Livre de raison de la famille Fontainemarie/02

II

JOURNAL DE FRANÇOIS DE FONTAINEMARIE
(1663-1730)



Je François Fontainemarie, aujourd’huy conseiller à la Cour des aydes de Guyenne, fils de feu Monsieur Jacques Fontainemarie qui mourut doyen de la mesme cour, et de Madame Jeanne de Saint-Angel, naquis à Bordeaux le quatre du mois de décembre mille six cens soixante-trois, a trois heures du matin, dans la paroisse de la Sauvetat.

Je fus baptisé à Saint-André le onziesme du mois de Juillet mille six cens soixante sept et j’eus pour parrein Monsieur François de Saint-Angel, mon ayeul maternel, et pour maireine demoiselle Jacquette de Villepreux, mon ayeule paternelle.

Dés que je fus en estat de profiter des premières instructions qu’on donne aux enfans, ma mère prit elle-mesme le soin de m’apprendre à prier Dieu ; ensuite elle m’enseigna le catécisme (sic), après quoy elle me montra à lire, et enfin ce fut elle qui m’apprit le commencement du rudiment. Jamais mère n’a eu plus d’attention qu’elle à l’éducation de sa famille et il y en a peu qui en ayent eu autant ; elle n’a rien négligé ni rien espargné pour nous rendre tous honestes gens et elle a travaillé dans tous les temps avec une application singulière et une tendresse qui ne s’est jamais démentie à nous inspirer des sentiments de religion, d’honneur et de probité.

Lorsque je fus capable de quelque chose de plus, mon père, ne pouvant pas me donner tout le temps qu’il auroit voulu parceque les occupations du palais luy en enlevoit (sic) pour lors beaucoup, il fut forcé de me donner un précepteur qu’il renvoia bientost après mal satisfait du peu d’attention qu’il avoit à m’instruire ; il ne fut pas plus content de celuy qui prit sa place, car comme il veilloit autant que ses affaires pouvoient le luy permettre, sur tout ce qui me regardoit, qu’il me faisoit par temps reciter mes leçons et qu’il jettoit quelquesfois les yeux sur mes thèmes, il s’apperceut que ce second précepteur me negligoit (sic) et il le congédia. Le troisiesme ne fit guieres mieux il ne fut pourtant pas renvoié parce qu’étant tombé malade à Marmande pandant les vaccations et les cours estant sorties de Bordeaux (où la famille ne retourna plus depuis) à la Saint-Martin il demanda se retirer et je n’eus plus au logis de précepteur. J’avoue qu’un bon précepteur est d’un grand secours à un jeune homme lorsqu’il a l’esprit juste, les mœurs bonnes, de la capacité et de l’érudition, il donne à son disciple des principes de vertu, de piété, de politesse et de littérature qui ne s’effacent jamais tout à fait, mais il est si rare d’en trouver de tels, que je croy qu’il est plus avantageux et pour l’escolier et pour la famille de s’en passer que de courre le risque d’en prendre quelqu’un qui soit d’un mauvais caractère.

En novembre 1675 le roy sortit les cours supérieures de Bordeaux et la Cour des Aydes fut transférée à Libourne. Nous estions pour lors à Marmande où nous venions régulièrement passer le temps des vacations et d’où la famille n’est pas depuis sortie. Le précepteur que j’avois dans ce temps se retira peu après, et mon père m’envoia en classe premièrement chès Mr Dupreau et ensuite chès Mr Lamolère, régent de lad[ite] ville de Marmande ; j’estudiai sous ce dernier jusques à ce que mon père me mena luy mesme à Condom pour y faire la retorique chès les pères de l’Oratoire où il me mit en pension en 1679[1].

Sur la fin de 1679 j’allai à Agen étudier en philosophie chès les pères Jacobins[2] ; je ne fis qu’un cours d’un an sous le père Coronat, sous lequel j’escrivis. Je soutins un (sic) thèze de logique dans le caresme, ci le [vide dans le manuscrit] du mois d’aoust 1680 je soutins un acte particulier dédié à Mr l’évesque qui estoit pour lors Monsieur Mascaron et led[it] père Coronat me donna ses lettres testimoniales.

Comme j’estois trop jeune pour aller estudier en droit, ne pouvant estre receu avocat qu’à 21 ans suivant la déclaration du roy [vide dans le manuscrit], mon père, par l’avis de Monsieur de Mascaron, me fit estudier pendant deux ans en théologie chez les mesmes pères Jacohins d’Agen. J’eus pour professeurs le père Laborde et le père Coronat. Ce dernier me donna encore des lettres testimoniales d’estude.

