Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste/Chap.16

Gauthier-Villars et Fils (2p. 202-227).

CHAPITRE XVI.

MÉTHODES DE M. GYLDÉN.


167.Les méthodes dont je vais maintenant parler présentent un grand caractère d’originalité ; la plupart se rattachent, malgré les apparences contraires, aux méthodes qui ont été exposées dans les Chapitres précédents, mais quelques-unes les dépassent et permettent d’aborder des problèmes auxquels les procédés des Chapitres IX et XV ne sont plus applicables ; elles ont ainsi plus de parenté avec les méthodes dont il sera question plus loin.

Bien entendu, le mode d’exposition que j’emploierai sera très différent de celui de M. Gyldén.

Les méthodes de M. Gyldén sont, en effet, un composé de plusieurs artifices qui n’ont les uns avec les autres aucun lien nécessaire et qu’il vaut mieux étudier séparément, quitte à en faire ensuite la synthèse, ce que le lecteur pourra faire sans aucune peine.

Le premier de ces artifices est l’emploi d’une variable indépendante particulière.

Supposons d’abord que les trois corps se meuvent dans un même plan. Considérons dans ce plan le mouvement de l’une des planètes qui sera soumise à l’action d’un corps central dont nous prendrons la position pour origine et à l’action perturbatrice d’une autre planète.

Soient et les coordonnées polaires de la planète considérée, la masse du corps central, la fonction perturbatrice. Les équations du mouvement seront

(1)

Dans le cas où le mouvement, devient képlérien ; la première des équations (1) s’intègre immédiatement et donne ( étant une constante)

(2)

Si ensuite on prend pour variable indépendante et qu’on pose la seconde équation (1) devient

(3)

ce qui met immédiatement en évidence la forme elliptique de la trajectoire.

Revenons au cas général où n’est pas nul. M. Gyldén s’est proposé alors d’adopter une variable indépendante telle que les équations du mouvement prennent une forme analogue à celle des équations (2) et (3).

Pour cela posons

(4)

étant une nouvelle constante.

Si nous prenons pour variable indépendante, la première équation (1) deviendra

(5)

et la seconde équation (1) deviendra, en posant encore

L’analogie avec l’équation (3) sera encore plus évidente si l’on observe que, dans les calculs qui vont suivre, différera très peu de et si, faisant passer dans le second membre un terme très petit qui sera du même ordre de grandeur que on écrit

(6)

Le choix de la variable tout en présentant des avantages évidents, n’est pas non plus sans inconvénient.

En effet, le Problème des trois Corps se présente sous deux formes bien différentes suivant que l’on a affaire à deux planètes dont les masses sont comparables, ou, au contraire, si l’une des deux est beaucoup plus petite que l’autre.

Dans le premier cas, il faudrait rapporter l’une des planètes à la variable indépendante et l’autre à la variable indépendante analogue mais différente et définie par l’équation

étant le rayon vecteur de la seconde planète.

Ce serait là une source de complications ; aussi la méthode de M. Gyldén sous sa forme primitive est-elle plutôt faite pour le second cas, par exemple, pour l’étude des perturbations des petites planètes par Jupiter.

Mais ici encore il y a des difficultés.

Le mouvement de Jupiter est connu, mais il l’est en fonction de et non pas de pour passer de l’expression en fonction de à l’expression en fonction de il faut y remplacer par sa valeur en fonction de tirée de l’équation (4). Cette expression de en fonction de variera à chaque approximation ; il faudra donc à chaque fois corriger les coordonnées de Jupiter. Ces inconvénients sont en partie compensés par des avantages importants. Un autre inconvénient, c’est que nos équations ont perdu la forme des équations de Lagrange ; mais nous ne tarderons pas à la retrouver.

168.Voici maintenant sous quelle forme se présentent les équations du mouvement.

Les coordonnées et de la première planète sont exprimées en fonctions de par les équations (5) et (6), dont les premiers membres ont la forme simple

et

et dont les seconds membres dépendent non seulement de et de mais des coordonnées correspondantes et de la planète troublante.

La variable sera liée à par l’équation (4).

Les coordonnées et de la deuxième planète seront de même exprimées en fonctions d’une variable nouvelle par des équations (5′) et (6′) analogues à (5) et à (6).

