Mémoires (Saint-Simon)/Tome 8/5


CHAPITRE V.


Spectacle des maréchaux de Boufflers, Harconrt et Villars. — Éclat du maréchal de Boufflers sur les lettres de pairie de Villars. — Villars fait défendre à Harcourt de se faire recevoir pair avant loi. — Harcourt tombe en apoplexie légère et va aux eaux. — Ambition, manéges, maladie du maréchal d’Huxelles. — Du Bourg fait commandant d’Alsace. — Retour de Rome de l’abbé de Polignac. — Secret étrange et curieux aveu sur lui du duc de Beauvilliers à moi. — Maréchal d’Huxelles et abbé de Polignac plénipotentiaires pour la paix à Gertruydemberg. — Fausseté du maréchal. — Indécence basse sur le maréchal d’Huxelles, plus grande sur l’abbé de Polignac. — Protecteurs des couronnes ; explication de ce nom superbe. — Cardinal Ottoboni fait peu à propos protecteur de France ; ce qui fait rompre Venise avec le roi. — Retour de l’abbé de Pomponne. — Caractère d’Ottoboni. — Imposture des Chavignard, dits Chavigny, et ce qu’ils sont devenus. — Naissance du roi Louis XV. — Mariage du duc de Luynes avec Mlle de Neuchâtel. — Mariage du duc de Louvigny avec la fille unique du duc d’Humières. — Mariage de Broglio avec une fille de Voysin. — Mariage de Gacé avec la fille du maréchal de Châteaurenauld ; et a le gouvernement de son père, sur sa démission. — Le duc de Beauvilliers donne sa charge de premier gentilhomme de la chambre au duc de Mortemart, son gendre.


Les maréchaux de Boufflers, d’Harcourt et de Villars furent une partie de cet hiver en spectacle au monde : le premier en exemple du peu de compte que les rois et leurs ministres tiennent de la vertu et des services qui ont passé la mesure des récompenses ; le second attendu comme l’oracle et le seul sage, appuyé de Mme de Maintenon et de Voysin, couchoit en joue les autres ministres pour les renverser, et ne pouvoit plus souffrir de délais pour entrer au conseil dont il avoit si souvent pensé forcer la porte. Il tenoit tout le monde en expectation, et se présentoit avec un poids et une autorité qui, avec tout son esprit, ne s’élaignoient pas de l’audace, quoique applaudi par le gros de la cour et du monde. Le troisième, dont l’incomparable fortune avoit trouvé les plus singulières ressources pour soi dans la funeste perte d’une bataille follement donnée, et plus extravagamment rangée, triomphoit du réparateur de ses torts avec la dernière effronterie, dans l’appartement et les meubles même du prince de Conti et de la princesse sa mère qui en fut piquée au vif, et M. le Duc aussi quoique brouillé avec elle, sans que l’orgueil des princes du sang, si haut porté, osât répliquer une seule parole aux volontés du roi. Qu’eût dit le prince de Conti grand-père, et le vieux Villars, qui avec raison se crut au comble de l’honneur et de la fortune quand il se vit son écuyer, s’ils avoient pu voir la belle-fille et le petit-fils de ce prince délogés malgré eux pour le fils de Villars, et n’oser ne lui pas laisser leurs meubles ?

Là ce fils de la fortune reçut la foule de la cour précisément avec bonté, et il se peut dire qu’il y tint la sienne : jeux continuels, fêtes, festins, très-souvent la musique du roi les soirs. Le héros romanesque en soutenoit pleinement le personnage. Il ne parloit que par tirades de pièces de théâtre, et tenoit des propos si surprenants qu’il en embarrassoit souvent sa nombreuse compagnie. Ses saillies étoient continuelles ; il ne se contraignoit d’aucune. Le lit de repos de dessus lequel il dominoit les assistants sembloit le théâtre d’un Tabarin. Mme de Maintenon l’alloit voir souvent en des heures particulières. Un jour qu’elle y trouva son fils qui avoit lors huit ans et qu’elle le caressa, le maréchal lui dit qu’à la fin ses bontés le gâteroient, et prenant un air enjoué qui lui étoit ordinaire, ajouta que « les héros s’accoutumoient facilement aux bontés des grandes reines. » Cent escapades aussi fortes, mais en autres genres, mille propos sur la guerre, sur la paix, sur le gouvernement, sur soi-même à faire trembler, passèrent pour des gaietés et des gentillesses agréables. En un mot les yeux communs le regardoient comme un fou échappé de sa cage, tandis que ceux de qui tout dépendoit le considéroient comme l’unique ressource qui n’avoit que de légères imperfections. Voysin portoit souvent le portefeuille chez lui, Desmarets aussi, séparément et quelquefois ensemble. Rien ne lui fut refusé du personnage de dictateur. Il décidoit des projets, des arrangements. L’oubli et l’avancement des hommes furent dans ses mains. Ce radieux état pourtant ne l’empêcha pas de songer à ses lettres de pairie.