Dans le mois de novembre 1682 j’allai à Cahors commencer mon droit. J’estudié les deux premières années sous Mr Dupuy et Mr le Franc de Caix[3], et sur la fin de lad[ite] seconde année, c’est-à-dire en 1684, je pris le bacalaureat après avoir subi un examen particulier et soutenu publiquement une theze le 18 du mois de may de la sus[dite] année 1684. Je continué cette étude en 1685 sous les mesmes professeurs et je pris les leçons du droit français sous Mr Dolive qui en estoit le professeur et, après avoir subi un nouvel examen particulier et soutenu une nouvelle thèse, je fus fait licensié en droit civil et en droit canon le 9 juin 1685, muni des certificats d’estude que les trois professeurs susd[its] me donnèrent. Il me fallut encore avoir celuy de Messieurs du parquet de Tolose parceque Cahors est du ressort de ce parlement : ils me le donnèrent le 19 juin 1685 et quand j’eus cette pièce, je m’en retourna à Marmande portant avec moy mes lettres de bachelier et de licensié et toutes les autres pièces, titres et certificats.

Le second juillet 1685 je fus receu avocat au parlement de Guyenne lors séant à la Réole et l’arrest porte que je serai immatriculé suivant l’ordre de mes degrés et par preferance neanmoins à ceux qui furent receus dans la mesme audience attendu que j’estois fils d’un officier en cour souveraine.

Je resté à Marmande l’année 1686, et en 1687 ; je commencé a suivre le barreau à la Réole où je passé une partie assès considérable de cette année et de toutes celles pendant lesquelles le parlement y demeura. Quand il fut retabli à Bordeaux, j’y suivis encore le barreau pandant quelque temps et enfin je me retiray tout à fait à Marmande où je fis avec quelque agrément la fonction d’avocat.

En février 1699 il me prit envie d’aller suivre le barreau du parlement de Tolose. Je m’embarquay pour cet effet avec M. Bazin l’adv[oca]t Ie 7 dud[it] mois ; nous demurames là jusques la Saint-Jean et nous en revînmes ensemble. Ce voyage m’a esté assès inutile et j’eusse mieux fait de ne le faire pas.

Depuis mon retour de Tolose j’ay toujours resté à Marmande où je continué à faire les fonctions d’avocat jusques à la mort de mon père excepté que je ne voulus jamais sortir de lad[ite] ville pour aller en arbitrage dans les villes circonvoisines ou à la compagne ni servir d’assesseur ou d’adjoint en qualité de gradué dans les affaires criminelles.

Mon père mourut à Marmande le 18 septembre 1708 âgé de 68 ans 8 mois moins 10 jours et fut enseveli aux Carmes dans le tombeau de la famille[4], Il avoit fait son testament 5 ans et demi auparavant par lequel il faisoit des legs particuliers à chacun de mes frères et sœurs. Il me laissait son office de conseiller à la Cour des Aydes dont il devint doyen 8 ou 9 mois avant sa mort. Il donnoit à ma mère la jouissance de tous ses biens, la priant de fournir aux frais de mes provisions et de ma réception, et l’instituoit son héritière générale et universelle, la priant néanmoins de me remettre son hérédité quand elle voudroit. Voyès ci-après l’article de ma famille.

Après la mort de mon père et le 30 septembre 1708, ma mère donna sa procuration pour me présenter au roy et à Mgr le Chancelier pour avoir, tenir et exercer l’office de Con[seill]er en la Cour des Aydes de Bord[eau] dont mon père estoit mort vestu. J’envoyé cette procuration avec mes lettres de baccalauréat et de licence, mon arrest de réception à prester le serment d’avocat, mes certificats d’estude et de fréquentation du barreau, mon extrait baptistaire et généralement toutes les pièces nécessaires à M. Lamolere, secrétaire du roy à Paris par la médiation de M. le président Barbot. Mes provisions furent expédiées le 15 de no[vem]bre 1708 et enregistrées le 17 du mesme mois. Je les receus le 22 et la veille de la Noël je les présenté à la Cour des Aydes avec une req[ue]te tendante à ce qu’il luy plust de me recevoir en lad[ite] charge ; je ne fus pourtant receu que le 19 février 1709 à cause d’une contestation qu’il y eut entre Mr Leblanc et moy pour la presseance. Mr Leblanc, aussi fils de maistre, prétendoit que son père estant en vie il devoit me précéder, je soutenois au contraire qu’ayant esté présenté au roy presque d’abord après la mort de mon père et mes provisions estant antérieures à celles de M. Leblanc, je devois l’emporter. Nous écrivismes l’un et l’autre à Mgr le Chancelier et M. le président Barbot aussi au nom de la Compagnie ; par une première lettre il décida en ma faveur, mais par une seconde sur des raisons assés mauvaises que Mr Suduiraut, premier président, qui voulut faire plaisir à Mr Leblanc, escrivit à son retour de la campagne à M. le Chancelier, il donna la presseance à M. Leblanc qui fut receu le 18 fevrier et moy le lendemain. Les frais de l’obtention de mes provisions ou de ma réception allèrent à près de mille écus.