La variable sera de son côté définie en fonction de par une équation (4′) analogue à (4).

Supposons maintenant que l’on veuille appliquer à ces équations des procédés analogues à ceux des anciennes méthodes de la Mécanique céleste, voici ce que l’on ferait : Imaginons que l’on connaisse des valeurs approchées de et de de et de tant en fonctions de qu’en fonctions de

Dans le second membre de (5) ou de (6), substituons à la place de et leurs valeurs approchées en fonctions de les seconds membres deviennent des fonctions connues de et nos équations sont faciles à intégrer par quadrature.

Nous posséderons ainsi des valeurs plus approchées de et de en fonctions de

Opérons de même sur (5′) et (6′), nous obtiendrons des valeurs plus approchées de et de en fonctions de

L’équation (4) nous donnera ensuite par quadrature en fonction de et l’équation (4′) nous donnera en fonction de et, par conséquent, en rapprochant ces deux résultats l’un de l’autre, on aura en fonction de et inversement.

Nous pourrons alors exprimer d’une manière plus approchée et en fonctions de ou et en fonctions de Possédant maintenant des valeurs plus approchées de tant en fonctions de qu’en fonctions de nous pourrons opérer avec cette seconde approximation comme nous avons opéré avec la première, et ainsi de suite.

Il reste à choisir la première approximation ; or nous cherchons pour le moment à nous rendre compte de ce qu’auraient fait des calculateurs pénétrés de l’esprit des anciennes méthodes, afin de mieux comprendre les perfectionnements qu’y a cru devoir introduire M. Gyldén. Il est clair alors que le choix le plus conforme à cet esprit, c’est celui qui consiste à prendre pour première approximation le mouvement képlérien.

On trouve ainsi

et étant des constantes d’intégration.

Quant à la relation entre et elle a une forme compliquée. Il vient

équation que l’on peut intégrer par quadratures. On en tirera ensuite en fonction de si l’on développe suivant les puissances croissantes des constantes et qui sont généralement très petites, le premier terme du développement, celui qui est indépendant de ces quatre constantes, se réduit à une fonction linéaire de

La relation entre et est donc compliquée dès la première approximation. C’est là une difficulté un peu artificielle et d’un genre tout nouveau ; elle tient d’ailleurs au choix des variables indépendantes et elle ne disparaîtra pas quand je quitterai les procédés inspirés des méthodes anciennes, pour les méthodes proprement dites de M. Gyldén.

Nous n’avons rien rencontré de pareil dans l’étude des méthodes de M. Newcomb ; mais il ne faut toutefois pas s’exagérer l’importance de ce fait. Le développement de la fonction perturbatrice exigera toujours de longs calculs ; cependant, on l’obtiendra plus vite en fonction des anomalies vraies qu’en fonction des anomalies moyennes. Dans la méthode de M. Newcomb, nous avons supposé la fonction perturbatrice exprimée à l’aide des éléments osculateurs des deux planètes et de leurs anomalies moyennes. Pour l’obtenir ainsi, il aurait fallu de longs efforts, mais dès qu’on la possède tous les obstacles sont aplanis. Ici, au contraire, nous avons exprimé en fonction de et ce qui est incomparablement plus facile. Mais la difficulté que nous avions ainsi écartée pour un moment devait forcément reparaître. La relation compliquée qui lie à est la première forme sous laquelle nous la rencontrons. L’ennui est de recommencer à chaque approximation et de s’y reprendre à plusieurs fois.

Voyons maintenant quel est l’écueil que l’on a à redouter quand on emploie ces procédés imités des méthodes anciennes, et quels sont les artifices qu’a employés M. Gyldén pour l’éviter.

Les équations (5) et (6), quand on y a remplacé dans les seconds membres et en fonctions de deviennent des équations linéaires à second membre et sont faciles à intégrer.

À la première approximation, ces seconds membres se présenteront sous la forme de séries trigonométriques dont les termes dépendront des sinus et des cosinus de

et sont des entiers et le rapport des moyens mouvements. Si le second membre de (5) ne contenait pas de terme connu, ou si celui de (6) ne contenait pas de terme en ou en les valeurs de et de tirées de (5) et de (6) seraient encore de même forme. Mais les seconds membres de (5) et de (6) contiennent précisément des termes tout connus, des termes en et et il résultera dans l’expression de un terme en

et dans celle de des termes en

et

où la variable indépendante sortira des signes trigonométriques.