Le président de Maisons, son beau-frère, les lui dressa, et il y mit tout ce qu’il voulut sur ses services. Il eut l’audace d’y faire insérer que, sans sa blessure, la bataille de Malplaquet étoit gagnée, et diverses autres choses à sa louange qui flétrissoient également la vérité et la gloire du maréchal de Boufflers. Pontchartrain, à qui elles furent portées pour les expédier, sursit, et en avertit Boufflers qui, blessé jusqu’au fond de l’âme, devint furieux. Il tomba sur Villars publiquement jusqu’à l’outrage ; il en parla à tout le monde et aux ministres. Cet homme si sage, si mesuré, si craintif à l’égard du roi, ne se posséda plus. Il déclara tout haut à qui voulut l’entendre qu’il s’en plaindroit au roi, et que, s’il n’en avoit pas justice, il étoit résolu de la demander en plein parlement, de s’adresser aux pairs, de s’opposer aux lettres de Villars et de plaider lui-même sa cause devant les pairs et tout le parlement assemblé. Il y avoit longues années que propos si hardi n’avoit frappé aucune oreille. Aussi fit-il un étrange fracas. Il fut tel que le roi n’osa refuser à un seigneur si utilement illustre la justice qu’il lui demanda si haut. Villars épouvanté, quoique sur les nues, sentit pour lors tout le poids de la vertu et de la vérité. Il n’osa se commettre avec Boufflers, il désavoua tout ce qu’il avoit attenté dans ses lettres, et, pour voiler l’ordre du roi, il envoya lui-même ses lettres à Boufflers qui y biffa tout ce qu’il voulut, et ce qu’il biffa demeura supprimé dans l’expédition qu’en fit Pontchartrain, et qui lui fut montrée.

Villars pourtant se distilla chez lui publiquement, et tous les jours en respects pour le maréchal de Boufflers, en soumissions, en louanges, lui envoya plusieurs messages en hommages et en pardons, et avala cet affront dans toute son étendue. On négocia et on obtint enfin que Boufflers après tant de génuflexions irait voir Villars, après avoir ainsi triomphé de son triomphe. Il fut accueilli avec des respects et des soumissions profondes qui furent reçues gravement et en maître qui daigne accepter un tribut. De tous ces procédés se combla une haine que Boufflers trop naturel exhala même peu décemment quelquefois, et que Villars resserra en lui-même sous le voile des hommages et des soumissions ; toutefois sans rompre, par l’extrême retenue de Villars qui n’osa plus se commettre, et Boufflers pour ne pas embarrasser le roi.

Cet éclat fut incontinent après suivi d’un autre, mais qui, à beaucoup près, ne fut pas porté si loin. Harcourt, duc vérifié cinq ans avant Villars, et d’une naissance si différente, portoit fort impatiemment que celui-ci eût été fait pair avant lui, et que lui-même n’y fût arrivé qu’à son occasion. Il n’ignoroit pas nos prétentions réciproques de préséance ; de M. de La Rochefoucauld et de moi, il voulut adroitement acquérir les mêmes sur Villars. Il projeta donc de se faire recevoir au parlement dans la même séance où ses lettres de pairie seroient enregistrées ; et pour le faire couler doucement, il ne hasarda pas de les présenter avant que celles de Villars le fussent, qui étoient antérieures aux siennes. Mais dès qu’elles le furent, il se prépara à l’exécution de son projet, comme ne songeant à rien. Malheureusement pour lui Villars en eut le vent ; il avoit aussi ouï parler de mon affaire avec M. de La Rochefoucauld, mais sans la savoir. Il me pria de la lui expliquer, c’étoit chose qui ne se pouvoit refuser. Là-dessus le voilà aux champs, qui fait grand bruit, qui représente au roi, par un mémoire qu’il lui envoya, le dessein d’Harcourt et l’impossibilité où sa blessure le mettoit de se faire recevoir, sur quoi, il demanda de ces deux choses l’une, pour lui éviter un procès pareil au mien : ou des lettres patentes vérifiées au parlement qui lui conservassent son ancienneté entière sur les pairs postérieurs à lui qui pourvoient être reçus au parlement avant lui, comme M. de Bouillon les avoit obtenues dans sa minorité ; ou une défense verbale au maréchal d’Harcourt de se faire recevoir avant que lui-même le fût. La demande parut au roi d’autant plus juste qu’elle évitoit un procédé qui l’eût embarrassé entre ces deux hommes, et un procès dont il haïssait les décisions. Harcourt reçut donc cette défense de la bouche du roi, dont il fut outré de dépit, et dont Villars ne se contraignit pas de triompher. Fort peu de jours après, Harcourt tomba en apoplexie, qui mit ses grandes vues et ses amis en grand désarroi, et qui, au lieu de forcer la porte du conseil, le fit aller aux eaux de Bourbonne, hors d’état de s’appliquer à rien, mais retenant toujours sa destination de général de l’armée du Rhin, comme l’année précédente.