Je fis une faute que j’exhorte fort tous mes descendants de ne jamais faire, c’est que je ne piqué (sic) pas le Code et que je pris ma loy au hazard. Il me fallut assommer d’estudier ; j’en usé de mesme à l’esgard des trois parties du Digeste. Il y eut dans ce procédé trop de présomption de ma part. Je reconnois que je fis mal. Cependant je fus assés heureux pour que Dieu me fit la grâce de sortir assez bien d’affaires.

Je fis enregistrer mes provisions à la Chambre des Comptes à Paris, le six mars 1709 et au bureau des finances à Bord[eau]x, le 17 juin aud[it] an. MM. les trésoriers le firent gratis. Voyés ci-après dans un article séparé ce qui regarde mon office.

J’obtins aussi des lettres d’intermediat pour jouir des gages attachés à mon office depuis le 18 septembre 1708, jour du décès de mon père, jusques à celuy de ma réception qui fut le 19 février 1709 ; elles me coustèrent de l’argent et sont datées du 15 mars 1709 ; elles furent enregistrées en la Chambre à Paris, le 16 avril, aud[it] an. Cella me cousta encore de l’argent, et au bureau des trésoriers gratis, le 27 juin 1709.

Je me marié avec Mlle Boutin[5], le 26 aoust 1722, c’est-à dire que la bénédiction nuptiale nous fut impartie ce jour-là dans l’élise paroissielle de Saint-Vivien[6], où ma femme faisoit sa résidence, par mon frère l’abbé Dorriolle, du consentement de M. le curé de cette paroisse.

Nous avions auparavant fait proclamer les bans de nostre mariage, ma femme à Saint-Vivien pendant trois dimanches et moy aussy trois fois à Marmande où je réside quelque partie considérable de l’année en famille et dans ma maison. Je les fis aussi proclamer à Bordeaux une fois et pris dispense des deux autres. On me conseilla de faire faire ces proclamations à Saint-Projet, qui est ma paroisse et parceque j’ay à Bordeaux mon domicile de dignité en qualité de conseiller à la Cour des Aydes et parceque je suis sensé (sic) y habiter et parceque j’y demure véritablement une partie de l’année, mais seul et sans famille.

M. Bignon, qui estoit curé de Saint-Vivien, ne voulut rien pour ses droits. Il ne voulut pas mesme prendre un des treize louis d’or que je donné pour arres à ma femme parcequ’on en donne à Saint-Vivien quoyque M. Doriolle et moy le luy eussions offert tous les deux et l’eussions pressé de l’agréer.

Nos articles de mariage furent signés le 9 juillet et le contrat de mariage fut passé le 25 aoust suivant de l’année 1722, veille de nos noces. Ce contrat a été retenu par Me Robert, notaire royal de Monségur. Voyés ci-après dans un article séparé ce qui regarde mon mariage par rapport à la constitution faite à ma femme.

J’ammenay ma femme à Marmande le [vide dans le manuscrit] 1712. Son cousin Du Luc[7] et quelques autres ses parents et parentes l’y accompagnèrent et quelques-uns des miens nous vindrent au-devant, les uns à Beaupuy, les autres au bas du vignoble. M. de Villepreux s’en vint de Saint-Vivien avec nous. Ma sœur avoit resté à Marmande à cause de ses indispositions. M Doriolle et Mlle Beaufossé y estoint retournés 3 ou 4 jours après nos noces pour tout préparer à la maison, et M. Grayon, mon frère, qui estoit allé avec M. l’abbé Doriolle, Mlle Beaufossé et moy à Saint-Vivien lors de la signature de mes articles de mariage, ne put pas y aller pour les noces ni se trouver aux ammenances[8] parcequ’il estoit malade chés luy à Grayon. M. l’abbé nous vint pourtant joindre avec M. Salles.


MA FAMILLE.


Ma famille comprend mon père, ma mère, mes frères et sœurs, ma femme et mes enfants. Je ne parlerai dans cet article que de mon père, de ma mère, de mes frères et de mes sœurs, Je parlerai de ma femme et mes enfants dans deux autres articles séparés.

Monsieur Jacques Fontainemarie, mon père, seigneur de Castecu, conseiller du Roy en la Cour des Aydes et Finances de Guyenne, mourut à Marmande, âgé de 68 ans, 8 mois moins dix jours et doyen de lad[itel Cour, le 18 septembre 1708. environ les [vide dans le manuscrit] heures après midi il fut enseveli aux Carmes, dans le tombeau de famille qui est sous nostre banc.