Aux approximations suivantes, il est clair qu’on trouverait en dehors de ces signes des puissances plus élevées encore de Ainsi, comme il était aisé de le prévoir, l’emploi de la variable n’a rien changé au caractère essentiel des anciennes méthodes, et c’est à un autre artifice qu’il faut avoir recours si l’on veut éviter que la variable sorte des signes trigonométriques.

Le seul avantage du choix de à côté des inconvénients que nous avons signalés, est donc d’avoir donné aux équations la forme linéaire.

169.Pour éviter les termes séculaires, c’est-à-dire ceux où n’est pas sous un signe sinus ou cosinus, M. Gyldén a donc dû imaginer un artifice nouveau.

Considérons l’une des équations (5) ou (6) ; faisons passer dans le premier membre celui ou ceux des termes du second membre dont l’influence paraît devoir être la plus grande. Remplaçons dans le second membre et par leurs valeurs approchées de telle façon que les quantités inconnues et ne figurent plus que dans le premier membre ; nous obtiendrons ainsi de nouvelles équations que des artifices nouveaux nous permettront d’intégrer.

Cela comporte évidemment un assez grand degré d’arbitraire ; on peut, en effet, suivant les cas, porter son attention sur tel ou tel terme et le faire passer dans le premier membre. De là, la souplesse de la méthode. Bien qu’on puisse, pour ainsi dire, la varier à l’infini, je vais énumérer ici les formes d’équations que M. Gyldén a le plus envisagées.

Soient des valeurs approchées de et posons

La quantité sera celle que M. Gyldén appelle l’évection, et la quantité s’appellera la variation ; on se contente ordinairement de prendre

Avec ces nouvelles inconnues, les équations (5) et (6) prennent la forme suivante

(5 bis)
(6 bis)

et étant des fonctions développées suivant les puissances croissantes de et et, en outre, du moins en ce qui concerne suivant celles de les coefficients des développements seront des fonctions connues de Nous ferons ensuite passer dans le premier membre quelques-uns des termes de et de et, conservant les inconnues et dans le premier membre, nous remplacerons au contraire dans le second membre et pour une première approximation ces quantités par zéro.

La fonction contiendra, entre autres termes remarquables, des termes de la forme

et étant des constantes.

1o Si nous faisons passer dans le premier membre de (6 bis) le second de ces termes, nous trouvons

(6 a)

étant ce que devient quand on en retranche le terme qu’on a fait ainsi passer dans le premier membre.

Dans nous ferons ensuite

L’équation (6 a) sera encore une équation linéaire à second membre ; mais ce ne sera plus une équation à coefficients constants.

Il est clair maintenant que nous pouvons tout aussi bien écrire, et étant deux quantités très petites quelconques,

(6 b)

et où, d’ailleurs, on aura finalement, en première approximation,

puisque l’on convient d’annuler et dans le second membre.

On pourra ensuite profiter de diverses manières de l’indétermination de et de

2o On peut aussi faire passer dans le premier membre un terme en et écrire

ou
(6 c)

et faire ensuite

dans le second membre.

3o Il est clair que sera une fonction développable suivant les sinus et cosinus des multiples de et de Soit alors

un terme de et sont des entiers et une constante. Remplaçons-y par et par sa valeur approchée exprimée en fonction de nous aurons évidemment

et étant des séries développées suivant les sinus et cosinus des multiples de et de et étant le rapport des moyens mouvements. Les termes complémentaires et seront d’ailleurs beaucoup plus petits que les termes principaux et

Alors l’expression

pourra également se développer en une série ordonnée suivant les lignes trigonométriques des multiples de et de et le terme principal du développement sera

De même, si dans l’expression

nous remplaçons et par

et

cette expression sera développable suivant les lignes trigonométriques des multiples de

et

et le terme principal du développement sera

C’est ce terme que nous ferons passer dans le premier membre de l’équation (5), qui s’écrira alors

(5 a)

Dans on fera ensuite

de telle façon que puisse être regardé comme une fonction

connue de

Le plus souvent on se contentera de prendre

et l’exposition du procédé précédent s’en trouvera un peu simplifiée.

