles, devront tous aller auprès des autorités locales civiles et militaires pour p.173 qu’elles les brûlent. Ceux qui oseront discuter entre eux sur le Che (king) et le Chou (king) seront (mis à mort et leurs cadavres) exposés sur la place publique (342) ; ceux qui se serviront de l’antiquité pour dénigrer les temps modernes seront mis à mort avec leur parenté. Les fonctionnaires qui verront ou apprendront (que des personnes contreviennent à cet ordre), et qui ne les dénonceront pas, seront impliqués dans leur crime. Trente jours après que l’édit aura été rendu, ceux qui n’auront pas brûlé (leurs livres) seront marqués et envoyés aux travaux forcés (343). Les livres qui ne seront pas proscrits seront ceux de médecine et de pharmacie, de divination par la tortue et l’achillée, d’agriculture et d’arboriculture (344). Quant à ceux qui désireront étudier les lois et les p.174 ordonnances, qu’ils prennent pour maîtres les fonctionnaires.

Le décret fut : « Approuvé. »

La trente-cinquième année (212 av. J.-C.), (Che-hoang) perça un chemin qui passait par Kieou-yuen (345) et aboutissait Yun-yang (346) ; on fit des tranchées dans les montagnes, des remblais dans les vallées et la communication fut établie en ligne droite. — Puis Che-hoang, considérant que la population de Hien-yang était nombreuse et que le palais des rois, ses prédécesseurs, était petit :

— J’ai appris, dit-il, que le roi Wen, de la dynastie Tcheou, eut sa capitale à Fong, que le roi Ou eut sa capitale à Hao ; le territoire compris entre Fong et Hao (347) est le siège des empereurs et des rois ; alors il entreprit la construction d’un palais pour les audiences, au sud de la rivière Wei, au milieu du parc Chang-lin (348) ; il commença par bâtir la salle antérieure à côté de (349) (la capitale) ; de p.175 l’est à l’ouest, elle mesurait cinq cents pas ; du sud au nord, cinquante tchang (350) ; en haut, on pouvait faire asseoir dix mille hommes ; en bas, il était possible de dresser des étendards de cinq tchang. Une route cavalière circulaire formait un chemin suspendu. A partir du bas du pavillon on allait en ligne droite jusqu’à la montagne du Sud et on avait dressé un arc de triomphe (351) à la cime de la montagne du Sud pour figurer la porte ; on fit un chemin couvert (352) qui, partant de Ngo-pang, traversait la rivière Wei et se rattachait à Hien-yang, symbolisant ainsi le chemin suspendu de Tien-ki, qui traverse la voie lactée et aboutit à (la constellation) Yng-che (353). Quand le palais Ngo pang n’était pas encore terminé, on voulait, quand il serait achevé, choisir quelque nouveau nom honorable pour le lui décerner ; mais, comme on avait construit le palais voisin de (la capitale), tout le monde l’appela donc le palais Ngo-pang (354). Plus de sept p.176 cent mille hommes qui avaient subi le châtiment de la castration furent alors envoyés, les uns à la construction du palais Ngo pang, les autres à la construction de (la sépulture de) la montagne Li. On tira des montagnes du nord un sarcophage en pierre ; puis on transporta par flottage (355) des bois de construction des pays de Chou et de King (356) et tous (ces bois) arrivèrent. — A l’intérieur des passes, on comptait trois cents palais ; à l’extérieur, plus de quatre cents. — Puis on dressa une pierre au bord de la mer Orientale, dans le territoire de K’iu (357), pour marquer la porte Orientale de Ts’in. — Ensuite on transféra trente mille familles dans la ville de Li (358) et cinquante mille familles à Yun-yang (359) ; elles furent toutes dès lors exemptées de corvées pour dix ans.

Maître Lou (360) donna un conseil à Che-hoang, disant :

— Votre sujet et ses compagnons ont recherché la drogue merveilleuse de la plante tche (361) ; les immortels p.177 ont toujours été introuvables ; il semble (362) qu’il y a quelque être qui les gêne. Dans les règles magiques (363) (il est dit) : Le Maître des hommes prend parfois l’incognito afin d’éviter les mauvais génies ; les mauvais génies étant évités, l’Homme Véritable vient (364). Si l’endroit où demeure le Maître des hommes est connu de ses sujets, cela gêne les dieux. L’Homme Véritable entre dans l’eau sans se mouiller ; il entre dans le feu sans se brûler ; il monte sur les nuages et les vapeurs ; il est aussi éternel que le ciel et la terre. Maintenant Votre Majesté gouverne l’empire sans avoir encore pu prendre le moindre repos. Nous désirons que Votre Majesté ne permette à aucun homme de savoir dans quel palais elle se trouve ; dès lors la drogue de l’immortalité pourra peut-être être obtenue.

Alors Che-hoang dit :

— J’imiterai les hommes véritables.

En parlant de lui-même, il s’appela « l’homme véritable » et ne dit pas tchen (365). Puis p.178 il ordonna que, dans un rayon de deux cents li aux environs de Hien-yang, les deux cent soixante-dix palais (366) qui s’y trouvaient fussent mis en communication entre eux par des chemins couverts et par des chemins bordés de murs ; des tentures, des rideaux, des cloches, des tambours, de belles femmes les remplissaient et avaient leurs places respectives ; on ne les transportait point (d’un palais à l’autre). Lorsque l’empereur favorisait de sa venue quelque endroit, si quelqu’un disait où il se trouvait, son crime était digne de mort. Che-hoang-ti alla dans le palais de la montagne Leang (367) ; du haut de la montagne il vit que les chars et les cavaliers du conseiller étaient fort nombreux et il ne l’approuva pas ; parmi les gens du palais, il se trouva quelqu’un pour le rapporter au conseiller qui, à la suite de cela, diminua le nombre de ses chars et de ses cavaliers. Che-hoang se mit en colère et dit :

— Cela vient de ce qu’une des personnes du palais a divulgué mes paroles.

Il fit subir un interrogatoire, mais personne n’avoua ; dans cette circonstance, il ordonna d’arrêter tous ceux qui avaient été auprès de lui en ce temps et les fit tous périr : à partir de ce moment, personne ne sut où il était quand il se déplaçait.

Quand il s’occupait des affaires, il ne remettait à ses officiers que des affaires décidées ; tout se réglait dans le palais de Hien-yang. Maître Heou (368) et maître Lou p.179 complotèrent entre eux, disant :

Che-hoang est un homme qui a reçu du Ciel un naturel violent, cruel et despotique ; il a supprimé les seigneurs et réuni tout l’empire ; ses desseins ont réussi, ses désirs ont été suivis ; il estime que depuis l’antiquité personne ne l’a jamais égalé. Il ne donne d’autorité qu’aux officiers de justice ; ce sont les officiers de justice qui parviennent à l’approcher et obtiennent sa faveur. Les lettrés au vaste savoir, quoiqu’au nombre de soixante-dix, se contentent de leur titre et ne sont pas employés. Les conseillers d’État et les principaux ministres reçoivent tous les affaires quand elles sont terminées ; ils font dépendre leur administration de l’empereur. L’empereur se plaît à établir son prestige par les supplices et les exécutions. Les gens, par crainte d’être punis et par désir de conserver leurs appointements, n’osent pas être fidèles jusqu’au bout (369) ; l’empereur ne s’entend pas reprocher ses fautes et devient de jour en jour plus arrogant ; ses sujets lui obéissent servilement et le trompent afin de garder leurs aises. D’après les lois de Ts’in, on ne saurait exercer plus d’un art à la fois (370) et, si l’on fait erreur, c’est aussitôt la mort ; or ceux qui observent les étoiles et les émanations sont au nombre de trois cents, qui sont tous d’excellents savants ; mais, craignant de dire des choses défendues, ils flattent (l’empereur) et n’osent pas lui p.180 déclarer franchement (371) ses fautes. Les affaires de l’empire, grandes ou petites, sont toutes décidées par l’empereur. L’empereur va jusqu’à peser les écrits au poids d’un che et en fait sa mesure d’un jour et une nuit (372) ; tant qu’il n’a pas rempli cette mesure, il ne s’accorde pas de repos. Puisque telle est sa soif d’autorité, nous ne saurions rechercher en sa faveur la drogue des immortels.

Alors ils s’enfuirent.

Che-hoang, apprenant qu’ils avaient disparu, se mit fort en colère et dit :

— Auparavant, j’ai recueilli les livres de l’empire et, ceux qui étaient inutiles, je les ai tous supprimés. J’ai appelé de partout une grande multitude de lettrés, de magiciens et de savants ; je me proposais par là de faire fleurir une grande paix ; les magiciens, j’ai voulu les choisir afin qu’ils recherchassent la drogue merveilleuse. Maintenant, j’apprends que Han Tchong est parti sans m’en donner avis, que Siu Che (373) et ses collègues ont fait des dépenses qui se chiffrent par myriades de pièces de monnaie et qu’en définitive ils p.181 n’ont pas trouvé la drogue. C’est uniquement de leurs bas intérêts qu’ils s’entretenaient et qu’ils m’informaient chaque jour. Quant à maître Lou et à ses collègues, je les ai comblés d’honneurs et de présents ; or ils me calomnient afin d’incriminer mes fautes. Les lettrés (374) qui sont à Hien-yang, j’enverrai des gens les interroger ; il en est qui répandent de faux bruits afin de semer le trouble parmi les Têtes-noires.

Il chargea donc les enquêteurs impériaux de soumettre à un interrogatoire minutieux les lettrés ; les lettrés se rejetèrent la faute les uns sur les autres ; alors (Ts’in Che-hoang-ti) désigna lui-même ceux qui avaient violé ses défenses au nombre de quatre cent soixante environ (375) ; il les fit tous p.182 périr (376) à Hien-yang ; il le fit savoir dans tout l’empire afin que ce fût un avertissement pour l’avenir. Il déporta en plus grand nombre des condamnés qu’il envoya à la frontière. Le fils aîné de Che-hoang, Fou-sou, le blâma, disant :

— L’empire vient à peine d’être pacifié ; les Têtes-noires des régions éloignées ne sont pas encore réunies à nous. Les lettrés parlent tous de K’ong-tse et le prennent pour règle ; or maintenant Votre Majesté les enchaîne tous par des lois sévères. Votre sujet craint que l’empire ne soit pas calme ; que Votre Majesté y fasse attention.

Che-hoang, irrité, envoya Fou-sou dans le nord surveiller Mong T’ien dans la commanderie de Chang. La trente-sixième année (211 av. J.-C.), la planète Yong-ho (377) se trouva dans les constellations Sin. — Il y eut une étoile filante qui tomba dans la commanderie de Tong ; arrivée à terre, c’était une pierre (378). Quelqu’un p.183 du peuple grava sur cette pierre ces mots : « A la mort de Che-hoang-ti, le territoire se divisera. » Che-hoang l’apprit et envoya les enquêteurs royaux instruire l’affaire ; personne n’avoua ; il arrêta toutes les personnes qui demeuraient dans le voisinage de la pierre et les fit périr ; puis il détruisit la pierre par le feu. Che-hoang était attristé ; il chargea les lettrés au vaste savoir de composer des chants sur les hommes immortels et véritables et sur les voyages qu’il avait faits dans l’empire ; il remit ces chants aux musiciens en leur ordonnant de les chanter et de les jouer (379).

En automne, un envoyé, venant de l’est des passes, se trouvait marcher de nuit sur le chemin de P’ing-chou, dans le territoire de Hoa-yn (380). Un homme tenant un anneau de jade arrêta l’envoyé et lui dit :

— Remettez cela de ma part au prince de l’étang de Hao (381).

Puis il ajouta :

— Cette année le dragon-ancêtre mourra.

L’envoyé lui demanda des explications, mais soudain il devint invisible et s’en alla en laissant son anneau de jade. L’envoyé présenta l’anneau (au trône) en faisant un rapport p.184 complet. Che-hoang resta silencieux pendant un fort long temps, puis il dit :

— La prescience d’un génie des montagnes ne s’étend certainement pas au delà des événements d’une année (382).

Quand il se fut retiré dans son particulier il dit :

— Le dragon-ancêtre, c’est le chef des hommes (383).

Il chargea le comité des enquêteurs impériaux d’examiner l’anneau ; c’était celui qu’il avait jeté dans l’eau en traversant le Kiang, lors du voyage qu’il avait fait la vingt-huitième année (219 av. J.-C.). Alors Che-hoang consulta les sorts à ce sujet ; les diagrammes répondirent que voyager et déplacer étaient favorables. Il transporta (donc) trente mille familles à Pei-ho et à Yu-tchong (384) et leur conféra un degré dans la hiérarchie (385).

La trente-septième année, au dixième mois, au jour koei-tch’eou (1er novembre 211) (386), Che-hoang partit en voyage ; le conseiller de gauche (Li) Se, l’accompagna ; p.185 le conseiller de droite (Fong) K’iu-tsi, garda (la capitale) ; le fils cadet (de l’empereur), Hou-hai, était aimé (de son père) ; il demanda à le suivre ; l’empereur l’y autorisa. Le onzième mois, il arriva à Yun-mong et fit de loin le sacrifice à Yu-Choen (qui réside) sur la montagne Kieou-i (387) ; il descendit en bateau le Kiang ; il inspecta Tsi-ko (388) ; il traversa les îlots de la mer (389) et passa par Tan-yang (390) ; il arriva à Ts’ien-yang (391) et s’approcha du Tche-kiang (392) : mais comme les flots étaient en fureur, il se rendit à cent vingt li à l’ouest et fit la traversée dans un endroit (393) p.186 resserré. Il monta sur le Koei-ki (394) et sacrifia à Yu le grand ; il fit le sacrifice de loin aux montagnes du Sud ; puis il dressa une stèle où il grava une inscription célébrant les mérites de Ts’in ; le texte en était ainsi conçu (395) :


(1e strophe)

La gloire bienfaisante du souverain empereur

a pacifié et unifié le monde ;

sa vertu et sa bonté durent longtemps.

La trente-septième année,

il parcourut en personne l’empire

et fit une tournée d’inspection dans les contrées éloignées.

C’est alors qu’il monta sur le Koei-ki ;

il comprit et il examina les coutumes et les mœurs ;

les têtes noires furent attentives et respectueuses.

La foule de ses sujets célèbre ses mérites ;

ils recherchent l’origine des actions accomplies ;

ils remontent au principe de cette noble illustration.

Le sage (de la maison) des Ts’in ayant pris en main le gouvernement,

il a le premier déterminé les châtiments et les noms,

il a mis en lumière et manifesté l’antique perfection.

Pour la première fois il a rendu uniformes les lois et les modèles ;

il a distingué et séparé les attributions et les fonctions,

afin d’établir une règle immuable.


(2e strophe)

p.187 Les six rois s’arrogeaient le droit de se révolter ;

ils étaient avides et méchants, insolents et sauvages ;

à la tête de leur parti ils se rendaient personnellement puissants.

Ils étaient cruels et suivaient leurs mauvais penchants ;

ils se fiaient sur leur force pour se montrer orgueilleux ;

souvent ils mettaient en mouvement les armes défensives et offensives.

En cachette ils communiquaient entre eux et avaient des émissaires secrets,

afin de former une ligue du nord au sud ;

ils cherchaient à accomplir des desseins mauvais.

A l’intérieur, ils déguisaient sous de belles apparences des projets trompeurs ;

à l’extérieur, ils venaient envahir nos frontières ;

ils firent naître ainsi les calamités et les désastres.

Sa justice et sa puissance les ont punis de mort ;

il a supprimé et anéanti leurs violences et leurs rébellions ;

ces fauteurs de troubles et ces brigands furent exterminés et disparurent.

Sa sagesse et sa vertu sont étendues et profondes ;

dans l’intérieur des six directions,

ses bienfaits qui se répandent ont été illimités (396).


(3e strophe)

Le souverain empereur a réuni l’univers ;

il a écouté simultanément toutes les affaires ;

au loin et au près il n’est rien qui ne soit pur.

p.188 Il porte l’ordre dans la foule des êtres ;

il examine et met à l’épreuve la réalité des faits ;

chaque chose a le nom qui lui convient.

Le noble et le vil, il les pénètre également ;

le bien et le mal sont exposés devant lui ;

il n’y a aucune disposition qui lui soit cachée.

Si on dissimule une faute en se proclamant juste,

(comme par exemple) si une femme a des enfants et se remarie (397),

elle désobéit au mort et n’est pas chaste.

Il a établi des barrières entre l’intérieur et l’extérieur ;

il a interdit et supprimé la débauche ;

les hommes et les femmes obéissent à la règle et sont intègres.

Si un homme va dans une maison qui n’est pas la sienne pour s’y conduire comme un pourceau (398),

celui qui le tue n’est pas coupable ;

les hommes observent les statuts de la justice.


(4e strophe)

Si une femme s’enfuit (de la maison conjugale) pour épouser (un autre homme) (399),

les enfants n’ont plus de p.189 mère ;

tous se réforment pour être fidèles et sans tâche.

Son grand gouvernement a purifié les mœurs ;

le monde reçoit son influence

et a le bonheur de subir sa direction bienfaisante.

Tous se conforment à ses mesures et à ses principes ;

ils vivent dans l’harmonie et le calme et font de sérieux efforts ;

il n’est personne qui n’obéisse à ses ordonnances.

Les têtes-noires pratiquent ce qui est pur ;

les hommes se plaisent à une règle uniforme ;

ils se félicitent de conserver la paix universelle.

La postérité recevra avec respect ses lois ;

c’est un gouvernement perpétuel qui n’aura pas de fin ;

ni les chars ni les bateaux ne seront renversés (400).

Ses officiers qui le suivent ont célébré sa gloire ;

ils ont proposé qu’on gravât cette pierre

afin de transmettre avec éclat cette excellente inscription (401).


p.190 (Ts’in Che-hoang-ti) s’en retourna ; il traversa le pays de Ou ; il passa (le Kiang) à Kiang-tch’eng (402). Il longea le bord de la mer, et, au nord, il arriva à Lang-ya (403). Le magicien Siu Che (404) et d’autres étaient allés sur mer à la recherche de la drogue des immortels ; plusieurs années s’étaient écoulées sans qu’ils l’eussent trouvée ; ils avaient fait de grandes dépenses et craignaient d’être blâmés ; c’est pourquoi ils dirent faussement :

— On peut trouver la drogue du P’ong-lai ; mais nous en avons toujours été empêchés par le grand poisson kiao et c’est pourquoi nous n’avons pas pu y parvenir. Nous désirons proposer qu’un excellent archer nous soit adjoint (405) ; quand (le poisson) apparaîtra, il lui tirera des flèches avec l’arbalète qui lance plusieurs flèches de suite (406).

Che-hoang rêva qu’il combattait un dieu de la mer qui avait la figure d’un homme. Il interrogea un lettré au vaste savoir qui interprétait les songes ; celui-ci lui dit :

— Si le dieu des eaux ne peut être vu, c’est parce qu’il est gardé par les grands poissons et par les dragons ; maintenant, que Votre Majesté fasse des prières et des sacrifices, qu’elle soit prête et attentive ; et si ces mauvais esprits sont là, il faudra les écarter ; alors les dieux bons pourront être évoqués.

(L’empereur) ordonna donc à ceux qui allaient sur mer de se munir d’appareils p.191 pour prendre le gros poisson ; lui-même, armé de l’arbalète qui tire plusieurs flèches de suite, attendit que le grand poisson sortit afin de tirer sur lui ; il alla de Lang-ya jusqu’à la montagne Yong-tch’eng (407) sans rien voir ; arrivé au Tche-feou (408), il aperçut un grand poisson ; il tira et tua un poisson ; puis il longea le bord de la mer. Lorsqu’il arriva dans l’ouest au gué de P’ing-yuen (409), il tomba malade ; Che-hoang n’aimait pas qu’on parlât de la mort ; parmi ses sujets personne n’osa l’entretenir de sujets funèbres. L’empereur devint de plus en plus malade ; il fit alors une lettre scellée qui devait être remise à son fils Fou-sou (410) et dans laquelle il lui disait :

« Rendez-vous à Hien-yang avec mon cortège mortuaire et enterrez-moi là.

La lettre étant terminée, elle fut confiée au bureau chargé de la transmission des brevets et ordres scellés, (bureau qui dépendait) de Tchao Kao, chef des attelages du palais ; elle n’avait pas encore été remise à un messager lorsqu’au septième mois, le jour ping-yn (411), Che-hoang mourut sur la terrasse P’ing à p.192 Cha-k’ieou (412). Le conseiller (Li) Se, considérant que l’empereur était mort loin de la capitale et craignant que les princes et l’empire ne fissent une révolution, tint la chose secrète et n’annonça pas le décès. Le cercueil fut placé dans une voiture de repos (413). L’eunuque qui avait été le préféré du mort était avec lui dans le char ; partout où on arrivait, on apportait la nourriture de l’empereur et les divers fonctionnaires lui présentaient leurs requêtes comme par le passé ; l’eunuque, parlant de dedans la voiture de repos, approuvait aussitôt leurs requêtes. Il n’y avait que Hou-hai, fils (de l’empereur), Tchao kao et cinq ou six eunuques préférés qui savaient que le souverain était mort. Tchao Kao avait autrefois enseigné à Hou-hai l’écriture et ce qui concerne les codes et les lois ; Hou-hai le favorisait secrètement ; alors (Tchao) Kao, le prince Hou-hai et le conseiller (Li) Se complotèrent secrètement de détruire la lettre que Che-hoang avait scellée pour qu’elle fût remise au prince Fou-sou, et de prétendre au contraire que le conseiller (Li) Se avait reçu de Che-hoang à Cha-k’ieou un décret testamentaire, par lequel Hou-hai était nommé héritier présomptif ; en outre ils forgèrent une lettre qu’ils envoyèrent au prince Fou-sou et à Mong-t’ien pour leur reprocher leurs crimes (414) p.193 et leur ordonner de périr ; ce récit complet se trouve dans la biographie de Li Se (415). On marcha ; on passa par Tsing-hing et on arriva à Kieou-yuen (416) ; il fit chaud ; de la voiture de repos de l’empereur s’exhalèrent de mauvaises odeurs ; alors un décret ordonna aux fonctionnaires de la suite de charger dans chaque char (417) un che de poisson salé, afin de donner le change sur l’odeur. Le voyage se poursuivit ; on arriva par le chemin direct à Hien-yang et on annonça le décès.

L’héritier présomptif Hou-hai recueillit la succession du pouvoir ; ce fut Eul Che-hoang-ti.

Le neuvième mois, on enterra Che-hoang dans la montagne Li. Dès le début de son règne, Che-hoang avait fait creuser et arranger la montagne Li. Puis, quand il eut réuni dans ses mains tout l’empire, les travailleurs qui p.194 y furent envoyés furent au nombre de plus de sept cent mille ; on creusa le sol jusqu’à l’eau (418) ; on y coula du bronze (419) et on y amena le sarcophage ; des palais (420), (des bâtiments pour) toutes les administrations, des ustensiles merveilleux, des joyaux et des objets rares y furent transportés et enfouis et remplirent (la sépulture). Des artisans reçurent l’ordre de fabriquer des arbalètes et des flèches automatiques ; si quelqu’un avait voulu faire un trou et s’introduire (dans la tombe), elles lui auraient soudain tiré dessus. On fit avec du mercure (421) les cent cours d’eau, le Kiang, le Ho, et la vaste mer (422) ; des machines le faisaient couler et se le transmettaient les unes aux autres. En haut étaient tous les signes du ciel ; en bas toute la disposition géographique. On fabriqua avec p.195 de la graisse de jen-yu (423) des torches qu’on avait calculé ne pouvoir s’éteindre de longtemps. Eul-che dit :

— Il ne faut pas que celles des femmes de l’empereur décédé qui n’ont pas eu de fils soient mises en liberté.

Il ordonna que toutes le suivissent dans la mort ; ceux qui furent mis à mort furent très nombreux. Quand le cercueil eut été descendu, quelqu’un dit que les ouvriers et les artisans qui avaient fabriqué les machines et caché les trésors savaient tout ce qui en était et que la grande valeur de ce qui avait été enfoui serait donc divulguée ; quand les funérailles furent terminées et qu’on eut dissimulé et bouché la voie centrale (424) qui menait à la sépulture, on fit tomber la porte à l’entrée extérieure de cette voie et on enferma tous ceux qui avaient été employés comme ouvriers ou artisans à cacher (les trésors) ; ils ne purent pas ressortir. On planta des herbes et des plantes pour que (la tombe) eût l’aspect d’une montagne.

La première année de son règne (209 av. J.-C.), Eul Che-hoang-ti avait vingt et un ans. Tchou Kao était lang-tchong-ling et était écouté (de l’empereur) dans l’exercice de sa charge ; il fit rendre à Eul-che un édit prescrivant qu’on augmentât le nombre des victimes au temple funéraire (425) de Che-hoang, ainsi que les rites des p.196 cent sacrifices offerts aux montagnes et aux cours d’eau, et prescrivant aux officiers rassemblés de discuter sur les moyens d’honorer le temple funéraire de Che-hoang. Les officiers réunis dirent tous en se prosternant la tête contre terre :

— Dans l’antiquité, le Fils du Ciel avait sept temples funéraires, les seigneurs en avaient cinq, les grands officiers en avaient trois (426). Même pendant dix mille générations, de génération en génération (cette règle) ne s’est point perdue ni détruite. Maintenant, p.197 Che-hoang a construit le temple funéraire Ki (427) ; tout ce qui est à l’intérieur des quatre mers apporte des tributs et des redevances ; on a augmenté le nombre des victimes ; les rites sont tous au complet ; il n’y a pas moyen d’y rien ajouter. (Cependant), les temples funéraires des anciens rois sont, les uns à Si-yong (428), les autres à Hien-yang ; (or), d’après l’étiquette qui convient au Fils du Ciel, il faut ne s’acquitter que des sacrifices associés (429) au temple funéraire de Che-hoang.

On détruisit (donc) tous les groupes de sept temples qui avaient été élevés en l’honneur du duc Siang et de ses successeurs ; les officiers réunis introduisirent suivant les rites ces sacrifices (dans le temple Ki) afin d’honorer le temple funéraire de Che-hoang qui devint le temple ancestral des empereurs.

L’empereur reprit le mot tchen pour se désigner lui-même (430).

Eul-che tint conseil avec Tchan Kao et lui dit :

— Je suis jeune ; je viens seulement de prendre le pouvoir et les Têtes-noires ne se sont point encore réunies autour de moi et attachées à moi. L’empereur mon prédécesseur a parcouru les commanderies et les préfectures afin de montrer sa puissance ; son prestige a soumis p.198 l’intérieur des mers. Maintenant, en restant tranquille et en ne faisant aucune tournée (d’inspection), je paraîtrai faible ; ce n’est pas le moyen de m’assujettir l’empire et d’en prendre soin.

Au printemps, Eul-che parcourut à l’est les commanderies et les préfectures ; Li Se l’accompagnait ; il arriva au Kie-che (431), puis, longeant la mer, il arriva au sud jusqu’au Koei-ki (432) ; alors, sur toutes les inscriptions qu’avait élevées Che-hoang, il fit une inscription et écrivit à côté de la stèle les noms des hauts fonctionnaires qui l’accompagnaient (433), afin de célébrer le mérite accompli et la vertu parfaite de l’empereur précédent. (Le texte de l’inscription supplémentaire était ainsi conçu :)

« L’empereur dit :

— Les inscriptions sur métal et sur pierre, c’est Che-hoang-ti qui les a toutes faites. Maintenant, quoique j’ai hérité de son titre, les textes que je grave sur le métal et sur la pierre ne sont pas à la hauteur de ceux de Che-hoang-ti et en restent fort éloignés. Si parmi mes successeurs, il en est qui font (des inscriptions), qu’ils ne s’égalent pas au mérite achevé et à la vertu parfaite (de Che-hoang-ti) (434).

Les conseillers, p.199 votre sujet, (Li) Se, et votre sujet (Fong) K’iu-tsi, le yu-che-ta-fou, votre sujet, (435), se dissimulant qu’ils risquent la mort ont dit :

— Vos sujets demandent que partout on grave le texte de cet édit, qu’on le grave sur pierre (436) afin de le rendre manifeste. Telle est la proposition que vos sujets font en ne se dissimulant pas qu’ils risquent la mort.

Le décret fut : « Approuvé ».

Puis (Eul-che) arriva au Leao-tong et revint.

p.200 Alors Eul-che suivit les avis de Tchao Kao et multiplia les lois et les ordonnances ; il tint une délibération secrète avec Tchao Kao et lui dit :

— Les principaux ministres ne me sont pas soumis ; les fonctionnaires et les officiers sont encore puissants ; enfin les membres de la noblesse me sont hostiles. Que faut-il faire ?

(Tchao) Kao dit :

— Votre sujet avait la ferme intention de vous parler à ce sujet, mais ne l’avait point encore osé. Les principaux ministres de l’empereur votre prédécesseur sont tous des hommes dont la réputation et la noblesse remontent à plusieurs générations ; ils ont des titres de gloire accumulés qu’ils se transmettent de génération en génération. Or, moi (Tchao) Kao, j’étais petit et méprisé ; la faveur de Votre Majesté m’a élevé, je me trouve maintenant dans un poste élevé et je dirige les affaires les plus importantes. Les principaux ministres en sont fort mécontents ; ce n’est que de visage qu’ils obéissent et se comportent en sujets ; mais dans la réalité, leur cœur n’est pas soumis. Maintenant, les édits que promulgue Votre Majesté ne sont pas appropriés à cet état de choses ; mettez en accusation tous les préfets et commandants des commanderies et des préfectures qui sont coupables et faites-les tous périr ; en premier lieu, vous ferez trembler sous votre prestige tout l’empire ; en second lieu, vous vous débarrasserez de ce que le peuple ne peut supporter (437). Dans les p.201 circonstances présentes, (les lois de) la paix ne sont plus la règle, mais tout se décide par la force guerrière. Je désire que Votre Majesté s’empresse de se conformer aux circonstances, qu’elle n’ait pas d’hésitation et surtout que les ministres rassemblés ne soient pas appelés à délibérer (sur cette question). Un souverain éclairé recueille et élève le peuple délaissé ; les humbles, ils les ennoblit ; les pauvres, ils les enrichit ; les éloignés, il les rapproche ; alors le haut et le bas sont unis et le royaume est paisible.

