Les misères des enfants trouvés (Sue)/IV/III

Administration de librairie (4p. 23-32).

CHAPITRE III.

La découverte. — Jérôme, le cocher. — La journée aux fiacres.

Après une nuit presque entièrement passée dans l’insomnie, occupé de chercher vainement le moyen de deviner et de conjurer le péril qui, je le pressentais, menaçait Régina, je me levai, ne comptant plus que sur le hasard d’une heureuse inspiration ; je me rendis chez le baron de Noirlieu, où je n’étais pas retourné depuis la commission que j’avais faite auprès de Melchior, le mulâtre, pour Robert de Mareuil ; j’étais préparé à l’inconvénient de me voir reconnu par Melchior, il n’en fut rien.

— Je viens, Monsieur, — lui dis-je, — de la part de Madame la princesse de Montbar, au service de qui je suis entré depuis hier, savoir des nouvelles de M. le baron de Noirlieu.

— M. le baron est toujours dans le même état, — me répondit brusquement le mulâtre ; — vous ferez part de cela à Madame la princesse.

Melchior avait l’air si rogue, si peu communicatif, qu’il me paraissait difficile d’engager quelque conversation avec lui ; néanmoins je repris :

— Je porterai cette réponse à Madame la princesse, qui en sera sans doute affligée.

— C’est probable, — me dit brusquement le mulâtre en me tournant le dos, après m’avoir du geste montré la porte cochère, car ceci se passait sur le perron du vestibule.

J’allais me retirer lorsque je vis venir le baron du fond de l’antichambre ; il portait une robe de chambre de flanelle grise et s’appuyait sur une canne ; il me parut encore plus abattu, plus cassé que lorsque je l’avais vu une année auparavant à la porte du Musée. La même farouche expression de tristesse contractait les traits du vieillard.

En entendant les pas traînants de son maître, Melchior parut vivement contrarié. Aussi, quoiqu’il m’eût impérieusement répété à voix basse : — Allez-vous-en… allez-vous-en ! — je restai, et j’entendis le baron dire à Melchior en m’apercevant :

— Melchior… quel est cet homme ?

— Allez-vous-en donc, — me répéta encore tout bas le mulâtre.

Puis se retournant vers son maître, il lui dit d’un ton de reproche affectueux :

— Rentrez donc, Monsieur le baron… il fait très-froid ce matin Venez, venez.

Et il fit un pas pour emmener le baron, qui lui obéissait machinalement, lorsque, m’approchant, je dis à haute voix à M. de Noirlieu :

— Je viens de la part de Madame la princesse de Montbar m’informer des nouvelles de Monsieur le baron.

Le père de Régina tressaillit. Son visage me parut trahir le pénible effort d’une lutte intérieure ; puis, revenant sur ses pas, tandis que le mulâtre me lançait des regards courroucés :

— Comment se porte ma fille ? — me dit le vieillard avec une émotion qu’il voulait en vain dissimuler.

— Madame la princesse est toujours souffrante, Monsieur le baron.

— Souffrante ! Régina ? — s’écria le vieillard.

Et regardant Melchior d’un air surpris et défiant, il ajouta :

— On ne m’avait pas dit cela !

Puis s’adressant à moi de nouveau, il me demanda avec empressement :

— Depuis quand ma fille est-elle malade ? Qu’a-t elle ? Est-elle alitée ? Répondez… répondez donc.

Melchior me coupa la parole, et dit à son maître avec un sourire sardonique :

— Je peux rassurer Monsieur le baron : hier encore Madame la princesse est allée au bal ; son indisposition n’est donc, heureusement, que fort légère.

— Madame de Montbar est allée hier au bal ? — me demanda le vieillard.

— Oui, Monsieur le baron, — lui dis-je ; — mais, au retour, Madame la princesse semblait bien abattue… bien fatiguée.

— Fatiguée ?… d’avoir dansé ?… — reprit le baron ; et une ironie amère remplaça sur ses traits l’expression d’intérêt dont ils avaient été empreints en parlant de sa fille. Le mulâtre offrit son bras à son maître d’un air triomphant, et tous deux rentrèrent dans l’intérieur de la maison.