Le maréchal d’Huxelles commandoit en chef en Alsace dès l’année 1690, en avril, à la mort de Montal, et servoit de lieutenant général dans l’armée du Rhin toutes les campagnes, jusqu’en 1703, qu’il fut de la promotion des maréchaux de France que le roi fit en janvier, à l’occasion de laquelle je me suis étendu sur lui assez pour n’avoir rien à y ajouter. Décoré de l’ordre et du bâton, c’étoit où la profession militaire le pouvoit porter. Son goût ne le tournoit point vers le commandement des armées. Voir aussi de Strasbourg un général d’armée auquel il falloit obéir dans son commandement s’il étoit son ancien, et s’il ne l’étoit pas, se concerter avec lui de manière fort équivalente à la subordination, étoit pour lui une amertume. Depuis 1690, il n’avoit quitté les bords du Rhin ni été ni hiver, que depuis qu’il fut maréchal de France, et encore y demeura-t-il les premières années. Il petilloit de s’approcher de la cour dans le désir de pousser sa fortune. Il vouloit entrer dans le conseil, au moins être consulté et de quelque chose. Son grand but étoit de parvenir à être duc, et celui du premier écuyer d’être appelé dans ses lettres. Pour cela il falloit être à la cour et à demeure ; mais quitter plus de cent mille livres de rente en abandonnant l’Alsace : c’étoit acheter bien cher des espérances peu fondées. Il tâta le pavé par quelques voyages à Paris ; il les allongea, et fit si bien qu’il lui fut permis de s’y fixer sans se dépouiller du commandement d’Alsace, qu’on fît exercer par du Bourg, tellement que cette province eut un gouverneur et deux commandants payés.

Huxelles établi à Paris tint une excellente table pour avoir compagnie, sortit peu pour se faire rechercher, se lia au président de Mesmes par le premier écuyer son ami intime, et par ce président à M. du Maine, dont il étoit le commensal. Il fut vanté a Mlle Choin par Mme de Beringhen, la cultiva jusqu’à envoyer tous les jours de sa vie des têtes de lapins et d’autres mangeailles à sa chienne (et il faut noter qu’il logeoit dans la rue Neuve-Saint-Augustin, vis-à-vis le duc de Tresmes, et Mlle Choin attenant le petit-Saint-Antoine). Il fit sa cour à Vaudemont et à ses nièces, et s’initia ainsi à Monseigneur, sans toutefois le voir souvent en particulier, et très-rarement publiquement, qui le crut la meilleure tête de France et un homme qui ne vouloit rien que son repos. D’autre côté il courtisa Harcourt, qui le produisit à Mme de Caylus pour atteindre à Mme de Maintenon. Harcourt ne le craignoit point pour émule, il le connoissoit trop bien, mais il en vouloit faire un écho et un épouvantail à ministres, contre lesquels tout lui étoit bon ; conséquemment il fut très-bien avec Voysin aussitôt qu’il fut en place. Tout cela se passoit souterrainement. Tant de liaisons importantes ne rendant rien, il en tomba peu à peu dans un chagrin qui devint noir, qui attaqua sa santé et qui fit craindre pour sa tête. Il fut près d’un an chez lui sans vouloir voir personne que le premier écuyer, sa femme, et un ou deux autres devant qui il ne retenoit pas ses faiblesses. Les médecins furent longtemps sans savoir ce que cela de-viendroit, parce qu’ils sentirent que ce n’étoit pas de leur art que dépendoit cette guérison. Ses amis se remuèrent vers les remèdes qu’il lui falloit, le poulièrent [1] à Marly, et le soulagèrent, mais non encore entièrement. C’est l’état où il étoit quand il fut question de nommer des plénipotentiaires pour les conférences de Gertruydemberg.

Torcy, ami intime de l’abbé de Polignac, l’avoit, comme on a vu, tiré d’un péril imminent et fort dangereux, en le dépaysant ; et lui en avoir su tirer grand parti, avec le même appui, pour s’assurer d’un chapeau. Cela fait, et l’intervalle long de son absence, il eut envie de se rapprocher. Torcy, qui le destinoit à travailler à la paix, pour le tenir toujours en besogne lui procura la permission de faire un tour à la cour de quelques mois, sans quitter son auditorat de rote [2] où il brilloit, et pour avoir où le renvoyer au loin si le cas y échéoit. Il étoit arrivé sur la fin de l’année précédente, et fut assez bien reçu du roi, et très-bien de la cour, surtout des dames. Ce retour me procura une confidence.