Eul-che dit :

— Cela est fort bien.

Alors il se mit à exterminer les principaux ministres ainsi que les membres des familles princières ; les petits fonctionnaires qui les approchaient furent impliqués dans l’accusation criminelle ; parmi les trois catégories de lang (438), il n’y eut personne qui pût rester sauf ; six princes eurent leurs cadavres exposés à Tou (439). p.202 — Le prince Tsiang-lu et ses deux frères étaient emprisonnés dans le palais intérieur ; quand on statua sur leurs crimes, ils étaient les seuls qui subsistassent. Eul-che envoya un messager porter cet ordre à Tsiang-lu : « Prince, vous ne vous êtes pas conduit comme un sujet ; votre crime mérite la mort. Mes officiers vous appliqueront la loi.

Tsiang-lu dit :

— Dans les cérémonies de la cour, je ne me suis jamais permis de ne pas me conduire comme un hôte et un aide ; dans les fonctions au palais (440), je ne me suis jamais permis de manquer à mon devoir ; soit que j’aie reçu des ordres, soit que j’aie répondu, je ne me suis jamais permis un manquement dans mes paroles. Comment peut-on dire que je ne me suis pas conduit comme un sujet ? Je demande à être informé de mon crime avant de mourir.

Le messager lui répondit :

— Je n’ai pas le droit de discuter avec vous ; j’ai reçu un ordre écrit et je m’y conforme.

Tsiang-lu leva alors les yeux vers le ciel et invoqua par trois fois le Ciel à haute voix, en disant :

— O Ciel ! Je suis innocent.

Les trois frères versaient tous des larmes ; ils tirèrent leurs épées et se tuèrent. Le clan impérial fut frappé de terreur ; les ministres qui se permirent des remontrances furent considérés comme coupables de calomnies inconsidérées ; les principaux officiers, afin p.203 de garder leurs appointements, se résignèrent. Les Têtes-noires furent saisies de crainte.

Le quatrième mois, Eul-che revint à Hien-yang et dit :

— L’empereur mon prédécesseur trouvait petit le palais de Hien-yang et c’est pourquoi il fit les plans du palais Ngo-pang, pour y établir sa demeure ; mais avant que cette construction fût terminée, il arriva que l’empereur mourut ; on la fit abandonner aux ouvriers afin de remettre la terre (441) sur la montagne Li. Les travaux de la montagne Li sont complètement terminés ; si maintenant je permets que le palais Ngo-pang ne soit pas achevé, ce sera une façon de montrer que l’empereur mon prédécesseur s’était trompé dans ce qu’il avait entrepris.

Il se remit à la construction du palais Ngo-pang, (afin d’)en imposer au dehors aux barbares des quatre points cardinaux (442), et de se conformer aux plans de Che-hoang. (Eul-che) appela tous ses arbalétriers au nombre de cinquante mille hommes et les fit tenir garnison à Hien-yang ; il ordonna qu’on enseignât le tir à l’arc ; les chiens, les chevaux (443), les oiseaux et les quadrupèdes qu’il fallait nourrir étaient fort nombreux ; il n’y avait de rien en suffisance ; (l’empereur) rendit l’ordre d’imposer aux commanderies et aux préfectures des transports de pois, p.204 de grain, de foin et de paille ; tous reçurent l’ordre de fournir d’eux-mêmes du fourrage et des vivres. A trois cents li à la ronde de Hien-yang, (le peuple) ne put manger ses moissons (444). Les lois qu’on appliqua furent encore plus dures et plus cruelles (que celles de Ts’in Che-hoang-ti).

Le septième mois, un soldat d’une garnison militaire, Tch’en Cheng (445), souleva avec ses partisans l’ancien territoire de King (446) dont il fit le « Tch’ou agrandi » ; (Tch’en) Cheng se nomma lui-même roi de Tch’ou ; il s’établit à Tch’en (447) et envoya ses capitaines porter ses ordres dans la contrée. Les jeunes hommes des commanderies et des préfectures du pays à l’est des montagnes étaient opprimés par les fonctionnaires des Ts’in ; ils tuèrent tous leurs administrateurs, leurs commandants militaires, leurs préfets et leurs sous-préfets et se révoltèrent ; pour répondre à Tch’en Ché (448), ils se nommèrent les uns les autres marquis et rois ; ils formèrent une ligue du nord au sud tournée contre l’ouest, et leur mot d’ordre était de combattre Ts’in ; leur nombre fut incalculable.

Un ye-tché qui avait été envoyé en mission dans l’est revint (à la cour) et informa Eul-che de la rébellion. Eul-che se mit en colère et déféra cet homme aux tribunaux. Puis un autre envoyé arriva. Aux questions de l’empereur il répondit :

— Ces bandes de brigands, les administrateurs et les commandants militaires des commanderies viennent de les chasser et de les arrêter ; maintenant p.205 ils les ont tous pris. Il n’y a pas lieu de vous inquiéter.

L’empereur fut content.

Ou Tch’en se nomma roi de Tchao ; Wei Kieou devint roi de Wei ; T’ien Tan devint roi de Ts’i ; le gouverneur de P’ei se souleva à P’ei ; Hiang Leang mobilisa des soldats dans la commanderie de Koei-ki (449).

La deuxième année (208 av. J.-C.), en hiver, les capitaines envoyés par Tch’en Ché, à savoir Tcheou Tchang et ses collègues arrivèrent à l’ouest jusqu’à Hi (450) ; ils avaient plusieurs centaines de mille de soldats. Eul-che eut grand peur ; il tint conseil avec ses ministres assemblés et leur demanda ce qu’il fallait faire. Le chao-fou Tchang Han (451) dit :

— Les brigands sont arrivés et leur multitude est puissante ; maintenant, envoyer contre eux les (soldats des) préfectures voisines ne suffirait pas ; les condamnés de la montagne Li sont nombreux ; je vous propose de les gracier et de leur donner des armes pour qu’ils les combattent.

Eul-che accorda alors une amnistie générale dans tout l’empire ; Tchang Han, chargé du commandement, attaqua et défit l’armée de Tcheou Tchang et la mit en fuite ; puis il tua (Tcheou) Tchang à Ts’ao-yang (452). Eul-che envoya encore le tchang-che Se-ma Hin p.206 et Tong I pour aider Tchang Han à combattre les brigands : ils tuèrent Tch’en Cheng à Tch’eng fou (453) ; ils écrasèrent Hiang-leang à Ting-t’ao (454) ; ils anéantirent Wei Kieou à Lin-tsi (455). Les capitaines les plus renommés des brigands du territoire de Tch’ou étant morts, Tchang Han se dirigea du côté du nord, traversa le fleuve et alla attaquer le roi de Tchao, Hie, et ses partisans à Kiu-lou (456). Tchao Kao donna le conseil suivant à Eul-che :

— L’empereur votre prédécesseur avait gouverné l’empire pendant longtemps ; c’est pourquoi aucun de ses sujets n’osait lui désobéir ni lui tenir des discours mauvais. Maintenant Votre Majesté a encore longtemps à vivre ; vous venez de monter sur le trône ; comment se fait-il que vous décidiez les affaires en pleine cour avec les ducs du palais et les hauts dignitaires ? Si quelque faute se commet dans les affaires, vous montrez à tous vos sujets vos imperfections. Si le Fils du Ciel dit tchen, (en parlant de lui), c’est certainement parce qu’on n’entend pas le son (de sa voix) (457).

Alors Eul-che resta p.207 toujours dans ses appartements réservés et décida toutes les affaires avec (Tchao) Kao ; à partir de ce moment, les ducs du palais et les hauts dignitaires ne furent plus que rarement reçus en audience.

Les brigands devinrent encore plus nombreux et on ne cessait pas d’envoyer des soldats de l’intérieur des passes combattre les brigands du côté de l’est. Le grand conseiller de droite (Fong) K’iu-tsi, le grand conseiller de gauche (Li) Se et le général Fong Kie, adressèrent à l’empereur des remontrances en ces termes :

« Les bandes de brigands à l’est des passes se soulèvent en nombre de plus en plus grand ; Ts’in a envoyé pour les exterminer des soldats qui en ont tué et détruit un très grand nombre. Cependant le mouvement ne s’arrête pas. Si les brigands se multiplient, c’est parce que tous sont excédés d’être occupés à tenir garnison et à travailler aux transports par eau et par terre, et parce que les impôts et les taxes sont élevés. Noue vous demandons de faire cesser les travaux du palais Ngo-pang et de diminuer les garnisons et les transports sur les quatre frontières.

Eul-che répondit : — J’ai appris que Han-tse (458) avait dit :

« Yao et Choen avaient (sur les toits de leurs p.208 maisons) des chevrons de chêne qui n’étaient pas rabotés, des chaumes qui n’étaient pas coupés d’une manière égale ; ils mangeaient dans une écuelle de terre ; ils buvaient dans un vase de terre ; même la nourriture d’un portier n’était pas aussi mauvaise (459). Yu perça (la montagne) Long-men (460) ; il pénétra dans le Ta-hia (461) ; il donna un libre cours aux eaux stagnantes du Ho et les envoya à la mer ; il maniait lui-même le battoir et la houe ; ses jambes n’avaient plus de poils (462) ; les fatigues d’un p.209 serviteur ou d’un esclave n’étaient pas aussi terribles. »

En somme, ce qui fait que le possesseur de l’empire est élevé en dignité, c’est qu’il peut former de vastes desseins et concevoir des désirs extrêmes. Que le souverain rende sévères des lois claires et au-dessous de lui personne n’osera désobéir ; il réglera et dirigera ainsi le pays à l’intérieur des mers. Des souverains tels que Yu (Choen) et Hia (Yu) avaient la haute dignité de Fils du Ciel, mais personnellement, ils étaient, en fait, accablés de peines et de fatigues afin de satisfaire les cent familles ; comment pourraient-ils servir de modèle ? On m’honore en m’attribuant dix mille chars (463), mais je ne les ai pas en réalité ; je veux instituer un équipage de mille chars, un cortège de dix mille chars, pour que le titre qu’on me donne ne soit plus un titre vide. En outre, l’empereur mon prédécesseur a supprimé les seigneurs et a réuni dans sa main tout l’empire ; après s’être assuré de l’empire, il a repoussé les barbares des quatre côtés afin de donner le calme aux frontières ; il a construit des palais pour montrer qu’il avait atteint son but ; vous avez pu voir quelle suite j’ai donnée à l’œuvre de l’empereur mon prédécesseur. Maintenant, pendant les deux années qui se sont écoulées depuis que j’ai pris le pouvoir, des bandes de brigands se sont levées de toutes parts et vous n’avez pas su les réprimer. De plus vous voulez qu’on abandonne ce que faisait l’empereur mon prédécesseur. Par là, vous êtes d’abord dans l’impossibilité de rendre compte de votre conduite à p.210 l’empereur mon prédécesseur et en second lieu vous n’avez pas employé pour moi toute votre fidélité et toutes vos forces (464). Comment resteriez-vous en charge ?

Il déféra (Fong) Kiu-tsi, (Li) Se et (Fong) Kie aux tribunaux en les accusant d’autres crimes. (Fong) K’iu-tsi et (Fong) Kie dirent :

— Des généraux et des conseillers ne se laissent pas déshonorer.

Ils se tuèrent. (Li) Se resta jusqu’au bout en prison ; il subit les cinq supplices (465). La troisième année (207 av. J.-C.), Tchang Han et ses collègues, à la tête de leurs soldats, assiégèrent Kiu-lou. Hiang Yu, général en chef (de Tch’ou), vint, à la tête des soldats de Tch’ou, secourir Kiu-lou. En hiver, Tchao Kao fut nommé grand conseiller. Il fit instruire malgré tout le procès de Li Se et le mit à mort. — En été, Tchang Han et les siens avaient plusieurs fois reculé après avoir combattu ; Eul-che envoya un messager lui faire des reproches ; (Tchang) Han eut peur et chargea le tchang-che Hin d’aller demander des instructions ; Tchao Kao refusa de le recevoir et en outre témoigna de la défiance ; Hin, saisi de crainte, s’enfuit ; p.211 (Tchao) Kao envoya des gens à sa poursuite, mais ils ne l’atteignirent pas ; Hia vint dire à (Tchang) Han :

Tchao Kao est tout-puissant au palais ; que vous soyez vainqueur, général, ou que vous soyez vaincu, dans l’un et l’autre cas vous serez mis à mort.

Hiang Yu attaqua avec vigueur l’armée de Ts’in et fit prisonnier Wang Li (466). Alors (Tchang) Han et ses collègues se soumirent avec leurs soldats aux seigneurs.

Le huitième mois, au jour ki-hai (27 septembre 207 av. J.-C.), Tchao Kao qui projetait de se révolter, mais qui craignait que tous les officiers ne lui obéissent pas, institua au préalable une épreuve : il prit un cerf qu’il présenta à Eul-che en disant :

— C’est un cheval.

Eul-che répondit en riant :

— Conseiller, vous êtes dans l’erreur ; vous faites un cheval de ce qui s’appelle un cerf.

On interrogea les assistants ; les uns gardèrent le silence et les autres dirent que c’était un cheval, afin de complaire à Tchao Kao ; quelques-uns avaient dit que c’était un cerf ; (Tchao) Kao atteignit donc secrètement au moyen des lois tous ceux qui avaient dit que c’était un cerf. A la suite de cela, les officiers redoutèrent tous (Tchao) Kao.

Auparavant, (Tchao) Kao avait souvent dit que les brigands de l’est des passes ne pourraient rien faire. Cependant Hiang Yu avait fait prisonniers le général de Ts’in, Wang Li, et les siens sous les murs de Kiu-lou ; avant cela, l’armée de Tchang Han et de ses collègues avait souvent reculé et des suppliques avaient été envoyées à l’empereur pour demander des renforts ; (les princes p.212 de) Yen, Tchao, Ts’i, Tch’ou, Han et Wei s’étaient tous nommes rois ; à partir des passes, du côté de l’est, la plus grande partie du pays s’était entièrement révoltée contre les officiers de Ts’in et faisait cause commune avec les seigneurs ; les seigneurs s’étaient tous mis à la tête de leurs troupes et marchaient vers l’ouest ; le gouverneur de P’ei (467), ayant sous ses ordres plusieurs myriades d’hommes, avait exterminé (les défenseurs de) la passe Ou (468) et avait envoyé des émissaires faire des ouvertures à (Tchao) Kao. (Tchao) Kao eut peur qu’Eul-che ne se mît en colère et que le dernier supplice ne l’atteignît lui-même ; il prétexta alors une maladie et ne vint plus à la cour. Eul-che rêva qu’un tigre blanc mordait le cheval de gauche de son attelage et le tuait ; il en conçut de la tristesse ; étonné de ce prodige, il demanda l’explication de ce songe : le devin lui répondit :

— La rivière King (469) est la cause du mal.

Eul-che se purifia donc dans le palais Wang-i (470) afin de sacrifier à (la rivière) King ; il fit jeter dans l’eau quatre chevaux blancs. Il envoya un messager exprimer son mécontentement et ses reproches à (Tchao) Kao au sujet de l’affaire des brigands. (Tchao) Kao eut peur : il tint secrètement conseil avec son gendre Yen Yue, préfet de Hien-yang, et avec son frère cadet Tchao Tch’eng et leur dit :

— L’empereur n’a pas écouté de remontrances ; maintenant que la situation est critique, il veut en rejeter la faute sur notre famille. Je désire faire un autre empereur et p.213 nommer, à la place (d’Eul-che), le prince Yng ; Tse-yng a de la bonté et de la modération ; tout le peuple respecte ses paroles.

(Tchao Kao) chargea le lang-tchong-ling (471) de répondre de l’intérieur de la ville (à ce qu’il allait faire) ; il simula l’arrivée d’une forte bande de brigands ; il ordonna à (Yen) Yue de mander à ses officiers de faire partir leurs soldats à la poursuite des brigands ; la mère de (Yen) Yue fut enlevée de force et placée dans la maison de (Tchao) Kao (472). (Yen) Yue, envoyé (par Tchao Kao), partit avec plus de mille officiers et soldats et arriva devant la porte principale du palais Wang-i. Il chargea de liens le capitaine des gardes et les p’ou-ye en disant :

— Les brigands sont entrés ici ; comment ne les avez-vous pas arrêtés ?

Le chef des gardes répliqua :

— Dans tous les postes alentour (du palais) j’ai placé des soldats avec le plus grand soin ; comment des brigands auraient-ils osé pénétrer dans le palais ?

(Yen) Yue décapita aussitôt le capitaine des gardes et entra directement à la tête de ses officiers ; il fit tirer des flèches ; les eunuques préposés (au service de l’empereur) furent plongés dans le plus grand désarroi ; les uns s’enfuirent, les autres résistèrent ; ceux qui résistèrent furent incontinent mis à mort ; plusieurs dizaines d’hommes périrent. Le lang-tchong-ling et (Yen) Yue avancèrent ensemble ; ils tirèrent des flèches sur la tenture où était assis (l’empereur) dans la tente impériale (473) ; Eul-che irrité, appela à lui son entourage ; les gens de son entourage étaient tous dans la terreur et le trouble, et ne combattirent pas. A côté (d’Eul-che) se trouvait un seul eunuque de service qui n’osa pas s’enfuir ; Eul-che entra au fond (de la tente) et lui dit :

— Pourquoi ne m’avez-vous pas averti d’avance : car, voici à quelle extrémité nous en sommes réduits ?

L’eunuque lui répondit :

— C’est parce que je n’ai pas osé parler que j’ai pu conserver la vie. Si j’avais parlé d’avance, j’aurais été mis à mort avec toute ma parenté ; comment aurais-je pu subsister jusqu’à aujourd’hui ?

Yen Yue s’avança et aborda Eul-che en lui reprochant ses fautes en ces termes (474) :

— Vous (475) vous êtes livré à votre arrogance et à vos caprices ; vous avez fait périr les hommes sans raison ; l’empire entier s’est révolté contre vous. Avisez à ce que vous devez faire pour vous-même.

Eul-che dit :

— Puis-je voir le grand conseiller (476) ou ne le puis-je pas ?

(Yen) Yue dit :

— Vous ne le pouvez pas.

Eul-che p.215 dit :

— Je voudrais avoir une commanderie et être roi.

Cela ne lui fut pas accordé. Il demanda encore à être un marquis avec un fief de dix mille foyers ; cela ne lui fut pas accordé. Il dit :

— Je voudrais être un simple particulier avec ma femme et mes enfants et être mis sur le même rang que les membres de la famille impériale.

Yen Yue répliqua :

— J’ai reçu du grand conseiller l’ordre de vous mettre à mort au nom de l’empire. Quand même vous prononceriez beaucoup de paroles, je ne pourrais vous répondre.

Il donna à ses soldats le signal d’avancer. Eul-che se tua. Yen Yue revint rendre compte de sa mission à Tchao Kao.

Tchao Kao convoqua alors tous les principaux ministres et les princes et leur exposa comment il avait mis à mort Eul-che. Il leur dit :

Ts’in était autrefois un royaume. Che-hoang domina l’empire ; c’est pourquoi il se proclama empereur. Maintenant les six royaumes se sont reconstitués. Le territoire de Ts’in est encore plus petit (qu’auparavant) ; n’être empereur que par une appellation vide de sens, c’est ce qui est inadmissible ; il faut être roi comme par le passé ; c’est ce qui convient.

(Tchao Kao) nomma roi de Ts’in le prince Yng, fils du frère aîné de Eul-che. il enterra Eul-che comme s’il eût été un homme du peuple, dans le parc de I-tch’oen, au sud de Tou (477).

(Tchao Kao) invita Tse-yng à se purifier ; au moment de se présenter dans le temple ancestral, pour y recevoir le sceau de jade, il devait se purifier pendant cinq p.216 jours. Tse-yng tint conseil avec ses deux fils (478) et leur dit :

— Le grand conseiller (Tchan) Kao a tué Eul-che dans le palais Wang-i ; il a craint que les ministres réunis ne le fissent périr et il a feint d’user de justice en me nommant. Or j’ai appris que Tchao Kao avait fait avec Tch’ou (479) une convention pour exterminer la famille impériale de Ts’in (480) et pour devenir lui-même roi à l’intérieur des passes (481). Maintenant il m’envoie me purifier pour me présenter dans le temple ancestral ; par là il veut profiter du moment où je serai dans le temple pour me tuer. Je prétexterai une maladie pour ne pas aller ; le grand conseiller ne manquera pas de venir lui-même. Quand il viendra, je le tuerai.

(Tchao) Kao envoya à plusieurs reprises des gens prier Tse-yng de venir ; celui-ci n’alla pas ; (Tchao) Kao se rendit effectivement lui-même (auprès de Tse-yng) et lui dit :

— (La cérémonie au) temple ancestral est une affaire d’importance. O roi, p.217 pourquoi n’y allez-vous pas ?

Tse-yng le perça alors de son épée et le tua dans le palais de purification : il extermina tous les parents de (Tchao) Kao aux trois degrés afin de donner une leçon à (toute la ville de) Hien-yang. Tse-yng était roi de Ts’in depuis quarante-six jours lorsqu’un général de Tch’ou, le gouverneur de P’ei, écrasa l’armée de Ts’in, franchit la passe Ou et vint aussitôt camper sur le bord de la rivière Pa. Il envoya des gens proposer à Tse-yng de se soumettre. Tse-yng, avant lié autour de son cou le cordon de soie (de son sceau) (482), monté sur un char sans ornements, tiré par des chevaux blancs (483), tenant en main le sceau du Fils du Ciel et les insignes de jade (484), fit sa soumission auprès de Tche-tao (485). Le gouverneur de P’ei entra alors dans Hien-yang ; il mit sous scellés les palais, les magasins et les trésors et revint camper au bord de la rivière Pa. Plus d’un mois après, les troupes des seigneurs arrivèrent ; Hiang Tsi (486) était le chef de la ligue (487) ; il tua Tse-yng, ainsi que tous les princes et les membres de la famille impériale de Ts’in ; puis il saccagea Hien-yang, en incendia les palais, en fit prisonniers les fils et les p.218 filles, en prit les joyaux, les objets précieux et les richesses. Les seigneurs en firent un partage général entre eux. Après que Ts’in eut été anéanti, on divisa son territoire respectivement entre trois rois appelés le roi de Yang, le roi de Sai et le roi de Ti ; on les surnomma les trois Ts’in (488). Hiang Yu fut roi hégémon du Tch’ou occidental ; de son autorité souveraine, il divisa l’empire et nomma rois les seigneurs. Ts’in fut entièrement détruit. Cinq ans après, l’empire fut conquis par les Han.

Le duc grand astrologue dit : « L’ancêtre des Ts’in, Po-i, eut une gloire éclatante au temps de T’ang et de Yu (489) ; il reçut un territoire et fut gratifié d’un nom de famille. Puis, au temps des Yu et des Hia, ses descendants s’amoindrirent et se dispersèrent. Ensuite, au moment où les Tcheou s’affaiblirent, les Ts’in devinrent puissants ; ils eurent leur résidence dans la marche d’Occident. A partir du duc Mou, ils rongèrent, comme le fait un ver, les seigneurs. En définitive, ils produisirent Che-hoang. Che-hoang estimait que sa gloire dépassait celle des cinq empereurs et que son territoire était plus étendu que celui des trois dynasties ; aussi rougissait-il de leur être comparé. Très excellemment, maître Kia (I) (490) a discuté cette question de la manière suivante :

p.219 [ (491) Ts’in s’était annexé tous les (territoires des) seigneurs ; dans la trentaine de commanderies qui se trouvaient à l’est des passes, il avait mis en état les gués et les passes ; il s’appuyait sur les points stratégiques et sur les barrières ; il tenait prêtes les armes défensives et offensives et ainsi il gardait ce pays. Cependant Tch’en Ché (492), avec quelques centaines de soldats des garnisons et de vagabonds, leva le bras en poussant un grand cri ; ils ne se servaient point d’armes telles que l’arc ou la lance, mais de houes et de manches de houe et de simples bâtons ; là où ils apercevaient des habitations, ils prenaient leur nourriture (493) ; ils parcoururent en désordre tout l’empire. Chez les gens de Ts’in, les lieux difficiles d’accès ne furent pas défendus ; les passes et les ponts ne furent pas fermés ; les longues piques ne transpercèrent personne ; les fortes arbalètes ne lancèrent aucune flèche. Les soldats de Tch’ou pénétrèrent fort avant ; ils combattirent à Hong-men ; ils ne p.220 rencontrèrent même pas l’obstacle des haies. Alors le pays à l’est des montagnes fut plongé dans une grande confusion ; les seigneurs se soulevèrent simultanément ; les hommes énergiques se conférèrent les uns aux autres l’autorité. Ts’in envoya Tchang Han à la tête de ses troupes pour qu’il rétablit l’ordre dans l’est ; Tchang Han, quoiqu’il eût trois armées entières, voulut profiter de l’occasion pour faire un marché avec l’étranger et complota ainsi contre son souverain (494) ; par là, on peut voir que tous les officiers (de Ts’in) ne lui étaient pas fidèles.

Tse-yng prit le pouvoir, mais ne fut point encore bien réveillé ; à supposer que Tse-yng eût eu les capacités d’un souverain ordinaire et si seulement il avait eu des aides de valeur moyenne, malgré l’état de trouble où se trouvait le pays à l’est des montagnes, le territoire de Ts’in aurait pu être conservé dans son intégrité et les sacrifices du temple ancestral n’auraient point encore dû s’interrompre. Le territoire de Ts’in était protégé par des montagnes et bordé par le Ho ; c’est ce qui faisait sa force ; c’était un royaume qui avait des barrières sur ses quatre côtés. Depuis le duc Mou jusqu’au roi de Ts’in, il y eut plus de vingt princes ; s’ils furent toujours prédominants entre les seigneurs, est-ce parce qu’ils avaient une sagesse héréditaire ? (Non, mais) ce fut le fait de leur situation.

D’autre part, l’empire s’était mis d’accord et avait coalisé ses forces pour attaquer Ts’in ; en ce temps, les p.221 gens sages et habiles étaient tous dans les rangs (des seigneurs) ; d’excellents généraux faisaient marcher leurs soldats ; de sages conseillers menaient à bien leurs desseins. Cependant ils furent à bout de ressources devant les parages défendus et difficiles d’accès et ils ne purent avancer. Ts’in alors les attira chez lui pour les combattre et leur ouvrit les passes ; un million d’hommes s’élancèrent vers le nord et aussitôt furent détruits. Dira-t-on que c’est parce que la bravoure et la sagesse leur firent défaut ? (Non, mais) c’est que les conditions où ils se trouvaient n’étaient pas avantageuses et que leur situation n’était pas favorable.

Ts’in, malgré la petitesse de son territoire, s’empara de grandes cités ; il défendit les lieux difficiles d’accès et les barrières et il campa derrière de hauts remparts ; sans combattre, il ferma les passes et s’appuya sur les points stratégiques ; il y monta la garde, la pique sur l’épaule (495). Les seigneurs étaient issus de gens ordinaires (496) ; c’est par intérêt qu’ils s’unissaient ; ils ne tenaient pas la conduite d’un roi non couronné. Les relations qu’ils avaient entre eux n’étaient point celles d’une étroite amitié ; leurs subordonnés ne leur étaient pas soumis. Ils prétendaient qu’ils voulaient détruire Ts’in ; en réalité, ils ne cherchaient que leur intérêt. Quand ils virent que les obstacles élevés par Ts’in étaient difficiles à attaquer, ils retirèrent aussitôt leurs soldats, p.222 assurèrent le calme à leurs terres et veillèrent à la nourriture de leur peuple, en attendant que (Ts’in) tombât en décadence.

Celui qui recueille les faibles et qui réconforte les épuisés, comme il est ordonné au prince d’un grand État, celui-là n’a pas à craindre de ne pas parvenir à ses fins dans le monde ; celui dont la dignité est celle de Fils du Ciel, dont la richesse est celle de l’empire entier, et qui cependant est fait prisonnier (497), celui-là n’a pas su distinguer ce qui cause le salut et ce qui cause la ruine. Le roi de Ts’in était satisfait de lui-même et ne demandait pas aux autres leur avis ; aussi, quand il faisait des fautes, ne se corrigeait-il pas. Eul-che recueillit son héritage ; il n’y changea donc rien ; sa cruauté réussit à aggraver le mal. Tse-yng prit le pouvoir, orphelin et sans parents ; menacé et faible, il n’avait aucun appui. Ces trois souverains furent aveuglés et jusqu’à la fin de leur vie, ils n’eurent pas conscience (de leur situation). Leur perte ne devait-elle donc pas nécessairement arriver ?