Les équations (6 b), (6 c) et (5 a) sont celles dont M. Gyldén fait le plus souvent usage.

Observons qu’elles sont toutes de la forme suivante

(α)
ou
(β)

Elles sont donc susceptibles d’être ramenées à la forme canonique d’après ce qu’on a vu au Tome 1, page 12 [équation (3) du no 2].

Nous avons supposé que dans les seconds membres de nos équations nous faisions

C’est en effet ce que l’on fait à la première approximation. Mais à la seconde approximation il faut, dans ces seconds membres, remplacer ces quantités et par leurs valeurs déduites de la première approximation et ainsi de suite.

Ces seconds membres seront donc ainsi toujours des fonctions connues de et les équations conserveront la même forme.

Réduction des équations.

170.Les équations (5 a), (6 b), (6 c) sont du deuxième ordre ; cela tient à ce que nous avons eu soin de ne faire passer dans le premier membre de (5) que des termes dépendant seulement de et dans le premier membre de (6) que des termes dépendant seulement de

Quand on a fait ensuite dans le second membre

l’équation (5) ne contient plus qu’une seule inconnue et l’équation (6) n’en contient non plus qu’une seule qui est

Mais cela peut ne pas être toujours légitime. Il peut arriver que dans le second membre de (5), par exemple, certains termes dépendant de soient aussi importants que les termes les plus influents dépendant de et qu’il faille également le faire passer dans le premier membre.

De même pour l’équation (6). Quand alors on aura annulé les et les dans les seconds membres, les deux équations (5) et (6) contiendront encore les deux inconnues et et, après l’élimination de l’une d’entre elles, l’équation résultante sera non plus du deuxième, mais du quatrième ordre.

L’ordre serait même encore plus élevé si l’on avait été forcé de faire passer dans le premier membre des termes dépendant de et de

Dans ces cas, M. Gyldén emploie, pour ramener les équations au deuxième ordre, un procédé dont je voudrais faire comprendre l’esprit.

Considérons d’abord une équation du quatrième ordre, par exemple, et de la forme suivante

(1)

et étant des fonctions connues de que je supposerai finies et un coefficient très petit.

L’équation nous montre d’abord que, si les valeurs initiales de et de sont de l’ordre de ce que nous supposerons, restera de l’ordre de

Si nous négligions donc les termes de l’ordre de nous pourrions écrire

et l’équation serait ramenée au second ordre.

Mais nous voulons tenir compte des termes de l’ordre de en négligeant ceux de l’ordre de Il vient, avec ce degré d’approximation,

(2)

J’arrive à ce résultat, en multipliant l’équation (1) par et y négligeant les termes qui sont devenus de l’ordre de par cette multiplication.

L’équation (1) devient alors

(3)

L’équation est redevenue du second ordre.

L’équation (3) est vraie aux quantités près du troisième ordre, je veux dire de l’ordre de On aura donc, aux quantités près du quatrième ordre,

(4)

Si alors on remplace dans le second membre de (1)

par leurs valeurs (4), on obtiendra une équation qui sera vraie aux quantités près du quatrième ordre, et qui sera du second ordre.

Et ainsi de suite.

Il est clair que la même méthode est applicable à toute équation de la forme

(5)

{{SA| étant un coefficient très petit ; étant développable suivant les puissances de et de et suivant les puissances de

L’équation (5) n’est donc plus linéaire ; mais la seule différence qui peut en résulter, c’est qu’il y aura des termes qui seront de degré supérieur par rapport à et à ses dérivées, et qu’il n’y aura lieu d’en tenir compte qu’à partir de la seconde et de la troisième approximation.

171.Considérons maintenant l’équation suivante

(6)

étant encore un très petit nombre, et des fonctions connues de Cette équation, si on la différentiait pour faire disparaître le signe deviendrait du troisième ordre. Mais M. Gyldén la réduit au second ordre, en profitant de la petitesse du nombre et en employant un procédé analogue dans son esprit à celui que nous venons d’appliquer à des exemples plus simples.