Il faut se souvenir de la conversation que j’eus sur lui avec le duc de Beauvilliers, ci-devant (t. V, p. 97, 98) et de la manière dont il reçut ce que je lui dis. Oncques depuis nous ne nous étions fait mention de l’abbé de Polignac l’un à l’autre, ni de rien qui en pût approcher. Mon retour à Marly fut un des premiers fruits de l’audience que le roi m’avoit accordée. Au premier voyage que j’y fis, étant allé un soir causer avec le duc de Beauvilliers, et ne parlant de rien moins que de l’abbé de Polignac, tout d’un coup le duc se mit à me regarder fixement, à sourire et à me dire qu’il falloit qu’il me fît une confidence ; et que c’étoit une réparation qu’il me devoit à laquelle il ne pouvoit plus tenir. Je n’imaginai point ce qu’il me vouloit dire. « Vous souvenez-vous bien, me dit-il, de la conversation que nous eûmes ensemble, dans cette même chambre, il y a quatre ans, sur l’abbé de Polignac ? c’est que vous avez été prophète. Il faut que je vous avoue qu’il m’est arrivé de point en point ce que vous m’aviez prédit, et que l’abbé de Polignac, initié avec Mgr le duc de Bourgogne par les sciences, et le voyant souvent seul, m’avoit absolument éloigné de lui. » Je m’écriai, il me fit taire. « Écoutez tout, me dit-il. Je ne fus pas longtemps à m’en apercevoir. Je voulus me le rapprocher, je l’éloignai encore davantage. Plus de consultations, plus même de raisonnements ; jusqu’à ma présence lui pesoit. M. de Chevreuse se trouva de même. Je pris le parti de ne lui plus parler de rien, de répondre en deux mots quand il me parloit, de faire mon service assez pour que le public ne s’aperçût de rien, et je demeurai dans mes fonctions comme un étranger le plus mesuré, sans trouver rien à redire et sans parler que pour répondre. Cela, monsieur, a, s’il vous plaît, duré plus d’un an. Enfin, il s’est rapproché, il s’est réchauffé, il s’est trouvé embarrassé de ma réserve, il a tâté le pavé à diverses reprises. Je le voyois venir toujours respectueusement, sans la moindre ouverture, jusqu’à ce qu’un beau jour il me prît dans son cabinet et se déboutonna. Je reçus ce qu’il me dit comme je le devois, et lui dis en même temps ce que je crus devoir sur l’attachement et la confiance ; que je ne tenois à lui que par le cœur, et le désir de son bien et celui de l’État, et par nulle autre chose ; et qu’il voyoit que je savois me retirer à proportion de lui, et me tenir dans le respect et dans la simple fonction de ma charge. Alors dans ce retour d’amitié et de confiance, il m’avoua que c’étoit l’abbé de Polignac qui l’avoit éloigné ; que c’étoit un enchanteur très-dangereux, une sirène… Eh bien ! monsieur, interrompis-je, avez-vous eu encore votre cruelle charité de ne lui pas bien rompre le cou en ce moment que vous l’avez eu si belle ? Oh ! pour cela, me dit-il, ce n’eût pas été charité, c’eût été abandon de Mgr le duc de Bourgogne, et manquer de charité pour lui ; aussi, vous puis-je assurer que je lui ai fait sentir tout ce que je devois sur cela pour lui-même ; et que, puisque vous appelez cela rompre le cou, vous pouvez compter que je l’ai si bien et si parfaitement rompu à l’abbé de Polignac, qu’il n’en reviendra de sa vie auprès de Mgr le duc de Bourgogne. »

Je l’en louai beaucoup, et comme un homme qui s’est surpassé lui-même ; après quoi je me licenciai à le pouiller un peu de ne vouloir ni connoître les gens ni souffrir qu’on les lui fît connoître. Je le fis souvenir de notre conversation dans le bas des jardins de Marly, sur le choix fait et non encore déclaré de Mgr le duc de Bourgogne pour l’armée de Flandre avec M. de Vendôme, et je lui dis que la prophétie que je lui en fis alors, qui ne tarda pas à s’accomplir au delà de toute pensée, et celle-ci dont il m’avouoit le plénier effet, le devoient rendre plus docile à écouter, et à croire et à se garder. Il en convint, et il est vrai que longtemps avant cet aveu il étoit moins hérissé à mes discours, à son gré peu charitables, et me croyoit fort volontiers, ce qui ne fit depuis qu’augmenter de plus en plus à mon égard. Je lui demandai après où en étoit le duc de Chevreuse ; il me dit que le retour étoit aussi entier pour lui et de même date que le sien. Le singulier est qu’ils se conduisirent avec tant de ménagements, que personne, même les valets les plus intérieurs, ne s’aperçurent jamais de ce changement si grand dans toute sa longue durée. Il ne servit qu’à mettre ces deux ducs encore plus intimement avec Mgr le duc de Bourgogne ; ce qui a duré jusqu’à sa mort [3].