Ce n’est pas qu’il n’y eût en ce temps des hommes de valeur qui avaient profondément réfléchi et qui connaissaient la réforme à opérer. Cependant, s’ils n’osèrent pas être fidèles jusqu’au bout (498) et s’opposer aux fautes, c’est que les Ts’in avaient constamment multiplié les interdictions contre les critiques et les paroles qu’on devait taire ; une voix fidèle se faisait-elle entendre, avant qu’elle eût été entièrement prononcée par la bouche, la personne était mise à mort. C’est ce qui fit que dans p.223 tout l’empire, les hommes de valeur prêtaient l’oreille pour écouter (les ordres), restaient immobiles de pied ferme, bâillonnaient leurs bouches et ne parlaient pas. C’est pourquoi ces trois souverains perdirent la droite voie ; les sujets fidèles n’osèrent pas leur adresser des remontrances ; les hommes sages n’osèrent pas leur donner des conseils. Quand l’empire était déjà bouleversé, le mal n’avait point été porté à la connaissance de l’empereur. N’est-ce pas déplorable ?

Les anciens rois savaient que l’obstruction (des rapports entre le prince et son peuple) est funeste à l’État ; c’est pourquoi ils avaient institué les ducs du palais, les hauts dignitaires, les grands officiers et les fonctionnaires pour qu’ils missent en vigueur les lois et instituassent les châtiments, et l’empire fut bien gouverné. Quand (les anciens rois) furent puissants, ils arrêtèrent les violents, exterminèrent les fauteurs de troubles, et l’empire leur fut soumis ; quand ils s’affaiblirent, les Cinq hégémons maintinrent l’ordre, puis les seigneurs suivirent leur exemple (499) ; quand ils furent amoindris, à l’intérieur ils furent bien gardés, à l’extérieur on leur resta attaché, et leurs dieux de la terre et des moissons p.224 furent conservés. Au contraire, les Ts’in, au moment où ils étaient florissants, multiplièrent les lois, rendirent sévères les châtiments, et l’empire fut saisi de crainte ; puis, quand ils tombèrent en décadence, les cent familles conçurent de haineux espoirs, et l’intérieur des mers se révolta contre eux. Ainsi, sous les Tcheou, les cinq relations sociales (500) suivirent leur développement normal, et pendant plus de mille années (cette dynastie) ne s’interrompit pas. Les Ts’in, depuis le commencement jusqu’à la fin furent dans l’erreur ; aussi ne durèrent-ils pas longtemps. Par là on peut voir que les deux principes qui produisent la sécurité ou le danger sont fort opposés l’un à l’autre.

Suivant un dicton populaire, celui qui n’oublie pas les choses passées est le maître des choses à venir. C’est pourquoi, lorsqu’un homme supérieur est à la tête de l’État, il observe ce que fut la haute antiquité, il constate ce qu’est le temps présent, il fait entrer en ligne de compte les hommes et les affaires ; il examine les raisons du succès et de la ruine ; il étudie ce qui cause l’autorité et la puissance ; dans ce qu’il repousse et dans ce qu’il admet, il se conforme à l’ordre des choses ; s’il change et transforme, c’est au temps voulu ; ainsi il prolonge ses jours pendant fort longtemps, et ses dieux de la terre et des moissons jouissent du repos] (501).

p.225 [ (502) Le duc Hiao (361-338 av. J.-C.) de Ts’in s’appuyait sur les fortes positions de Hiao (503) et de Hien (504) ; il tenait en main le territoire de la province de Yong (505) ; prince et ministres montaient la garde avec vigilance et épiaient la maison des Tcheou ; il nourrissait le projet de rouler comme une natte tout l’empire, de prendre le monde dans ses bras, de lier dans un sac les quatre mers ; il avait l’intention d’absorber à la fois les huit contrées sauvages. En ce temps, le prince de Chang (506) l’assistait : à l’intérieur, il institua des lois et des règles, donna ses soins à l’agriculture et au tissage, fit des préparatifs pour la défense et pour l’attaque ; à l’extérieur, il s’étendit d’une manière continue de l’ouest à l’est et combattit les seigneurs. Alors les gens de Ts’in, en élevant les mains jointes (507), s’emparèrent de la région extérieure au Fleuve occidental.

Après la mort du duc Hiao, le roi Hoei (337-311 av. J.-C.) et le roi Ou (310-307 av. J.-C.) héritèrent de l’œuvre p.226 ancienne, recueillirent les projets qu’on leur avait laissés ; au sud, ils annexèrent le Han-tchong (508) ; à l’ouest, ils prirent Pa et Chou (509) ; à l’est, ils se taillèrent un territoire riche et fertile, ils s’approprièrent des commanderies très importantes. Les seigneurs saisis de crainte se réunirent pour former une ligue et projetèrent d’affaiblir Ts’in. Ils sacrifièrent leurs ustensiles précieux, leurs joyaux de valeur et leurs terres fertiles et excellentes afin de faire venir à eux les hommes éminents de tout l’empire. Ils contractèrent une étroite alliance par la confédération du nord au sud ; ils se réunirent et ne firent plus qu’un. En ce temps, il y eut à Ts’i (le prince de) Mong-tch’ang ; à Tchao, (le prince de) P’ing-yuen ; à Tch’ou, (le prince de) Tch’oen-chen ; à Wei, (le prince de) Sin-ling. Ces quatre hommes supérieurs étaient tous clairvoyants et loyaux ; ils étaient magnanimes et aimaient leur prochain ; ils honoraient les sages et estimaient les gens de valeur ; ils formèrent la confédération du nord au sud afin de rompre l’extension de l’ouest à l’est ; ils réunirent les multitudes de Han, de Wei, de Yen, de Tch’ou, de Ts’i, de Tchao, de Song, de Wei et de Tchong-chan. Alors, parmi les hommes de valeur qui appartenaient aux six royaumes (510), il y eut des personnages p.227 tels que Ning Yue, Siu Chang, Sou Ts’in et Tou Ho (511), qui faisaient des plans pour eux, des gens tels que Ts’i Ming, Tcheou Tsoei, Tch’en Tchen, Tchao Hoa, Leou Hoan, Ti King, Sou Li, et Yue I (512), qui comprenaient leurs intentions, des compagnons tels que Ou K’i, Suen Pin, Tai T’o, Ni Leang, Wang Lieou, T’ien Ki, Lien P’o et Tchao Ché (513), qui organisaient leurs armées. Avec leur territoire dix fois plus étendu (que celui de Ts’in), avec leur multitude d’un million d’hommes, ils venaient sans cesse frapper aux passes afin d’attaquer Ts’in. Les gens de Ts’in leur ouvrirent les passes et les invitèrent à entrer. Les soldats des neuf royaumes reculèrent et s’enfuirent et n’osèrent point avancer. Sans que Ts’in eût eu à faire la dépense d’une flèche perdue ou d’une pointe de flèche p.228 abandonnée, l’empire et les seigneurs se trouvèrent réduits à l’extrémité. Alors la ligue du nord au sud se dispersa et la confédération se rompit ; à l’envi (les seigneurs) rognèrent des territoires pour les offrir à Ts’in. Ts’in avait des forces de reste et régla à sa guise le sort de ses adversaires défaits ; il poursuivit les fuyards, il pourchassa les vaincus ; il y eut un million de cadavres couchés à terre ; sur les flots de sang nageaient les boucliers. Il usa de ses avantages et profita de l’occasion favorable ; il dépeça l’empire ; il fit un partage des fleuves et des montagnes. Les royaumes puissants demandèrent à se soumettre ; les États faibles vinrent rendre hommage à la cour.

Nous arrivons aux rois Hiao-wen (250 av. J.-C.) et Tchoang-siang (249-247 av. J.-C.). Ils jouirent du trône pendant peu de jours et il n’y eut pas d’événements pour l’État. Puis vint le roi de Ts’in (514) qui continua l’héritage de gloire laissé par six générations (515). Brandissant sa grande cravache, il gouverna le monde. Il absorba les deux Tcheou et détruisit les seigneurs. Il marcha jusqu’au faîte des honneurs et imposa sa loi dans les six directions de l’espace. Il mania le fouet et la verge pour fustiger l’empire. Son prestige fit trembler les quatre mers. Au sud, il s’empara du territoire des cent Yue dont il fit les commanderies de Koei-lin et de Siang ; les princes des cent Yue, la tête basse et la corde au cou, livrèrent leur destinée à des officiers subalternes. Puis (Ts’in) envoya Mong T’ien construire au nord la Grande Muraille et défendre la barrière : il repoussa p.229 les Hiong-nou à une distance de plus de sept cents li ; les barbares Hou n’osèrent plus descendre vers le sud pour y faire paître leurs chevaux ; leurs hommes vaillants n’osèrent plus bander leurs arcs pour venger leur ressentiment. Ce fut alors que (Ts’in) négligea de suivre la ligne de conduite des anciens rois ; il brûla les enseignements (516) des cent écoles afin de rendre stupides les têtes-noires ; il détruisit les villes célèbres ; il tua les Hommes éminents ; il recueillit les armes de tout l’empire, les rassembla à Hien-yang et, après avoir fondu les pointes et liquéfié les barres, il en fit douze hommes de métal, afin d’affaiblir le peuple aux têtes noires, puis il monta sur la montagne Hoa (517) dont il fit son rempart ; il se servit du Ho comme de fossé ; appuyé sur un rempart d’un million de pieds de hauteur, dominant la gorge où coulait une rivière d’une profondeur insondable, il estimait que c’était une forte position. Avec ses bons généraux et ses forts archers, il gardait les localités les plus importantes ; avec ses ministres fidèles et ses soldats d’élite, quand il faisait parade de ses armes aiguisées, qui aurait osé lui demander des explications (518) ? L’empire étant ainsi raffermi, le roi de Ts’in pensait lui-même dans son cœur que, grâce à sa solide situation à l’intérieur des passes et aux mille li de son mur de fer, ses descendants exerceraient le gouvernemnent impérial pendant dix mille générations. Même après la mort du roi de Ts’in, le prestige qu’il avait laissé fut encore redoutable aux yeux des peuples étrangers.

p.230 Cependant Tch’en Ché était né dans une famille où la fenêtre était faite du goulot d’une cruche cassée, où une corde servait de gonds à la porte ; il faisait partie de gens de basse condition nouvellement arrivés dans le pays, et c’était un compagnon de déportés ; ses capacités n’atteignaient pas la moyenne ; il n’avait point la sagesse de Tchong-ni ou de Ti, ni la richesse de T’ao Tchou ou de I Toen ; il marquait ses pas dans les rangs du vulgaire ; il s’élança du milieu des escouades de dix et de cent hommes. Se mettant à la tête de soldats en déroute et débandés, n’ayant sous ses ordres que quelques centaines d’hommes, il n’en attaqua pas moins Ts’in. Des bâtons coupés lui tenaient lieu d’armes ; des perches dressées lui servaient d’étendards ; tout l’empire se rassembla autour de lui comme des nuages et lui répondit comme l’écho ; ils chargèrent leurs vivres sur leurs épaules et le suivirent comme son ombre. Aussitôt les hommes vaillants à l’est des montagnes se soulevèrent tous ensemble et détruisirent la famille de Ts’in. Or, avoir soutenu le poids de l’empire n’était pas une preuve de faiblesse ; le territoire de la province de Yong, les fortes positions de Hiao et de Hien (519) étaient restés les mêmes. Tch’en Ché n’était pas plus élevé en dignité que les princes de Ts’i, de Tch’ou, de Yen, de Tchao, de Han, de Wei, de Song, de Wei et de Tchong-chan ; les manches de houe et les lances faites avec des arbustes épineux n’étaient pas aussi pointus que les hallebardes recourbées et que les longues lances ; les bandes de déportés aux frontières n’étaient pas comparables aux soldats des neuf royaumes ; pour les desseins p.231 profonds, pour les plans à longue portée, pour l’art de diriger les troupes et de se servir des armes, (Tch’en Ché et les siens) ne valaient pas les hommes éminents qu’il y avait eu naguère ; malgré tout cela, les succès et les revers furent intervertis ; la gloire et l’œuvre accomplie furent toutes contraires. Si l’on voulait essayer de mettre en parallèle les royaumes à l’est des montagnes et Tch’en Ché pour mesurer leur étendue et calculer leur grandeur respectives, pour comparer la puissance et peser les forces de l’un et des autres, ce serait une discussion qu’on ne terminerait pas en un an.

Ts’in, qui n’avait (d’abord) qu’un territoire fort restreint et qui n’avait qu’une puissance de mille chars (520), fit venir à lui les huit provinces et obtint l’hommage de ceux qui étaient du même rang que lui, et cela dura pendant plus de cent années. Dans la suite cependant, quand tout l’espace compris dans les directions de l’univers était sa demeure, quand Hiao et Hien étaient son palais, il suffit qu’un simple particulier soulevât des difficultés pour que les sept temples ancestraux (521) fussent ruinés et pour que (le souverain) lui-même pérît de la main des hommes, ce qui fut la risée de l’empire. Comment cela se produisit-il ? C’est parce que la bonté et la justice ne furent pas répandues (par Ts’in) et parce que les conditions pour conquérir et les conditions pour conserver sont différentes].

[(522) Ts’in s’empara de tout l’intérieur des mers et s’annexa les seigneurs ; il se tourna du côté du sud et se proclama empereur, chargé du soin de nourrir les quatre mers ; dans l’empire, tous les hommes de valeur le jugèrent p.232 parfait et se tournèrent vers son influence. S’il en fut ainsi, quelle en est la cause ? La voici : dans les temps modernes et dans l’antiquité, il n’y avait plus de rois depuis longtemps ; la maison des Tcheou s’était affaiblie ; quand les cinq hégémons eurent cessé d’être, ses ordres n’eurent plus d’autorité dans l’empire ; c’est pourquoi les seigneurs gouvernèrent par la violence ; les forts tyrannisèrent les faibles ; la majorité opprima la minorité ; les armes et les cuirasses ne furent point déposées ; les hommes de valeur et le peuple furent épuisés. Or, quand Ts’in se tourna du côté du sud et régna sur l’empire, il y eut dès lors en haut un Fils du Ciel ; aussitôt la multitude innombrable du peuple espéra obtenir la paix conforme à sa nature et à sa destinée ; il n’y eut personne qui ne se portât vers lui de tout son cœur et qui ne regardât en haut avec respect. Dans ces circonstances, c’était là que se trouvait le principe du prestige protecteur, de la gloire assurée, du péril conjuré.

Le roi de Ts’in nourrissait des sentiments avides et bas ; il appliquait les connaissances qui sortaient de son propre esprit ; il ne donnait pas sa confiance aux ministres éprouvés et ne contractait pas des liens étroits avec les gens de valeur et le peuple ; il abandonna la ligne de conduite suivie par les rois et établit son pouvoir autocratique ; il interdit les écrits et les livres et rendit impitoyables les châtiments et les lois ; il mit au premier rang la tromperie et la violence, et au dernier rang la bonté et la justice ; il fit de la tyrannie le fondement de l’empire. Or, si celui qui conquiert et annexe met en avant la tromperie et la violence, d’autre part, celui qui pacifie et affermit tient en estime la douceur et l’équité ; cela signifie que les méthodes ne sont pas les mêmes pour prendre et pour conserver.

p.233 Quand Ts’in eut dispersé les royaumes combattants et qu’il régna sur l’empire, sa conduite ne changea pas, son gouvernement ne se modifia pas ; c’est pourquoi il obtint des résultats différents lorsqu’il fit des conquêtes et lorsqu’il les conserva ; il était isolé en possession (de l’empire), et c’est pourquoi on pouvait attendre sa perte imminente. Supposez que le roi de Ts’in eût administré les affaires suivant les principes des générations anciennes et qu’il eût suivi les traces des Yn et des Tcheou dans la direction qu’il donna à son gouvernement ; quand bien même dans la suite il y aurait eu un souverain dissolu et arrogant, la calamité de la ruine et du péril ne se serait point produite. C’est pourquoi, quand les trois dynasties fondèrent leur empire, leur renommée fut éclatante et leur œuvre dura longtemps. Maintenant, lorsque Eul-che de (la dynastie) Ts’in prit le pouvoir, dans l’empire il n’y eut personne qui ne tendit le cou pour observer comment il gouvernerait ; en effet, celui qui a froid apprécie fort des vêtements grossiers, celui qui a faim trouve agréable au goût la lie du vin et l’enveloppe du grain ; l’empire retentissait de plaintes, c’était une ressource pour le nouveau souverain : cela signifie qu’auprès d’un peuple accablé il est aisé de passer pour bon. Si Eul-che s’était conduit comme un souverain ordinaire et avait confié les charges aux hommes loyaux et sages, si les sujets et le souverain avaient eu les mêmes sentiments et avaient pris en pitié le malheur du monde, si, quand il était encore vêtu de blanc (523), (Eul-che) avait réparé les fautes de l’empereur son prédécesseur, s’il avait divisé son territoire et distribué son p.234 peuple de façon à donner des fiefs aux descendants des plus méritants entre ses sujets, s’il avait fondé des royaumes et établi des princes de manière à honorer l’empire, s’il avait vidé les prisons et épargné les supplices, relâché ceux qui avaient été condamnés comme parents complices (524) et ceux qui avaient été condamnés comme calomniateurs, et renvoyé chacun dans son village, s’il avait répandu le contenu de ses greniers et distribué ses richesses afin de secourir les personnes abandonnées et misérables, s’il avait restreint les taxes et diminué les corvées afin d’aider le peuple en détresse, s’il avait adouci les lois et modéré les châtiments afin de sauvegarder l’avenir, il aurait fait que tous les habitants de l’empire auraient pu se corriger, qu’ils auraient redoublé de vertu et auraient réformé leurs actions, que chacun aurait veillé sur sa propre conduite, que les espérances de la multitude du peuple auraient été satisfaites ; puis, grâce au prestige et à la bienfaisance qu’il aurait exercés sur l’empire, l’empire tout entier se serait rassemblé autour de lui. Alors, à l’intérieur des mers, tous auraient été contents et chacun se serait trouvé heureux de son sort ; on n’aurait eu qu’une crainte, celle d’un changement ; même s’il y avait eu des fourbes dans le peuple, ils n’auraient pu distraire le cœur du souverain ; même s’il y avait eu des ministres déshonnêtes, ils n’auraient pu décevoir son intelligence ; p.235 le fléau des cruautés et des troubles aurait donc pris fin.

Eul-che ne suivit point cette ligne de conduite, mais aggrava la situation par son manque de raison. Il ruina le temple ancestral aux yeux du peuple ; il recommença à construire le palais Ngo-pang ; il multiplia les châtiments et aggrava les supplices ; ses officiers gouvernèrent avec la dernière rigueur ; les récompenses et les punitions furent injustes ; les taxes et les impôts furent immodérés ; l’empire fut accablé de corvées ; les officiers ne purent maintenir l’ordre ; les cent familles se trouvèrent à toute extrémité et le souverain ne les recueillit pas et n’eut pas pitié d’elles. A la suite de cela, la perversité surgit de toutes parts et l’empereur et ses sujets se trompèrent mutuellement. Ceux qui avaient encouru des condamnations étaient en foule ; ceux qui avaient été mutilés et suppliciés s’apercevaient de loin les uns les autres sur les routes, et l’empire en souffrait. Depuis, les princes et les hauts dignitaires jusqu’au commun peuple, tous étaient tourmentés de l’idée de leur propre danger et se trouvaient personnellement dans une situation très pénible. Aucun d’eux ne se sentait à l’aise dans la place qu’il occupait ; aussi était-il facile de les ébranler. C’est pourquoi Tch’en Ché, sans avoir besoin d’être sage comme T’ang et Ou (525), sans être au préalable élevé en dignité comme les ducs ou les marquis, n’eut qu’à agiter le bras à Ta-tsé (526) pour que l’empire entier lui répondît comme l’écho, car son p.236 peuple était en danger. Ainsi les anciens rois avaient discerné l’évolution du commencement et de la fin, et reconnu les raisons de la conservation et de la ruine ; c’est pourquoi dans leur conduite de pasteurs du peuple, ils s’appliquaient à lui assurer le repos et c’était tout. Même quand il se trouvait dans l’empire des sujets rebelles, ceux-ci ne trouvaient pas des secours qui leur répondissent comme l’écho. Aussi dit-on : Le peuple qui est en repos est capable de pratiquer la justice ; le peuple qui est en danger se tourne facilement au mal. C’est une parole qui s’applique ici. Quand un homme a pour dignité celle de Fils du Ciel et pour richesse l’empire, s’il ne peut éviter lui-même d’être massacré, c’est qu’il a méconnu les causes qui maintiennent droit et celles qui renversent (527) ; telle fut l’erreur de Eul-che].

Le duc Siang (528) prit le pouvoir ; il jouit du trône pendant douze années ; le premier, il institua le lieu saint de Si ; il fut enterré à Si-tch’oei ; il engendra le duc Wen. Le duc Wen prit le pouvoir ; il résida dans le palais de Si-tch’oei ; au bout de cinquante ans il mourut ; il fut enterré à Si-tch’oei (529) ; il engendra le duc Tsing. Le duc Tsing mourut avant d’avoir régné ; il engendra le duc Ning. p.237 Le duc Ning régna douze ans ; il résida dans la nouvelle ville de l’ouest ; à sa mort, il fut enterré à Ya (530). il engendra le duc Ou, le duc et Tch’ou-tse. Tch’ou-tse régna six ans ; il résida à Si-ling ; trois personnages, les chou-tchang Fou-ki, Wei-lei et San-fou, ose mirent à la tête de brigands et massacrèrent Tch’ou-tse à Pi-yen ; il fut enterré à Ya. Le duc Ou prit le pouvoir ; il régna vingt ans ; il résida dans le palais Fong à P’ing-yang ; il fut enterré au sud-est du bourg de Siuen-yang. Les trois chou-tchang subirent la peine de leur crime.

Le duc prit le pouvoir ; il régna deux ans ; il résida dans le palais Ta-tcheng à Yong ; il engendra le duc Siuen, le duc Tch’eng et le duc Mou. il fut enterré à Yang. Il institua le sacrifice fou pour maîtriser les vers malfaisants.

Le duc Siuen régna douze ans ; il résida dans le palais de Yang et fut enterré à Yang. Pour la première fois on tint le compte des mois intercalaires.

Le duc Tch’eng régna quatre ans ; il résida dans le palais de Yong ; il fut enterré à Yang. Ts’i attaqua Kou-tchou, (localité) des Jong des montagnes.

Le duc Mou régna trente-neuf ans ; le Fils du Ciel lui conféra l’hégémonie ; il fut enterré à Yong. Le duc Mou s’instruisit auprès d’un portier (531). Il engendra le duc K’ang. p.238 Le duc K’ang régna douze ans ; il demeura dans la résidence Kao (532) à Yong ; il fut enterré à Kiu-ché. il engendra le duc Kong. Le duc Kong régna cinq ans ; il demeura dans la résidence Kao à Yong ; il fut enterré au sud du duc K’ang. il engendra le duc Hoan. Le duc Hoan régna vingt-sept ans ; il demeura dans la résidence T’ai à Yong ; il fut enterré au nord de la butte du village de I. Il engendra le duc King. Le duc King régna quarante ans ; il demeura dans la résidence Kao à Yong ; il fut enterré au sud du village de K’ieou. il engendra le duc Pi.

Le duc Pi (533) régna trente-six ans ; il fut enterré au nord du village de Tch’é. il engendra le duc I.

Le duc I mourut avant d’avoir régné ; il fut enterré dans le palais de gauche. Il engendra le duc Hoei. Le duc Hoei régna dix ans. Il fut enterré dans le village de Tch’é auprès des ducs K’ang et King. Il engendra le duc Tao. Le duc Tao régna quinze ans (534) ; il fut enterré à l’ouest du duc Hi, à Tch’eng-yong. Il engendra le duc La-kong. Le duc La-kong (535) régna trente-quatre ans ; il fut enterré à Pa-li. Il engendra les ducs Tsao et Hoai. La dixième année de son règne, une comète parut.

p.239 Le duc Tsao régna quatorze ans ; il demeura dans la résidence de Cheou ; il fut enterré au sud du duc Tao. La première année de son règne, une comète parut.

Le duc Hoai vint du pays de Tsin ; il régna quatre ans ; il fut enterré à Li-yu-che. Il engendra le duc Ling (536). Le duc Hoai fut assiégé par ses propres sujets et se tua.

Le duc Sou-ling (537) était le fils de Tchao-tse ; il résida à King-yang ; il régna dix ans (538) ; il fut enterré à l’ouest du duc Tao. Il engendra le duc Kien (539). Le duc Kien vint de Tsin ; il régna quinze ans ; il fut enterré à l’ouest du duc Hi. Il engendra le duc Hoei. La septième année de son règne, le peuple pour la première fois ceignit l’épée.

Le duc Hoei régna treize ans ; il fut enterré à Ling-yu. Il engendra le duc Tch’ou. Le duc Tch’ou régna deux ans ; il se suicida ; il fut enterré à Yong.

Le duc Hien régna vingt-trois ans (540) ; il fut enterré à Hiao-yu. Il engendra le duc Hiao. Le duc Hiao régna vingt-quatre ans ; il fut enterré à Ti-yu. Il engendra le roi Hoei-wen. La treizième année p.240 de son règne, il établit pour la première fois sa capitale à Hien-yang. Le roi Hoei-wen régna vingt-sept ans ; il fut enterré à Kong-ling (541). il engendra le roi Tao-ou. Le roi Tao-ou régna quatre ans ; il fut enterré à Yong-ling. Le roi Tchao-siang régna cinquante-six ans ; il fut enterré à Tche-yang. il engendra le roi Hiao-wen. Le roi Hiao-wen régna un an ; il fut enterré à Cheou-ling. il engendra le roi Tchoang-siang. Le roi Tchoang-siang régna trois ans ; il fut enterré à Tche-yang. il engendra Che-hoang-ti. Lu Pou-wei fut son conseiller.

Le duc Hien (542) avait pris le pouvoir depuis sept ans lorsqu’il institua pour la première fois des marchés. La dixième année de son règne, il institua les registres de familles et la solidarité par groupes. — Le duc Hiao était au pouvoir depuis seize ans lorsque les pêchers et les pruniers fleurirent en hiver. — Le roi Hoei-wen prit le pouvoir à l’âge de dix-neuf ans. Il régnait depuis deux ans lorsqu’il mit en circulation pour la première fois des monnaies. Il y eut un enfant nouveau-né qui dit : « Ts’in sera bientôt roi. » — Le roi Tao-ou prit le pouvoir à l’âge de dix-neuf ans. La troisième année de son règne, la rivière Wei fut rouge pendant trois jours. — Le roi Tchao-siang prit le pouvoir à l’âge de dix-neuf ans. La quatrième année de son règne, il organisa p.241 pour la première fois les champs et il éventra les chemins horizontaux et verticaux (543). — Le roi Hiao-wen prit le pouvoir à l’âge de cinquante-trois ans. — Le roi Tchoang-siang prit le pouvoir à l’âge de trente-deux ans. La deuxième année de son règne, il prit le territoire de T’ai-yuen. La première année de son règne, le roi Tchoang-siang promulga une amnistie générale ; il honora les ministres qui avaient bien mérité du roi son prédécesseur ; il fut bienfaisant ; il tint en grande estime ses proches parents ; il répandit sa commisération sur le peuple. Les Tcheou orientaux complotèrent avec les seigneurs contre Ts’in ; Ts’in chargea le grand conseiller (Lu) Pou-wei de les exterminer ; il s’annexa tout leur territoire ; Ts’in n’interrompit pas leurs sacrifices, mais il donna le territoire de Yang-jen au prince Tcheou pour qu’il s’y acquittât des sacrifices (de sa famille).

Che-hoang régna trente-sept ans ; il fut enterré dans la place de Li ; il engendra Eul-che-hoang-ti. Che-hoang était âgé de treize ans quand il prit le pouvoir.

Eul-che-hoang-ti régna trois ans ; il fut enterré à I-tch’oen ; Tchao Kao fut nommé grand conseiller et marquis de Ngan-ou. Eul-che était âgé de douze ans (544) quand il prit le pouvoir.

Les princes qui viennent d’être énumérés, depuis le duc Siang de Ts’in jusqu’à Eul-che, couvrent un espace de six cent dix années.

La dix-septième année (74 ap. J.-C.) de l’empereur Hiao-ming, le dixième mois, le quinzième jour qui était p.242 le jour i-tch’eou, (Pan Kou a écrit ce qui suit) (545). La dynastie Tcheou étant passée, l’enfant ne succéda pas à sa mère suivant le principe de la bonté et les Ts’in occupèrent sa place (546). Lu Tcheng (547) était méchant et cruel ; cependant, n’étant que seigneur et âgé de treize ans, il s’empara de tout l’empire ; il assouvit ses passions et lâcha les rênes à ses désirs. Il rendit florissante sa famille. Pendant trente-sept ans, il n’y eut personne dont ses soldats ne triomphèrent. Il institua des ordonnances et des règlements qui devaient être transmis aux rois ses successeurs (548). Il sembla (549) qu’il était en possession du prestige qui appartient à l’homme saint ; il sembla que le dieu du Fleuve lui avait remis le Tableau (550). p.243 S’appuyant sur (la constellation) Lang-hou, mettant ses pieds sur (la constellation) Ts’an-fa (551), il fut aidé dans ses attaques et chassa tout devant lui. Pour s’exalter, il se donna le titre de « premier souverain ».

Après la mort de Che-hoang (régna) Hou-hai qui fut d’une sottise extrême ; avant même que (les travaux de) la montagne Li fussent terminés, il se remit à construire le palais Ngo-pang afin de mener à bien les anciens plans ; il dit :

— Ce qui fait que la possession de l’empire confère une haute dignité, c’est qu’elle permet d’avoir de vastes pensées et des désirs extrêmes. Les principaux ministres vont jusqu’à désirer qu’on abandonne les entreprises du souverain mon prédécesseur.