Il avoit fait, escrit et signé son testament sans l’avoir pourtant clos, le 7 mars 1703 ; il le remit le mesme jour entre les mains de Me [vide dans le manuscrit] Laroque, not[ai]re royal de Marmande, qui luy en donna acte qui fut signé par mon père, par sept témoins et par le[dit] notaire.

Par ce testament qui contient la dernière volonté de mon père, outre plusieurs legs pies qu’il laissa et que ma mère a tous acquittés, il donne à M. l’abbé Fontainemarie, sieur Doriolle, à M. Jean Fontainemarie, sieur de Grayon, à Mlle Jeanne Fontainemarie et à Mlle Catherine Fontainemarie, mes frères et sœurs, les seuls enfants qui lui restoint et à chaqun d’eux la somme de 4, 600 livres payables en la manière portée par son testament et outre ce il donne à mon frère l’abbé, auquel le susd[it] legs doit tenir lieu de remplacement de la moitié de son titre clérical, l’habitation pendant sa vie de la chambre du milieu du vieux bâtiment qui regarde sur la Cour avec l’antichambre qui est sur le degré et les meubles qui s’y trouveront après le décès de ma mère, hors le cabinet aux livres qui pourra rester, si je le veux ainsi, dans lad[ite] chambre ; il veut encore que M. l’abbé jouisse pendant sa vie d’une de ses granges qui touche celle de la veuve du sieur Marres.

Mon père donne aussi la jouissance de ses biens à ma mère et la prie de me faire recevoir dans sa charge de conseiller, d’en faire tous les frais soit pour les provisions, soit pour la réception. Il me laisse les anciens gages attribués à l’office de conseiller et me donne ses livres. Il fait ma mère son héritière et la prie de remettre son hérédité quand elle voudra.

Madame Jeanne de Saint-Angel, ma mère, mourut à Marmande, âgée de [vide dans le manuscrit] le 13 aoust 1616 environ les 4 heures après midi. Elle fut ensevelie dans l’église des pères Carmes de la mesme ville et dans la sépulture[9] de la famille qui est sous nostre banc.

Elle avoit fait son testament le [vide dans le manuscrit].

Monsieur Etienne Fontainemarie, mon frère, appellé dans la famille M. Castecu, mourut à Phalsebourg (sic)[10], âgé de 37 ans, 4 mois moins dix jours, le 28 septembre 1702. Il estoit capitaine au premier balaillon du régiment de Foix. Il ne fit point de testament parceque mon père et ma mère estoint en vie et qu’il n’avoit rien gagné au service.

MON MARIAGE.


Je passé et signé des articles de mariage avec Mademoiselle Marie Marguerite Boutin, fille de Monsieur Blaise Boutin, de Saint-Vivien, et de demoiselle Louise Calabre[11], ses père et mère, âgée d’environ 27 ans, le 9 juillet 1722.

Le contrat portant la remise et l’approbation de ces articles et de tout le contenu en iceux fut passé le 25 aoust 1722, veille de nos noces, devant Me Robert, notaire royal de Monségur, et le 26 aoust aud[it] an nous épousasmes dans l’église paroissielle de Saint-Vivien. Mon frère, Monsieur l’abbé Doriolle, nous impartit la bénédiction nuptiale du consentement de M. le curé de cette paroisse. J’ay expliqué au troisiesme feuillet du commencement de ce livre comment cella s’estoit passé, ce qui avoit précédé cette cérémonie, et les manières honnestes dont M. le curé en avoit usé a nostre égard.

Par ce contract de mariage M. et Mlle Boutin constituent conjointement et solidairement à ma femme la somme de 30, 000 livres en payement de laquelle jusques à concurrence de la somme de 20, 000 livres (les 10, 000 livres restantes ne devant estre payées qu’après le décès du dernier mourant des constituants), ils luy donnent la métayrie de Saint-Seve, jurisdiction de la Réole, pour 6, 000 livres et celle de Castelnaut avec tout ce qu’ils possèdent dans le bourg et jurisdiction pour 4, 000 livres, avec faculté à moy de vendre lesd[its] biens fonds en la manière expliquée dans le susd[it] contract ou articles de mariage. Luy donnant encore la veille des noces ou quoyque ce soit à moy la somme de 5, 000 livres en espèces d’or ou d’argent, ce qu’ils firent effectivement et led[it] contract de mariage en porte quittance, et les 5.000 livres restantes pour faire les vingt payables dans dix ans aussi en espèces sonnantes et sans aucune sorte de billets.


MES ENFANTS.