L’abbé de Polignac, à son retour de Rome, se trouva bien étourdi de la froideur marquée de Mgr le duc de Bourgogne, qui ne prit à rien avec lui en public, et ne le vit point en particulier. Le bon ecclésiastique craignit pis qu’il n’y avoit, et se contint par là dans de pénibles réserves. Mais bientôt il fut délivré par le choix du maréchal d’Huxelles et de lui pour aller à Gertruydemberg ; sur quoi je renvoie aux Pièces, où les préliminaires de cet envoi et la négociation jusqu’à sa rupture se trouvent dans tout le détail [4]. Je dirai seulement ici que le maréchal d’Huxelles, qui mouroit de ne rien faire, et que cette nomination guérit, voulut faire accroire qu’on le faisoit aller malgré lui, tandis que Harcourt, Voysin et Mme de Maintenon le préconisoient, et que M. du Maine le servoit. Le jour qu’il fut déclaré au conseil avec l’abbé de Polignac, Monseigneur dit qu’il ne croyoit pas que le maréchal voulût se charger de cet emploi, et qu’outre qu’il étoit vieux et infirme (il n’étoit point vieux, et n’étoit malade que de rage de n’être [rien] et de ne rien faire), il lui avoit dit, il n’y avoit pas longtemps, qu’il aimeroit mieux avoir perdu un bras que son nom demeurât à la postérité souscrit à une paix telle que celle qui termineroit cette guerre. On verra dans les Pièces et dans les suites que cette délicatesse ne fut que pour Monseigneur, et pour tâcher de se faire valoir : le renard des mûres, si on ne songeoit point à lui, [voulant] se faire prier si on y pensoit.

Le chancelier, ami intime du premier écuyer et parent d’Huxelles et Voysin, louèrent sa capacité ; Desmarets, son ami, aussi. Le roi, prévenu par Mme de Maintenon et M. du Maine, applaudit ainsi que les deux autres ministres qui firent chorus ; puis le roi ajouta en se redressant, qu’il ne croyoit pas qu’il refusât, quand il sauroit qu’il ne recevroit aucune excuse, et qu’il vouloit bien qu’on le lui dît, et qu’il ne vouloit pas être refusé. Ce même jour le chancelier s’en alloit à Paris. Dès qu’il y fut arrivé, il envoya chercher le maréchal à qui il conta ce qui s’étoit passé au conseil, et le détermina sans peine à accepter. Il avoit déjà reçu une lettre de Torcy là-dessus, qui, ce même jour encore, arriva chez lui avec Desmarets, et l’entretinrent deux heures. L’abbé de Polignac, qui n’avoit avec lui aucune liaison, le fut voir deux jours après. Le maréchal ne vit le roi dans son cabinet qu’un demi-quart d’heure, à ce que me conta le premier écuyer qui en étoit fort scandalisé, et l’abbé de Polignac point du tout. Le roi lui dit un mot en passant chez Mme de Maintenon. Je n’entamerai rien ici de ce qui se trouvera dans les Pièces ; je dirai seulement que, sur les plaintes que firent les Hollandois d’une nomination d’éclat par les personnages, lorsqu’ils n’en vouloient que d’obscurs, on eut recours à une ruse d’enfant, la plus déshonorante qu’il fût possible. Le maréchal d’Huxelles eut défense de mettre ses armes à rien, pour ne montrer ni ses bâtons ni son collier de l’ordre, et l’abbé de Polignac de paroître autrement qu’en habit de cavalier. Cela ne cachoit ni leurs noms ni leur caractère ; cela avilit seulement celui que le roi leur donnoit pour traiter, et donna fort à rire aux alliés, qui insultèrent à une complaisance si basse.

Tout ce qui suivit répondit à ce triste début. Si un officier de la couronne effacé de la sorte devint un spectacle fort nouveau, la mascarade de l’abbé de Polignac en fut un encore plus étrange. On trouva même sans cela toutes sortes d’indécences d’employer un ecclésiastique et un auditeur de rote à consentir, comme il étoit inévitable, à beaucoup de choses préjudiciables à la religion catholique dans toutes les restitutions auxquelles il falloit se livrer ; un homme qui avoit publiquement la nomination acceptée du roi d’Angleterre au cardinalat pour signer l’exhérédation et la proscription de ce prince et de sa postérité en faveur d’un usurpateur protestant et comme tel ; enfin un personnage châtié par l’exil en arrivant de son ambassade de Pologne, exil qui avoit duré fort longtemps. Sur tout le reste je renvoie aux Pièces, qui satisferont pleinement. Tout fut concerté avec Bergheyck, venu exprès à Versailles, et qui retourna en Flandre vers le départ de nos deux plénipotentiaires.