Il mit à mort (Li) Se et (Fong) K’iu-tsi ; il confia des charges à Tchao Kao. C’est une chose navrante à dire. Il était une tête d’homme avec le cri d’une brute. Sans prestige, il ne sut pas combattre le mal ; sans vertu réelle, il se perdit non sans cause. Quand on s’opposa à lui, il ne put se maintenir ; sa perversité et sa cruauté restreignirent la durée (du temps qu’il avait à régner). Quoiqu’il demeurât dans un royaume favorisé par sa situation, néanmoins il ne put assurer son salut.

Tse-yng, grâce à l’ordre de succession, put hériter de sa dignité ; il coiffa le bonnet de jade ; il revêtit la bande de soie brodée ; il eut pour char la chambre jaune ; il fut suivi de cent officiers ; il se rendit aux sept temples ancestraux. Un homme de peu (552), élevé à une situation pour laquelle il n’était point fait, ne manqua pas une occasion de se montrer stupide et de faillir à son devoir ; de jour en jour il fut plus fourbe et plus négligent. A lui seul, p.244 (Tse-yng) fut capable de concevoir une grande pensée et de supprimer une cause de souci : le père et le fils (553) s’étaient rendus puissants ; il les serra de près entre la porte et la fenêtre, tua tous ces fourbes et châtia ces brigands au plus grand profit du trône. Après la mort de (Tchao) Kao, avant que les hôtes de la noce eussent achevé de se féliciter mutuellement, avant que la nourriture fût descendue dans le gosier, avant que le vin eût humecté les lèvres, les soldats de Tch’ou avaient déjà tout massacré à l’intérieur des passes, l’homme véritable (554) s’était abattu dans son vol sur le bord de la rivière Pa (555). (Tse-yng) monta sur un char blanc, lia le cordon (autour de son cou), et prit en main les insignes de jade et le sceau pour rendre sa dignité d’empereur ; (c’est ainsi qu’autrefois) le comte de Tcheng prit en main l’étendard fait d’herbes blanches et le couteau à sonnettes et le roi Tchoang alla s’établir plus en arrière (556). Quand le Fleuve a rompu ses digues, on ne peut plus le retenir ; quand le poisson a été haché, il ne peut plus redevenir entier. p.245 Kia I et Se-ma Ts’ien disent : « Supposez que Yng ait eu les capacités d’un prince ordinaire et qu’il ait seulement eu des aides de valeur moyenne, quoique le pays à l’est des montagnes fût troublé, le territoire de Ts’in aurait pu être conservé dans son intégrité, les sacrifices du temple ancestral n’auraient point encore dû s’interrompre. » Ts’in ayant accumulé les causes de la ruine, l’empire s’éboula comme un amas de terre, s’effondra comme une pile de briques ; quand même on aurait eu les talents de Tan, (duc) de Tcheou, on n’aurait pas eu l’occasion de manifester son habileté ; aussi est-ce une erreur d’incriminer un malheureux qui ne régna qu’un seul jour. C’est une tradition répandue que Ts’in Che-hoang fut l’instigateur de toutes les fautes ; Hou-hai rendit ses fautes extrêmes ; on tient là la vraie explication ; au contraire, accuser un jeune enfant (557) en disant que le territoire de Ts’in aurait pu être conservé, c’est ce qu’on peut appeler ne pas avoir compris la situation. Le troisième frère du prince de Ki, à propos de l’affaire de Hoei, le tch’oen-ts’ieou ne dit pas son nom (558). Pour moi, quand je lis les Annales des Ts’in, arrivé au p.246 moment où Tse-yng fait écarteler Tchao Kao entre des chars, je ne puis m’empêcher de trouver énergique sa décision, d’avoir de la sympathie pour son caractère. Yng, dans sa mort comme dans sa vie, eut une justice accomplie.


Notes modifier

(101. ) Cf. Mémoires historiques, chap. LXXXV.

(102. ) Les lettrés chinois qui prétendent que la dynastie Ts’in fut illégitime, soutiennent que Ts’in Che-hoang-ti fut un bâtard ; ils affirment que son véritable père fut, non le roi Tchoang-siang, mais Lu Pou-wei, et c’est pourquoi ils affectent de l’appeler Lu Tcheng. — Le nom personnel de Tcheng fait allusion, d’après Tchang Cheou tsie, au fait que Ts’in Che-hoang-ti naquit le premier mois, tcheng yue.

(103. ) Cf. note 05.313. .

(104. ) Cf. note 05.363. .

(105. ) Cf. note 05.313. .

(106. ) Sur le royaume de Yue, fondé par Keou-tsien dans le Tche-kiang et le Fou-Hien, cf. Mémoires historiques, chap. XLI. En 334 av. J.-C., l’État de Tch’ou avait vaincu Ou-kiang, descendant à la septième génération de Keou-tsien, et le territoire de Yue s’était morcelé en plusieurs petites principautés. Avec l’affaiblissement graduel de Tch’ou, la suprématie sur les principautés de Yue avait passé entre les mains des Ts’in.

(107. ) Cf. note 05.419. .

(108. ) Cf. tome I, note 04.512. et tome II, p. 87, lignes 1 et 2.

(109. ) Yong-yang, que le roi Tchoang-siang avait enlevé à l’État de Han en 250 av. J.-C., était au sud-ouest de la sous-préfecture de Yong-tse, préfecture de K’ai-fong, province de Ho-nan. A l’époque Tch’oen-ts’ieou, cette ville était la capitale de l’État de Tcheng. Ce fut là que les Ts’in établirent ce fameux grenier de Ngao dont il sera souvent question dans la suite.

(110. ) Cf. note 05.384. . — On remarquera que Se-ma Ts’ien indique les limites de l’État de Ts’in au sud, au nord et à l’est ; il ne parle pas de sa frontière de l’ouest qui touchait à des peuples considérés comme barbares.

(111. ) L’expression [] désigne les hommes qui s’attachaient à la fortune de quelque haut dignitaire et lui formaient une sorte de clientèle. Sur Li Se, cf. Mémoires historiques, chap. LXXXVII.

(112. ) Dans le pays de Tch’ou, on donnait le nom koung aux préfets ou gouverneurs de villes ; c’est ainsi que le premier empereur de la dynastie Han fut d’abord gouverneur de P’ei ; c’est ainsi encore qu’on trouve le titre de koung décerné au gouverneur de Che, dans Tchoang-tse (cf. Legge, Sacred books of the east, vol XXXIX. p. 210, n. 3). Le mot koung n’a donc pas dans ces passages la valeur du titre nobiliaire de « duc ». — On ignore le nom de famille et le nom personnel du gouverneur de Piao.

(113. ) Tsin-yang appartenait autrefois au royaume de Tchao. C’est aujourd’hui la sous-préfecture de T’ai-yuen, préfecture de T’ai-yuen, province de Chān-si.

(114. ) Kiuen était une ville du royaume de Wei ; c’est aujourd’hui la sous-préfecture de Yuen-ou, préfecture de Hoai-k’ing, province de Ho-nan.

(115. ) Le Tableau chronologique des six royaumes donne la leçon « douze places ».

(116. ) Les commentateurs se bornent à dire que ces deux places se trouvaient dans l’État de Wei.

(117. ) Cet héritier présomptif est connu sous le nom de prince de Tch’oen p’ing (cf. Mémoires historiques, chap. XLIII, p. 15 v°).

(118. ) Sur les degrés de hiérarchies cf. appendice I, § 2. C’est ici que, pour la première fois, nous voyons fonctionner cette déplorable institution de la vénalité des grades qui a été et qui reste un des vices les plus profonds du gouvernement chinois. Il est à remarquer cependant qu’on ne vendait pas les fonctions elles-mêmes mais seulement les titres de la hiérarchie honorifiques.

— On a vu plus haut (note 05.411. ) ce qu’était la mesure du poids appelée che. Quoi qu’il soit difficile de savoir exactement quel poids représente le che, c’est-à-dire 120 livres de l’époque des Tsin, nous pouvons essayer de déterminer approximativement la valeur de 1000 che ; un poids d’une livre de l’époque des Ts’in est donné par le Kin che souo (section Kin souo, 2e livre) comme pesant 6 leang d’aujourd’hui ; comme il y a 16 leang dans une livre, 1000 che de l’époque des Ts’in équivaudront à (6 x 120 x 1000) : 16=45.000 livres d’aujourd’hui ; la livre chinoise vaut environ 600 grammes ; 45.000 livres représenteront donc 27.000 kilogrammes ; en évaluant le prix du blé à 20 francs les 100 kilos, on arrive à cette conclusion que 1.000 che de grain exprimeraient aujourd’hui en France le pouvoir d’achat de 5.400 francs environ. Il est évident que ce résultat n’est que très approximatif ; tout en reconnaissant les multiples causes d’erreur qui peuvent en infirmer la valeur, il nous a paru intéressant de chercher à préciser le sens de ce passage de Se-ma Ts’ien.

(119. ) Au nord de la sous-préfecture de Yen-tsin, préfecture de Wei-hoei, province de Ho-nan.

(120. ) La ville de Yen se trouvait à 35 li à l’est de la sous-préfecture actuelle de Yen-tsin (cf. la note précédente).

(121. ) Tchang Cheou-tsie, citant un passage du Kouo ti tche, semble identifier Hiu avec Yao-k’iu, lieu de naissance de Choen (cf. tome I, note 01.206. ), à peu de distance de la préfecture secondaire de Fou i, préfecture de Ts’ao-tcheou, province de Chan-tong.

Se-ma Tcheng doit être plus près de la vérité, quand il dit que l’emplacement exact de Hiu n’est pas connu, mais qu’il devait se trouver dans le voisinage de la ville de Yen (cf. la note précédente).

(122. ) A l’ouest de la sous-préfecture de Kao-p’ing, préfecture de Tse-tcheou, province de Chān-si.

(123. ) Sur le territoire de la sous-préfecture de K’i, préfecture de K’ai-fong, province de Ho-nan.

(124. ) A 35 li au nord-ouest de la sous-préfecture de Sieou-ou, préfecture de Hoai-k’ing, province de Ho-nan.

(125. ) Cheou-ling devait se trouver entre I-yang (aujourd’hui sous-préfecture de I-yang, préfecture de Ho-nan) et Sin-tch’eng (dans la sous-préfecture de Lo-yang, préfecture de Ho-nan). Siu Koang place Cheou-ling dans le Tch’ang-chan, mais c’est une erreur (T’ong kien tsi lan, chap. X, p. 25 r°).

(126. ) Ts’in s’étant emparé de P’ou-yang (au sud de la préfecture secondaire de K’ai, préfecture de Ta-ming, province de Tche-li), qui était alors la capitale du royaume de Wei [b], le prince de ce royaume s’alla réfugier dans les États du roi de Wei [a] et résida dans la ville de Ye-wang (aujourd’hui sous-préfecture de Ho-nei, préfecture de Hoai-k’ing, province de Ho-nan). — Se-ma Ts’ien dit que ce prince de Wei [b] s’appelait Kio ; mais les annotations critiques de l’édition de K’ien-long font remarquer que le prince Kio ne prit le pouvoir qu’en 229 av. J.-C. ; c’est le prince dont le titre posthume fut Yuen qui régnait en 241 av. J.-C. sur l’État de Wei.

(127. ) La particule [] signifie ici « comme, vu que ». Comme Mong Ngao était engagé dans l’attaque de certaines places du Tche-li, sa mort soudaine obligea le roi de Ts’in à rappeler ses soldats dans l’Ouest.

(128. ) K’ing-tou est identifié avec la sous-préfecture de Wang-tou, préfecture de Choen-tien, province de Tche-li. La mère de Yao s’appelait K’ing-tou ; elle passe pour avoir résidé sur la montagne K’ing-tou qui est au sud de la ville de Wang-tou. — Long et Kou étaient des places voisines de K’ing-tou.

(129. ) Au sud-ouest de la sous-préfecture de Ki, préfecture de Wei-hoei, province de Ho-nan.

(130. ) La reine douairière Hia était la concubine Hia, la véritable mère du roi Tchoang-siang ; cf. note 05.500. .

(131. ) A 30 li au nord-est de la sous-préfecture de Tchang-tse, préfecture de Lou-ngan, province de Chān-si. A l’époque Tch’oen-ts’ieou, T’oen-lieou était le royaume de Lieou-hiu.

(132. ) Sur le territoire de la préfecture secondaire de Min, préfecture de Kong-tch’ang, province de Kan-sou.

(133. ) D’après Tchang Cheou tsie, P’ou et Kao seraient deux villes ; d’après Se-ma Tcheng, il faudrait lire P’ou-ho et n’y voir qu’une seule ville.

(134. ) Le sens de cette phrase est mis hors de doute par le commentaire du Che ki luen wen :

« ceux qui étaient morts à T’oen-lieou, ainsi qu’à P’ou-ho, ayant été des rebelles, on exposa leurs cadavres.

— Le paragraphe qui précède est d’une rédaction assez embrouillée ; voici comment je le comprends : La population de T’oen-lieou, ayant vu son territoire ravagé par Tch’eng-kiao, se révolta. Tch’eng-kiao, de son côté, se révolta coutre son souverain ; les soldats de Ts’in marchèrent contre lui ; Tch’eng-kiao fut obligé de se donner la mort dans son camp ; ses partisans eurent la tête coupée et on exposa leurs corps, comme ceux des criminels, sur la place publique. Quant aux habitants de T’oen-lieou, on prit aussi contre eux des mesures de rigueur en les déportant à Lin-t’ao. — cette explication se fonde sur le commentaire de Tchang Cheou tsie ; il est à remarquer cependant que la mort de Tch’eng-kiao est annoncée deux fois : « Tch’eng-kiao. . . mourut à T’oen-lieou » ; « …le général était mort dans ses retranchements ». Aussi certains commentateurs ont-ils compris différemment la seconde de ces deux phrases ; ainsi Siu Fou-yuen (dans le Che ki p’ing lin qu’il aida Tch’en Tse-long à publier) veut que la phrase signifie : « Le général Pi mourut ». Pi aurait été le général en second ; à la mort de Tch’eng-kiao, il ne se soumit point et c’est pourquoi lui-même trouva la mort et on exposa les cadavres sur la place publique. Enfin l’annotation critique de l’édition de K’ien-long propose encore. une autre explication : Pi aurait été le général qui aurait châtié Tch’eng-kiao ; après l’avoir fait périr, il mourut lui-même.

(135. ) D’après Se-ma Tcheng, le Hoang-ho ayant débordé, les poissons montèrent en grand nombre sur la plaine. Quand l’eau se retira, il dut être en effet facile de les prendre, comme semble le donner à entendre la phrase suivante ; ce sens me paraît donc le plus acceptable. — D’après Tchang Cheou tsie, ce texte signifierait que les poissons du Hoang-ho remontèrent en grand nombre la rivière Wei. Le traité sur les cinq éléments, dans le Ts’ien Han chou (chap. XXVII, b, 2e partie, p. 8 v°), fait allusion à cet incident dans lequel il voit un mauvais présage :

« D’après les Mémoires historiques, la huitième année de Ts’in Che-hoang, les poissons du Fleuve remontèrent en grand nombre. Lieou Hiang estime que ce fait rentre dans les mauvais présages fournis par les poissons ; cette année-là, le frère cadet de Che-hoang, le prince de Tch’ang-ngan attaqua (le pays de) Tchao à la tête d’une armée : il se révolta et mourut à T’oen-lieou, les officiers de son armée furent tous décapités ; on déporta les habitants de ce pays à Lin-t’ao. L’année suivante, il y eut la mise à mort de Lao Ngai et de sa parenté. Les poissons appartiennent au principe yn ; ils symbolisent le peuple ; quand ils vont à rebours et remontent, c’est signe que le peuple n’obéira pas aux ordres du prince et tiendra une conduite de rebelles. . . »

(136. ) Le sens de cette phrase me semble assez obscur ; Se-ma Ts’ien veut-il dire que les gens du pays se servent des chars même les plus légers et des chevaux même les plus lourds, c’est-à-dire qu’ils profitent de tous les moyens de transport possibles pour chercher le poisson ? Siu Koang (d’après l’édition du Che ki de Tch’en Tse-long et Siu Fou-yuen) dit qu’un texte ne présente pas le caractère tch’ong. Le sens deviendrait alors plus clair : les gens du pays partent avec des chars et des chevaux rapides pour aller dans l’Est profiter de la bonne aubaine.

(137. ) On trouvera des détails sur cet ignoble personnage amant de la reine mère, dans le LXXXVe chapitre des Mémoires historiques.

(138. ) Aujourd’hui, sous-préfecture de Sieou-ou, préfecture de Hoai-k’ing, province de Ho-nan.

(139. ) Yuen était à 20 li à l’ouest de la sous-préfecture actuelle de Yuen-k’iu, préfecture secondaire de Kiang, province de Chàn-si. — Fou-yang était à peu de distance au nord de l’actuelle préfecture secondaire de Si, province de Chan-si.

(140. ) Le roi était alors âgé de vingt-deux ans.

(141. ) Les commentateurs chinois font quelques remarques intéressantes sur le mot []. Ce caractère désignait à l’origine un sceau quelconque ; ce n’est qu’à partir de Ts’in Che-hoang-ti qu’il fut employé exclusivement pour désigner le sceau impérial et, comme le sceau impérial était en jade, c’est à partir de ce moment, dit le Chouo wen phonétique (chap. XII, p. 134 v°), qu’on modifia la forme de ce caractère en substituant au caractère [] qui se trouvait à sa base, le caractère [] = jade. — D’après Ts’oei Hao (cf. Mayers, n° 789), le sceau de Ts’in Che-hoang-ti avait été taillé par Li Se dans le fameux jade de Ho (cf. Mayers, n° 551). Tous les empereurs Han se le transmirent et le portèrent de génération en génération. On l’appelait « le sceau qui transmet l’État ». — Wei Yao, dans son ouvrage intitulé Ou chou, dit :

« Le sceau était un carré de 4 pouces de côté ; au sommet se trouvaient cinq dragons entrelacés. L’inscription qui y était gravée était la suivante :

Ayant reçu le décret du Ciel, j’ai donc la longévité et la prospérité éternelle.

Le livre des Han dit que l’inscription du sceau était :

Par le décret du Ciel majestueux, le souverain-empereur a la longévité et la prospérité.

Enfin le Kin che souo (chap. V, p. 1-3) donne quatre estampages reproduisant deux sceaux attribués à Ts’in Che-hoang-ti ; sur l’un d’eux est l’inscription indiquée par Wei Yao (cf. l’image réduite qui a été publiée de ce sceau par M. F. Hirth, T’oung pao, vol. VI, n° 3, p. 329, d’après le Che kou yn p’ou) ; sur l’autre est l’inscription mentionnée par le livre des Han, mais avec cette variante que le premier caractère est [] et non []. Ces reproductions nous paraissent d’ailleurs de pure fantaisie.

Le commentaire de Tchang Cheou tsie ajoute quelques détails curieux sur la transmission du sceau jusqu’aux T’ang :

Le chapitre sur Yuen-heou, dans le livre des Han, dit : § Wang Mang (l’usurpateur qui monta sur le trône en l’an 9 ap. J.-C.) ordonna à Wang Choen de prendre de force le sceau à l’impératrice douairière ; l’impératrice douairière le jeta par terre avec colère ; un angle se brisa légèrement. § Le Ou tche (section du San kouo tche) dit : Soen Kien (d. 191 ap. J.-C.), étant entré à Lo, balaya et nettoya le temple ancestral des tombes des Han ; ses soldats trouvèrent dans le puits Tchen-koan le sceau impérial. § Dans la suite, ce sceau fit retour à la dynastie Wei (210-261). § Sous l’empereur Hoai, des Tsin, le 6e mois de la 15e année yong-kia (311 ap. J.-C.), l’empereur s’enfuit à P’ing-yang et le sceau tomba entre les mains de Lieou Tsong des Tchao antérieurs. § Puis, sous l’empereur Tch’eng, des Ts’in orientaux, la 3e année hien-ho (329 ap. J.-C.), Che-le anéantit les Tchao antérieurs et obtint le sceau. § La 8e année yang-ho (352 ap. J.-C.) de l’empereur Mou, Che-le fut détruit par Mou-yong Tsiun, Le gouverneur de P’ou-yang, Tai Che, entra à Ye (aujourd’hui Lin-tchang, dans le Ho-nan) et trouva le sceau ; il chargea Ho Yong de le remettre aux Tsin. § Ceux-ci le transmirent aux Song, § qui le transmirent aux Ts’i méridionaux ; § ceux-ci le transmirent aux Leang. Les Leang se le transmirent jusqu’à la 1e année t’ien tcheng (552 ap. J.-C. ; mais d’après l’annotation critique de l’édition K’ien-long, il faudrait lire la 2e année ta-pao, soit 550), époque à laquelle Heou King écrasa les Leang et arriva à Koang-ling. § Un général des Ts’i septentrionaux, Sin Chou, s’empara de Koang-ling et trouva le sceau qu’il envoya aux Ts’i septentrionaux (550-577). § Puis les Tcheou, les mois de la 6e année kien- (575) vainquirent les Ts’i septentrionaux et le sceau tomba entre leurs mains. § Les Tcheou le transmirent aux Soei et les Soei aux T’ang.

Quoique cette tradition ne soit pas digne de foi dans toutes ses parties, elle méritait cependant d’être rappelée ; en effet, le sceau est l’emblème du pouvoir conféré par le Ciel ; l’histoire de sa transmission nous montre donc du moins quelle était l’idée qu’on se faisait à l’époque des T’ang de la suite des dynasties suivant le principe de la légitimité.

(142. ) Ce membre de phrase est obscur. Je suppose que certains princes barbares résidaient à la capitale, soit comme otages, soit comme maris de princesses impériales ; ils avaient avec eux une suite nombreuse de clients et d’hommes d’armes et c’est sur eux que chercha à s’appuyer Lao Ngai.

(143. ) K’i-nien signifie « implorer les années », c’est-à-dire demander aux dieux la longévité. Le palais qui portait ce nom se trouvait à Yong.

(144. ) D’après Se-ma Tcheng, le prince de Tch’ang-p’ing aurait été un rejeton de la maison royale de Tch’ou ; mais on ignore le nom de famille et le nom personnel de ce prince et du prince de Tch’an-wen.

(145. ) Cf. note 05.330. .

(146. ) Le mot [] se prononce ici leng. Le po koan piao du Ts’ien Han chou ne mentionne pas le tchong-ta-fou-leng au nombre des fonctionnaires des Ts’in ; il se borne à dire que l’empereur King, de la dynastie Han, changea le titre de wei-wei en celui de tchong-ta-fou-leng ; il est évident cependant qu’à l’époque des Ts’in les deux titres n’étaient pas identiques, puisque notre texte lui-même mentionne le wei-wei Kie à côté du tchong-ta-fou-leng Ts’i.

(147. ) L’expression signifie proprement : bois à brûler pour les mânes. On désignait par là, dit Yng Chao, ceux qui étaient chargés d’approvisionner de bois à brûler le temple ancestral. Jou Choen dit que le code fixait à trois ans la durée de cette peine.

(148. ) Aujourd’hui, sous-préfecture de Fang, préfecture de Yun-yang, province de Hou-pe.

(149. ) Le quatrième mois de l’année est le premier mois de l’été ; le gel à cette époque est regardé par les commentateurs comme une marque que le Ciel répondait par sa sévérité à la cruauté du roi de Ts’in.

(150. ) L’emplacement exact de Yen ou Yen-che n’est pas connu ; c’était une ville de l’État de Wei qui devait se trouver non loin de la ville de Kiuen (aujourd’hui sous-préfecture de Yuen-ou, préfecture de Hoai-k’ing, province de Ho-nan. Cf. T’ong kien kan mou, 4e année du roi Chen-tsing, des Tcheou.

(151. ) L’expression [], proprement « installer le vin », désigne une cérémonie très solennelle où le souverain offrait du vin à la cour. Dans la biographie de Chou-soen T’ong (Mémoires historiques, chap. XCIX, p. 4 r°) on trouve l’expression [] « installer le vin rituel », ce qui justifie notre traduction : célébrer le rite du vin. De telles cérémonies ne sont relatées que quatre fois dans le T’ong kien kang mou : la 10e année de Ts’in Che-hoang-ti, la 5e et la 7e année de Han Kao-tsou, la 7e année tcheng-koan des T’ang.

(152. ) Se-ma Ts’ien a négligé de dire qu’à la suite de l’affaire de Lao Ngai, la reine-mère fut internée à Yong dans le palais Fou-yang ; ce palais, qui avait été construit par le roi Hoei-wen, de Ts’in, était au sud-ouest de la sous-préfecture de Hou, préfecture de Si-ngan, province de Chàn-si.

(153. ) Il fallait un grand courage pour faire de telles remontrances ; le roi avait déclaré qu’il mettrait à mort quiconque critiquerait sa conduite à l’égard de sa mère : vingt-sept personnes avaient déjà péri pour ce motif et le premier mouvement du roi fut de bouillir vif Mao Tsiao.

(154. ) Le palais Kan-ts’iuen se trouvait à Yun-yang (Mémoires historiques, chap. VI, p. 3 v°, commentaire de Tchang Cheou-tsie) ; la ville de Yun-yang de Ts’in Che-hoang-ti était à 80 li à l’ouest de la sous-préfecture de Yun-yang de l’époque des T’ang qui, elle-même, était à 30 li au nord de la sous-préfecture de King-yang, préfecture de Si-ngan, province de Chàn-si.

(155. ) Cette requête est célèbre dans les annales de la rhétorique chinoise ; on en trouvera le texte au chapitre LXXXVII des Mémoires historiques. En prenant la défense des étrangers, Li Se plaidait pro domo sua, puisqu’il était originaire du pays de Tch’ou.

(156. ) Sur Han Fei tse, cf. Mémoires historiques, chap. LXIII.

(157. ) Cf. tome I, note 04.496. .

(158. ) Sur Fou-tch’a, roi de Ou, cf. Mémoires historiques, chap. XXXI.

(159. ) Le roi Min, du pays de Ts’i, régna de 313 à 284 avant J.-C. Cf. Mémoires historiques, chap. XLVI.

(160. ) L’expression [] a ici un sens très différent de celui qu’elle a dans un passage de Mencius (III, a, 4 ; trad. Legge, p. 126), où elle signifie : donner à manger aux hommes, entretenir les hommes. — Le commentaire de Tchang Cheou tsie dit cependant :

« Que Che-hoang réalise ses intentions au sujet de l’empire, c’est aussi ce qui sera facile ; alors il se fera entretenir par les hommes.

Nous serions ainsi ramenés au sens qu’il faut voir dans la phrase de Mencius :

« ceux qui gouvernent les hommes sont entretenus par eux.

Mais l’absence de la particule dans le texte de Se-ma Ts’ien me semble rendre inadmissible l’explication de Tchang Cheou-tsie.

(161. ) L’expression [], vêtu de toile, se rencontre fréquemment à partir de l’époque des Ts’in pour désigner un simple particulier, un homme d’une condition modeste.

(162. ) Aujourd’hui, préfecture de Tchang-, province de Ho-nan.

(163. ) Cf. note 05.465. .

(164. ) Je n’ai pas pu parvenir à déterminer exactement l’emplacement de cette ville.

(165. ) Les teou che, dont le nom venait peut-être de ce que leurs appointements étaient d’un teou de grain, étaient des officiers subalternes inférieurs aux po-che ou fonctionnaires dont les appointements étaient de 100 che de grain.

(166. ) Il s’empoisonna parce qu’il craignait d’être mis à mort.

(167. ) Lu Pou wei était originaire du pays de Tchao, c’est-à-dire de l’un des trois royaumes formés des débris de celui de Tsin ; plusieurs de ses compatriotes l’avaient accompagné comme clients à la cour du roi de Ts’in.

(168. ) L’expression [] ne peut évidemment pas signifier qu’ils n’avaient pas pleuré, puisqu’ils sont au contraire comptés parmi ceux des clients de Lu Pou-wei qui l’avaient pleuré. Il faut donc comprendre que, quoique coupables de cette faute, ils furent considérés comme ne l’ayant pas commise. Cf. le commentaire du Che ki luen wen.

(169. ) Au sud-ouest de la sous-préfecture de Lin-tchang, préfecture de Tchang-, province de Ho-nan.

(170. ) Pourquoi le dixième mois est-il placé à la fin de l’année ? Cf. note 05.479. .

(171. ) Se-ma Ts’ien ne mentionne pas la grande défaite que Li Mou, général de Tchao, fit essuyer en cette année aux troupes de Ts’in.

(172. ) Au sud-ouest de la sous-préfecture de Kao-tch’eng, préfecture de Tchen-ting, province de Tche-li.

(173. ) Cf. note 06.154. ad fin.

(174. ) Cf. note 05.508. .

(175. ) Cette phrase est difficile à comprendre ; le Che ki luen wen ne place pas de point après le mot [] ; en plaçant un point, on peut donner une explication plausible : le T’ong kien kang mou dit que, la 16e année du roi de Ts’in, l’État de Han offrit à Ts’in le territoire de Nan-yang ; Ts’in envoya des soldats prendre possession de ce territoire et en confia provisoirement la garde à T’eng qui est sans doute le même personnage que le nei che T’eng mentionné au paragraphe suivant. — Le mot [] avec le sens de « provisoire » se rencontre assez souvent dans Se-ma Ts’ien.

(176. ) Au nord-est de la sous-préfecture de Lin-t’ong, préfecture de Si-ngan, province de Chàn-si.