Jean-Baptiste Fontainemarie, nostre premier enfant, né le 24 juin 1723, jour de jeudi, à Marmande. — Le 24 juin 1723, à une heure et demie après midi ou environ, ma femme accoucha d’un garçon qui fut baptisé le 26 du mesme mois par Monsieur l’abbé Fontainemarie, mon frère, dans l’église paroissielle de la ville de Marmande. On luy donna le nom de Jean-Baptiste ; il a pour parrain mondit sieur l’abbé Fontainemarie (et parce qu’il fit le baptesme M. Villepreux de Marmande tint sa place) et pour marraine Mademoiselle Boutin, son ayeule maternelle. Cet acte baptistaire (à l’occasion duquel il y a eu quelque contestation dont on trouvera l’origine, la suite et la fin au commencement de ce livre feuillet [vide dans le manuscrit]) fut signé par celuy qui représentoit le parrain, par la marraine, par M. Gautier, curé de Beissac[12], par M. Brezets, un saint prestre, et par M. Lachaussée, vicaire de semaine, ces trois derniers comme témoins de faction, par mon frère qui fit le baptesme et par moy père de l’enfant qui est le premier dont ma femme a accouché.

Cet enfant, nommé Jean-Baptiste Fontainemarie a esté d’abord mis en nourrice à Grayon où il est nourri par la femme de Berdoulet qui luy donne son laict,

Ma femme et moy l’avons voué au blanc à l’honneur de la Sainte Vierge jusqu’à l’âge de sept ans. Le [vide dans le manuscrit] 1724, je luy ay fait donner le scapulaire chés les Carmes de cette ville de Marmande. Le Père Simon Brousse l’en revestit en présence du prieur et de presque toute la communauté qui assista à la cérémonie. Le 26 juin 1725, ma femme retira cet enfant bien sevré de la nourrice et le fit porter au logis.

Jeanne Fontainemarie, nostre second enfant, née le vendredi neuf juin mille sept cents vint-quatre à Marmande, mariée avec M. de Villepreux, écuyer, nostre couzin, à Marmande, le 10 avril 1742. — Le 9 juin 1724, à six heures et demie du matin ou environ, ma femme accoucha d’une fille qui fut baptisée dans l’église parroissielle de Marmande le 11 du mesme mois, par M. Boc, vicaire de semaine. On luy donna le nom de Jeanne, elle a pour parrain M. Boutin, son ayeul maternel, et pour marraine ma sœur, Mlle Jeanne Fontainemarie. C’est le second enfant dont ma femme a accouché. Cette fille, nommée Jeanne Fontainemarie, a été d’abort mise en nourrice à Fourques, juridiction de Caumon[13] où elle est nourrie par la femme de Pierre Mimaut, brassier, appelée Marie Lagraulet qui luy donne son laict. Elle fut sortie de la nourrice le mois de mars 1726 et menée à Marmande chez nous toute sevrée par sa nourrice. Vers la fin du mois de juin 1726, Mlle Boutin[14], qui nous vint voir le dimanche dans l’Octave de la Feste-Dieu et qui s’en retourna 3 ou 4 jours après, s’emmena[15] cette petite par ordre de M. Boutin qui nous la demanda pour toujours dès qu’elle fut née et encore diverses fois pendant qu’elle estoit en nourrisse. Il dit qu’il luy veut laisser tout son bien. C’est luy qui la nourrit et luy fournit tout ce dont elle a besoin. Ragot, nostre munier de Drilhot[16] et Bernard Seguin, son valet, emportèrent cette enfant chès mon beau-père où elle reste toujours depuis.

Catherine Fontainemarie, nostre troisiesme enfant, née le 26 janvier 1726, jour de samedi à Marmande, mariée, le 11 juin de l’année 1743 avec M. Boutet de Labadie, procureur du Roy au siège royal de la ville de Marmande. — Le vint-six janvier mille sept cents vint-six, entre onze et douze heures du soir ou environ, ma femme accoucha d’une seconde fille qui fut baptisée dans l’église parroissiele de Marmande le 28 du même mois, jour de lundi, par M. Doriolle, mon frère, du consentement de M. Delbès qui prit ce jour la possession de la cure de Marmande. On luy a donné le nom de Catherine. M. Boutin, son ayeul maternel, est son parrain, et ma sœur, Mlle Catherine Fontainemarie, appelée Mlle Beaufossé, sa marraine. Cette petite fut mise en nourrice à Birac le 29 du mesme mois de janvier où elle est nourrie par la femme de [vide dans le manuscrit] Bazats, cordonier, demurant au bourg dud[it] lieu qui luy donne son lait. C’est le troisiesme enfant dont ma femme a accouché à Marmande le 10 juillet 1726, ma femme osta sa fille de cette nourrisse et luy en donna une autre qui est la femme de [vide dans le manuscrit] demurant à Gaujac au delà de la Garonne »[17].

