Lettre de Marx Dormoy à Pierre Diot, 28 février 191?

Lettre de Marx Dormoy à Pierre Diot, pendant la Première Guerre mondiale (28 février 191?)
(p. 1-3).

Le 28 février

Mon cher Pierre,

Deux mots à la hâte pour me rappeler à ton bon souvenir. En ce moment, je n’ai guère le temps d’écrire ; je suis écrasé de besogne, cela te surprendra probablement.

Figure-toi que je ne suis plus à la compagnie, depuis déjà une douzaine de jours. Je suis détaché provisoirement à l’État-major du génie du Corps d’armée où je remplace un permissionnaire.

Je suis « spécialisé » sur la machine à écrire que je ne fais pas trop marcher. On m’a même dit que je faisais mieux que le soldat que je remplace — un cultivateur déjà âgé qui s’est mis à taper depuis quelques mois seulement. Aussi peut-être resterai-je quelque temps dans mon emploi. C’est possible, mais je n’en sais absolument rien.

Le travail ne manque pas par exemple : j’ai de quoi exercer mes doigts sur le clavier. Nous restons quatorze heures au bureau. C’est beaucoup sans doute, mais la vie est malgré tout plus agréable ici que dans les bois où seuls les rats et les sangliers nous tiennent compagnie. Évidemment nous sommes en pleine campagne, mais c’est une campagne située assez loin de la ligne de feu et où l’on rencontre des hommes habillés en hommes et aussi des femmes. J’ai eu aussi l’occasion d’y trouver Sinturel qui habite le même village que moi.

Mes meilleurs amitiés à Mme Diot.

Je t’embrasse bien affectueusement,

Marx Dormoy