Malgré la mauvaise issue de mon entrevue avec le père de la princesse, je m’applaudis d’avoir découvert que le baron, quoique malheureusement persuadé que Régina n’était pas sa fille, avait conservé pour elle un attachement qui devait souvent lutter dans son cœur contre l’aversion qu’il s’efforçait de lui témoigner ; de plus je remarquai que Melchior paraissait haïr Régina et user de l’influence qu’il devait avoir sur le baron pour l’irriter contre sa fille.

Je quittai la maison de M. de Noirlieu, heureux de penser que peut-être le récit du petit incident dont j’avais été témoin ferait plaisir à Régina en lui prouvant que le baron conservait toujours un fonds d’affection pour elle.

À cette bonne espérance, j’avais presque oublié mes préoccupations au sujet du comte Duriveau, lorsqu’un incident imprévu, insignifiant en apparence, vint changer mes soupçons en une certitude effrayante :

Le baron de Noirlieu demeurait faubourg du Roule ; j’étais revenu au faubourg Saint-Germain par le pont Louis XV et le quai d’Orsay ; j’atteignais le milieu de la rue de Beaune, lorsque je vis venir à moi, marchant très-vite, Madame Gabrielle, la femme de charge du comte Duriveau ; celui-ci demeurait rue de l’Université, l’hôtel de Montbar était situé rue Saint-Dominique. Je n’attachai d’abord aucune importance à ma rencontre avec Madame Gabrielle ; seulement me trouvant bientôt en face cette femme que javais vue la veille, je pus d’autant moins me dispenser de l’aborder, qu’elle me reconnut et me dit :

— Ah ! Monsieur Martin, bien le bonjour ; je ne m’attendais pas à vous rencontrer si tôt, et surtout de si matin…

— En effet, Madame, il est à peine neuf heures.

— C’est ce qui me désole, car il faudra que j’aille au diable vert pour trouver un fiacre ; dans cette saison ils n’arrivent sur place que fort tard, et Monsieur en attend un avec une impatience de damné.

— Comment ! lui qui a tant de chevaux, il sort en fiacre ? et c’est vous qu’il envoie chercher une voiture, tandis qu’il a tant de domestiques ?

— Je ne suis pas non plus la seule à le chercher ; ce maudit fiacre ! le maître d’hôtel et le valet de chambre sont à la recherche de leur côté. Dame… c’est qu’un fiacre, dans notre quartier à cette heure, et le lendemain d’un dimanche encore, c’est aussi rare qu’un merle blanc.

— Si votre maître est si pressé, que ne fait-il atteler une de ses voitures ?

— Il a ses raisons, sans doute, pour préférer un fiacre… il y a quelque chose là-dessous… Balard m’a dit qu’une lettre sur gros papier, pareille à la lettre d’hier soir, vous savez…

— Parfaitement ; c’était très-drôle… cette grosse lettre cachetée avec du pain mâché, et qui a rendu votre maître si content.

— Eh bien ! il en est arrivé une autre toute pareille, ce matin à huit heures, avec recommandation au commissionnaire d’éveiller tout de suite Monsieur ; alors carillon d’enfer, et ordre de lui trouver un fiacre à tout prix… sans compter que Balard m’a dit que la joie d’hier continuait ce matin… en augmentant, si c’est possible.

Une idée qui me donna presque le vertige, me traversa l’esprit.

Mon émotion fut si visible, que la femme de charge me dit :

— Qu’avez-vous donc, Monsieur Martin ?

Ces mots me rappelèrent à moi ; je répondis à cette femme qui répétait avec une surprise croissante :

— Mais, qu’avez-vous donc ?

— Mon Dieu ! Madame Gabrielle, je réfléchis qu’au lieu de vous faire perdre là votre temps, je peux vous épargner une corvée. J’ai passé tout à l’heure sur le quai Voltaire, j’ai vu deux ou trois fiacres sur la place… je vais y courir et en amener un pour vous à la porte de l’hôtel Duriveau.