Blaise Fontainemarie, notre quatriesme enfant, né à Marmande le 12 janvier 1727, jour de dimanche. — Le 12 janvier mille sept cent vint sept, entre quatre et cinq heures du soir, ma femme accoucha à Marmande d’un garçon qui fut baptisé dans l’église paroisiele de Marmande le 14 du mesme mois par M. Doriolle, mon frère, du consentement de M. Delbès, curé dud[it] Marmande, qui sachant lorsqu’il partit pour Agen que ma femme approchoit de son terme, donna ordre à Antoine Soliey, son sacristain, de venir au logis, dès qu’elle seroit accouchée, prier de sa part mon frère de faire ce baptême, ce que led[it] sacristain fit. On luy a donné le nom de Blaise. M. Boutin, son grand-père maternel, est son parrain, et Mlle Catherine Fontainemarie, ma sœur, appelée Mlle Beaufossé, sa marraine. C’est le quatriesme enfant dont ma femme a accouché ; il a esté mis en nourrisse à Caubon et c’est la femme de [vide dans le manuscrit] Saubiac, demurant an village des Billaus, qui luy donna le lait ; elle remporta cet enfant le 16 dud[it] mois de janvier.

(Renseignements successivement ajoutés à la même page, par Jean-Baptiste de Fontainemarie, continuateur, après sa mère, du mémorial de son père) :

Après avoir fait sa philosophie au collége des Jésuites à Bordeaux, il voulut prendre le party du service. Ma mère le luy permit après bien des instances ; il partit le 27 mars 1745 pour se rendre à Gand, où étoit le régiment de Normandie dans lequel il entra en qualité de volontaire ; il se trouva, le 13 may suivant, à la fameuse bataille de Fontenoy[18], où il y fut blessé[19]. Ma mère lui acheta une compaignie, et, pour cet effet, elle luy envoya huit mille livres, dont il en accusa la réception le 25 décembre de l’année 1747. Peu de temps après, c’est-à-dire à la paix, il fut réformé ; il servit cependant en qualité de capitaine en second jusques en 1754 que je luy envoyé quatre mille cinq cens livres pour l’achat d’une seconde compagnie qu’il conserve encore actuellement ; il est en garnison à Dunkerque ce 6 aoust 1759.

Ce 6 janvier 1761, mon frère est arrivé icy bien incommodé d’une blessure qu’il reçut le 15 d’octobre dans une affaire qui se passa contre le prince de Brunsvik[20]. Il resta à Meurs, petite ville[21] jusqu’à ce qu’il fut en estat de voyager. Sa blessure consiste au menton par une bale qui le luy persa et qui luy tomba dans la poitrine. Il est chevalier de l’Ordre de Saint Louis. Cette croix luy a été donnée de grâce, n’ayant que 17 ans de service. M. d’Auber de Peyrelongue le reçut chevalier par ordre du Roy[22], il reçut ici sa croix dans le mois de mars suivant. Il s’est retiré du service et demande une pension. Il a retiré 30, 000 livres de sa compagnie, que le premier lieutenant luy a donné.

« Le 24 aoust suivant, il a sorty du logis où il a resté depuis le 6 de janvier luy et son domestique ; il a esté nourri, logé et blanchy, ainsi que son valet, sans qu’il luy en ait rien cousté. Il est allé loger dans sa maison au canton et manger chés Mme de Villepreux, ma sœur, à qui il donne 500 livres de pension. Ma mère luy a cédé la jouissance de cette maison à l’exception des greniers.

Il s’est marié, ce 17 décembre 1764, dans la paroisse de Cadillac sur Garonne, près Bordeaux avec dem[oise]lle Angélique Duluc, fille de feu M. Duluc, Conseiller en la Cour des Aydes de Guyenne. On luy a constitué vint mille livres sur laquelle somme il toucha au passement (sic) du contract six mille livres ou d’abord après. La dem[oise]lle a de plus cent pistoles, que son oncle Duluc, chanoine à Cadillac, luy a laissé de présent[23].

Marie-Anne Fontainemarie, nostre cinquiesme enfant, née à Marmande, le 24 octobre 1728, jour de dimanche. Elle mourut le 13 octobre 1728[24]. — Le vint quatre octobre mille sept cents vingt huit, entre quatre et cinq heures du matin, ma femme accoucha à Marmande d’une fille qui fut baptisée dans l’église parroisiele de lad[ite] ville, le vint-six du mesme mois par M. le curé Jean-Baptiste Fontainemarie, l’ainé de nos enfants, et son parrain et Marie Espagnet, femme de chambre de ma femme, sa marraine. C’est le cinquiesme enfant dont ma femme a accouché. Elle luy a fait donner le nom de Marie-Anne et l’a mise en nourice à Birac et l’a donnée à [vide dans le manuscrit].