(177. ) La préfecture secondaire de Hiu, dans la préfecture de Ho-nan, la préfecture secondaire de Yu et la sous-préfecture de Sin-tcheng, dans la préfecture de K’ai-fong, représentent aujourd’hui ce qui était sous les Ts’in la commanderie de Yng-tch’oan.

(178. ) Cette femme avait été l’épouse principale de l’empereur Hiao-wen. Cf. note 05.500. .

(179. ) Aujourd’hui, sous-préfecture de Tsing-hing, préfecture de Tchen-ting, province de Tche-li.

(180. ) Comment faut-il traduire le mot [ab] ? Dans un texte célèbre que nous trouverons quelques pages plus loin, la phrase [. . ] est traduite par M. Legge (Chinese Classics, vol. I, prol., p. 9) : « they were all buried alive in pits. Mais aucun texte à ma connaissance n’autorise à traduire [ab] par « enterrer vivant ». Le dictionnaire de K’ang-hi, au mot [ab] cite la phrase même à propos de laquelle nous écrivons cette note et dit que [ab] est ici l’équivalent du mot [c] ; ce même dictionnaire au mot [a’b], ajoute ici encore que [a’b] est l’équivalent de [c]. Or le mot [c] a le sens de tomber ou faire tomber ; au figuré, il signifie : faire tomber dans une accusation, impliquer dans la punition ; c’est le sens que me paraît avoir le mot [ab] que je traduirai donc par : impliquer dans la punition, c’est-à-dire exterminer.

(181. ) L’État de Tchao venait d’être anéanti par Ts’in ; le roi avait été emmené prisonnier ; le prince Kia réunit les partisans qui voulaient encore lutter pour l’indépendance et se retira dans le territoire de Tai (préfecture de Siuen-hoa, dans le nord du Tche-li), où il se proclama roi.

(182. ) Aujourd’hui, sous-préfecture de Hoai-lai, préfecture de Siuen-hoa, province de Tche-li.

(183. ) Cf. Mémoires historiques, chap. LXXXVI.

(184. ) La rivière I coule au nord de la préfecture secondaire de Ngan et est formée par la réunion des huit petits cours d’eau qui arrosent la préfecture de Pao-ling, province de Tche-li ; peu après avoir dépassé la ville de Ngan, la rivière I s’anastomose avec l’inextricable réseau hydrographique du Tche-li central.

(185. ) Ki était la capitale de l’État de Yen ; c’est aujourd’hui la sous-préfecture de Ta-hing qui fait partie de la ville préfecturale de Choen-tien ou Péking.

(186. ) Tan avait été l’instigateur de la tentative d’assassinat que ne put mener à bien King K’o.

(187. ) Cf. tome I, note 04.434. ad fin.

(188. ) Cf. tome I, note 04.512. .

(189. ) Le roi fut mis à mort et ce fut là la fin de l’État de Wei.

(190. ) King est le nom d’une des anciennes provinces du tribut de Yu. Dans les textes de l’époque de Ts’in Che-hoang-ti, ce mot remplace le caractère tch’ou dont l’usage était interdit parce que le nom personnel du roi Tchoang-siang avait été Tse-tch’ou (cf. note 05.500). Quand nous lisons que Wang Tsien attaqua King, il faut donc comprendre qu’il attaqua l’État de Tch’ou.

(191. ) Depuis l’année 278 avant J.-C., Tch’en était la capitale du roi de Tch’ou. Cf. note 05.450. .

(192. ) P’ing-yu était à l’époque Tch’oen-ts’ieou la principauté des vicomtes de Chen. Cette ville était au sud de la rivière Jou et à l’est de la cité préfecturale de Jou-ning, province de Ho-nan.

(193. ) Ce Hiang Yen est le père de Hiang Leang et du père de Hiang Yu. Cf. le chapitre suivant, au commencement.

(194. ) Cf. note 144.

(195. ) Ces réjouissances publiques étaient instituées pour célébrer la destruction par Ts’in des cinq États de Han, Tchao, Wei, Yen et Tch’ou.

(196. ) [], expression correspondant très exactement au français : autrefois.

(197. ) Mot à mot sujet-barrière. Cette expression est restée en usage jusqu’à nos jours pour désigner les États vassaux qui servent de barrière ou de rempart au royaume du milieu contre les barbares.

(198. ) Cf. note 190.

(199. ) Sou Lin identifie Ts’ing-yang avec la sous-préfecture de Tch’ang-cha, province de Hou-nan.

(200. ) L’expression [] se retrouve dans le Che king (Siao Ya, livre II, ode X, première stance ; Legge, Chinese Classics, vol. IV, p. 326) ; elle a le sens de « ils ont subi la peine de leurs crimes ».

(201. ) L’expression [abc] est aussi employée dans l’inscription gravée par Eul Che-hoang-ti (voyez plus loin, première année de Eul Che-hoang-ti). Le mot [a] a ici le sens de : « équivaloir, être en proportion de ». — Ts’in Che-hoang-ti estime qu’après son triomphe sur les six royaumes rivaux le titre de roi n’est plus digne de lui et il demande à ses sujets de lui décerner un nom plus pompeux.

(202. ) [] est ici la marque de l’impératif. Cf. Julien, Syntaxe, tome I, pp. 64 et 174.

(203. ) Ts’ai Yong explique d’une manière intéressante comment l’expression [ab] a pris le sens de : Votre Majesté. [a] désigne l’escalier par lequel on montait à la salle (du trône) ; les ministres intimes du Fils du Ciel se tenaient aux côtés de cet escalier afin de prévenir tout événement imprévu ; on les appelait « ceux qui sont au bas de l’escalier » [abd] ; les sujets qui voulaient parler au Fils du Ciel n’osaient pas l’apostropher directement ; c’est pourquoi ils s’adressaient à ceux qui étaient au bas de l’escalier ; mais ce n’était là qu’une fiction ; chacun savait que le discours commençant pas les mots [ab] était destiné au Fils du Ciel ; aussi cette expression ne tarda-t-elle pas à désigner le souverain lui-même.

(204. ) L’expression « les soldats de la justice », a souvent été employée dans la suite par ceux qui en Chine prétendirent que la cause seule de l’équité armait leur bras.

(205. ) Cf. Che king (Siao ya, livre V, ode 10, strophe 4 ; Legge, Chinese Classics, vol. IV, p. 358).

(206. ) Ce passage est très remarquable, car il prouve que, dès l’époque de Ts’in Che-hoang-ti on connaissait la théorie des trois souverains antérieurs aux cinq empereurs (cf. tome I, note 00.164. ). Cependant, tandis que les trois souverains, tels qu’on les énumère plus tard, sont le souverain céleste, le souverain terrestre et le souverain humain, nous trouvons ici le souverain majestueux substitué au souverain humain. — D’après Se-ma Tcheng, le souverain majestueux devrait être placé avant les trois souverains céleste, terrestre et humain ; en effet, un identifie le souverain majestueux ou T’ai-hoang avec Fou-hi ; or, dans la série Fou-hi, Chen-mong, Hoang-ti, — Fou-hi est placé avant et non après le souverain terrestre (Hoang-ti). Se-ma Tcheng semble identifier le T’ai-hoang avec le T’ai-ti dont il est parlé à deux reprises dans le traité sur les sacrifices fong et chan (cf. ma première traduction de ce traité, pp. 64 et 74). — Les efforts des critiques chinois pour accommoder ce passage de Se-ma Ts’ien avec la théorie ultérieure des trois puissances, le Ciel, la Terre et l’Homme symbolisés par trois souverains, sont évidemment sans valeur puisqu’il ne s’agit pas ici d’une tradition qui ait un fond historique réel ; nous nous bornons donc à signaler cette apparition de la légende des trois souverains sous sa première forme.

(207. ) Formule de respect qu’on trouve dans toutes les requêtes adressées aux empereurs Ts’in. Les sujets du souverain risquent leur vie s’ils lui adressent une parole qui lui déplaise ; ils se dissimulent ce danger et c’est pourquoi ils parlent.

(208. ) Sous les dynasties précédentes, on n’employait pas les mots tche et tchao ; c’est à la suite de cette requête qu’ils ont été mis en usage et ils ont subsisté dans le style officiel jusqu’à aujourd’hui. Il est difficile de faire une distinction exacte entre le tche et le tchao ; ce qu’on peut dire cependant, c’est que le tche était plus important que le tchao ; l’empereur seul avait le droit de promulguer des tche, tandis que la ou les impératrices douairières pouvaient dans certains cas rendre des tchao ; on verra plus loin (Mémoires historiques, chap. IX) que, lorsque l’impératrice douairière Lu appela tche ses ordonnances, sa décision fut considérée comme une usurpation sur le pouvoir souverain.

(209. ) Avant Ts’in Che-hoang-ti, le mot tchen n’était pas réservé à l’empereur. Si, à partir des Ts’in, ce mot devint le pronom personnel spécial au souverain, c’est, semble-t-il, parce qu’on lui attribua vers cette époque un sens particulier : quelques pages plus loin (Mémoires historiques, chap. VI, p. 14 v°), l’eunuque Tchao Kao dit à Eul Che-hoang-ti : — Si le Fils du Ciel dit tchen (en parlant de lui), c’est assurément parce qu’on n’entend pas le son (de sa voix).

Au chapitre LXXXVII, p. 7 r°, ce propos de Tchao Kao est rapporté sous une forme assez différente :

— Ce qui fait que le Fils du Ciel est vénéré, c’est qu’on n’entend que le son (de sa voix) ; tous ses sujets ne peuvent voir son visage et c’est pourquoi son surnom est tchen. De ces passages il résulte que le pronom tchen indiquerait que la personne à qui on l’applique reste invisible aux hommes, et même, d’après la première rédaction, qu’on n’entend pas le son de sa voix ; c’est donc un être mystérieux qui agit d’une manière secrète et incompréhensible ; en effet, dans les écrivains taoïstes tels que Tchoang-tse, le mot tchen est l’équivalent du mot [] et signifie donc : présage, symptôme surnaturel (cf. dictionnaire de K’ang-hi, au mot tchen). Ainsi, à l’origine, le mot tchen était un simple pronom personnel d’un usage commun à tous ; dans la littérature taoïste, ce mot prit une acception spéciale et désigna une influence surnaturelle ; cette acception fut seule prise en considération à l’époque de Ts’in Che-hoang-ti qui paraît avoir été l’âge d’or du taoïsme et c’est à ce moment qu’on décida que le souverain seul aurait le droit de se servir du pronom personnel.

(210. ) …. marquant par là qu’il réunissait en lui toutes les qualités des trois souverains et des cinq empereurs de l’antiquité.

(211. ) L’empereur Kao-tsou, fondateur de la dynastie Han, imita Ts’in Che-hoang-ti et conféra aussi à son père le titre de t’ai-chang-hoang.

(212. ) Ce n’est que sous la dynastie Tcheou, c’est-à-dire dans la moyenne antiquité, que commença l’usage des noms posthumes (cf. tome I, note 04.149. ).

(213. ) On remarquera qu’en effet ni Ts’in Che-hoang-ti ni Eul Che-hoang-ti n’ont de noms posthumes.

(214. ) La rhétorique chinoise s’est souvent plus à signaler l’ironie du sort qui ne laissa que deux souverains à cette dynastie que son fondateur croyait devoir durer pendant dix mille générations.

(215. ) L’expression « fin et commencement », c’est-à-dire « succession », étant placée avant les mots [], joue à leur égard le rôle d’un adjectif qualificatif : les cinq vertus considérées sous le rapport de leur succession. Nous trouvons la même tournure de langage dans le chapitre du Ts’ien Han chou sur les sacrifices ; il y est dit que « T’seou-tse et son école traitèrent de l’évolution des cinq vertus considérées sous le rapport de leur succession ».

(216. ) Au temps des Ts’in on admettait que les cinq éléments se succèdent en se détruisant les uns les autres ; les Tcheou ayant régné par la vertu du feu, c’est l’eau que le feu ne peut vaincre et c’est donc par la vertu de l’eau que devaient régner les Ts’in (cf. Introduction, p. CXCI, note 308).

(217. ) Les Tcheou commençaient l’année au 11e mois qui est marqué du caractère cyclique [] ; Ts’in Che-hoang-ti la fit commencer au 10e mois qui est marqué du caractère cyclique [] ; il est cependant à remarquer que ses prédécesseurs avaient déjà suivi le calendrier qui commence au 10e mois ; il n’institua donc pas un calendrier nouveau, mais étendit à tout l’empire le calendrier des Ts’in.

(218. ) L’expression [abc] désigne deux sortes d’objets : les [ac] et les [bc] ; c’étaient des hampes auxquelles étaient suspendues des sortes de queues faites en touffes de poils dans le premier cas, en touffes de plumes dans le second. Cet emploi du mot [c] est assez rare, car ce caractère désigne en général des insignes qui n’ont pas la forme de guidons ; il est cependant confirmé par les représentations de [ac] qu’on voit dessinées dans les ouvrages sur les rites (la gravure que donne le P. Couvreur à la page 950 de son Dictionnaire est assez différente des représentations auxquelles nous faisons allusion, car elle marque les touffes de plumes comme adhérant au bois de la hampe au lieu d’être suspendues en queue ou en guirlande à l’extrémité de cette hampe) ; en outre, on lit dans le Ts’ien Han chou que Sou Ou étant retenu prisonnier chez les Hiong-nou en fut réduit à garder les moutons, mais qu’il conserva son guidon impérial [c] dont il se servait comme de houlette ; ce texte implique que le [c] se composait essentiellement d’un bâton auquel pouvaient être fixés des ornements.

(219. ) Le noir est, dans la théorie des cinq éléments, la couleur qui correspond à l’eau.

(220. ) On a voulu parfois tirer de ce texte une preuve que les Chinois, à l’époque des Ts’in, avaient adopté la numération par six (cf. Pauthier, Chine ancienne, p. 214 : « On composa, par ses ordres, une espèce d’arithmétique sextile. . . » Voyez tout le paragraphe*) ; il ne semble pas cependant que nous ayons affaire ici à un système rigoureux ; quoique 6 pieds fassent 1 pas, les mesures de surface, de pesanteur et de capacité n’étaient pas réduites à des unités dont elles auraient été des multiples ou des sous-multiples par 6 ; dans la numération elle-même, on continuait à compter par dizaines, centaines, milliers et myriades, c’est-à-dire qu’on suivait le système décimal. Ainsi, quoiqu’une importance particulière fût accordée au nombre 6 comme symbole de l’élément eau, ce n’est pas ce nombre qui servait d’étalon au calcul et aux mesures.

[* css, cf. Gallica : « Parmi les nombres naturels le nombre six est un de ceux que les astrologues assignent à Mercure, qui est la planète de l’eau, et que les arithmomanciens fixent pour celui des Koua de Fou-hi qui signifie l’eau, lorsqu’ils pronostiquent les événements par le calcul. Che hoang-ti en fit examiner toutes les propriétés, et voulut qu’il servît désormais de base à tout ce qui, dans l’usage ordinaire, pouvait être soumis aux règles qui combinent, assignent et déduisent les différents rapports.

On composa, par ses ordres, une espèce d’arithmétique sextile, si je puis m’exprimer ainsi, qui fut employée dans l’astronomie pour les révolutions périodiques des astres et des saisons ; dans la géographie, pour les mesures itinéraires, la position et la distance réciproque des lieux ; dans la géométrie, pour l’arpentage ; dans l’arithmomancie, pour le fondement sur lequel devait s’appuyer l’art de la devination ; dans la musique des grandes cérémonies, pour les tons primitifs qui devaient en régler les modes ; dans le commerce et les arts, pour les différentes mesures de dimension et de poids. Il détermina que six pouces seraient la mesure du pied, et six pieds celle du pas géométrique, Il voulut que son propre char fût long de six pieds, qu’il fût traîné par six chevaux, et que tout le reste de l’équipage fût réglé de même par six. Il voulut encore que le bonnet qu’il portait, lorsqu’il était assis sur son trône, eût six pouces de haut, et que ses habits extérieurs fussent en proportion de son bonnet. Enfin, le produit de six, multiplié par lui-même, fut le nombre diviseur de l’empire, qu’il partagea dès lors en trente-six provinces, qu’il se proposa de visiter en personne, dans des temps dont on fixerait l’époque par six. »]

(221. ). … Cette expression, placée au commencement de la phrase, détermine ce qui suit, par rapport au temps, comme le ferait l’adverbe lui-même…

(222. ) C’est-à-dire Tch’ou ; cf. note 190.

(223. ) T’ien, « combler, compléter », est ici l’équivalent de tchen, « affermir, régler ». — Toute cette délibération au sujet de l’opportunité qu’il y aurait ou qu’il n’y aurait pas à rétablir la féodalité est du plus haut intérêt. Nous sommes loin des discours plus ou moins artificiels de l’époque des Tcheou ; nous trouvons ici une véritable éloquence d’affaires exacte et vigoureuse ; ce ne sont plus des dissertations de rhéteur ou de moraliste, mais bien l’écho fidèle des paroles qui ont dû être prononcées à la cour de Ts’in Che-hoang-ti.

(224. ) D’après le Fong sou t’ong de Yng Chao (IIe siècle ap. J.-C.), Ts’in Che-hoang-ti aurait donné au mot [a] une extension qu’il n’avait point autrefois ; en effet, à partir de Ts’in Che-hoang-ti, la commanderie [a] fut une division administrative qui comprenait plusieurs préfectures [b]  ; dans l’antiquité, au contraire, le [b] était plus étendu que le [a]. Voici d’ailleurs ce que dit Yng Chao : D’après les règlements des Tcheou, le territoire du Fils du Ciel était un carré de 1.000 li de côté ; il était divisé en 100 [b] ; chaque [b] comprenait 4 [a] ; c’est ce qui explique ce passage du Tso tchoan : les grands officiers de rang supérieur reçoivent un [b] ; les grands officiers de rang inférieur reçoivent un [a].

Les trente-six commanderies établies par Ts’in Che-hoang-ti étaient les suivantes :

1. San-tch’oan ; 2. Ho-tong ; 3. Nan-yang ; 4. Nan ; 5. Kieou-kiang ;

6. Tchang ; 7. Koei-ki ; 8. Yng-tch’oan ; 9. T’ang ; 10. Se-choei ;

Sié ; 12. Tong ; 13. Lang-ya ; 14. Ts’i ; 15. Chang-kou ; 
Yu-yang ; 17. Yeou-pei-p’ing ; 18. Leao-si ; 19. Leao-tong ; 20. Tai ; 
Kiu-lou ; 22. Han-tan ; 23. Chang-tang ; 24. Y’ai-yuen ; 25. Yun-tchong ; 
Kieou-yuen ; 27. Yen-men ; 28. Chang ; 29. Long-si ; 30. Pei-ti ; 
Han-tchong ; 32. Pa ; 33. Chou ; 34. K’ien-tchong ; 35. Tch’ang-cha. 

La capitale, dont le territoire était appelé du nom du fonctionnaire qui l’administrait, le nei-che, constituait la 36e commanderie.

(225. ) Cf. tome II, Appendice I, § 4, n° 1.

(226. ) Cette appellation de « têtes noires » ne me paraît pas avoir été forgée pour distinguer les Chinois, dont les cheveux sont toujours noirs, des peuples étrangers qui pouvaient être blonds ou bruns ; cette expression désignerait plutôt ceux dont les cheveux sont encore noirs, c’est-à-dire les hommes dans la force de l’âge, par opposition aux vieillards qui ont les cheveux gris et n’appartiennent plus à la classe de ceux qu’on peut considérer comme formant la partie essentielle de la nation.

— Il est assez singulier que cette même expression de « têtes noires » se retrouve dans la Chaldée primitive, sur les inscriptions les plus anciennes. Voici ce que dit à ce sujet M. Maspero (Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, tome I, p. 598, note 1) :

« L’expression de Têtes-noires, nishi salmat kakkadi, a été prise dans un sens ethnographique, comme désignant l’une des races de la Chaldée, la sémitique (Hommel, Geschichte Babyloniens und Assyriens, p. 29, note 2) ; d’autres assyriologues la considèrent comme une désignation de l’humanité en général (Pognon, L’inscription de Bavian, p. 27-28 ; Schrader, dans la Zeitschrift für Assyriologie, t. I, p. 320). Ce dernier sens paraît être le plus vraisemblable.

— Si l’on considère que les inscriptions chaldéennes où il est fait mention des Têtes-noires sont antérieures de plus de mille ans à Ts’in Che-hoang-ti, il paraît bien impossible de prétendre, comme le fait M. Terrien de Lacouperie, que les Chinois ont tiré cette appellation de la Chaldée (cf. The Black-heads of Bahylonia and ancient China, B. and O. R. vol. V, pp. 233-237 ; — Western origin of the early Chinese civilisation, pp. 20, 96, 97, 98, 380) ; on n’est pas en droit de supposer une filiation pour expliquer une coïncidence entre deux faits si prodigieusement distants l’un de l’autre dans le temps et dans l’espace.

Une autre explication très plausible m’a été suggérée par un de mes auditeurs au Collège de France, M. David : Ts’in Che-hoang-ti avait mis en honneur l’élément eau dont la couleur caractéristique est le noir ; le peuple fut donc appelé « les Têtes-noires » par une nouvelle application de la théorie des cinq éléments.

(227. ) Tchang Cheou tsie a réuni au sujet de ces douze statues un certain nombre de textes intéressants dont voici l’analyse avec quelques additions tirées d’autres auteurs : D’après le chapitre ou hing tche du livre des Han antérieurs, ces statues furent fondues pour commémorer l’apparition à Lin-t’ao (cf. note 132), la 26e année de Ts’in Che-hoang-ti, de douze hommes d’une grandeur colossale ; ils étaient hauts de cinq tchang (le tchang vaut 10 pieds) et les souliers qu’ils chaussaient avaient six pieds de long ; ils avaient les vêtements des barbares I et Ti. Le Heou Han chou de Sie-Tch’eng (vivait au temps des trois royaumes, 221-265 ap. J.-C.) dit : « Leur nom est Wong Tchong. »

— Le même nom fut donné aux deux hommes de bronze qui furent fondus en l’an 237 de notre ère par l’empereur Ming (cf. P’ei wen yun fou, aux mots Wong-tchong) ; de nos jours encore on appelle communément Wong Tchong les statues de pierre qui se trouvent placées devant certaines sépultures de princes ou de hauts fonctionnaires.

— Le San fou kieou che dit :

(Ts’in Che-hoang-ti) réunit les armes de guerre qui se trouvaient dans tout l’empire et s’en servit pour fondre douze hommes de bronze ; chacun d’eux pesait 240.000 livres ; sous les Han, ils étaient placés à la porte du palais Tch’ang-lo.

— La section Wei tche du San kouo tche, au chapitre consacré à Tong Tchouo (d. 192 ap. J.-C. Cf. Mayers, Manual, n° 687) dit :

(Tong Tchouo) brisa à coups de marteau dix des hommes de bronze, ainsi que les cloches et leurs supports, afin de fondre de petites sapèques.

— Le Koan tchong ki dit :

Tong Tchouo ayant détruit les hommes de bronze, les deux qui restaient furent transportés à l’intérieur de la porte de la Pureté. L’empereur Ming (227-239) de la dynastie Wei voulut les amener à Lo(-yang) ; on les transporta jusqu’à la ville de Pa ; mais leur poids était trop considérable et ils ne purent parvenir (à destination). Puis Che Ki-long les transporta à Ye. Fou Kien (d. 385 ap. J.-C., cf. Mayers, Manual, n° 141) les transporta de nouveau à Tch’ang-ngan et les fondit.

(228. ) Cf. Tchong yong, chap. XXIII (Legge, Chinese Classics, vol. I, p. 288). — Dans la phrase de Se-ma Ts’ien, [..ab], le mot [a] désigne les caractères idéographiques primitifs et le mot [b] désigne les caractères dérivés formés au moyen des premiers. C’est ainsi que le fameux dictionnaire qu’on cite souvent en l’appelant le Chouo-wen, a pour titre complet [. a. b], c’est-à-dire : Description des caractères primitifs et explication des caractères dérivés.

(229. ) Tchang Cheou tsie dit que le caractère [] se prononce ici comme [] : ce mot est donc aspiré ; il faut écrire Tch’ao-sien et non Tchao-sien. Le Tch’ao-sien avait pour capitale la ville de Wang-hien (aujourd’hui P’ing jang, célèbre par la victoire que les Japonais y ont remportée le 14 septembre 1894). Sur le Tchao-sien, voyez le chapitre CXV des Mémoires historiques.

(230. ) Cf. note 132. Le K’iang-tchong était au sud-ouest de Lin-t’ao ; ce territoire était habité par des tribus tibétaines.

(231. ) Le [abc], le pays dont les portes sont tournées vers le nord, est appelé parfois plus brièvement le [ac], les portes septentrionales (cf. plus loin, inscription de la terrasse Lang-ya). Dans le poème sur la capitale du royaume de Ou (cette composition littéraire se trouve dans le Wen siuen, chap. V ; elle a pour auteur Tso Se, appellation T’ai-tchong, qui fut contemporain de Hoang-fou, 215-282 ap. J.-C. ; cf. Tsin chou, chap. XCII, p. 5 v°), on lit :

« Ils percent leurs portes du côté du nord afin de les tourner vers le soleil.

Lieou K’oei dit aussi :

« Au sud du soleil, les portes sont tournées vers le nord, comme au nord du soleil les portes sont tournées vers le sud.

Ce second texte montre que le nom « les portes septentrionales » s’applique au même pays que « au sud du soleil », puisque ce sont les pays au sud du soleil qui ont leurs portes tournées vers le nord. Pour qu’un pays soit au sud du soleil, il n’est pas nécessaire qu’il se trouve dans l’hémisphère austral ; du moment en effet qu’on entre dans la zone tropicale, on est chaque année au sud du soleil pendant un nombre de jours qui augmente de plus en plus à mesure qu’on se dirige plus au sud et ce n’est qu’au delà du tropique du Cancer qu’on est toute l’année au sud du soleil. En fait, les Chinois entendent par Je-nan (et sans doute aussi par Pei-hou qui en est l’équivalent) un pays de la zone torride situé au nord de l’équateur ; c’est la province annamite de Quang-nam qui correspond au Je-nan de l’époque des Han (cf. Hai kouo t’ou tche, chap. VI, p. 1 v°). Ainsi c’est le Tonkin et l’Annam qui, selon toute vraisemblance, étaient désignés à l’époque de Ts’in Che-hoang-ti sous le nom de Pei-hou ou de Pei-hiang-hou.

(232. ) On appelle Yn-chan la chaîne de hauteurs au nord de la préfecture secondaire de Cho dans le Chān-si ; la dénomination de Yn chan paraît avoir été appliquée, non seulement aux montagnes à l’est du Hoang-ho, mais encore à celles qui en sont la continuation à l’ouest de ce fleuve et qui séparent le territoire des Ordos du Chàn-si proprement dit. Il ne semble pas, malgré ce que dit le commentaire de Tchang Cheou tsie, qu’il s’agisse ici de la construction de la Grande Muraille ; Se-ma Ts’ien se borne à marquer les limites de l’empire ; il parlera plus loin de la Grande Muraille.

— On lit dans l’Abrégé de l’histoire chinoise de la grande dynastie Tang par le P. Gaubil (Mémoires concernant les Chinois, vol. XVI, p. 275) la note suivante sur le Yn-chan :

« La montagne Yn-chan est la montagne, ou, pour mieux dire, la chaîne de montagnes appelée Ong-kou. Cette chaîne de montagnes se voit dans les cartes du Recueil du Père du Halde, à quelques lieues au nord-ouest de la ville Kouey-hoa-tching ou Koukou-hoton (Koei-hoa-tch’eng ou Koukou-khoto), hors de la Grande Muraille du Chan-sy. Dans ces cartes on trouve Ou-gou-alin. Alin signifie montagne ; montagne. Orgon, c’est la montagne Ong-kou. Cette chaîne de montagnes qui s’étend assez loin au nord-ouest est remplie de forêts, de collines et de bons pâturages ; il y a des défilés qu’on peut aisément fortifier ; c’était autrefois le lieu des grands campements des Tartares Huns (Hiong-nou), et ensuite les autres Tartares qui succédèrent à leur puissance firent toujours de ces montagnes Yn-chan. des lieux de retraite et ils y entretenaient des nombres prodigieux de bestiaux. Il y a des lieux propres à la chasse, et beaucoup de fer.

(233. ) Cette terrasse se trouvait à l’angle sud-ouest de l’ancienne ville de Tch’ang-ngan, préfecture de Si-ngan, province de Chàn-si.

(234. ) Ce parc fort étendu occupait le territoire des sous-préfectures de Tcheou-tche et de Hou, à l’ouest de la sous-préfecture de Tch’ang-ngan.

(235. ) C’est-à-dire que ces palais étaient au nord du Wei et que leurs façades méridionales bordaient la rivière.

(236. ) D’après Siu Koang, Yong-men aurait été dans la sous-préfecture de Kao-ling ; mais cela est impossible, car cette sous-préfecture se trouvant à l’est de la rivière King, si l’on était allé, comme le dit Se-ma Ts’ien, à l’est de Yong-men, on n’aurait jamais rencontré la rivière King. Nous nous rattachons donc à l’opinion de Tchang Cheou tsie qui place cette localité dans le territoire de la préfecture de Fong-siang, province de Chàn-si.

(237. ) Il est difficile de distinguer exactement entre elles les deux expressions [ab] et [cd] [traduites par « chemins couverts » et « galeries de ronde »]… Je remarque cependant que [ab] implique l’idée de chemin double ; je suppose donc que cette expression désigne un chemin couvert où l’on pouvait passer dessus et dessous. Quant au mot [d], il indique un passage suspendu, sans impliquer qu’il y ait un chemin parallèle au-dessous.

