Lettre 307, 1672 (Sévigné)

Texte établi par Monmerqué, Hachette (3p. 172-173).
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1672

307. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À ARNAULD D’ANDILLY.

À Aix, 11e décembre.

Au lieu d’aller à Pompone vous faire une visite, vous voulez bien que je vous écrive. Je sens la différence de l’un à l’autre ; mais il faut que je me console au moins de ce qui est en mon pouvoir. Vous seriez bien étonné si j’allois devenir bonne à Aix. Je m’y sens quelquefois portée par un esprit de contradiction, et voyant combien Dieu y est peu aimé, je me trouve chargée d’en faire mon devoir. Sérieusement les provinces sont peu instruites des devoirs du christianisme. Je suis plus coupable que les autres, car j’en sais beaucoup. Je suis assurée que vous ne m’oubliez jamais dans vos prières, et je crois en sentir des effets toutes les fois que je sens une bonne pensée.

J’espère que j’aurai l’honneur de vous revoir ce printemps, et qu’étant mieux instruite, je serai plus en état de vous persuader tout ce que vous m’assuriez que je ne vous persuadois point. Tout ce que vous saurez entre ci et là, c’est que si le prélat[1], qui a le don de gouverner les provinces[2], avoit la conscience aussi délicate que M. de Grignan, il seroit un très-bon évêque[3] ; ma basta[4].

Faites-moi la grâce de me mander de vos nouvelles : parlez-moi de votre santé, parlez-moi de l’amitié que vous avez pour moi ; donnez-moi la joie de voir que vous êtes persuadé que vous êtes au premier rang de tout ce qui m’est le plus cher au monde : voilà ce qui m’est nécessaire pour me consoler de votre absence, dont je sens l’amertume au travers de toute l’amour maternelle.

M. de Rabutin Chantal.

Suscription : Pour Monsieur d’Andilly, à Pompone.


  1. Lettre 307 (revue sur l’autographe). — 1. Voyez la Notice, p. 125 et suivantes, et particulièrement p. 127 et 128.
  2. 2. On lit dans l’autographe : « le dom de gouverneur les provinces. »
  3. 3. Mme de Sévigné avait d’abord répété le mot prélat ; puis elle l’a effacé, pour écrire évêque au-dessus.
  4. 4. Mais suffit.