Le samedi 13 novembre mille sept cents vint huit vers les 3 heures après midi Marie-Anne Fontainemarie, nostre cinquiesme fille, mourut âgée de trois semaines moins quelques heures chés sa nourrice. Elle a été ensevelie à Birac et M. l’abbé Doriolle, mon frère, assista à sa sépulture.

Marguerite et Marie Fontainemarie, nos sixiesme et septiesme enfants, nées toutes deux à Marmande le 10 octobre 1730. — Le dix octobre mille sept cents trente, ma femme accoucha à Marmande de deux filles ; l’une naquit entre trois et quatre heures du matin et l’autre vers les cinq heures ; elles furent toutes les deux baptisées le mesme jour et vers les deux heures après midi par M. le curé de Marmande. La première née eut pour parrain M. Berguin le père et pour marraine Mlle Jeanne Berguin, sa fille ainée et fut nommée Marguerite (nous l’appelons Angélique) et la seconde qui vint au monde eut pour parrain le mesme M. Berguin et pour marraine Mlle Marie Oddoux et fut nommée Marie-Anne (elle n’est appelée que Marie sur le registre[25].) La première fut mise le mesme jour en nourrisse à Sainte-Abondance[26] et donnée à [vide dans le manuscrit] et la seconde a pour nourrice [vide dans le manuscrit] femme de [vide dans le manuscrit] demurant dans la parroisse de Birac.