(238. ) Le Long-si correspond aux préfectures de Lin-t’ao et de Kong-tch’ang, et le Pei-ti aux préfectures de P’ing-leang et de K’ing-yang, dans la province de Kan-sou.

(239. ) Cf. tome I, note 01.122. .

(240. ) Hoei-tchong est aujourd’hui la localité qu’on appelle Hoei-tch’eng, au nord-ouest de la préfecture secondaire de Long, préfecture de Fong-siang, province de Chàn-si.

(241. ) [] est une expression qui désigne un chemin bordé de murs dans lequel l’empereur pouvait passer sans être vu du dehors.

(242. ) Cette faveur, que nous verrons souvent répétée par les empereurs des dynasties Ts’in et Han, consistait à conférer un degré dans la hiérarchie (cf. Appendice I, § 2) à tous les chefs de famille. Nous verrons plus loin (1e année de l’empereur Wen) qu’un empereur, désireux de faire mieux encore que ses devanciers, alla jusqu’à étendre cette faveur aux fils aînés des pères qui avaient déjà reçu cette distinction.

(243. ) D’après un texte du livre des Han cité par P’ei Yn, les chaussées que fit construire Ts’in Che-hoang-ti étaient larges de 50 pas et étaient plantées d’arbres ; elles allaient depuis la capitale jusqu’aux extrémités de l’empire à l’est et au sud.

(244. ) La montagne I est au sud-est de la sous-préfecture de Tseou, préfecture de Yen-tcheou, province de Chan-tong.

(245. ) On trouvera dans l’Appendice III de ce volume la traduction de l’inscription qui fut gravée sur cette stèle.

(246. ) Il est à remarquer que, dans l’inscription qu’on va lire quelques lignes plus bas, il n’est pas dit un mot des sacrifices fong et chan. Il n’est point certain que ces cérémonies aient été réellement connues au temps de Ts’in Che-hoang-ti.

(247. ) Quand on monte au T’ai-chan, le chemin en escalier qu’on gravit pour faire l’ascension passe sous un arc de triomphe sur lequel on lit l’inscription [] ; c’est là que s’élevait le pin auquel Ts’in Che-hoang-ti conféra le titre de ou-ta-fou pour le récompenser de lui avoir fourni un abri contre l’orage.

(248. ) L’inscription du T’ai-chan se compose de deux strophes ; les six vers de chaque strophe sont construits sur la même rime ; chaque vers compte douze mots et par suite douze syllabes ; ces douze syllabes sont réparties entre trois phrases de quatre mots ; ce sont les phrases de quatre mots qui, aux yeux des critiques chinois, constituent l’élément rythmique ; mais, pour un Européen, il est évident que l’élément rythmique est le vers de douze syllabes qui, par sa coupe régulière de quatre en quatre syllabes, rappelle certains alexandrins tels que celui-ci :

Pluie ou bourrasque, il faut qu’il sorte,

il faut qu’il aille.

(V. HUGO.)

Dans la très intéressante restauration de l’inscription de la montagne Tai proposée par le Kin che souo (cf. Appendice III), chaque vers occupe exactement une colonne verticale de l’inscription en sorte que toutes les rimes sont rangées sur une même ligne horizontale au bas de la stèle.

(249. ) Dans cette inscription, comme dans la plupart des suivantes, Ts’in Che-hoang-ti rappelle que c’est la vingt-sixième année de son règne (221 av. J.-C.) qu’il a triomphé des seigneurs et qu’il est devenu le maître de l’empire. — Le texte du Che ki donne la leçon [a b. . . ] ; mais cette phrase a cinq mots, et non quatre comme l’exigerait la structure régulière du vers ; c’est qu’en effet, l’inscription présentait, au lieu des deux mots [ab], le signe [] qui signifie 20.

(250. ) Le Kin che souo supprime les deux mots [][] qui rompent le rythme.

(251. ) Les rimes de cette première strophe sont […..], qui sont au jou-cheng de la première catégorie dans le système de Toan Yu-ts’ai (sur ce système, cf. mon article sur Les inscriptions des Ts’in dans le Journal asiatique, mai-juin 1893, pp. 512-513).

(252. ) La phrase se retrouve dans le Che king, ode 4 du Wei fong ; Legge, Chinese Classics, vol. IV, p. 100.

(253. ) C’est-à-dire, d’une manière générale, les femmes et les hommes.

(254. ) Les rimes de la seconde strophe sont au chang-cheng de la première catégorie.

(255. ) Le golfe du Tche-li.

(256. ) Hoang est aujourd’hui encore la sous-préfecture de ce nom ; elle se trouve sur la côte nord du Chan-tong, à peu de distance de la mer, à l’ouest de la préfecture de Teng-tcheou.

(257. ) Tch’œi correspond à la sous-préfecture actuelle de Fou-chan, au sud-ouest de la montagne Tche-feou.

(258. ) Le mot [], « épuiser », signifie ici, d’après Se-ma Tcheng, « monter à l’extrémité ». La montagne Tch’eng se trouvait en effet à l’extrémité la plus orientale du Chan-tong.

(259. ) La montagne Tche-feou a donné son nom au port de Tche-fou (cette prononciation est d’ailleurs fautive et il faudrait dire Tche-feou, car le caractère [] se prononce comme [], c’est-à-dire feou). — Par erreur, Se-ma Tcheng, citant le Kouo ti tche, dit que la montagne Tche-feou est à 180 li au nord-est de la sous-préfecture de Wen-teng et que la montagne Tch’eng est à 190 li au nord-ouest de cette même sous-préfecture ; c’est le contraire qui est vrai : la montagne Tche-feou est au nord-ouest, et la montagne Tch’eng au nord-est de cette ville. — Ces deux hauteurs étaient des lieux de culte renommés ; le Traité sur les sacrifices fong et chan dit que Ts’in Che-hoang-ti s’étant rendu dans l’est sur le bord du P’o-hai, sacrifia aux montagnes célèbres, aux grands fleuves et aux huit dieux : le cinquième de ces dieux est le maître du yang ; on lui sacrifie sur le mont Tche-feou ; le septième s’appelle le maître du soleil ; on lui sacrifie sur la montagne Tch’eng.

(260. ) L’année suivante (218 av. J.-C.), Ts’in Che-hoang-ti se rendit de nouveau sur le Tche-feou et y éleva une stèle dont Se-ma Ts’ien nous a conservé l’inscription. Faut-il admettre que des inscriptions de l’année 219 ont été perdues ? Ou plutôt Se-ma Ts’ien ne rapporte-t-il pas par erreur à l’année 219 l’érection de la même stèle dont il parle à propos de l’année 218 ? La question reste insoluble.

(261. ) La terrasse Lang-ya est marquée par les cartes chinoises sur la côte sud du Chan-tong, non loin du point où la grande presqu’île se rattache au continent. — D’après le Chan hai hing, le lieu appelé « terrasse Lang-ya » était ainsi nommé parce qu’il s’y trouvait au bord de la mer une hauteur en forme de terrasse. Sur cette terrasse naturelle, Ts’in Che-hoang-ti éleva une terrasse artificielle. P’ei Yn et Tchang Cheou tsie rapportent à propos de cette localité un fait important qui se trouve mentionné dans les Annales de Ou et de Yue (Ou Yue tch’oen ts’ieou, chap. VI, p. 17 v°, dans la réimpression du Han Wei ts’ong chou) : Le roi Keou-tsien, dans la 25e année de son règne (472 av. J.-C.), vint à Lang-ya et y éleva une terrasse d’observation du haut de laquelle il contemplait la mer ; ce fut là qu’il convoqua les princes de Ts’in, Tsin, Ts’i et Tch’ou et fit avec eux un traité. — Il est intéressant de voir par ce texte que le royaume de Yue s’étendit au nord jusqu’au Chan-tong, tandis qu’on est habitué à le considérer comme un État tout méridional ayant son centre dans le Tche-kiang. Sur Keou-tsien et le royaume de Yue, cf. le LXIe chapitre des Mémoires historiques.

(262. ) « La structure rythmique de l’inscription de la terrasse Lang-ya est assez singulière.

La première partie de cette inscription comprend 72 phrases de 4 caractères ; chaque groupe de 2 phrases forme 1 vers ; les 36 vers sont répartis en 6 strophes de 6 vers, chaque strophe étant bâtie sur une seule rime. A la sixième strophe succède une partie non rythmée.

Puis viennent 3 strophes composées de la manière suivante : § première strophe : 4 vers de 2 phrases chacun ; § deuxième strophe : 1 vers d’une phrase, 3 vers de 2 phrases, 1 vers de 3 phrases ; § troisième strophe : 3 vers de 3 phrases.

Dans ces trois strophes, les vers sont en général de 4 mots, mais, grâce à de fréquentes licences, le nombre des mots se trouve souvent augmenté » (Journal asiatique, mai-juin 1893, pp. 496-497).

(263. ) Cf. note 249.

(264. ) Allusion à la réforme des poids et mesures ; cf. p. 135.

(265. ) Le mot [], dit Tchang Cheou tsie, se prononce ici cheng, et non sing. Il a donc le sens de « diminuer, supprimer », et non celui d’« exciter ». Ts’in Che-hoang-ti, en mettant l’ordre dans l’est de l’empire, a supprimé les soldats, c’est-à-dire les guerres et les batailles.

(266. ) Les rimes de cette première strophe sont au chang-cheng de la première catégorie.

(267. ) L’expression [], dans le sens de « se donner de la peine pour, travailler pour », se retrouve dans le chapitre Kin t’eng du Chou king : « autrefois, le duc (de Tcheou) s’est donné de la peine pour la maison royale. »

(268. ) C’est-à-dire : le commerce ou la spéculation.

(269. ) Cf. note 228. . Ce texte est important parce qu’il est le plus ancien dans lequel on trouve établie la distinction entre les caractères primitifs (wen) et les caractères dérivés (tse) ; cf. l’édition du Chouo wen donnée par Toan Yu-ts’ai, chap. XV, 1e partie, p. 2 v°.

(270. ) Les rimes sont au chang-cheng de la 1e catégorie.

(271. ) Les rimes sont au jou-cheng de la seizième catégorie.

(272. ) Les rimes sont au p’ing-cheng de la dixième catégorie.

(273. ) Le père, la mère, les frères aînés, les frères puinés, la femme, les enfants.

(274. ) Les rimes sont jou-cheng de la première catégorie.

(275. ) Les quatre points cardinaux, le haut et le bas.

(276. ) Les sables mouvants ou plutôt coulants, sont la partie du désert de Gobi qui est à l’ouest de la passe Kia-yu-koan.

(277. ) Cf. note 231.

(278. ) Le Ta-hia dont il est ici question ne doit point être confondu avec le royaume gréco-bactrien qu’on appelait Ta-hia au temps de l’empereur Ou ; à l’époque de Ts’in Che-hoang-ti, les connaissances des Chinois ne s’étendaient pas aussi loin dans l’ouest et, comme on le voit par ce texte, on donnait le nom de Ta-hia à un pays du nord. C’est dans la même acception que le nom de Ta-hia est cité dans le Tso tchoan : ce livre, à la 1e année du duc Tchao, dit que l’empereur Yao transféra à Ta-hia le second fils de l’empereur Kao-sin, Chetch’en. De même, dans le Traité sur les sacrifices fong et chan (p. 14 de ma première traduction), le duc Hoan, de Ts’i, se vante d’avoir triomphé, à l’ouest, du Ta-hia. De même encore, Se-ma Ts’ien dit à diverses reprises que Yu perça la montagne Long-men pour pénétrer dans le Ta-hia. — Kou Yen-ou, dans ses additions et corrections au commentaire du Tou Yu sur le Tso tchoan (H. T. K. K. , chap. III, p. 1 v°) a bien établi que le pays de Ta-hia dont il était question dans ces textes était le territoire compris entre le Hoang-ho et la rivière Fen, dans le Chan-si ; ce sont aujourd’hui les préfectures secondaires de Sie, de Ki et de Kiang.

(279. ) Les rimes sont au chang-cheng de la cinquième catégorie.

(280. ) Le titre de luen-heou n’est pas mentionné dans le po-koan piao du livre des Han antérieurs. D’après Se-ma Tcheng, les luen-heou étaient inférieurs aux lie-heou parce qu’ils n’avaient pas de fiefs ; les luen-heou paraissent donc identiques à ceux qu’on nomma, sous les Han, les tch’e-heou et, plus tard les koan-nei-heou (afin d’éviter le nom personnel de l’empereur Ou). Les koan-nei-heou se distinguaient des lie-heou en ce qu’ils ne possédaient pas de terres dont ils fussent les seigneurs plus ou moins indépendants ; ils se bornaient à jouir des revenus que leur rapportaient certaines villes. (errata d’Éd. Chav.: l’identification des tch’e-heou aux koan-nei-heou est inexacte, cf. p. 529, n°20).

(281. ) La plupart des éditions de Se-ma Ts’ien appellent ce personnage Wei Lin ; cependant Yen Tche-t’oei (cf. Mayers, Manual, n° 910) a fait remarquer que d’après l’inscription sur les poids et mesures (cf. Appendice III), les deux grands conseillers de Ts’in Che-hoang-ti étaient (Wei) Tchoang et (Wang) Koan.

(282. ) Les six premières strophes de l’inscription étaient mises dans la bouche de Ts’in Che-hoang-ti ; les trois dernières sont mises dans la bouche de ses sujets.

(283. ) Les rimes sont au chang-cheng de la première catégorie.

(284. ) L’expression [] désigne les trois dynasties Hia, Yn, Tcheou.

(285. ) Les rimes sont dans la dixième catégorie.

(286. ) C’est-à-dire : il a prouvé par ses actes qu’il méritait cc titre de souverain empereur qu’il s’était donné.

(287. ) Les rimes sont dans la onzième catégorie.

(288. ) Dans le Traité sur les sacrifices fong et chan (Mémoires historiques, chap. XXVIII), on lit :

« C’est à partir de Wei (378-343), de Siuen (342-324) et de Tchao, roi de Yen (311-279) qu’on envoya des hommes en mer à la recherche de P’ong-lai, Fang-tchang et Yng-tcheou. Ces trois montagnes saintes, on rapporte qu’elles se trouvent au milieu du P’o-hai ; elles ne sont pas éloignées des hommes, mais, par malheur, lorsqu’on est sur le point d’y arriver, alors le bateau est ramené en arrière par le vent et s’en éloigne. Autrefois, à vrai dire, des gens purent y parvenir : c’est là que se trouvent les hommes bienheureux et la drogue qui empêche de mourir ; là, tous les êtres, les oiseaux et les quadrupèdes sont blancs ; les palais et les portes y sont faits d’or jaune et d’argent ; lorsque (ces gens) n’y étaient point encore, ils les voyaient de loin comme un nuage ; quand ils y arrivèrent, les trois montagnes saintes se trouvèrent renversées sous l’eau ; quand ils en furent tout près, le vent ramena soudain leur bateau au large ; en définitive, il n’est personne qui ait pu y aborder. Il n’est aucun des souverains qui n’ait désiré s’y rendre.

Puis, au temps, de Ts’in Che-hoang, lorsque celui-ci eut réuni l’empire dans sa main, il vint au bord de la mer. Alors les magiciens débitèrent des récits innombrables. Che-hoang considéra que, s’il allait lui-même en mer, il était à craindre qu’il ne réussît pas ; c’est pourquoi il ordonna à un homme de s’embarquer avec une bande d’enfants, garçons et filles, pour rechercher (ces îles). Leur bateau croisa en pleine mer ; ils s’excusèrent en alléguant le vent (contraire) et dirent qu’ils n’avaient pu atteindre (les îles), mais qu’ils les avaient vues de loin.

— Dans le chapitre CXVIII des Mémoires historiques, nous trouvons un autre récit :

« Ts’in Che-hoang-ti envoya Siu Fou prendre la mer et chercher les êtres merveilleux. A son retour, Siu Fou forgea une excuse et dit :

— J’ai vu un grand dieu dans la mer ; il me dit :

— Êtes-vous l’envoyé de l’Empereur d’Occident ?

Je répondis :

— Oui.

— Que venez-vous chercher ?

Je lui dis :

— Je désire vous demander la drogue qui prolonge les années et augmente la longévité.

Le dieu dit :

— L’offrande de votre roi de Ts’in est mince ; vous pourrez voir cette drogue, mais non la prendre.

Alors il se dirigea avec moi vers le sud-est et nous arrivâmes à la montagne P’ong-lai ; je vis la porte du palais Tche-tch’eng : il y avait là un émissaire qui était couleur du cuivre et qui avait le corps d’un dragon ; son éclât illuminait en haut le ciel. Alors je le saluai par deux fois et lui dis :

— Quelle offrande puis-je vous faire ?

Le dieu de la mer dit :

— Donnez-moi des fils de bonne famille avec des filles vierges, ainsi que des ouvriers en tous genres. Alors vous obtiendrez la drogue. Ts’in Che-hoang fut très content ; il envoya trois mille jeunes garçons et jeunes filles ; il donna (à Siu Fou) des semences des cinq céréales et des ouvriers en tous genres ; alors (Siu Fou) se mit en route. Siu Fou trouva un lieu calme et fertile ; il s’y arrêta, s’y fit roi et ne revint pas.

— Il ressort évidemment de ce second texte que l’expédition aventureuse de Siu Fou aboutit à l’établissement d’une colonie en quelque terre lointaine. Cette terre (et par conséquent les trois îles merveilleuses) a été identifiée par Klaproth (traduction de la Description du Tubet du p. Hyacinthe Bitchourin, p. 134, note) avec le Japon ; la même opinion a été soutenue récemment par M. Schlegel (T’oung pao, mars 1895, pp. 9-10). Cette identification n’a rien d’improbable ; nous appellerons cependant l’attention du lecteur sur la valeur contestable des arguments par lesquels on veut faire de cette hypothèse une certitude : on relève dans divers ouvrages historiques japonais l’affirmation que Siu Fou aborda au Japon ; on signale des chapelles élevées à la mémoire de Siu Fou en différentes parties de l’archipel ; on en conclut que la tradition japonaise corrobore et confirme la chronique chinoise. Mais nous sommes obligés de tenir compte ici d’un principe de critique que nous avons déjà dû appliquer lorsqu’il s’est agi de déterminer la valeur d’un rappprochement entre des écrivains chinois et des auteurs persans (cf. p. 6, n. 1, la discussion au sujet d’un passage de l’Historia Sinensis) : pour qu’un témoignage étranger confirme un témoignage chinois, il faut d’abord prouver qu’il n’en est pas tiré ; Or nous savons que toute l’histoire ancienne du Japon a été remaniée, ou parfois même entièrement composée au moyen des chroniques chinoises ; il est infiniment probable que l’anecdote de Siu Fou a été empruntée aux historiens du Céleste Empire par les annalistes japonais et que de leurs écrits elle a passé dans la légende populaire ; la tradition japonaise ne saurait avoir ici la valeur d’un témoignage indépendant ; elle n’est que l’écho ou la copie de la tradition chinoise.

(289. ) P’ong-tch’eng est aujourd’hui la ville préfecturale de Siu-tcheou, province de Kiang-sou : cette localité était située sur le bord de la rivière Se (cf. tome I, note 02.159. ).

(290. ) Cf. note 05.493. . L’anecdote de Ts’in Che-hoang-ti faisant opérer des sondages dans la rivière Se pour retrouver les neuf trépieds (ou, suivant une autre tradition, un des neuf trépieds) des Tcheou, est une des scènes qu’a représentées le ciseau des sculpteurs du Chan-tong au ne siècle de notre ère. Cf. La sculpture sur pierre en Chine au temps des deux dynasties Han, planches XXIII et XL (la faute d’impression de la page 58 de cet ouvrage : l’an 94 av. J.-C., au lieu de l’an 219 — est si manifeste que le lecteur la corrigera de lui-même).

(291. ) Dans la sous-préfecture de Heng-chan, préfecture de Heng-tcheou, province de Hou-nan. Cette phrase expose ce que Ts’in Che-hoang-ti avait l’intention de faire : il voulait traverser la rivière Hoai, aller au sud jusqu’au Heng-chan, puis se diriger au nord-ouest et rentrer à sa capitale en traversant la commanderie de Nan.

(292. ) Ts’in Che-hoang-ti avait dû passer du Yang-tse-kiang dans le lac Tong-t’ing, et, de là, remonter le cours de la rivière Siang. La montagne Siang est à 57 li au nord de la sous-préfecture de Siang-yn, préfecture de Tch’ang-cha, province de Hou-nan.

(293. ) Cf. tome I, note 01.208. . Le lie niu tchoan identifie aussi le prince de Siang avec les filles de Yao. Mais le poème (dont l’auteur devait être mieux au courant des traditions méridionales de l’empire puisque ce poème appartient aux élégies de Tch’ou) distingue le prince de Siang des femmes de Siang ; le prince de Siang serait alors Choen et les femmes de Siang seraient ses épouses. — Quoi qu’il en soit, c’est un fait curieux que, dès l’époque de Ts’in Che-hoang-ti, la légende de Yao et de Choen se soit déjà transportée et localisée dans le sud du Hou-nan.

(294. ) [css : É. Chavannes développe ici une règle de grammaire qui, sans caractères chinois, ne peut être correctement exposée ; css n’a donc pas jugé utile de garder la note].

(295. ) Le mot [], « rouge », peut aussi signifier « nu » et le P. Couvreur qui cite cette phrase dans son Dictionnaire chinois-français (p. 755), traduit : « couper les arbres du mont Siang et le dénuder entièrement. » Je crois cependant que le sens est plus littéral : le rouge était la couleur des vêtements des condamnés ; Ts’in Che-hoang-ti fait donc peindre la montagne en rouge pour la punir de l’orage qu’elle avait suscité.

(296. ) La passe de Ou était au sud du royaume proprement dit de Ts’in ; à l’époque Tch’oen-ts’ieou, elle s’appelait Chao-ti. Cette passe était à l’est de la préfecture secondaire de Chan, province de Chàn-si.

(297. ) Yang-ou est aujourd’hui la sous-préfecture de ce nom, dans la préfecture de Hoai-k’ing, province de Ho-nan. — L’anecdote à laquelle il est fait ici allusion se trouve racontée plus en détail dans le chapitre IV des Mémoires historiques. Tchang Leang, descendant d’une puissante famille de Han, avait résolu de venger son pays en assassinant Ts’in Che-hoang-ti ; il attendit l’Empereur dans la plaine de Po-lang-cha, au sud de la sous-préfecture de Yang-ou, et fit lancer sur lui une masse de fer pesant 120 livres ; mais il n’avait pas reconnu le char impérial et n’écrasa qu’une voiture du cortège. Tchang Leang fut, dans la suite, un de ceux qui contribuèrent le plus à établir la dynastie Han. Il est regardé comme un patron du taoïsme parce que son descendant à la huitième génération, Tchang Tao-ling (né en 34 ap. J.-C.),. fut le principal organisateur de cette secte et en devint le grand maître. Par réincarnations successives, cette sorte de papauté s’est transmise de génération en génération dans la famille Tchang (cf. Imbault-Huart, La Légende du premier pape des Taoïstes et l’histoire de la famille pontificale des Tchang. Journal asiatique, nov.-déc. 1884, pp. 389-461).

(298. ) La structure rythmique de cette inscription est identique à celle de l’inscription du T’ai-chan (cf. p. 140, n. 5).

(299. ) Les rimes sont au chang-cheng de la première catégorie.

(300. ) [css : note inexploitable sans caractères chinois].

(301. ) Les rimes sont au jou cheng de la première catégorie.

(302. ) Le mot [] signifie proprement « le coin, l’extrémité. » Dans l’expression [], il désigne l’extrémité du monde marquée par la mer ; c’est l’extrémité où est la mer plutôt que le bord de la mer. Cette même expression se retrouve dans le chapitre I et Tsi du Chou hing :

« Que l’empereur répande sur tout l’empire un éclat qui s’étende jusqu’aux bords herbeux de la mer ».

(303. ) [] doit être l’équivalent de l’expression [] qui signifie « illuminer, éclairer ».

Cf. Che king, 4e ode de P’ei (Legge, Chinese Classics, vol. IV, p. 44) :

« O soleil, ô lune, qui illuminez au-dessous de vous la terre.

Et encore : Che king, 3e ode de la 6e décade du Siao ya.

« O ciel élevé et brillant qui éclaires au-dessous de toi la terre.

(304. ) L’expression [] désignant les contrées de l’est, s’oppose à l’expression [] désignant l’ouest. Ces deux expressions se trouvent dans le Che king : odes 6 et 8 de la 2e décade du Ta ya ; Legge, Chinese Classics, pp. 488 et 494. Le dictionnaire Eul ya dit : Le pays à l’est des montagnes s’appelle []. Le commentaire ajoute : Au matin, c’est là qu’on voit le soleil.

Ainsi les expressions [] et [] qui signifiaient proprement « soleil matinal » et « soleil du soir », ont fini, comme les mots français orient et occident, par désigner les pays de l’est et ceux de l’ouest.

(305. ) [css : note inexploitable sans caractères chinois].

(306. ) Le mot [], proprement : « ouvrir », a ici le sens de « vaste, étendu », comme l’indique le Dictionnaire le K’ang-hi, au mot tch’an.

(307. ) [], proprement : « défricher, arbre mort », est ici l’équivalent de « malheur, calamité ». Cf. Che king, 1e ode de la 2e décade du Ta ya.

(308. ) Les rimes sont dans la dixième catégorie.

(309. ) L’expression [] se retrouve dans le chapitre Yue ling du Li Ki (3e mois de l’été) :

« on se sert (de ces couleurs) pour faire les étendards et leurs insignes.

Les commentateurs du Tcheou li expliquent le mot K’i comme indiquant tous les étendards en général, et non pas seulement l’étendard proprement appelé K’i sur lequel étaient représentés des ours et des tigres. Quant au mot tchang, ils l’expliquent comme signifiant les insignes distinctifs représentés sur ces étendards ; ces insignes sont énumérés dans le Tcheou li au chapitre du se-tch’ang (cf. trad. Biot, tome II, p. 135, n° 30).

(310. ) Les rimes sont au p’ing-cheng de la première catégorie.

(311. ) Cf. note 261.

(312. ) On a vu plus haut (note 05.354. ) que le roi Hoei-wen de Ts’in avait emprunté au royaume du Milieu la coutume de célébrer le sacrifice la à la fin de l’année ; Ts’in Che-hoang-ti rendit à ce sacrifice le nom de kia-p’ing qu’il portait à l’époque de la dynastie Yn. C’est un racontar taoïste qui paraît avoir été l’origine de ce changement de nom. Voici en effet ce qu’on lit dans le commentaire de P’ei Yn :

Le livre ésotérique de Mao Yng, l’homme véritable de la sublime origine, dit :

La trente et unième année de Che-hoang, le neuvième mois, au jour keng-tse, (Mao) Mong, bisaïeul paternel de (Mao) Yng, se trouvant sur la montagne Hoa, monta sur les nuages, chevaucha sur un dragon et en plein jour s’éleva au ciel. Auparavant, ses concitoyens avaient fait une chanson, disant :

Être immortel, celui qui l’a obtenu c’est Mao Tch’ou-tcheng* ;

Monté sur un dragon, il s’est élevé en haut et a pénétré dans le vaste azur ;

Parfois il redescend sur la sombre terre pour se réjouir dans sa ville natale ;

Après plusieurs générations il est venu (s’incarner) dans notre (Mao) Yng ;

Si l’empereur veut s’instruire (de sa science), que la soit kia-p’ing.

  • Tch’ou tcheng est l’appellation de Mao Mong.

Che-hoang entendit cette chanson et en demanda l’explication. Les vieillards lui répondirent tous que c’était là un chant des immortels qui exhortait l’Empereur à s’enquérir de la méthode de longue vie. Alors Che-hoang se réjouit ; il eut donc le désir de rechercher les immortels ; c’est pourquoi il changea le nom de la en celui de kia-p’ing.

(313. ) Remarquez l’expression [a.b] qui est très fréquente chez Se-ma Ts’ien et qui signifie « ensemble, de compagnie ». Parfois, comme ici, ces deux mots sont séparés l’un de l’autre par un ou plusieurs autres mots.

Exemples : § Mémoires historiques, chap. VII, p. 1 v° : « Leang et Tsi le virent ensemble ». § Mém. hist., chap. VII, p. 1 v° : « Alors, en compagnie de l’armée de Lu Tch’en, il ramena ses soldats du côté de l’est.

Lorsque [a] et [b] sont séparés par un membre de phrase assez long, il devient difficile de reconnaître leur liaison et cela peut amener des différences d’opinion entre les lettrés chinois au sujet de la ponctuation. Exemple : § Mémoires historiques, chap. XLVII, p. 2 r°. Le Dictionnaire de K’ang-hi place le point après [b] ; il faut alors traduire : « Le prince de Lou avec lui (Confucius), un char, deux chevaux et un serviteur, alla à Tcheou. » Le prince de Lou, Confucius et le serviteur sont sur un seul char tiré par deux chevaux ; il n’y a qu’un seul équipage dans lequel bêtes et gens sont réunis et c’est ce qu’indique l’expression [..a] . § Au contraire, le Che ki luen wen place le point avant le mot [b] ; il faut donc traduire : « Le prince de Lou donna à lui (à Confucius) un char, deux chevaux et un serviteur et tous ils allèrent à Tcheou. Le sens est alors que Confucius et son serviteur sont sur un char tandis que le prince de Lou est dans le sien.

