Lettre à Ménage, n°13 (Sévigné)

Texte établi par Monmerqué, Hachette (1p. 423-424).
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45. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MÉNAGE.

Votre billet est le plus joli du monde, c’est ainsi que je vous conseille de les faire. Je suis ravie que mes petits yeux aient fait de si illustres conquêtes, et je me trouverois bien honorée s’ils portoient le désordre jusque dans le conseil d’en haut, mais je crains que l’histoire ne soit telle qu’à demi. En tout cas, je me contente de l’estime, et vous conjure de me la conserver, puisque c’est vous qui me l’avez acquise[1]. Pour M. de Noirmoutier[2], j’en prendrai le soin ; car il prend le chemin de venir céans, et c’est là que je l’attends pour lui gagner le cœur. Après tout, vous avez la gloire que j’ai été plus friande du vôtre que de tous les autres ; mais quelque honte qu’il y ait pour moi au temps que j’ai employé à l’acquérir, j’en suis toute consolée quand je songe à ce qu’il vaut.


  1. Lettre 45. — On a conjecturé qu’il s’agissait encore ici de l’estime de Servien : voyez le billet précédent.
  2. Louis de la Trémouille, marquis, puis, en 1650, duc de Noirmoutier, mourut le 12 octobre 1666, à l’âge de cinquante-quatre ans. Il était père de ce duc de Noirmoutier qui devint aveugle à dix-huit ans, de l’abbé de Noirmoutier, qui fut depuis cardinal, et de la princesse des Ursins.