On essuya encore en même temps une chose assez désagréable. Le cardinal de Médicis, en remettant son chapeau pour se marier, comme on l’a dit, avoit fait vaquer la protection des couronnes de France et d’Espagne qu’il avoit. Les couronnes catholiques ont à Rome chacune leur protecteur, étrange nom à l’égard d’une couronne ; mais les cardinaux, de longue main en possession d’être des monstres fort à charge à leurs princes et à leurs nations, et beaucoup plus à l’Église, après avoir usurpé les choses, ont envahi jusqu’aux noms, et les rois les ont laissé faire avec une insensibilité nonpareille. Ces messieurs veulent donc se mêler d’affaires, et ne peuvent le faire que subordonnément, comme tous les autres qui en seroient chargés ; ils en veulent l’honneur, la considération, le profit, mais ils n’en veulent pas le nom ordinaire ; il faut leur en voiler les fonctions sous la majesté d’un nom qui impose, quoique tout le monde en sache la valeur. Ainsi le cardinal qui est payé pour prendre soin de tout ce qui passe en consistoire pour une nation s’appelle le protecteur de cette nation ; et de là protecteur de la couronne de France, d’Espagne, etc. C’est à lui que s’adressent les banquiers en cour de Rome pour l’expédition des bénéfices et des autres choses qui passent en consistoire, où c’est à lui à proposer et à préconiser les évêchés ; et il se mêle aussi de beaucoup de choses qui passent par la chancellerie, par la pénitencerie et par les signatures. Le roi, ayant donc à choisir un protecteur, jeta les yeux sur le cardinal Ottobon. Plusieurs raisons l’en devoient empêcher.

Son oncle que M. de Chaulnes fit pape, et qui avoit promis merveilles sur les franchises et sur d’autres points plus importants qui avoient brouillé le roi avec Innocent XI, son prédécesseur, qui depuis longtemps ne donnoit aucunes bulles en France, manqua de parole, et se moqua de la France en pantalon qu’il étoit ; en sorte qu’il la fit passer à tout ce qu’il voulut ; et à ce qui auroit tout terminé même avec Innocent XI. Ainsi, ce neveu ne devoit pas être un sujet assez agréable pour recevoir une pareille distinction dans une cour si suivie, et qui ne dompte la nôtre que par sa suite perpétuelle qu’elle ne rencontre pas dans notre légèreté. Ce cardinal étoit un panier percé qui, avec de grands biens, de grands bénéfices, et les premières charges de la cour de Rome, y étoit méprisé par le désordre de ses dépenses, de ses affaires, de sa conduite et de ses mœurs, quoique avec beaucoup d’esprit, et même capable d’affaires et aimable dans le commerce. Enfin, il étoit Vénitien, et le roi avoit tous les sujets du monde de se plaindre de la con, duite de sa république pendant la guerre d’Italie. De plus, on ne devoit pas ignorer avec quelle jalousie la politique de Venise interdit à ses sujets tout attachement à quelque prince que ce soit, et combien elle l’avoit montré encore, il n’y avoit pas longtemps, à l’occasion de la nomination du cardinal Grimani par l’empereur, et des emplois qu’il lui avoit donnés, quelque terreur qu’ils eussent de ce prince, et quels que fussent leurs extrêmes ménagements pour lui. Ce fut à quoi on s’exposa ici par cette nomination.

Ottobon balança à l’accepter, non qu’il ne la désirât beaucoup, mais par respect pour ses maîtres, et dans l’espérance de les y faire consentir. Il y échoua. Ils tinrent ferme, ils refusèrent au roi qui s’abaissa à les prier. Le roi, qui n’en voulut pas avoir le démenti, pressa Ottobon de passer outre. Il se trouva embarrassé, et toute cette lutte dura assez longtemps. Enfin, tenté par de grosses abbayes, il passa le Rubicon. Les Vénitiens l’effacèrent du livre d’or [5], le proscrivirent, défendirent tout commerce avec lui, même à ses plus proches, et à leur ambassadeur à Rome de le visiter. L’abbé de Pomponne, ambassadeur à Venise par qui cette négociation avoit passé, sortit de Venise, se retira à Florence, et l’ambassadeur de Venise à Paris eut ordre de s’en aller, partit sans audience de congé, et ne tarda pas à arriver à Paris et à Versailles.

Il arriva en même temps une aventure très-singulière, et qui piqua fort le roi. Un petit procureur du siége de Beaune en Bourgogne s’appeloit Chavignard, et avoit deux fils assez bien faits. Ils étudièrent aux jésuites, qui les prirent sous leur protection. De Chavignard à Chavigny il n’y a pas loin dans la prononciation. La maison de Chavigny-le-Roi, ancienne, illustre, grandement alliée, étoit éteinte depuis longtemps. Ces deux frères jugèrent à propos de la ressusciter et de s’en dire, et les jésuites de les produire comme tels. Ils vinrent à Paris sous ce beau nom comme des cadets de bonne maison, mais qui n’avoient rien, et qui réclamoient leurs parents, chez qui les jésuites les présentèrent et les introduisirent parmi leurs amis. M. de Soubise qui croyoit ne pouvoir être dupe que de son gré., et qui avoit de bonnes raisons de se le persuader, le fut tout de bon cette fois-ci ; il prit pour bon ce que les jésuites lui dirent, et voulut bien présenter au roi MM. de Chavigny comme ses parents et leur procurer de l’emploi. La duchesse de Duras, fille du prince de Bournonville, mort sous-lieutenant des gens d’armes de la garde, avoit eu de la cascade de cette charge un guidon à vendre dans la même compagnie. M. de Soubise le procura à l’un des deux frères qui obtint aussi l’agrément d’une petite lieutenance de roi en Touraine. Il avoit, disoit-il, épuisé le peu qu’il avoit, et boursillé parmi ses amis pour se faire cet établissement et se mettre en chemin de faire fortune. Ils alloient voir tout le monde et chacun les recevoit avec plaisir par le nom, la figure et les manières qu’ils présentoient. L’autre frère eut peu après une abbaye de dix-huit à vingt mille livres de rente pour aider à son frère à subsister à la cour et à la guerre, où il avoit fait la campagne dernière dans les gens d’armes.