A côté de ces exemples où les mots [a] et [b] sont séparés l’un de l’autre, nous en relevons d’autres où ces deux mots restent au contraire inséparables.

Exemple : § Mémoires historiques, chap. VII, p. 3 r° : « Il voulait aller avec lui du côté de l’ouest ». § Mém. hist., chap. VII, p. 8 v° : « Ils arrivèrent ensemble à P’ong-tch’eng. » § Mém. Hist., chap. VI, p. 12 r° : « Nous désirons proposer qu’un excellent archer nous accompagne. »

(314. ) Cet étang se trouvait à Hien-yang ; il était alimenté par la rivière Wei.

(315. ) Kie-che était une montagne qui se dressait sur la côte nord du golfe du Tche-li, au sud de la sous-préfecture de Tch’ang-li, préfecture de Yong-p’ing, province de Tche-li.

(316. ) Les deux expressions Sien-men et Kao-che sont expliquées par les auteurs chinois comme étant des noms de personnages immortels.

M. Terrien de Lacouperie, avec l’imagination intrépide qu’on lui connaît, n’hésite pas à voir dans les mots Sien-men la transcription du mot chaman ou çramaṇa (Western origin of the early Chinese civilisation, p. 207 b) ; d’après lui, Sien-men Kao-che, c’est-à-dire le çramaṇa Kao-che, serait un des premiers religieux bouddhistes qui seraient venus en Chine. A cette hypothèse qui, comme la plupart de celles de M. Terrien de Lacouperie, ne repose que sur une vague assonance de deux mots, on peut faire les objections suivantes : § Il est assez singulier que, pour envoyer à la recherche de çramaṇas qui seraient venus de l’Inde, Ts’in Che-hoang-ti ait été se placer au point le plus septentrional de son empire ; § L’expression Sien-men, tout comme l’expression Kao-che, n’est pas une simple transcription de sons étrangers ; c’est un surnom qui a un sens. Kao-che signifie « la harangue élevée », peut-être parce que le personnage mystérieux qu’on désignait ainsi avait une réputation d’éloquence ; Sien-men signifie « la porte du chemin qui conduit à la tombe » ; ce surnom convient bien à un personnage taoïste qui prétendait avoir le secret de l’immortalité (on trouvera plus loin, dans la description de la sépulture de Ts’in Che-hoang-ti, le mot avec le sens de chemin conduisant à la tombe).

(317. ) La structure rythmique de cette inscription est identique à celle de l’inscription du T’ai-chan (cf. note 248), à cette différence près qu’ici la première strophe ne compte que trois vers.

(318. ) Les rimes sont au jou-cheng de la première catégorie.

(319. ) C’est-à-dire les remparts des villes qui étaient les citadelles de la féodalité.

(320. ) Les rimes sont au chang-cheng de la cinquième catégorie. Il est à remarquer que dans le système de Toan Yu-ts’ai, le mot [] appartient à la onzième catégorie ; c’est ici le seul cas où ce système ne soit pas d’accord sur la versification des inscriptions de Ts’in Che-hoang-ti.

(321. ) Le Chen sien tchoan cité par le P’ei wen yun fou, à l’expression [], dit : « Lao-tse avait pour nom personnel Eul et pour appellation Po-yang ; au temps de l’empereur K’ou, c’était le sage Lou-t’ou. Ainsi, le livre de Lou-t’ou était un écrit attribué à un immortel taoïste dont Lao-tse est une des incarnations.

(322. ) Cette prédiction donnait à entendre que celui qui perdrait la dynastie Ts’in ce serait Hou-hai, le second fils de Ts’in Che-hoang-ti et le futur Eul Che-hoang-ti. Mais l’Empereur comprit que le danger viendrait du côté des Hou, c’est-à-dire des barbares du nord.

(323. ) Ngao siu, proprement : « les gendres parasites » ; cette expression désigne les maris qui vivent chez leurs femmes aux dépens de leur beau-père ; ce sont donc les fainéants. On retrouve cette expression au chapitre CXXVI, p. 1 r°, des Mémoires historiques.

(324. ) Lou-leang désigne ici le Nan-yue, c’est-à-dire le Koang-long. Lou-leang était un surnom qu’on donnait au gens du sud, parce que, dit Tchang Cheou tsie, ils vivaient sur les plateaux des montagnes (chan lou) et parce qu’ils étaient d’un naturel pillard (hiang leang) ; cette expression signifierait donc « les brigands du haut pays ».

(325. ) Le Koei-lin correspond en gros au Koang-si ; la commanderie de Siang, au Tonkin ; et celle de Nan-hai, au Koang-tong.

(326. ) Yu-tchong correspond à la préfecture de Lan-tcheou province de Kan-sou. (errata d’Éd. Chav. : cette note est inexacte et doit être corrigée par la note 384).

(327. ) Cf. note 232. Sous le nom de Yn-chan, c’est la partie occidentale de cette chaîne de montagnes qui est ici désignée ; c’est celle qui délimite au sud le territoire des Ordos et que longe aujourd’hui encore la Grande Muraille.

(328. ) Le T’ong kien kang mou dit quarante-quatre préfectures.

(329. ) Kao-K’iue « les hauts piliers » ; ce nom désigne deux montagnes, au nord du pays des Ordos, qui se dressaient l’une en face de l’autre comme les deux piliers d’une porte. — Le territoire de Pei-kia devait être à cheval sur le Hoang-ho tout au sommet de la grande boucle que ce cours d’eau décrit dans la province de Chàn-si ; la sous-préfecture de Ho-mou, au temps des T’ang, occupait le même emplacement. — T’ao-chan était sans doute dans le voisinage de ces localités.

(330. ) Le Dictionnaire de K’ang-hi indique que le mot [] peut avoir le sens de « forteresse » et cite, entre autres exemples, cette phrase même de Se-ma Ts’ien. L’expression ne me paraît pas s’appliquer à deux sortes différentes de constructions, mais à une seule qui est désignée par deux termes presque synonymes.

(331. ) J’avoue que cette phrase ne me présente aucun sens clair. Le P. Couvreur (Dictionnaire chinois-français, p. 375) cite, sans indication de source, une phrase où [] a le sens de « n’avoir pas la force de, être incapable de ». C’est sur cette indication que j’ai fait ma traduction.

(332. ) Cf. note 151.

(333. ) On voit reparaître dans le discours de Choen-yu Yue cette fameuse question du rétablissement de la féodalité (cf. note 223) qui fut la véritable cause de la proscription des livres, comme on va le voir par la suite de ce récit.

(334. ) Sur T’ien Tch’ang qui, en 481 avant J.-C., mit à mort le duc de Ts’i, cf. Mém. hist. , chap. XLVI.

(335. ) Cf. note 05.270. . Ce furent trois de ces puissantes familles, celles de Han, Tchao et Wei, qui en 403 avant J.-C., démembrèrent l’État de Tsin.

(336. ) Cf. note 333.

(337. ) Cf. Introduction, p. CLII, n. 1.

(338. ) Sur cet emploi de [] signifiant « fleurir, régner », cf. les Annales principales des trois souverains :

« Après la mort de Niu-koa, Chen-nong exerga le pouvoir » (tome I, p. 12).

(339. ) Je rapporte cette phrase au temps présent et ne suis pas d’accord avec M. Legge (cf. Chinese Classics, tome I, Prolégomènes, p. 8).

(340. ) Cette exception mérite d’être remarquée.

(341. ) Même observation qu’à la note précédente.

(342. ) Cf. Introduction, p. CXI, n. 1.

(343. ) Jou Choen dit :

« D’après le code, voici ce que décide la sentence les cheveux rasés, un collier de fer au cou, on les transportera à la frontière pour construire le grand mur ; le jour ils feront la garde contre les brigands ; la nuit ils construiront le grand mur. La peine tch’eng tan dure quatre ans.

D’après ce commentaire, l’expression tch’eng tan ferait allusion d’une part à la construction du mur (tch’eng) et d’autre part à la garde montée dès le point du jour (tan). — Dans le hing fa tche du Livre des Han antérieurs, cette peine est appelée tch’eng tan chong ; le mot chong signifie dépouiller le grain de son enveloppe en le pilant ; la peine chong correspondait pour les femmes à la peine tch’eng tan pour les hommes. De ce second texte il résulte que la peine tch’eng tan continua à subsister dans le code même après Ts’in Che-hoang-ti ; elle ne désignait donc pas exclusivement la construction de la Grande Muraille et c’est pourquoi j’ai préféré la rendre par l’expression plus générale de « travaux forcés ».

(344. ) Alexandre le Grand fit une exception analogue quand il ordonna de brûler les textes sacrés de la religion mazdéenne. « Alexandre, dit un Rivâyat,. fit traduire en grec les Nasks (livres) qui traitaient d’astronomie et de médecine et fit brûler les autres. Après lui, les grands prêtres se réunirent, écrivirent chacun les parties de l’Avesta qu’ils se rappelaient, et ainsi fut restauré ce que l’on possède de l’Avesta » (J. Darmesteter, Zend-Avesta, tome III, p. VIII).

(345. ) Kieou-yuen était situé dans le territoire des Mongols oïrats, au nord et en dehors du sommet de la grande boucle du Hoang-ho.

(346. ) Aujourd’hui, sous-préfecture de Choen-hoa, préfecture secondaire de Pin, province de Chàn-si.

(347. ) Fong (cf. tome I, note 04.145. ) était dans la sous-préfecture de Hou Ta, préfecture de Si-ngan ; Hao (cf. tome I, note 04.247. ) était dans la sous-préfecture de Tch’ang-ngan, préfecture de Si-ngan. Ces deux localités se trouvaient toutes deux au sud de la rivière Wei, tandis que Hien-yang était au nord.

(348. ) Cf note 234.

(349. ) Le mot [], comme l’indiquent Tchang Cheou-tsie et le Dictionnaire de K’ang-hi, doit, ici se prononcer Pang et signifie « à côté de » ; D’autre part, Yen Che-kou dit : « Ngo signifie voisin ; cela vient de ce que (ce palais) était proche de Hien-yang. »

Ainsi [] est une expression formée de deux synonymes qui signifient tous deux « proche, voisin de ». Comme on le verra quelques lignes plus bas, c’est l’usage populaire qui attribua à la construction élevée par Ts’in Che-hoang-ti le nom de « palais voisin » (de la capitale).

(350. ) Le pas vaut cinq pieds ; le tchang en vaut dix.

(351. ) Le mot peut signifier « arc de triomphe » (cf. De Groot, The religious system of China, volume II, p. 769) ; c’est le seul sens qui me paraisse convenir ici.

(352. ) Cf. note 237.

(353. ) Nous expliquerons ces termes astronomiques dans nos annotations au chapitre XXVII des Mémoires historiques. — Le chemin construit par Ts’in Che-hoang-ti comportait un pont qui traversait la rivière Wei comme les étoiles Tien-ki traversent la voie lactée. Ce pont s’appelait le Heng-kiao (T’ong kien kang mou, chap. III, p. 20 v°).

(354. ) Cf. note 349.

(355. ) Le mot est inexplicable et les commentateurs sont muets. Il faut admettre que, comme cela arrive souvent chez Se-ma Ts’ien, ce mot n’est qu’une phonétique à laquelle le développement ultérieur de l’écriture chinoise ajoutera une clef ; ce mot s’écrirait donc aujourd’hui « couler, faire couler ».

(356. ) C’est-à-dire du Se-tch’oan et du Hou-koang

(357. ) Je n’ai trouvé aucun moyen d’identifier cette localité.

(358. ) C’est-à-dire qu’on créa une ville à l’endroit où était préparée la sépulture de l’Empereur.

(359. ) Cf. note 346.

(360. ) Ce maître Lou a déjà été mentionné en la 32e année de Ts’in Che-hoang-ti.

(361. ) La plante tche qui conférait l’immortalité, était un champignon auquel le P. Cibot donne le nom d’Agaric ramifié (cf. Mémoires concernant les Chinois, tome IV, p. 500 ; — Bretschneider, Botanicon sinicum, n° 41 ; — M. Schlegel a donné dans le T’oung pao, mars 1895, p. 18, une planche représentant ce champignon).

(362. ) Le sens [css : sembler] que je donne ici au mot [] se justifie par les exemples suivants : § dans le Kouo yu, section Ou yu, chap. XIX, p. 11 r°, on lit :

« J’ai vu à la mine du roi de Ou qu’il semblait avoir une grande tristesse. § De même dans les élégies de Tch’ou, on lit :

« il paraît pouvoir remplir cette charge.

(363. ) Le sens de règle magique que j’attribue au mot [] se retrouve dans l’expression bien connue ; cette expression sert de titre, dans plusieurs des histoires canoniques, au chapitre ou il est traité des hommes qui ont possédé des connaissances magiques, comme les taoïstes et les bouddhistes.

(364. ) Le Che ki luen wen met le point avant le mot [] ; mais l’édition de Tch’en Ouo-long place le point après ce mot ; c’est cette dernière lecture que j’ai suivie, la première me paraissant ne présenter aucun sens.

(365. ) Sur ce pronom tchen qui était réservé à l’empereur, cf. note 209.

(366. ) [] désigne les piliers ou observatoires qui étaient placés en avant des portes du palais ; cf. note 05.331. . Mais, dans l’expression ce mot paraît avoir perdu sa signification propre. Kong-koan, « les palais et les observatoires », signifie simplement l’ensemble des constructions qui constituent les palais.

(367. ) Ce palais était au nord-ouest de la sous-préfecture de Yong-cheou, préfecture secondaire de K’ien, province de Chàn-si.

(368. ) Ce maître Heou était originaire du pays de Han.

(369. ) Cette expression revient fréquemment dans l’histoire chinoise ; elle désigne les sujets assez loyaux pour faire entendre à leur souverain la voix de la vérité, fût-ce au péril de leur vie.

(370. ) Il est difficile de bien comprendre ce que signifient les mots. Il me semble qu’ils expriment un grief propre aux savants ou magiciens de ce temps qui se plaignent de ne pouvoir cumuler l’exercice de plusieurs de leurs arts.

(371. ) [css : note inexploitable sans caractères chinois].

(372. ) L’empereur, dans son désir de tout faire par lui-même, s’était assigné pour tâche d’examiner en chaque période de vingt-quatre heures un poids d’un cha, c’est-à-dire de 120 livres, de papiers d’État . Tant qu’il n’ avait pas fini le dépouillement de ces énormes dossiers, il ne se reposait pas.

(373. ) Siu Che est celui qui avait été envoyé à la recherche des îles meveilleuses. Cf.note 288.

(374. ) Tout en traduisant l’expression [] par « les lettrés » je ferai remarquer qu’il ne s’agit pas seulement ici des disciples de Confucius, mais aussi et plus particulièrement des adeptes des sciences magiques.

(375. ) Ce passage a fort embarrassé les sinologues : § M. Legge, le premier a attiré l’attention sur la difficulté qu’il y avait à comprendre les deux mots [ab] (Chinese Classics, vol. 1, Prolegomena, p. 9, note). § M. P. G. von Möllendorf a fait une tentative fort malheureuse pour traduire tout le passage (China Review, vol, XVII, p. 298).

Son essai a du moins eu le bon résultat d’engager deux autres sinologues, dont l’un est M. Herb. A. Giles et dont l’autre est M. F. H. Parker, à étudier ce texte (China Review, vol. XVII, pp. 353-355). § M. Giles traduit : « The scholars, spreading the news among themselves, themselves weeded out some 460 of their number who had violated the prohibition. These were buried alive at Hsien-yang. » § M. E. H. Parker traduit : « The body of literates made each of them individual enquiry one from the other and ended by expelling from their body over 460 individuals guilty of this misdemeanour. All of whom were butchered at Hien-yang. »

[css : suit une explication d’E. Chavannes, à l’aide du texte chinois, des raisons de sa traduction ; puis :] Le sens devient alors complètement clair : aucun des lettrés ne voulant se dénoncer, tous se rejetant la faute les uns sur les autres, Tsin Che-Hoang-ti fait sortir lui-même de leurs rangs ceux qu’il considère comme coupables et les fait tous périr à Hien-yang.

(376. ) Aucun texte, à ma connaissance, n’autorise à traduire le mot [] par « enterrer vivant » (cf. note 180).

(377. ) La planète Mars.

(378. ) Un bolide.

(379. ) Ces chants ne nous ont pas été conservés. Ils devaient être analogues à ceux que fit composer l’empereur Ou, pour le bureau de la musique

(380. ) Hoa-yn est aujourd’hui sous-préfecture qui dépend de la préfecture de T’ong-tcheou, province de Chàn-si.

(381. ) L’homme mystérieux qui rencontra l’envoyé était, disent les commentateurs, le dieu du Kiang : c’est ce qui explique comment il se trouvait en possession de l’anneau que Ts’in Che-hoang-ti avait jeté dans le Kiang la vingt-huitième année de son règne. Les Ts’in régnaient par la vertu de l’eau : ce sont donc les dieux des eaux qui prévoient les premiers la ruine de cette dynastie et qui s’en avertissent les uns les autres. D’après Tchang Yen, le dieu de l’étang de Hao n’est autre que le roi Ou, le fondateur de la dynastie Tcheou, qui avait eu sa capitale à Hao (cf. tome I, note 04.247. ).

(382. ) C’est-à-dire que le malheur annoncé par un tel dieu doit arriver dans l’année.

(383. ) Le dragon [] symbolise le souverain. Le dragon-ancêtre est donc une expression qui peut être considérée comme l’équivalent de Che-hoang.

(384. ) Tchang Cheou-tsie dit que Pei-ho correspond à l’arrondissement de Cheng et que Yu-tchong correspond à la sous-préfecture de Yu-lin, dans ce même arrondissement de Cheng. Cet arrondissement est aujourd’hui le territoire qui est assigné à la bannière postérieure de l’aile de gauche des Mongols Ordos, à l’intérieur et à l’est de la grande boucle formée par le Hoang-ho au nord du Chàn-si.

(385. ) Cf. note 242.

(386. ) La trente-septième année de Tsin Che-hoang-ti correspond en gros à l’année 210 av. J.-C. ; mais le dixième et le onzième mois se trouvent encore compris dans l’année 211. Les concordances entre les dates chinoises et les dates européennes de l’an 238 à l’an 87 avant J.-C. sont fournies par le tableau que j’ai publié dans le T’oung pao, vol. VII, pp. 20-36.

(387. ) Cf. tome I, note 01.343. . Yun-mong était encore fort distant de la montagne Kieou-i ; il s’agit donc d’un sacrifice fait de loin.

(388. ) Le Che ki luen wen en place le point après [] : mais que faut-il faire alors des deux mots [. . ] ? avec la ponctuation que j’ai adoptée, je considère ces deux mots comme un nom de lieu ; mais c’est une hypothèse arbitraire, car on ne trouve mentionée nulle part la localité de Tsi-ko. En réalité, le texte me paraît ici corrompu. Voyez la note suivante.

(389. ) Le texte est certainement altéré, car, pour aller de Yun-mong dans le Hou-pe, à Tan-yang, dans le Kiang-sou, Ts’in Che-hoang-ti n’a pas cessé de rester fort éloigné de la mer. Tchang Cheou-tsie propose de remplacer [] par [] : on traduirait alors : il traversa l’îlot de Chou. La localité de Chou correspond à la sous-préfecture actuelle de Ts’ien-chan, préfecture de Ngan-k’ing, province de Ngan-hoei : elle se trouve en effet dans un îlot, sur une des ramifications du Yang-tse en amont de Nan-king ou Kiang-ning.

(390. ) Aujourd’hui, sons-préfecture de Chang-yuen, préfecture de Kiang-ning, province de Kiang-sou.

(391. ) Aujourd’hui, sous-préfecture de Ts’ien-t’ang, préfecture de Hang-tcheou, province de Tche-kiang.

(392. ) Cf. tome I, note 02.165. .

(393. ) L’endroit où Ts’in Che-hoang-ti passa le fleuve correspond à la sous-préfecture actuelle de Yu-hang, préfecture de Hang-tcheou, province de Tche-kiang.

(394. ) Cf. tome I, note 02.301. . C’est sur le Koei-ki qu’était enterré l’empereur Yu.

(395. ) « Cette inscription se compose de quatre strophes : chaque strophe compte six vers et chaque vers est formé par trois phrases de quatre mots. Les deux premières strophes sont construites sur une seule rime qui est donc commune à douze vers ; il en est de même des deux dernières strophes.(Journal asiatique, mai-juin 1893, p. 508).

(396. ) Les rimes des deux premières strophes sont dans la dixième catégorie.

(397. ) Le second mariage d’une femme qui a des enfants est condamné comme une immoralité,

(398. ) Condamnation de l’adultère en termes énergique. — Le Je tche lou, chap. XIII, p. 1 r°, rapproche de cette phrase une chanson populaire fort grossière qui nous a été conservée par le Tso tchouan (14e année du duc Ting) : Le prince de Wei, mari de la trop fameuse Nan-tse, avait fait venir à sa cour Tchao, du pays de Sang, qui était le frère de Nan-tse. Cette femme débauchée n’avait désiré la venue de son frère qu’afin d’avoir des rapports illicites avec lui. Aussi les gens de Song chantaient-ils : « Maintenant que vous avez apaisé le rut de votre truie, il faut nous rendre notre vieux pourceau mâle ».

(399. ) Après l’adultère de l’homme, l’inscription parle de l’adultère de la femme. — L’auteur du Je tche lou, chap. XIII, s’est demandé pourquoi Tsin Che-hoang-ti parlait avec tant d’insistanee des devoirs du mariage dans l’inscription du Koei-ki ; c’est, répond-il, parce que les mœurs de ce pays étaient fort dissolues ; ce relâchement datait de l’époque où Keou-tsien (Ve siècle avant notre ère), roi de Yue, avait fait tous ses efforts pour activer la repopulation de ses États : il avait interdit aux jeunes gens d’épouser des femmes âgées et aux vieillards de prendre pour femmes des jeunes filles ; les parents qui ne mariaient pas leur fille avant dix-sept ans ou leur fils avant vingt ans étaient passibles d’une peine, on donnait une récompense à la mère pour chaque enfant qu’elle mettait au monde (cf. de Harlez, Koue yu, p. 254) ; les veuves, les débauchées et les condamnées devaient habiter sur une montagne où les hommes pouvaient aller les trouver toutes les fois qu’ils en avaient envie (Ou Yue tch’oen ts’ieou).

(400. ) Tout sera régulier aur la terre et sur les eaux.

(401. ) Les rimes de la troisième et de la quatrième strophes sont dans la onzième catégorie.

(402. ) Cette ancienne cité se trouvait au nord de la sous-préfecture de Keou-yong, préfecture de Kiang-ning, province de Kiang-sou.

(403. ) Cf. note 262.

(404. ) Cf. note 288.

(405. ) Sur cet emploi de [], cf. note 313.

(406. ) [ab] « arbalète qui lance plusieurs flèches de suite » de même que [acd] « fusil à répétition ».

(407. ) Cette montagne se trouvait dans la préfecture de Lai-tcheou, province de Chan-tong.

(408. ) Cf. note 259.

(409. ) Aujourd’hui, sous-préfecture de P’ing-yuen, préfecture de Tsi-nan, province de Chan-tong.

(410. ) On se rappelle que Fou-sou, fils aîné de l’empereur, avait été envoyé en disgrâce auprès du général Mong-t’ien qui construisait alors la Grande Muraille. Cf. p. 182.

(411. ) D’après le tableau chronologique que j’ai dressé (Toung pao, vol. VII, p. 23), le premier jour du septième mois de la 37e année de Ts’in Che-hoang-ti aurait été le jour ping-tse, qui est le 13e du cycle et qui correspond au 22 juillet 210. Le jour ping-yn, troisième du cycle, a donc pu se trouver compris dans ce mois. Il est très probable que l’indication du jour est ici erronée, car elle ne se laisse pas concilier avec le fait que le quatrième jour du dixième mois de cette même année avait été le jour koei-tch’eou, cinquantième du cycle. Cf. note 386.

(412. ) Cf. tome I, note 03.206. .

(413. ) Le commentaire du T’ong kien tsi lan (chap. XI, p. 10 r°) explique de la manière suivante l’expression [] : c’était une voiture de repos ; elle avait des fenêtres ; en les fermant, on avait chaud : en les ouvrant, on avait frais.

(414. ) Proprement : leur faire l’énumération de leurs crimes. Nous trouverons fréquemment le mot [] dans ce sens de « énumérer » les fautes et par suite les « reprocher ».

(415. ) Mémoires historiques, chap. LXXXVII ; cf. aussi chap. LXXXVIII.

(416. ) Tsing-hing, dit Siu Koang, se trouvait dans le Tch’ang-chan ; or le Tch’ang-chan paraît être la chaîne de montagnes qui se trouve sur le territoire de la préfecture de Tcheng-ting, dans le Tche-li (cf. tome I, note 02.223. ). — Quant à Kieou-yuen, quoique les commentateurs ne disent rien à sujet, ce terme me paraît fort embarrassant ; en effet, la commanderie de Kieou-yuen était au nord et en dehors de la grande boucle du Hoang-ho ; elle était donc fort en dehors du chemin direct du Tche-li à Hien-yang ; je propose de corriger le texte et de lire T’ai-yuen : la commanderie de T’ai-yuen, dans le Chān-si, se trouvait exactement sur la route que dut suivre le convoi.

(417. ) La position du mot [] indique qu’il faut traduire « par char », c’est-à-dire dans chaque char de l’escorte, et non pas dans le char de l’empereur, comme on l’a dit quelquefois. Il serait d’ailleurs assez bizarre que l’empereur étant supposé vivant, on mit sur son char du poisson salé qui sentait fort mauvais.

(418. ) M. Imbault-Huart traduit : « dessécher trois sources » (Poésies modernes traduites du chinois, p. 42) ; — M. J. J. M. De Groot : « …exc avated the ground underneath three wells of groundwater » (The religious system of China, vol. II, p. 400), ou encore : « they dug up three wells of groundwater » (ibid., note 1).

Je crois que le sens est moins littéral et que la phrase signifie simplement qu’on creusa le sol jusqu’à ce qu’on rencontrât l’eau. Voici en effet ce que dit Yen Che-kou :

« L’expression « trois sources » désigne les sources qui ont à une triple profondeur, cela signifie qu’on alla jusqu’à l’eau.

(Errata d’Éd. Chav. : L’explication que j’ai donnée de l’expression est exacte ; cette expression ne signifie pas « trois sources », mais implique simplement l’idée d’une grande profondeur ; aussi peut-elle prendre le sens de « profondément », comme on le voit dans le texte suivant du Heou Han chou (chap. CIV, première partie, p. 6 r°) : [….] (Votre Majesté) n’oblige pas ses ignorants sujets à concevoir un déplaisir profond ». Le commentaire à cette phrase dit : « Trois est le nombre le plus petit qui exprime un ensemble achevé ; cette expression signifie profond. »).

(419. ) Afin de boucher tout passage à l’humidité.

(420. ) Cf. note 366.

(421. ) M. De Groot (dans son bel ouvrage : The religious system of China, vol. II, p. 400, n. 2) met en doute que les Chinois connussent le mercure à l’époque de Tsin Che-hoang-ti et il traduit : de l’eau limpide comme de l’argent, Mais il faudrait, pour que ce sens fut admissible, que l’on eût dans le texte [] et non pas []. Pour ma part, je ne vois aucune impossibilité à ce qu’il s’agisse de mercure.

(422. ) C’est-à-dire, comme on le lit deux lignes plus bas, qu’on fit comme une carte hydrographique de l’empire.

(423. ) La description que font les commentateurs de ce prétendu poisson-homme prouve clairement que cette expression désigne le phoque.

(424. ) Sien ; c’est la voie souterraine qui mène à la tombe ; quand on eut fermé cette voie à l’extrémité qui donnait accès à la sépulture elle-même, on fit tomber la porte de l’extrémité qui bouchait à l’air libre et tous les ouvriers se trouvèrent pris dans le boyau fermé aux deux bouts et y périrent. — Sur ce sens du mot sien, cf. note 316 ad fin.

(425. ) Dans l’expression [ab], le mot [a] désigne la petite chambre retirée dans laquelle on déposait la tablette funéraire lorsqu’on ne lui sacrifiait pas.

(426. ) Cf. Li ki, chap. Wang tche ; trad. Legge, Sacred Books of the East, vol. XXVII, p. 223 :

« (Le temple ancestral du) Fils du Ciel comprenait sept chapelles (ou temples plus petits) ; trois sur la gauche et trois sur la droite, et celle du premier ancêtre (faisant face au sud) : en tout, sept. (Le temple du) prince d’un État comprenait cinq chapelles de cette sorte : deux sur la gauche et deux sur la droite, et celle de son premier ancêtre : en tout, cinq. Les grands offciers avaient trois chapelles : une sur la gauche, une sur la droite, et celle du premier ancêtre : en tout, trois. Les autres officiers en avaient (seulement) une.

Cf. Li ki, chap. Tsi fa ; tr. Legge, Sacred Books. . . , vol. XXVIII, pp. 204-205. La disposition du temple était la suivante : quand l’empereur avait franchi la porte, il avait à sa gauche la chapelle de son père mort et à sa droite celle de son grand-père ; en pénétrant plus avant dans le temple, l’empereur avait à sa gauche la chapelle de son bisaïeul et à sa droite celle de son trisaïeul ; enfin, en avançant encore, l’empereur se trouvait exactement en face de la chapelle du fondateur de sa dynastie ; à gauche, l’empereur avait la chapelle où étaient rangées les tablettes de tous ceux de ses ancêtres, plus anciens que son bisaïeul qui étaient distants de lui d’un ombre impair de générations ; à sa droite, il avait la chapelle où étaient rangées les tablettes de tous ceux de ses ancêtres, plus anciens que son aïeul, qui étaient distants de lui d’un nombre pair de générations.