En effet, et sont du premier ordre, de sorte que le terme

peut être regardé comme du second ordre. Ou aura alors, en négligeant les quantités du troisième ordre,

d’où
(7)

et en intégrant par parties et appelant et les dérivées de par rapport à

En général, la quadrature pourra s’effectuer aisément, de sorte que

pourra être regardé comme une fonction connue de et que l’intégrale sera ramenée à l’intégrale qui est de même forme.

En général, dans les exemples que M. Gyldén a eu à traiter, est de la forme

et étant des constantes. Il en résulte que

d’où
d’où
(8)

Si dans l’équation (6) nous remplaçons

par sa valeur (8), ce qui peut se faire en négligeant les quantités du troisième ordre, l’équation est ramenée au deuxième ordre.

Si est une somme de termes de la forme

l’expression

sera une somme de termes de la forme

et chacun de ces termes pourra être transformé par une formule analogue à (8). L’équation (6) sera ainsi encore ramenée au deuxième ordre.

L’équation (7) n’est vraie qu’aux quantités près du troisième ordre. Si l’on ne veut pas négliger ces quantités, il faut écrire

en posant, pour abréger,

On en déduit, en supposant de nouveau que se réduit à un seul terme,

on en déduit, dis-je,

de sorte que l’équation (6) deviendra, en faisant passer certains termes dans le premier membre,

On ne conservera pas, en général, dans le premier membre tous les termes que nous y avons fait passer, mais seulement les plus importants d’entre eux. Si nous faisons repasser les autres dans le deuxième membre, nous obtiendrons une équation de la forme

(9)

étant des fonctions connues de

Cela nous permettra d’opérer comme il suit. Faisons d’abord dans le deuxième membre nous aurons alors une équation linéaire à deuxième membre que nous intégrerons et qui nous donnera une première valeur approchée de et, par conséquent, de nous substituerons ces valeurs dans le deuxième membre et nous obtiendrons une nouvelle équation linéaire à deuxième membre qui nous donnera une deuxième approximation pour et et ainsi de suite.

Il est clair que nous pourrions opérer encore de même si l’équation (6) n’était pas linéaire et contenait, par exemple, des puissances supérieures de il en résulterait seulement que le deuxième membre de (9) contiendrait des termes de la forme

et

et étant des fonctions connues de Dans ces termes, qui sont d’ordre au moins par rapport à on peut, sans inconvénient, comme dans les autres termes du deuxième membre de (9), remplacer par 0 d’abord, puis par sa première valeur approchée, puis par la seconde et ainsi de suite.

Pour qu’il y ait intérêt à appliquer cette méthode, il faut que soit très voisin de 1, de telle sorte que l’expression

soit petite sans doute, mais beaucoup moins que On conçoit alors que les divers termes du deuxième membre de (8) soient assez grands pour n’être pas négligés même dans la première approximation.

Autrement il serait plus simple de laisser le terme

dans le second membre et d’y donner à d’abord la valeur zéro, puis ses diverses valeurs approchées.

On n’aura donc le plus souvent à faire passer dans le premier membre qu’un petit nombre de termes (et même le plus souvent un seul terme) de la forme

La méthode de réduction au deuxième ordre que je viens d’exposer n’est avantageuse que si ne contient aucun terme en ou Sans cela l’intégrale

contiendrait un terme en et dans l’expression de la variable sortirait des signes trigonométriques.

Cette circonstance ne s’est pas présentée dans les applications que M. Gyldén a faites de sa méthode ; mais il y a toujours moyen de l’éviter.

Écrivons en effet l’équation (6) sous la forme

(6 bis)

Nous avons jusqu’ici regardé comme une fonction connue de mais je puis aussi supposer que dépend non seulement de mais encore de et cela d’une manière quelconque, linéairement ou non, directement ou par l’intermédiaire de ses dérivées ou d’intégrales de la forme Seulement les termes de qui dépendent de seront supposés plus petits que le terme

que l’on a fait passer dans le premier membre.