— Ah ! par exemple, Monsieur Martin, vous êtes trop aimable… vous déranger ainsi…

— Cela ne me dérange pas, — lui dis-je en m’éloignant ; — nous sommes voisins… dans dix minutes, le fiacre sera à votre porte.

Et je m’élançai dans la direction du quai Voltaire pendant que Madame Gabrielle me criait de loin :

— Merci, Monsieur Martin.

Cette idée qui m’avait presque donné le vertige était celle-ci :

— Un piège horrible est tendu à Régina, rue du Marché-Vieux ; on s’est adressé à la bienfaisance de la princesse pour l’attirer dans un guet-apens ; dans cette maison située au fond d’un quartier perdu, il n’y a pas de portier, il n’y a d’autres locataires que cette femme prétendue paralytique. Une des deux lettres reçues par le comte Duriveau a dû lui annoncer que Régina allait se rendre le matin même dans cette maison, où il comptait surprendre la princesse. Que se passerait-il ensuite entre elle et cet homme d’un caractère impitoyable, d’une volonté de fer, et… capable de tout sacrifier à sa haine et à ses passions ?… Je frémissais d’y songer.

Comment d’inductions en inductions, basées sur les plus vagues probabilités, en étais-je arrivé à une certitude absolue ? je ne puis encore m’en rendre compte, mais je savais… mais je sentais que je ne me trompais pas.

En proposant mes services à la femme de charge du comte Duriveau, j’avais eu deux motifs : ôter au comte une des chances de trouver une voiture, et profiter moi-même de cette voiture, car en effet j’avais par hasard, en revenant, remarqué un fiacre sur le quai Voltaire.

Avertir Régina qu’elle allait tomber dans un piège, je n’y pouvais songer. D’ailleurs elle était sans doute déjà partie pour la rue du Marché-Vieux, puis c’était me trahir ; à l’appui de mes craintes, je n’avais d’autres preuves à lui donner que mes pressentiments. Aller moi-même rue du Marché-Vieux, c’était risquer de m’y rencontrer avec la princesse, et cette démarche dont il m’aurait fallu expliquer l’origine, le but, compromettait pour jamais ma position envers Régina : je ne devais lui rendre en apparence aucun de ces services éclatants qui attirent l’attention, et souvent une reconnaissance trop grande, car alors, par gêne ou par respect humain, on n’ose garder comme domestique un homme à qui l’on doit tant.

Ceci explique mon embarras à l’endroit de trouver un moyen de secourir la princesse ; malheureusement encore le prince était absent… lui, le défenseur naturel de sa femme. À qui donc m’adresser ?

Une étreinte de jalousie involontaire me brisa le cœur… je venais de songer au capitaine Just.

Donner à un autre… à un autre… jeune, beau… brave et généreux, le moyen de sauver la femme que l’on aime avec la plus folle passion… il faut pour cela plus que du courage… J’eus ce courage.

En réfléchissant ainsi, j’étais arrivé à la place de fiacres du quai Voltaire ; je ne m’étais pas trompé, j’y vis deux voitures… et le cocher de l’une d’elles était… Providence inespérée !… l’excellent homme qui m’avait autrefois empêché de mourir de faim, et qui avait reconduit Régina chez elle, après la scène du faux mariage.

— Bonne journée pour moi… puisque je vous rencontre ce matin, mon brave, — me dit joyeusement Jérôme, en me tendant la main, — voilà du temps que…

— Il y va de la vie de quelqu’un que j’aime comme ma mère, — dis-je à Jérôme, en l’interrompant ; et m’élançant dans sa voiture, — je n’ai pas le temps à présent de vous dire un seul mot… Avez-vous sur vous du crayon, du papier ?

— Voilà le portefeuille où j’inscris mes courses, — me dit Jérôme en me remettant cet objet.

— Maintenant, — reprit-il, — où allons-nous ?

— Rue Saint-Louis en l’île… au coin du quai. Ventre à terre !

— Vitesse de chemin de fer ! — reprit Jérôme en sautant sur son siège ; et ses chevaux, heureusement frais, partirent comme la foudre.

