Lettre 120, 1670 (Sévigné)

◄  119
121  ►

1670

120. — DU COMTE DE BUSSY RABUTIN
À MADAME DE SÉVIGNÉ.

Je fus six mois sans avoir de commerce avec Mme de Sévigné, après lesquels je lui écrivis cette lettre.

À Chaseu, ce 12e décembre[1].

Je ne fais que d’apprendre l’heureux accouchement de Mme de Grignan, dont je vous félicite, ma chère cousine. Ce n’est pas que vous ne m’ayez fort abandonné depuis six mois ; mais j’aime à faire toujours mon devoir avec mes amis, quand même ils se relâchent avec moi. Vous savez bien que je vous ai écrit le dernier. M. de Corbinelli a été à Bussy depuis : nous avons été fort aises de nous revoir, et vous jugez bien que la conversation ne languissoit pas trop entre nous ; vous en avez été le sujet souvent. J’ai reçu de ses nouvelles depuis peu, et j’espère de le revoir l’été prochain en Bourgogne. Cependant je m’amuse à mille occupations, les unes agréables, les autres utiles, et j’envisage d’un esprit clair et net ce qui se passe à la cour, c’est-à-dire les coups extraordinaires de l’amour et de la fortune. Tout cela, ma chère cousine, fait assez d’honneur aux gens malheureux du reste. Je vous avoue que cet honneur n’est pas un bien trop solide ; mais nous autres pauvres diables, nous nous consolons de ce que nous pouvons attraper.

Un de mes amusements, c’est de recueillir tout ce que je puis trouver de nos pères[2], et d’en faire une petite histoire généalogique qui ne vous déplaira pas.


  1. LETTRE 120. — 1. Dans le manuscrit, cette lettre est datée à tort du 22 décembre : la réponse de Mme de Sévigné (no 123) est du 19, et l’introduction de Bussy parle de huit jours d’intervalle.
  2. 2. Voyez la note 5 de la lettre 123.