Alors dans on substituera à la place de d’abord zéro, puis des valeurs approchées successives. Ainsi, à chaque approximation, pourra être considérée comme une fonction connue de

Dans ces conditions, l’équation (6 bis) est une équation linéaire à second membre. Si nous posons en effet

et s’exprimeront linéairement à l’aide des dérivées de

Pour intégrer l’équation à second membre, il suffira de savoir intégrer l’équation sans second membre

Cette équation est de même forme que (6) et on peut lui appliquer la même méthode de réduction. Seulement, comme est nul, la difficulté dont je viens de parler n’est plus à craindre.

172.En résumé, voici ce que nous venons de faire. Supposons qu’un terme contenant une intégrale simple

soit assez important pour qu’on ait été obligé de le faire passer dans le premier membre. Grâce à la transformation que je viens d’exposer plus haut, on peut le remplacer par une somme de termes ne dépendant que de et de à des termes près qui sont assez petits pour que l’on puisse les faire repasser dans le second membre.

Supposons maintenant que l’on ait été obligé de faire passer dans le premier membre un terme contenant une intégrale double, je veux dire un terme de la forme

et étant des fonctions connues de Nous aurons alors, à des termes près que nous pourrons faire repasser dans le second membre,

et étant des fonctions connues de d’où

est ainsi ramené à des termes ne dépendant que d’une intégrale simple et que l’on pourra traiter comme nous l’avons fait dans le numéro précédent.

Il me reste à expliquer comment ces termes, contenant des intégrales simples ou doubles, peuvent s’introduire dans nos équations.

Ces équations peuvent s’écrire

et représentant des fonctions connues de et dépendant de et de ou des puissances supérieures de de et de

On tire de là

étant une nouvelle fonction connue de facile à former et

dépendant de de et des puissances supérieures de

On voit que l’on a introduit ainsi des termes de la forme

que l’on peut être amené à faire passer dans le premier membre et à transformer comme nous venons de le dire.

173.Nous avons ramené notre équation à la forme

et étant des fonctions connues de contient les fonctions inconnues et en particulier mais nous sommes convenu d’y remplacer ces quantités d’abord par 0, puis par leurs valeurs approchées successives, de sorte que peut aussi être regardée comme une fonction connue de

C’est une équation linéaire à second membre, mais on peut encore la simplifier en faisant disparaître le terme en Pour cela, il suffit, comme on sait, de poser

l’équation devient

et étant de nouvelles fonctions connues de

En général, il suffira de conserver un seul terme dans les autres passant dans le second membre, de sorte que l’équation sera ramenée à la forme de l’équation (6 a) du no 169.

174.Nous avons supposé jusqu’ici que le mouvement des trois corps se passe dans un plan. Il y aurait peu de chose à changer dans le cas où l’on voudrait tenir compte des inclinaisons des orbites.

Soient alors et le rayon vecteur, la longitude et la latitude de la première planète, les équations du mouvement seront, en reprenant d’ailleurs les notations du no 167,

Posons alors

et introduisons d’autre part, comme au no 167, une variable auxiliaire définie par l’équation

On en déduit d’abord

(1)

équation analogue à l’équation (5) du no 167, et l’on trouverait de même

(2)
(3)

et étant des combinaisons des dérivées de la fonction perturbatrice.

On pourra alors dans et remplacer les coordonnées des planètes par leurs valeurs approchées. Les seconds membres de nos équations (1) et (3) sont alors connus et nous pouvons calculer et si nous connaissons et par conséquent le second membre de (2) sera connu à son tour et nous pourrons calculer

Opérer ainsi, ce serait rester dans l’esprit des anciennes méthodes ; mais M. Gyldén ferait, au contraire, passer, comme nous l’avons vu, dans le premier membre de (1), (2) et (3) quelques-uns des termes les plus importants du second membre et, appliquant au besoin les procédés de réduction des nos 170 à 173, obtiendrait ainsi des équations de même forme que les équations du no 169.

Orbite intermédiaire.

175.Nous avons posé plus haut

et étant des valeurs approchées de et de

Le choix de ces valeurs approchées qui reste arbitraire dans une certaine mesure a évidemment une grande importance. Pour rester dans l’esprit des anciennes méthodes, il faudrait prendre pour et les valeurs qui correspondent au mouvement képlérien.