Pendant le trajet, enlevant un feuillet du portefeuille de Jérôme, j’écrivis au crayon ce qui suit :

Un grand danger menace la princesse de Montbar ; le comte Duriveau l’a fait tomber dans un piège infâme. Allez, sans perdre une seconde, rue du Marché-Vieux, 11. Montez au troisième, demandez Madame Lallemand ; si l’on ne vous répond pas, brisez la porte, armez-vous au besoin. La princesse doit être retenue dans cette demeure ; il y a sans doute quelque porte masquée communiquant à d’autres chambres que celles occupées par la femme Lallemand. Un fiacre vous attend, le cocher est un homme sûr.

Un ami inconnu.

Le fiacre s’arrêta au coin du quai : je descendis de voiture, je remis à Jérôme le billet que je venais d’écrire et lui dis :

— Allez au numéro 17 de cette rue.

— Bon.

— Demandez le capitaine Just.

— Bon.

— Dites qu’on lui porte à l’instant ce billet.

— Bon.

— Car c’est une question de vie ou de mort.

— Diable !

— Si le capitaine vous demande qui vous à envoyé avec ce billet, vous direz… vous direz… un homme âgé, à cheveux blancs.

— Très-bien !

— Vous conduirez le capitaine rue du Marché-Vieux, près la rue d’Enfer, n° 11.

— Je vois ça d’ici.

— Repasserez-vous par le quai ?

— Oui, c’est mon chemin.

— Si vous ramenez le capitaine, ne vous arrêtez pas ; mais ne vous étonnez pas si je monte derrière votre voiture.

— C’est entendu…

— Et ensuite, rue du Marché-Vieux… bride abattue.

— Vitesse de chemin de fer, j’ai Lolo et Lolotte, soyez calme.

Et Jérôme allait fouetter ses chevaux ; mais se ravisant :

— Et si le capitaine n’y est pas ?

— Revenez toujours par ici… alors je remonterai dans votre voiture.

— En route ! — dit Jérôme, et il détourna la rue au grand trot de ses chevaux.

J’attendis avec angoisse le retour de Jérôme. En cas d’absence du capitaine Just, je me serais décidé à aller rue du Marché-Vieux et à agir malgré les funestes conséquences que mon intervention pouvait avoir pour mes projets.

Caché dans l’ombre d’une porte cochère ouverte, de crainte d’être reconnu par le capitaine, j’écoutais si je n’entendais pas revenir la voiture…

Neuf heures sonnèrent lentement à Notre-Dame… Régina, partie de chez elle à huit heures et demie sans doute, devait alors être bien près de la rue du Marché-Vieux ; si l’un des domestiques du comte Duriveau avait trouvé un fiacre plus tôt que sa femme de charge, le comte était aussi sur le point d’arriver dans cette maison où devait se dénouer cette scène redoutable.

Enfin le roulement rapide d’une voiture se rapprocha de ma cachette, j’avançai la tête avec précaution… Bonheur du ciel ! le capitaine était dans le fiacre, ses habits de deuil rendaient plus frappante encore la pâleur de ses beaux traits altérés par une violente émotion.

Lorsque la voiture qui emmenait le capitaine eut dépassé la porte où je me tenais, je m’élançai afin de rejoindre le fiacre et de monter derrière… Alors, il m’arriva une chose à la fois cruelle et ridicule… la palette où je comptais me tenir debout était défendue, ainsi que cela se voit souvent, par un demi-cercle de fer hérissé de pointes aiguës… Le fiacre, lancé sur une descente, marchait si rapidement, que je ne pouvais espérer de le suivre longtemps en courant, ainsi que je faisais en m’attachant des deux mains aux ressorts de derrière… Je pris une résolution désespérée : appelant à mon aide mon ancienne agilité de saltimbanque et à mon souvenir le saut des baïonnettes, souvent exécuté dans mon enfance, au risque de retomber sur les pointes aiguës du demi-cercle de fer… je tentait de le franchir… Par un bonheur inespéré, je réussis… à peu près, car un cahot de la voiture me faisant trébucher au moment où je retombais sur la palette, après avoir sauté par-dessus les pointes de fer, une d’elles me laboura profondément la jambe ; ne trouvant pas de courroie pour me soutenir, je me cramponnai, comme je le pus, à l’impériale, les genoux collés à la caisse, et comprenant parfaitement que le manque d’équilibre pouvait me faire tomber à la renverse sur les piquants de fer.

