Lotus de la bonne loi/Notes/Chapitres 15 et 16

Lotus de la bonne loi
Version du soûtra du Lotus traduite directement à partir de l’original indien en sanscrit.
Traduction par Eugène Burnouf.
Librairie orientale et américaine (p. 413-414).
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Notes des chapitres XV et XVI

CHAPITRES XV ET XVI.

f. 169 a. À l’intime et suprême essence de l’état de Bôdhi.] Lisez, « au trône éminent de la Bôdhi. » f. 169 a.

f. 170 b. Les hommes ordinaires.] Le texte se sert ici d’une expression consacrée dans le style buddhique, celle de prĭthagdjana, littéralement « homme à part, « homme séparé de ceux qui sont sur la voie de parvenir aux perfections les plus élevées. J’ai rassemblé dans l’Appendice, no XIX, divers textes qui prouvent que cette dénomination est aussi familière aux Buddhistes du Sud qu’à ceux du Nord.

f. 175 b. D’autres Bôdhisattvas, en nombre égal à celui des atomes d’un univers.] Les deux manuscrits de M. Hodgson lisent ainsi : « en nombre égal à celui des atomes d’un univers formé d’un grand millier de deux mille mondes. »

f. 177 b. St. 4. Sont arrivés à.] Lisez, « sont partis pour. »

f. 178 b. Ont fait preuve de confiance.] Lisez, « ont fait preuve de pénétration. » Cette correction s’applique également à la fin du fol. 178 b.

Et grave bien dans ton esprit.] L’expression dont se sert ici le texte est sâdhutcha suchthutcha manasikuru ; j’en ai forcé un peu le sens pour ne rien omettre des mots sâdhutcha suchthuicha ; car employé seul, le verbe composé manasikrĭ signifie seulement « penser. » M. L. J. Schmidt traduisant d’après la version tibétaine le Vadjra tchtchhédika des Tibétains, rend cette expression même de la manière suivante : « garde convenablement dans ta mémoire ce que tu auras entendu[1]. » Il est à peine besoin d’avertir que du verbe composé manasikrĭ on forme le substantif manasikâra, « acte de pensée, pensée. » Le verbe et le substantif sont aussi familiers aux Buddhistes du Sud qu’à ceux du Nord. Je les trouve l’un et l’autre employés et parfaitement expliqués dans le passage suivant du Nidâna vagga pâli : Sâdhuḳam̃ manasikarôthâti manasikârô daḷhakammaṇi yôdjanêna manindriyavikkkêpanîvâraṇam̃. « Fixez bien dans votre esprit [dit le texte] : le mot manasikâra est pris dans le « sens de rendre ferme (affermir) ; c’est l’action d’empêcher par l’application le dérangement de l’organe de l’esprit[2]. »

f. 179 b. St. 20. Des lieux de promenade.] On sait par les descriptions que plusieurs auteurs ont données des Vihâras, qu’un lieu de promenade est attaché à ces édifices. C’est là un souvenir et une imitation de la promenade philosophique à laquelle se livra Çâkyamuni, auprès de l’arbre Bôdhi, lorsqu’il parvint à l’état suprême de Buddha parfait[3]. Ce lieu de promenade se nomme tchag̃krama sthâna, et plus ordinairement, tchag̃kramaṇa. On comprend que les Buddhistes du Sud connaissent également ce terme et l’emploient de même dans les légendes de la vie de Çâkya. Ainsi Turnour traduisant un passage de la glose de Buddhaghôsa sur le Dîgha nikâya, en donne cette interprétation : « il descendait de la salle où l’on se promène en méditant, » peripatetic hall of meditation[4]. On retrouve ce même terme dans un autre passage de la même glose que M. Turnour traduit ainsi : « Ayant fait produire un tchankaman (un lieu de promenade), il passa sept jours à se promener de long en large sur ce long Ratana tchankaman, lieu de promenade fait de pierres précieuses[5]. » C’est ce dernier lieu de promenade sur lequel Çâkyamuni médita avant de devenir Buddha, et dont il est parlé dans le Lalita vistara. Il est particulièrement célèbre chez les Buddhistes de toutes les écoles, comme l’un des sept endroits dans chacun desquels Çâkyamuni passa sept jours en contemplation. Les Barmans, dans leur prononciation altérée, le nomment Yatana zengyan, pour Ratna tchag̃krama[6]. C’est en effet une particularité de la prononciation barmane, que la consonne r, surtout initiale et médiale, soit remplacée par un y. M. Latter a signalé ce fait dans sa grammaire barmane[7] ; mais les limites dans lesquelles il convient de le restreindre ne sont pas encore déterminées avec précision. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il constitue un des traits distinctifs de la langue des Myanma comparée au dialecte des Rakaing ou Arracanais. Chez ces derniers la prononciation du r est aussi recherchée que celle du y chez leurs voisins ; et de plus, un y même primitif se change en r, comme on le voit dans le nom même de Rakaing, que l’on dérive avec beaucoup de vraisemblance du pâli Yakkha, pour le sanscrit Yakcha[8].

f. 180 a. St. 34. Assis au sein de l’intime essence de l’état de Bôdhi.] Lisez, « assis sur le trône de la Bôdhi. » Cette correction s’applique également à la stance 35.

f. 182 b. Entré dans la pure essence de l’état de Bôdhi.] Lisez, « parti pour le trône de la Bôdhi. »

  1. Ueber das Mahâyâna, dans Mém. de l’Acad. des sciences de S. Pétersbourg, t. IV, p. 187.
  2. Nidâna vagga, f. 3 b ; conf. Clough, Singhal. Diction. t. II, p. 515.
  3. Rgya tcher rol pa, t. II, p. 364.
  4. Examin. of Pâli Buddh. Ann. dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. VI, p. 517.
  5. id. ibid. t. VII, p. 814.
  6. H. Burney, Translation of an Inscription in the Burmese language discovered at Buddha Goya, dans Asiat. Res. t. XX, p. 186.
  7. Gramm. of the lang. of Burmah, p. 12.
  8. Phayre, Hist. of Arakan, dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. XII, p. 24 et 25.