Lettres de Fadette/Troisième série/05

Imprimé au « Devoir » (Troisième sériep. 11-13).

V

« Et là-bas il vit une petite lumière… »


Beaucoup d’entre nous font de longs et fatigants voyages dans les régions noires. Nous allons curieux, inquiets et bientôt las, questionnant en vain pour comprendre les choses obscures, et dans le mystère qui nous enveloppe et l’inconnu qui nous régit, nous ressemblons à de pauvres êtres égarés et découragés qui renoncent à trouver leur chemin.

Mais comme dans le joli conte de notre enfance, une petite lueur apparaît, bien loin, bien loin, elle nous attire et nous nous relevons : nous marchons vers elle, oubliant l’inconnu qui nous tourmentait si fort. À mesure que la lumière grandit, nous marchons avec plus de vaillance, nous abandonnons les sentiers où nous avions voulu éviter la foule que nous dédaignions, et nous voilà sur la grande route, vers la lumière qui nous attire toujours.

Dans l’action, en faisant notre devoir sans chercher à le discuter ou à comprendre pourquoi il nous fut imposé, nous montons, nous atteignons des hauteurs où l’on respire mieux, où l’on comprend plus facilement ce qu’il est utile de comprendre, où nous renonçons humblement à pénétrer les secrets de Dieu.

Je me disais toutes ces choses, hier, devant un coucher de soleil si beau que le vent qui passait s’est arrêté pour contempler la beauté des choses touchées par les rayons de feu. Oui, si nous étions plus humbles, nous serions plus simples, et si nous étions plus simples, nous serions meilleurs. Au lieu de spéculer sur les mystères troublants de la vie, nous aiderions les autres à vivre et nous chercherions à faire de notre vie une chose complète et harmonieuse.

Il est tant d’heures où le surnaturel se dégage de nous, de la réalité autour de nous, de toutes les choses qui nous frôlent, que cette sensation de la présence Divine devrait nous rendre confiants et calmes entre les mains de Dieu comme le petit enfant dans les bras de sa mère.

Voilà que bientôt nous jouirons du printemps qui se prépare à rayonner, à chanter, à fleurir… tout le mystère qui transforme la terre ne nous inquiétera pas cependant, nous l’accepterons, ravis, et il nous suffira de nous sentir bien vivants dans la douceur de l’air et la beauté des choses, et c’est bien ainsi.

Ne nous tourmentons pas davantage des autres secrets de Dieu : Il ne nous a pas demandé de comprendre mais de L’aimer et de nous aimer les uns les autres. Quand nous aurons bien pénétré le sens de ce commandement, nos vies seront transformées. Il n’y a pas de jours inutiles, il n’y a pas de chagrins perdus, il n’y a pas de joies vaines ; chaque minute de la vie nous est donnée pour en faire quelque chose, et si nous perdons lamentablement notre temps en recherches oiseuses nous ne le retrouverons pas.

On nous a souvent dit cela : nous l’avons lu et entendu, mais sans intelligence, jusqu’au jour, où, d’un point plus élevé où nous sommes parvenus sans nous en douter, nous le sentons.

Après, tout va bien et rien ne se perd plus : l’âme est éveillée, active et occupée, car il y a en ce monde « beaucoup de choses à faire et peu de choses à savoir. »