Une si grosse abbaye ne vaquoit pas tous les jours. Celle-ci ne l’étoit devenue que cet hiver, et causa tant d’envie que les aboyants, outrés de la voir donner ainsi, se mirent à chercher ce que c’étoit que cet abbé de Chavigny, et découvrirent qui il était. Ils en eurent les preuves et les publièrent avec tant de bruit qu’ils détrompèrent tout le monde. Le roi, piqué d’une si hardie imposture, dans laquelle il avoit si bien donné, fit arrêter les bulles à Rome, nomma un autre sujet, ordonna à l’autre frère de se défaire de son guidon en faveur du comte de Pons pour soixante mille livres, qu’il avoit acheté quatre-vingt mille livres, et de sa lieutenance de roi de Touraine, et fit défendre à tous deux de se présenter jamais devant lui. On trouva encore la punition douce. C’étoient deux compagnons de beaucoup d’esprit, d’intrigue et de manége, de hardiesse, de souplesse, et pour leur âge fort instruits. Ils disparurent à l’instant et firent le plongeon. Qui ne croiroit que ce ne fût pour toujours après une telle infamie ? Cet affront ne leur coûta rien à soutenir. Ils se mirent à faire les espions en Hollande. Torcy se servit d’eux à l’insu du roi, et comme ils avoient, surtout le guidon, infiniment d’esprit et d’adresse, il en fut fort content. Ils parurent même à Utrecht pendant les conférences de la paix. Après la mort du roi ils continuèrent à s’intriguer.

Dans la suite ils devinrent les instruments de l’abbé Dubois en beaucoup de choses, puis ses confidents, et ce qu’en langage commun on appelleroit ses âmes damnées. Celui qui avoit été abbé voulut du solide. On n’eut pas honte de lui donner l’agrément d’une charge de président à mortier au parlement de Besançon, où il s’est comporté avec une audace et une insolence surprenante, et toujours s’appelant Chavigny. L’autre, sous le nom de chevalier de Chavigny, plus doux et plus souple en apparence, continua ses intrigues. L’abbé depuis cardinal Dubois l’employa en divers lieux, puis en Espagne, à Ratisbonne, en Angleterre, et maintenant, avec toute honte bue, il est ambassadeur de France en Portugal à son retour de Danemark, où il étoit envoyé extraordinaire. Partout on sait son histoire, partout il en est déshonoré, partout on est indigné de le voir avec caractère [d’ambassadeur], partout on dit que ceux qui emploient un tel instrument ne le peuvent faire qu’à dessein de tromper ; et toutefois il subsiste, on en est content à la cour, et il y est bien reçu dans les intervalles de ses emplois qu’il y est venu. N’est-ce point là de ces vérités qui ne sont pas vraisemblables ? Pour y mettre le comble, elle étoit dans le Moréri au nom de Chavigny-le-Roi, et ils ont eu le crédit de faire défendre qu’on la mît dans la dernière édition qui en a été faite.

Le samedi 15 février le roi fut réveillé à sept heures, qui étoit une heure plus tôt qu’à l’ordinaire, parce que Mme la duchesse de Bourgogne se trouvoit mal pour accoucher. Il s’habilla diligemment pour se rendre auprès d’elle. Elle ne le fit pas attendre longtemps. À huit heures trois minutes et trois secondes elle mit au monde un duc d’Anjou, qui est le roi Louis XV, aujourd’hui régnant, ce qui causa une grande joie. Ce prince fut incontinent ondoyé par le cardinal de Janson dans la chambre même où il étoit né, et emporté ensuite sur les genoux de la duchesse de Ventadour dans la chaise à porteurs du roi dans son appartement, accompagné par le maréchal de Boufflers et par des gardes du corps avec des officiers. Un peu après, La Vrillière lui porta le cordon bleu, et toute la cour l’alla voir, deux choses qui déplurent fort à M. son frère, qui ne se contraignit pas de le marquer. Mme de Saint-Simon, qui étoit dans la chambre de Mme la Dauphine, se trouva par hasard une des premières qui vit ce prince nouveau-né parmi toutes celles qui y étoient. L’accouchement et ses suites furent fort heureux.