  1. C’était alors un des plus florissants de tous les établissements d’instruction publique du Sud-Ouest. Voir dans la Revue de Gascogne de 1887 la remarquable étude consacrée par M. Joseph Gardère au Collège de Condom sous les oratoriens
  2. Voir Notice sur le Collège d’Agen depuis sa fondation jusqu’à nos jours (1581-1888), par M. Philippe Lauzun (Agen, 1888). M. Lauzun s’est montré, dans ce travail, le digne émule de son ami M. Gardère.
  3. Sur les professeurs Antoine Dupuy et Jean le Franc de Caix, voir l’Histoire de l’Université de Cahors, par MM. J. Baudel et J. Malinowski (Cahors, 1876, grand in-8º, p. 153-156),
  4. Déjà, en décembre 1643, Jean Fontainemarie, le grand père de Jacques, voulut que son corps fût « enseveli aux thumbes de mes prédécesseurs qui sont au couvent des Peres Cordeliers de la présente ville ».
  5. Voir un peu plus loin les renseignements donnés par le narrateur sur sa femme.
  6. Commune du département de la Gironde, arrondissement de la Réole, canton de Monségur, à 4 kilomètres de cette ville.
  7. S’agit-il là du conseiller à la Cour des Aides de Guyenne qui va être mentionné dans une des pages suivante ?
  8. Ce mot n’a été recueilli ni dans le Dictionnaire de Trévoux, ni dans le Glossaire de la Curne de Sainte-Palaye. Isaac de Pérès l’ayant employé au sujet du mariage (mai 1597) de la fille de Georges Du Bourg, gouverneur de l’Isle-Jourdain, avec un Du Pouy de Bonnegarde (Chronique, Agen, 1882, p. 61), j’ai rappelé (Ibid, note 2) que le mot se maintient dans le langage populaire, et que Gabriel Azaïs le mentionne, avec la signification de fêtes de noce (Dictionnaire des idiomes romans du midi de la France). J’aurais pu ajouter que Frédéric Mistral le donne aussi dans son Dictionnaire provençal-français, où il cite ce vers d’Augier Gaillard, lou roudié de Rabastens :
    Ah ! ieu vouldrio be qu’el fous à las amenanços.
  9. Sépulture est employé là par abus pour tombeau.
  10. Phalsbourg, en Lorraine.
  11. Louise Calabre était fille d’un juge de Castelnau-sur-Gupie.
  12. Bayssac est une section de la commune de Marmande, avec paroisse.
  13. Fourques et Caumont sont deux communes de l’arrondissement de Marmande, canton du Mas-d’Agenais.
  14. C’est-à-dire Louise Calabre, femme du sieur Boutin et mère de madame de Fontainemarie.
  15. Pour : emmener avec elle. Ce gasconisme fleurit encore de nos jours sur les bords de la Garonne.
  16. Le moulin à eau de Drilhot, souvent mentionné dans les papiers de Fontainemarie, faisait partie du domaine de Castecu. Il n’était pas encore annexé à ce domaine en 1577, comme nous l’apprend un acte des archives de M. Maurice Boisvert que j’analyserai en deux lignes : le 27 décembre 1577, Benoit Seguin, habitant de Mauvezin, donne par échange à André Seguin, habitant de Sainte-Bazeille, le moulin de Drilhot avec ce qui en dépend. Jacques de Fontainemarie a ainsi résumé deux pièces de la fin du XVIIe siècle relatives à l’ancien moulin de Seguin « Par contrat du 10 juin 1686, receu par Prioret, notaire royal de Castelnaud-sur-Gupie, j’ay affermé mon moulin de Drilhot pour six années au nommé Jean Goymart moienant seize boisseaux mesture, et deux boisseaux de froment bon et marchand annuellement, deux paires d’oisons et quatre paires de poulets. Le 2 novembre 1692, j’ay affermé mondit moulin à Jacques Peluchon et à Guiraut Vinsouneau dit Sauton, pour six ans, soubs les mesmes clauses et conditions. »
  17. Commune de l’arrondissement de Marmande, canton de Meilhan, à 5 kilomètres de Marmande.
  18. Il est impossible de ne pas citer à propos de la bataille de Fontenoy, l’émouvant et éloquent récit de M. le duc de Broglie, récit qui doit être mis à jamais au nombre des plus belles pages de notre littérature.
  19. Suivant une tradition de famille recueillie de la bouche de M. G. de Colombet, le blessé était étendu sur le champ de bataille parmi les morts quand le maréchal de Saxe, venant à passer auprès de lui, crut voir qu’il s’agitait et dit : enlevez cet homme qui respire encore et ayez en grand soin. Le blessé de Fontenoy était le beau-frère du grand-père de M. de Colombet.
  20. Cette affaire est le combat de Clostercamp, auquel se rattache l’immortel souvenir du dévouement du chevalier d’Assas. Auprès du capitaine Blaise de Fontainemarie fut blessé à Clostercamp un de ses compatriotes, mon bisayeul maternel, Jacques-Philippe de Vivie, capitaine au régiment de Normandie. Les deux voisins, les deux blessés furent nommés chevaliers de Saint-Louis.
  21. Aujourd’hui Moïs, ville de la Prusse occidentale, à 30 kilomètres de Düsseldorff.
  22. C’était François d’Auber, écuyer, seigneur de Peyrelongue, ancien major de cavalerie au régiment de Vogué, chevalier de Saint-Louis. M. le comte Albert d’Auber de Peyrelongue conserve, dans ses archives, la lettre par laquelle Louis XV chargea François d’Auber, le 7 mars 1761, de « recevoir et admettre la dignité de chevalier de l’ordre militaire de Saint-Louis, le sieur Blaise de Fontainemarie, capitaine dans mon régiment de Normandie, »
  23. Je complète ce paragraphe à l’aide d’une note rédigée par l’époux lui-même et qui m’a été communiquée par M. le docteur d’Antin : « La nuit du 17 au 18 décembre 1769, j’ay épousé demoiselle Catherine Du Luc, native de Bordeaux, paroisse Saint-Michel, née le 15 juin 1731 et baptisée à Saint-André, fille de messire Du Luc, conseiller du roi en la Cour des Aydes de Guienne et de dame Louise de Bazin. M. le chanoine Faget, cousin germain de ladite demoizelle, nous a imparti la bénédiction nuptiale à la paroisse de Loupiac, près Cadillac sur Garonne. » Sur Blaise de Fontainemarie, sieur de Seguin et de la Sauviolle, mort dans sa maison de Seguin, le 10 vendémiaire, an VII, et inhumé dans le cimetière de Mauvezin, et sur sa descendance, voir les détails aussi exacts qu’abondants réunis par M. l’abbé Alis dans sa Notice sur son ancienne paroisse (p. 436-440).
  24. Note Wikisource : L’auteur ou le copiste a fait une erreur de date, dans la suite du texte, on peut constater qu’elle est décédée le 13 Novembre 1728.
  25. (Note ajoutée par le frère des deux jumelles, Jean-Baptiste de Fontainemarie) :
    Toutes les deux sont religieuses. Marguerite de Fontairemarie est à Agen, au couvent des Carmélites ; depuis elle fit sa profession en juillet de l’an 1757. Elle donna quatre mille livres pour son aumône dotale, ainsi qu’il est porté par la quittance, en datte du 23 juillet 1757 et que j’ay, plus six cens douze livres, pour son ameublement, pension de noviciat et autres frais.
    Marie de Fontainemarie est au Mas d’Agenais, au couvent des dames Jacobines, où elle fit sa profession religieuse le 9 avril 1756. Elle donna trois mille livres pour son aumône dotale, ainsi qu’il est porté par la quittance, en date du 8 avril 1756, que j’ay. Plus je luy donné 1, 200 livres pour son ameublement et autres frais. Je luy donne sa vie durant cent francs par an, que je luy paye et payeray régulièrement. »
  26. Sainte-Abondance est une paroisse du canton de Marmande, à 4 kilomètres de cette ville.