(427. ) Cf. p. 139.

(428. ) C’est-à-dire à Yong, qui est à l’ouest de Hien-yang. Cf. note 05.173. .

(429. ) Le mot [] indique que le personnage auquel on sacrifiait était associé à un personnage principal et que le culte qu’on lui adressait était une partie accessoire du culte qu’on offrait à ce personnage principal. C’est précisément ce qui avait lieu dans le temple ancestral.

(430. ) On a vu plus haut (p. 177) que Tsin Che-hoang-ti avait renoncé au pronom tchen, et avait décidé qu’il se désignerait sous le nom de « tchen-jen, l’homme véritable ». Eul Che-hoang-ti reprit l’usage du pronom tchen.

(431. ) Cf. note 315.

(432. ) Cf. note 394.

(433. ) D’après le Che ki luen wen, il y aurait lieu de distinguer deux inscriptions : l’une qui aurait été gravé e sur une stèle distincte placée à côté de celle de Ts’in Che-hoang-ti et qui aurait mentionné les noms des fonctionnaires qui accompagnaient Eul Che-hoang-ti : la seconde, qui au rait été une addition faite sur la stèle même de Ts’in Che-hoang ti. C’est de cette seconde inscription que Se-ma Ts’ien nous a conservé le texte : nous en possédons d’ailleurs des fragments (cf. Appendice III). Quant à la prem ière inscription, si tant est que l’hypothèse du Che ki luen wen soit exacte et que cette stèle ait réellement existé, elle a disparu sans laisser aucune trace.

(434. ) Le sens de cette phrase et de la précédente est difficile à bien saisir. J’avais d’abord donné une traduction assez différente de celle que j’adopte maintenant (cf. Journal asiatique, mai-juin 1893, p. 489). L’interprétation à laquelle je m’arrête, est celle-ci : Eul Che-hoang-ti déclare qu’en faisant graver des inscriptions il n’a pas la prétention de s’égaler à son illustre père et il engage par avance ses successeurs à faire montre d’une modestie semblable.

(435. ) On se connaît pas le nom de famille de ce personnage.

(436. ) L’inscription sur pierre (cf. Appendice III) donne la leçon [] :

« Vos sujets proposent qu’entièrement on grave le texte de cet édit sur les inscriptions sur métal et sur pierre ».

Le mot « entièrement » indique que l’édit d’Eul Che-hoang-ti doit être gravé sur toutes les inscriptions sur métal et sur pierre faites par Ts’in Che-hoang-ti ; Se-ma Ts’ien donne la leçon : « Vos sujets proposent qu’entièrement on grave le texte de cet édit, qu’on le grave sur la pierre. » Mais cette phrase offre un sens peu satisfaisant, en premier lieu, parce que, dire qu’il faut graver le texte de cet édit sur la pierre après avoir dit qu’il faut le graver, c’est une répétition assez banale, et, en second lieu, parce que l’addition d’Eul Che-hoang-ti fut insérée non seulement dans les inscriptions sur pierre, mais aussi dans les incriptions en métal. Nous adoptons donc la correction proposée par Yuen Yuen (dans le Tsi kou tchai tchong ting i k’i k’oan che, chap. IX, p. 4 v° ; sur cet ouvrage, cf. Wylie, Notes. . . , p. 116) : cet auteur suppose que la leçon des Mémoires historiques est fautive et qu’il faut remplacer le mot [] par le mot [] qui nous est donné par l’inscription sur les poids et mesures.(Cf. Appendice Ill) ; le texte de Se-ma Ts’ien ainsi amendé signifierait :

« Vos sujets proposent qu’entièrement (c’est-à-dire sur toutes les inscriptions) on grave le texte de cet édit ; qu’on le grave à gauche, c’est-à-dire à la suite de l’inscription de Ts’in Che-hoang-ti. »

(437. ) L’édition de K’ien-long donne la leçon []. L’expression [] signifie les êtres verdoyants, c’est-à-dire nombreux comme une végétation abondante, c’est-à-dire encore « le peuple ».

Le Che ki luen wen écrit [] ; cette leçon présente aussi un sens admissible qui est : « en second lieu, vous vous débarrasserez de ce qui empêche la vie du souverain d’être calme. »

(438. ) Le mot [] est, dans l’administration chinoise de l’époque des Han, un terme assez général qui s’applique à divers fonctionnaires d’ordre inférieur. Aussi les commentateurs ne sont-ils pas d’accord sur ce qu’il faut entendre par les trois catégories de lang ; selon Se-ma-Tcheng, ce sont les tchong-lang, les wai-lang et les san-lang. Tchang Cheou-tsie remplace les tchong-lang par les i-lang ; il propose en outre une autre liste qui comprendrait les lang-tchong, les kiu-lang et les hou-lang.

(439. ) Tou était aussi appelé Tou-ling ; cette localité était au sud-est de la sous-préfecture de Hien-ning, préfecture de Si-ngan, province de Chàn-si. — Dans la biographie de Li Se (Mémoires historiques, chap. LXXXVII, p. 5 v°) on trouve un discours de Tchao Kao assez différent de celui qu’on vient de lire ; à la suite de ce discours il est dit : Douze princes furent mis à mort sur la place publique ; douze princesses furent mises en pièces à Tou. Ces nombres sont ceux qu’ont adaptés le T’ong kien kang mou et le T’ong kien tsi lan.

(440. ) L’expression [] ne désigne pas le temple ancestral, mais le palais.

(441. ) Tchang Cheou-tsie dit : « On enlève de la terre pour faire la sépulture ; puis quand (la cérémonie est achevée, on remet la terre ; c’est pourquoi on dit « remettre la terre ». — Ainsi cette expression signifie enterrement.

(442. ) L’expression [] se retrouve dans Mencius (I, a, chap. VII, § 16).

(443. ) La réimpression de l’édition de K’ien-long faite à Shanghai en 1888 écrit [] au lieu de [] ; mais c’est une simple faute typographique qui ne se retrouve dans aucune des autres éditions de Se-ma Ts’ien.

(444. ) Parce qu’elles avaient été réquisitionnées.

(445. ) Cf. Mém. hist. , chap. XLVIII.

(446. ) C’est-à-dire de Tch’ou ; cf. note 190.

(447. ) Cf. tome I, note 04.234. , et note 05.450. .

(448. ) Tch’en Ché est le même personnage que Tch’en Cheng.

(449. ) Sur ces évenements, voyez le chapitre suivant.

(450. ) La localité appelé Hi se trouvait sur le cours d’eau de ce nom qui sort de la montagne Li et se jetta dans la rivière Wei ; elle était au nord-est de la sous-préfecture de Lin-t’ong, préfecture de Si-ngan, province de Chàn-si.

(451. ) L’appellation de ce personnage était Chao-yong. Sur les attributions du chao-fou, cf. Appendice I.

(452. ) Cette localité de Ts’ao-yang était aussi appelée Hao-yang ; elle se trouvait sur le territoire de la sous-préfecture de Ling-pao, préfecture secondaire de Chàn, province de Ho-nan.

(453. ) Au nord-ouest de la sous-préfecture de Mong-tch’eng, préfecture de Yng-tcheou, province de Ngan-hoei.

(454. ) Cf. note 05.464 ad fin.

(455. ) D’après les commentateurs du T’ong kien kang mou (chap. II, p. 22 v°), il faudrait lire Lin-tche au lieu de Lin-tsi. Cette localité était voisine de la sous-préfecture de I-tou qui fait partie de la cité préfecturale de Tch’ang-tcheou, province de Chan-tong.

(456. ) Aujourd’hui, sous-préfecture de Nei-hiang, préfecture de Choen-, province de Tche-li. C’était autrefois la ville de Kiu-lou, du pays de Tchao.

(457. ) Cf. note 209.

(458. ) On se rappelle que Han Fei-tse avait été mis mort à l’instigation de Li Se (cf. p. 117). Il y a donc quelque ironie dans la réponse d’Eul Che-hoang-ti à Li Se ; ce dernier engageait son souverain à restreindre ses dépenses ; Eul Che-hoang-ti lui fait remarquer que c’est précisément l’opinion que soutenait son ancien adversaire Han Fei-tse ; il la condamne d’ailleurs en déclarant que si la vie de l’empereur devait être plus pénible que celle des autres hommes, il ne vaudrait pas la peine de régner. — Je n’ai pas retrouvé cette citation dans les œuvres de Han Fei-tse ; d’autre part, elle est rapportée par plusieurs auteurs à -tse et est reproduite dans les fragments publiés à la suite du livre de cet auteur (chap. XV, p. 24 v°).

(459. ) Le caractère [] a ici le sens de [] épuiser, aller jusqu’au bout : quelque mauvaise que fut la nourriture d’un portier, elle ne l’était pas à ce point.

(460. ) Cf. tome I, note 02.216. ad fin.

(461. ) Cf. note 278.

(462. ) Il avait marché dans tant de halliers que ses jambes avaient perdu tous leurs poils. Cf. la citation de -tse dans Tchoang tse (chap. X, p. 21, r°) :

« With his own hands he carried the sack and wielded the spade, till he had united all the streams of the country (conducting them to the sea). There was no hair left on his legs, from the knee to the ankle » (Legge, Sacred Books ef the East, vol. XL, p. 220).

(463. ) Le Fils du Ciel était censé posséder dix mille chars de guerre ; un seigneur n’en possédait que mille. On appelait donc l’État du Fils du Ciel le royaume des dix mille chars.(cf. Mencius, I, a, chap. I, § 4), C’est à cette appellation qu’Eul Che-hoang-ti fait ici allusion.

(464. ) C’est-à-dire : en premier lieu, vous êtes coupables envers Ts’in Che-hoang-ti ; en second lieu, vous êtes coupables envers moi. — La phrase : « Vous êtes dans l’impossibilité de rendre compte de votre conduite à l’égard de l’empereur mon prédécesseur » suppose la croyance que Li Se et ses collègues seront appelés après leur mort à se justifier aaprès de l’ombre de Ts’in Che-hoang-ti : cette idée est exprimée plus nettement encore dans un autre passage des Mémoires historiques (cf. chap. IX, p. 2 r°).

(465. ) D’après les lois de Ts’in, dit le commentaire du T’ong kien tsi lan (chap. XI, p. 23 r°), celui qui était condamné à périr avec ses parents aux trois degrés (cf. note 05.152), on commençait par le marquer ; on lui coupait le nez ; on lui coupait les deux pieds ; on le faisait périr sous les coups ; on exposait sa tête et on étalait ses os et sa chair sur la place publique. C’est ce qu’on appelait subir tous les cinq supplices. — Cf. Mémoires historiques, chap. LXXXVII.

(466. ) Wang Li, qui commandait les troupes de Ts’in, était petit-fils du général Wang Tsien.

(467. ) C’était le titre que portait alors Lieou Pang qui devait être le fondateur de la dynastie Han et dont le nom de temple est Kao-tsou.

(468. ) Cf. note 296.

(469. ) Cf. tome I, note 02.207. ad fin.

(470. ) Ce palais se trouvait au sud-est de la sous-préfecture de King-yang, préfecture de Si-ngan, province de Chàn-si.

(471. ) D’après Siu Koang, un texte donnait la leçon : le lang-tchong-ling Tchao Tch’eng. C’était donc le frère cadet de Tchao Kao, qui remplissait cette fonction.

(472. ) Cette phrase semble prouver que Tchao Kao n’était pas parfaitement sûr des dispositions de son gendre et qu’il s’emparait de sa mère comme otage.

(473. ) Le mot [] doit sans doute être pris ici dans le sens qu’indique K’ang-hi, de = la tente où on faisait les offrandes aux dieux.

(474. ) Nous avons déjà signalé (note 414) le mot [] dans le sens de enumérer les fautes de quelqu’un, les lui reprocher — Le mot [], que je suis obligé de traduire par « aborder », est en réalité assez obscur. Aussi la rédaction a-t-elle été modifiée par les historiens postérieurs.

(475. ) Yen Yue s’adresse à Eul-che en l’appelant, non plus Votre Majesté, mais Monsieur. Par cette simple formule, il montre déjà à Eul-che, qu’il ne le considère plus comme son souverain.

(476. ) C’est-à-dire Tchao Kao.

(477. ) Cf. note 439. Le parc I-tch’oen se trouvait au sud de la sous-préfecture de Hien-ning, préfecture de Si-ngan, province de Chàn-si. Sous les Han, on l’appela le parc inférieur de I-tch’oen.

(478. ) Cette phrase montre que Tse-yng n’était plus un enfant puisqu’il avait lui-même deux fils assez âgés pour qu’il pût délibérer avec eux des affaires d’État.

(479. ) Avec le gouverneur de P’ei, (le futur Han Kao-tsou), qui était alors général du roi de Tch’ou. Tchao Kao lui avait proposé le partage du pays à l’intérieur des passes.

(480. ) L’endroit ou arriva le gouverneur de P’ei était à l’ouest de la rivière Pa ; c’est aujourd’hui la localité appelée Pe-lou-yuen, qui se trouve à l’est de le sous-préfecture de Hien-ning, préfecture de Si-ngan. — D’après Yng Chao, la rivière Pa s’était appelée autrefois rivière Tse ; c’est le duc Mou, de Ts’in (659-621 av. J-C.), qui lui donna le nom de rivière Pa.

(481. ) Le pays à l’intérieur des passes n’est autre que le pays de Ts’in qui était compris entre la passe Hien à l’est et la passe Long à l’ouest.

(482. ) Pour montrer qu’il était prêt à se tuer lui-même.

(483. ) Emblèmes de deuil.

(484. ) Sur le sceau impérial, cf. note 141. Quant au mot [], je le traduis par « insignes de jade », à cause de la glose du T’ong kien tsi lan : « c’étaient les insignes de jade au moyen desquels on mettait sur pied les armées et généraux. »

(485. ) Cette localité était au nord-est de la sous-préfecture actuelle de Hien-yang.

(486. ) Voyez sur Hiang Tsi ou Hiong Yu le chapitre VII des Mémoires Historiques.

(487. ) Il était le commandant en chef de la ligue faite par les seigneurs contre les Ts’in.

(488. ) Cf. Mémoires historiques, chap. VII.

(489. ) C’est-à-dire de Yao et de Choun. Sur Po-i, cf. note 05.104. et p. 3.

(490. ) Se-ma Ts’ien a raconté la biographie de Kia I (198-165 av. J.-C.) dans le chapitre LXXXIV des Mémoires historiques. — Je rectifierai ici une note en partie inexacte de mon Introduction (note 252) : les « Considérations montrant les fautes de Ts’in » sont reproduites à la fin de ce chapitre des Mémoires historiques avec un certain désordre ; elles se composent, dans le texte original (cf. le Han Wei ts’ong chou) de trois parties : dans la première, il est parlé de Ts’in Che-hoang-ti ; dans la seconde, d’Eul-che-hoang-ti, et dans la troisième, de Tse-yng. Or, ici, la troisième partie est placée avant la première, et celle-ci avant la seconde. En outre, la première partie est reproduire à la fin du chapitre XLVIII des Mémoires historiques, comme une addition de Tch’ou Chao-suen. Le critique Wang Ming-cheng a supposé (et sa conjecture est très vraisemblable) que Se-ma Ts’ien avait inséré lui-même la première partie des Considérations à la fin du chapitre XLVIII ; d’autre part, à la fin du chapitre VI, il avait placé la seconde et la troisième partie de l’opuscule de Kia I dans leur ordre naturel. A une époque inconnue, la troisième partie se trouva mise par erreur avant la seconde à la fin du chapitre VI et un interpolateur maladroit ajouta la première partie entre la troisième et la seconde. Enfin un autre interpolateur, constatant que la première partie se trouvait déjà dans le chapitre VI, attribua à Tch’ou Chao-suen l’insertion de cette même première partie à la fin du chapitre XLVIII.

(491. ) Kia I : Kouo Ts’in luen, 3e partie.

(492. ) Cf. Mémoires historiques, chap. XLVIII.

(493. ) C’est-à-dire qu’ils ne formaient pas des armées régulières ayant un service d’intendance pour les approvisionner ; ils mangeaient là où ils trouvaient de la nourriture.

(494. ) Se-ma Tcheng prend la défense de Tchang Han : ce général ne s’est pas vendu pour obtenir des avantages personnels, mais, d’une part, il craignait avec raison d’être mis à mort à l’instigation de Tchao Kao et d’autre part il voyait que son collègue Wang Li venait d’être fait prisonnier par l’armée de Tch’ou.

(495. ) C’est-à-dire, sans livrer de batailles.

(496. ) L’expression [] désigne un homme du commun peuple, de même que [] désigne une femme d’humble condition. Kia I ne veut pas dire que les seigneurs fussent des plébéiens, mais donne à entendre qu’ils avaient des sentiments et des désirs vulgaires.

(497. ) On trouvera, tout à la fin de cette citation de Kia I, une phrase très analogue à celle-ci.

(498. ) Cf. note 369.

(499. ) Kia I prend ici le contre-pied de l’idée qui est exprimée par Mencius (VI, b, chap. VII, § 1), quand il dit :

« Les cinq hégémons furent coupables par rapport aux trois rois (c’est-à-dire les fondateurs des dynasties Hia, Yn et Tcheou) ; les seigneurs d’aujourd’hui sont coupables par rapport aux cinq hégémons ; les grands officiers d’aujourd’hui sont coupables par rapport aux seigneurs d’aujourd’hui.

Mencius se plaint de la décadence progressive qui s’est produite lorsque l’autorité a passé des rois aux hégémons, puis aux seigneurs et enfin aux grands officiers. Kia I loue au contraire l’ancienne organisation qui permit aux Tcheou de régner pendant plusieurs siècles, même alors que leur pouvoir se fût affaibli, au lieu que les Ts’in s’effondrèrent d’un seul coup.

(500. ) Au lieu de [], le texte de Kia I donne la leçon [] « la suite des rois ». Cette leçon est préférable. Cependant, celle que nous trouvons dans les Mémoires historiques offre aussi un sens admissible.

(501. ) Ce paragraphe, qui est en réalité la conclusion des Considérations montrant les fautes de Ts’in prouve que Kia I était, comme tout bon lettré, un réactionnaire à tous crins : il ne pardonne pas à Ts’in Che-hoang-ti d’avoir détruit l’ancienne organisation politique.

(502. ) Ici commence la première partie des Considérations ; elle est reproduite et commentée dans le Wen siuen (chap. LI, p. 1 et suiv.), ainsi que dans la plupart des anthologies intitulées Kou wen ; elle a été traduite en latin par le P. Zottoli (Cursus litteraturae sinicae, vol. IV, pp. 255-261).

(503. ) Cf. note 05.222. .

(504. ) Ici le mot han doit être prononcé Hien. La passe Hien ou Hien-kou, était aussi une des barrières de Ts’in ; elle est au sud de la sous-préfecture de Ling-pao, préfecture secondaire de Chàn, province de Ho-nan.

(505. ) C’est-à-dire, en gros, le Chàn-si et le Kan-sou.

(506. ) Le prince de Chang n’est autre que Yuen Ang. Cf. Mém. hist, chap. LXVIII.

(507. ) En élevant les mains comme pour saluer, c’est-à-dire sans avoir à combattre.

(508. ) Cf. note 05.313. .

(509. ) Cf. note 05.313. et note 05.363. .

(510. ) En réalité, Kia I vient de mentionner neuf royaumes : mais, comme les États de Song, Wei, et Tchong-chan étaient d’importance secondaire, on peut les passer sous silence ; plus loin cependant, on trouvera l’expression « les neuf royaumes. » — Les six royaumes principaux et le royaume de Ts’in sont aussi désignés parfois sous le nom de « les sept puissants » ; ce sont donc : Ts’in, Han, Wei, Tchao, Yen, Tch’ou et Ts’i.

(511. ) Ning Yue était du pays de Tchao. — Siu Chang est inconnu. — Sou Ts’in était de Lo-yang, et sujet des Tcheou orientaux : ce fut un des plus célèbres discoureurs de l’époque des royaumes combattants (cf. tome I, note 04.509. et Mémoires historiques, chap. LXIX). — Tou Ho est mentionné dans le tch’oen ts’ieou de Lu Pou-wei comme ayant donné des conseils au prince Tchao-wen, de Tcheou.

(512. ) Ts’i Ming était sujet des Tcheou orientaux, mais fut en charge dans les États de Ts’in, Tch’ou et Han. — Tcheou Tsoei était un membre de la famille princière de Tcheou : lui et Tch’en Tchen furent en charge dans l’État de Ts’in. — Tchao Hoa était du pays de Tch’ou. — Leou Hoan était le frère cadet du marquis Wen de Wei. — Ti-King est inconnu. — Sou Li était le frère cadet de Sou Ts’in (cf. la note précédente) ; il fut en charge dans l’État de Ts’i. — Yue I était un sujet du prince de Ts’i, mais il s’établit à la cour du roi Tchao de Yen qui l’avait reçu avec de grands honneurs.

(513. ) Ou K’i était du pays de Wei ; il fut général du marquis Wen de Wei (cf. Mémoires historiques, chap. LXV). — Suen Pin était un descendant de Suen Ou (cf. Mémoires historiques, chap. LXV). — T’ien Ki était un général de Ts’i. — Lien P’o et Tchao Ché étaient des généraux de Tchao. — Sur Tai T’o, Ni Leang et Wang Lieou on ne trouve que des renseignements très vagues.

(514. ) Le futur Ts’in Che-hoang-ti.

(515. ) A savoir, le duc Hiao et les rois Hoei-wen, Ou, Tchao, Hiao-wen, Tchoang-siang.

(516. ) Littéralement : les paroles.

(517. ) Cf. tome I, note 02.192. .

(518. ) D’après Se-ma Tcheng, [] serait mis pour [] = gourmander, réprimander.

(519. ) Cf. note 05.222. et note 504.

(520. ) C’est-à-dire : qui n’était qu’un seigneur. Cf. note 463.

(521. ) Cf. note 426.

(522. ) Kia I : Kouo Ts’in luen, 2e partie.

(523. ) C’est-à-dire : « quand il était encore en deuil de son père » : aussitôt après être monté sur le trône.

(524. ) L’expression [] est expliquée de la manière suivante dans le commentaire du T’ong kien kang mou (chap. I, p. 11 r°) : [] signifie la femme et les enfants. On englobait dans la condamnation et on arrêtait la femme et les enfants du coupable pour que, jusqu’à la fin de leur vie, ils fussent des esclaves de l’État.

(525. ) Les fondateurs des dynasties Yn et Tcheou.

(526. ) Ta-tsé est le nom d’un bourg, qui était au sud-ouest de la préfecture secondaire de Sou, province de Ngan-hoei (T’ong kien tsi lan, chap. XI, p. 12 v°).

(527. ) Cf. note 497.

(528. ) Depuis ici, jusqu’à la phrase : « Les princes qui viennent d’être énumérés … couvrent un espace de 610 années », nous avons une liste des princes de Ts’in avec le nombre d’années qu’ils régnèrent et le lieu où ils furent enterrés ; on remarque dans ce morceau d’assez notables différences avec les annales que nous avons traduites plus haut. Il est assez peu probable qu’il faille attribuer à Se-ma Ts’ien cette addition à son œuvre.

Se-ma Tcheng remarque que la liste devrait commencer, non par le duc Siang, mais par le duc Tchoang, son père, qui le premier fut nommé seigneur par le Fils du Ciel.

(529. ) C’est-à-dire dans la Marche occidentale : Cf. note 05.113. .

(530. ) Ya était sur le territoire de la préfecture du Fong-siang, province de Chàn-si.

(531. ) Le caractère [] est ici l’équivalent du mot [] qui désigne l’espace compris entre la porte d’entrée et le mur ou la cloison qui, dans toute maison chinoise, est placé à peu de distance derrière cette porte, afin d’empêcher qu’on ne voie du dehors ce qui se passe dans la cour de l’habitation. [] désigne donc un portier. On trouve le mot employé avec le même sens dans le Che king, section Kouo Jong, 3e ode de Ts’i, 1e strophe (cf. Legge, Chinese Classics, vol. IV, p. 152).

(532. ) Dans le Tch’oen ts’ieou (15e année du duc Ting), on trouve l’expression [] désignant une chambre du palais des ducs de Lou ; il me semble difficile cependant que cette expression désigne ici une simple chambre.

(533. ) Ce duc est appelé le duc Ngai dans les Annales principales.

(534. ) Quatorze ans, d’après les Annales principales : cf. p. 54.

(535. ) Appelé Li-kong dans les Annales principales.

(536. ) Plus exactement, il engendra Tchao-tse qui fut le père du duc Ling.

(537. ) Les Annales principales appellent ce prince le duc Ling.

(538. ) Ce nombre de dix années est d’accord avec celui que donne le tableau chronologique et doit être exact. Les Annales principales attribuent au duc Ling treize années de règne (Se-ma Tcheng dit douze, par erreur) : cf. note 05.157. .

(539. ) D’après les Annales principales, le duc Kien était le fils du duc Hoai et le frère cadet de Tchao-tse : il aurait régné seize ans ; mais, sur ce dernier point, c’est notre texte qui est d’accord avec le Tableau chronologique.

(540. ) Les Annales principales disent : 24 années.

(541. ) C’est-à-dire « la sépulture du duc ». D’après le Kouo ti tche, cette sépulture était à 14 li au nord-ouest de la sous-préfecture de Hien-yang.

(542. ) Ce paragraphe interrompt l’énumération des souverains de Ts’in et revient en arrière jusqu’au duc Hien afin de rappeler quelques événements étranges ou importants.

(543. ) Cf. note 05.334. . Mais c’est au temps du duc Hiao qu’il faut rapporter cette réforme.

(544. ) Les Annales principales disent 21 ans.

(545. ) Se-ma Tcheng dit que toute la discussion qui suit fut écrite par Pan Kou, sur l’invitation de l’empereur Hiao-ming. C’est une défense de Tse-yng contre le jugement trop sévère porté contre lui par Kia I.

(546. ) Pour comprendre cette phrase, il faut se rappeler la modification qui fut introduite aux environs de l’ère chrétienne dans la théorie des cinq éléments (cf. Introduction, p. CXCI et CXCII). D’après l’ancienne théorie, le principe de l’évolution était la violence et les éléments se succédaient en se détruisant les uns les autres ; les Ts’in qui régnaient par la vertu de l’eau succédèrent donc aux Tcheou qui régnaient par la vertu du feu, car l’eau détruit le feu (cf. note 216). A partir de Lieou Hiang et de Lieou Hin, on soutint au contraire que le principe de l’évolution était la bonté et que les cinq éléments se succédaient en se produisant les uns les autres, comme l’enfant succède à sa mère ; dans cette théorie, les Tcheou régnèrent par la vertu du bois ; dès lors, ils devaient avoir pour successeurs les Han qui régnèrent par la vertu du feu, car le bois produit le feu. Les Ts’in, qui régnèrent par la vertu du l’eau, ne devaient donc pas s’intercaler entre les Tcheou et les Han.

(547. ) C’est-à-dire Ts’in Che-hoang-ti. Cf. note 102.

(548. ) Il est à remarquer en effet que toute l’organisation administrative de Ts’in Che-hoang-ti subsista après la chute de sa dynastie. Ce souverain est le vrai fondateur de l’empire chinois qui, avant lui, n’était qu’une féodalité sans cohésion.

(549. ) Le mot est une restriction dubitative.

(550. ) Cf. tome I, note 00.165. .

(551. ) Ces deux constellations président à la guerre et aux massacres.

(552. ) Tchao Kao.

(553. ) Tchao Kao et son gendre Yen Yue. Pan Kou fait l’éloge de Tse-yng qui eut le courage de tuer lui-même ces hommes néfastes.

(554. ) Le futur Han Kao-tsou.

(555. ) Cf. note 480.

(556. ) On lit dans le commentaire de Kong-yang au Tch’oen-ts’ieou que, lorsque le roi Tchoang de Tch’ou attaquait l’État de Tcheng, le comte de Tcheng vint à sa rencontre, en tenant en main les instruments dont on se servait lors des sacrifices dans le temple ancestral : à savoir, l’étendard d’herbes blanches et le couteau à sonnettes ; il donnait ainsi à entendre qu’il se rendait à discrétion, lui et son temple ancestral. Le roi Tchoang lui laissa la vie sauve et fit aussitôt reculer son armée de sept li en arrrière. — Le nom du roi Tchoang est ici écrit Yen, afin d’éviter le nom personnel de l’empereur Hiao-ming, qui était Tchoang (Che ki p’ing lin) ; aussi Tchang Cheou-tsie dit-il qu’il faut lire Tchoang, et non Yen.

(557. ) Cette expression ne convient guère à Tse-yng, qui était un homme fait (cf. note 478).

(558. ) On lit en effet dans le Tch’oen ts’ieou (3e année du duc Tchoan) :

« En automne, le troisième frère (du marquis) de Ki se livra avec (la ville de) Hoei, à Ts’i. »

Le nom de ce personnage n’est pas indiqué et Pan Kou voit dans cette omission une intention cachée : la reddition de la ville de Hoei fut le commencement du démembrement de l’État de Ki ; mais la ruine de cette principauté était inévitable ; aussi l’auteur du Tch’oen ts’ieou passe-t-il sous silence le nom du prince qui livra la ville de Hoei, afin de montrer au lecteur qu’il ne doit pas imputer à ce prince la perte de l’État de Ki. Pan Kou oppose donc ce sage artifice du Tch’oen ts’ieou au jugement injuste de Kia I qui incrimine l’infortuné Tse-yng.




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