Il se fit en même temps deux mariages auxquels je pris grande part. Le duc de Chevreuse, avec tout son esprit pénétrant, réglé et métaphysique, s’étoit si parfaitement ruiné, à force de vouloir faire ses affaires lui-même et tendre toujours au mieux, que, sans le gouvernement de Guyenne, il n’auroit pas eu de quoi vivre. Il avoit fait beaucoup de belles choses à Dampierre. Il avoit creusé un canal depuis ses forêts de Montfort et de Saint-Léger jusqu’à Mantes, avec des frais infinis et des dédommagements immenses aux riverains, pour porter ses bois jusqu’à la Seine à bois perdu, dans lequel canal il n’a jamais coulé un muid d’eau. Ensuite il fit paver toute sa forêt pour en tirer ses bois, sans aucun usage, et il essuya enfin une grande banqueroute de ses marchands. Il chercha un riche mariage pour le duc de Luynes, fils du feu duc de Montfort, son fils aîné, quoiqu’il fût encore fort jeune. Ce bâtard du dernier comte de Soissons prince du sang, dont j’ai parlé ailleurs, que Mme de Nemours avoit choisi pour en faire son héritier, avoit laissé deux filles de la fille du maréchal-duc de Luxembourg. L’aînée avoit quatre-vingt mille livres de rente en belles terres, et n’avoit qu’une sœur qui en devoit avoir presque autant, outre les pierreries et les autres choses qu’elles pouvoient encore espérer de Mme de Nemours, qui n’avoit d’yeux que pour elles ni de volonté que pour ôter tout à ses héritiers naturels. M. de Luxembourg, leur oncle, gendre en premières noces de M. et de Mme de Chevreuse, sans enfants, avoit toujours conservé avec eux la liaison la plus intime. Il fit ce mariage, dont les biens, la figure de la jeune femme et le côté maternel étoient à souhait.

Le duc d’Humières, mon plus ancien et intime ami, maria sa fille unique au fils aîné du duc de Guiche. En considération de ce noble et riche mariage, ils obtinrent pour la première fois que le duc de Guiche se démît de son duché, quoique le duc de Grammont, son père, qui s’en étoit démis en sa faveur, vécût encore, et allant et venant par le monde ; ainsi ce fut trois générations à la fois ducs et pairs sur le même duché-pairie.

Il s’en fit quelque temps après deux autres. Voysin maria l’aînée de ses trois filles au fils aîné de Broglio, qui avoit longtemps commandé en Languedoc, et qui étoit beau-frère du feu président Lamoignon et du célèbre Bâville. La veuve de Lamoignon étoit Voysin, cousine germaine du ministre qui fit ce mariage.

Gacé, fils du maréchal de Matignon, veuf de sa cousine germaine de même nom et sans enfants se remaria à la fille du maréchal de Châteaurenauld, qui fut un très-malheureux mariage. Il eut le gouvernement de la Rochelle et pays d’Aunis sur la démission du maréchal de Matignon son père.

M. de Beauvilliers fit en même temps une chose fort contre mon goût, et dont je fis tout mon possible pour le détourner. Ce fut de donner, avec l’agrément du roi, sa charge de premier gentilhomme de la chambre au duc de Mortemart, son gendre, de préférence au duc de Saint-Aignan son frère. Il crut devoir cette récompense à sa fille, qu’il aimoit fort, des grands biens qu’après avoir perdu ses fils il avoit donnés à son frère ; ceux que leur mort faisoit tomber à la jeune duchesse de Mortemart, avec la dignité de grand d’Espagne, me paraissoient un dédommagement bien suffisant. Mais la délicatesse de M. de Beauvilliers ne put être vaincue par toutes mes raisons. Il savoit beaucoup de gré à son gendre, et à la duchesse de Mortemart sa belle-soeur, de la manière dont ils s’étoient portés à le presser même de faire beaucoup pour le duc de Saint-Aignan. Cette duchesse de Mortemart étoit, après la duchesse de Béthune, la grande âme de la gnose, et la mieux aimée de l’archevêque de Cambrai, qui de son diocèse gouvernoit toutes ces consciences. Ce fut par conséquent l’avis aussi du duc de Chevreuse ; et la considération de la duchesse de Beauvilliers, qui avec la plus grande amitié du monde, s’étoit prêtée à tout ce que le duc de Beauvilliers avoit voulu faire pour son frère, y entra pour beaucoup. Je vis ce choix avec douleur, qui dans la suite leur en donna beaucoup à eux-mêmes, et qui ne réussit pas comme ils l’avoient espéré à retirer le duc de Mortemart de l’obscurité et de la crapule, ni à rendre sa pauvre femme plus heureuse, qui méritoit tant de l’être.




  1. Mot déjà employé par Saint-Simon dans le sens de hisser avec une poulie.
  2. Voy., t. II, p. 383, note, en quoi consiste le tribunal de rote.
  3. Voy., sur l’abbé de Polignac, les notes à la fin du volume.
  4. Voy. les Mémoires de Torcy.
  5. Registre sur lequel étaient inscrits les noms des patriciens de Venise.