Soudain le fiacre s’arrêta. Jérôme se rappelant sans doute alors le danger ou l’impossibilité qu’il y avait pour moi à monter derrière sa voiture, se dressa sur son siège et sa loyale et bonne figure se tourna vers moi avec inquiétude.

Je lui fis de la main signe de continuer sa route ; au même instant, j’entendis la voix du capitaine Just lui crier… — Cocher qu’y a-t-il ?.. Marchez donc, sacredieu… Quarante francs pour votre course… ventre à terre.

— En route ! — cria Jérôme.

Mais tout en activant ses chevaux de la voix, le brave homme trouva moyen de se retourner, d’attacher au dossier de son siège une des longes de rechange de ses chevaux et de me jeter l’autre bout en me disant :

— Tenez-vous à cela… il y aura moins de danger.

Le bruit des roues couvrant la voix de Jérôme, le capitaine ne l’entendit pas, sans doute, et je me maintins sans tomber, grâce à l’ingénieux secours du cocher, secours d’autant plus urgent pour moi que ma blessure me faisait cruellement souffrir, je ne pouvais m’appuyer sur ma jambe ; je sentais mon sang couler sous mes vêtements.

Lorsque je vis la voiture à peu de distance de la rue du Marché-Vieux, de crainte d’être aperçu par le capitaine Just je voulus descendre : calculant alors ma distance et mon élan, je me retournai ; d’un bond je franchis de nouveau le cercle hérissé de pointes de fer, je tombai d’aplomb. La voiture continua sa route pendant quelques secondes, puis détourna à l’angle de la rue du Marché-Vieux. Je pris mon mouchoir, je le nouai très-serré autour de ma jambe, ce qui me causa, momentanément du moins, un très-grand soulagement.

J’allais entrer dans la petite rue, lorsque, arrêté à quelques pas de son tournant, je remarquai un fiacre dont les chevaux ruisselaient d’écume.

— Cocher, — dis-je à cet homme, — n’avez-vous pas amené ici un monsieur… grand et brun, que vous avez pris rue de l’Université ?

— Oui, mon garçon, une fameuse course, mes chevaux n’en peuvent plus… Mais dix francs de pour-boire… ça en valait la peine. Je laisse souffler mes bêtes avant de m’en retourner… et…

— Il y a-t-il longtemps que vous êtes là ?

— Un quart d’heure au plus.

— N’avez-vous pas vu entrer dans cette rue un autre fiacre ?

— Oui… il y a cinq minutes… Il paraît que c’est le jour, et…

— Mais avant ? n’en avez-vous pas vu entrer un autre dans cette petite rue ?

— Ah ! oui, il y a peut-être dix minutes ; une citadine bleue avec un cheval blanc… Mais il n’avait pas le mors-aux-dents, celui-là… Il y avait une femme dedans.

Plus de doute, le comte Duriveau avait précédé Régina dans cette maison déserte…

Heureusement le capitaine Just arrivait presque sur les pas de la princesse.

J’entrai précipitamment dans la rue du Marché-Vieux ; je vis Jérôme arrêté à la porte du numéro 11. .

— Vous êtes blessé, mille-dieux ! — me dit-il en voyant ma jambe bandée.

— Et le capitaine ? — lui dis-je.

— Il a sauté de ma voiture sans attendre que je lui baisse le marche-pied.

— Il ne vous a pas dit de l’accompagner ?

— Non… mais il paraît que ça va chauffer, j’ai vu la crosse d’un pistolet sortir de la poche de sa redingote.

— Attendez là, mon bon Jérôme, — lui dis-je en m’élançant dans l’allée, — et pas un mot de moi au capitaine.

— Soyez calme, — dit Jérôme, en flattant ses chevaux de la main, — je serai muet comme Lolo et Lolotte.