M. Gyldén préfère se rapprocher davantage de l’orbite réelle dès la première approximation ; il est clair, en effet, que les approximations suivantes en seront plus rapides et, d’autre part, nous avons vu au no 133 que le cas où le mouvement est képlérien en première approximation présente une difficulté spéciale qu’on peut chercher à éviter.

Voici donc ce que fait M. Gyldén.

Il suppose d’abord et est déterminé en fonction de de la manière suivante ; nous avons l’équation

Remplaçons d’abord par une fonction dépendant seulement de et peu différente de la moyenne des valeurs que prend quand, laissant constant, on fait varier de 0 à 2π et que, d’autre part, on fait varier et de façon que la seconde planète (dont les coordonnées sont et ) prenne toutes les positions possibles sur son orbite képlérienne. Remplaçons ensuite et par et de sorte que se réduit à

Notre équation devient ainsi

(1)

Cette équation s’intègre aisément par quadratures. L’interprétation de cette solution approchée est d’ailleurs facile.

Adjoignons à l’équation (1) l’équation

(2)

Il est clair que, si l’on considère un astre fictif qui, à l’époque a pour rayon vecteur et pour longitude cet astre aura le même mouvement que s’il était attiré par une masse fixe située à l’origine, suivant une certaine loi différente de celle de Newton. Cette attraction, néanmoins, ne dépend que de la distance, car elle est manifestement égale à

et représente précisément la distance de notre astre fictif à l’origine, c’est-à-dire à la masse attirante fictive.

Les variables et correspondant à une même valeur de sont liées entre elles par la relation

La variable qui ne sert guère d’ailleurs qu’à cette interprétation, a reçu le nom de temps réduit.

Quant à l’orbite parcourue par notre astre fictif, elle a reçu le nom d’orbite intermédiaire, parce qu’elle tient, pour ainsi dire, le milieu entre l’orbite réelle et l’orbite képlérienne.

Pour

ou

étant une constante, l’intégration de (1) peut se faire par les fonctions elliptiques.

Orbite absolue.

176.Pour peu que l’on réfléchisse à l’esprit des théories de M. Gyldén, on comprendra que le choix de la variable n’y joue aucun rôle essentiel, et qu’on arriverait à des résultats tout à fait analogues en prenant une variable indépendante.

Le plus simple, et, dans la plupart des cas, le plus avantageux, serait de prendre le temps C’est ce qu’a fait M. Gyldén lui-même dans son Mémoire du Tome IX des Acta mathematica.

Mais on peut faire beaucoup d’autres choix encore. M. Gyldén a employé, entre autres, dans certaines recherches, une variable dont la définition est beaucoup plus compliquée et qu’il appelle aussi Je vais en dire ici quelques mots.

Le célèbre astronome se propose de déterminer une orbite qui s’écarte très peu de l’orbite réelle et qu’il appelle orbite absolue. Elle tient à son tour, pour ainsi dire, le milieu entre l’orbite intermédiaire et l’orbite réelle.

Reprenons les équations (1) du no 167.

Considérons, dans le second membre de ces équations, les termes les plus importants ; soient l’ensemble des termes les plus importants de et l’ensemble des termes les plus importants de de telle façon que nous puissions négliger dans une première approximation les différences

Soit ce que devient quand on y remplace et par leurs valeurs approchées en fonction de puis qu’on remplace ensuite par

Introduisons une fonction auxiliaire en posant

(2)

et posons ensuite

(3)

La fonction ainsi définie sera notre nouvelle variable indépendante ; elle différera peu de puisqu’elle satisfera à l’équation

tandis que satisfait à l’équation

qui n’en diffère que par l’addition de certains termes que nous avons supposés très petits. Nous poserons donc

Des équations (2) et (3) on tire

(4)

Or, nous avons supposé que pour obtenir on remplaçait dans les coordonnées et par leurs valeurs approchées en fonction de puis par

Il en résulte que est fonction de seulement, et que l’équation (4) s’intégrera aisément par quadratures.

La seconde équation (1) devient alors

Il est clair que, étant très petit, est très voisin de 1 ; on peut donc remplacer le coefficient par 1, dans une première approximation ; si donc est la valeur approchée de et que nous posions

nous pourrons définir par l’équation

est ce que devient quand on y remplace par par et par leurs valeurs approchées en fonctions de

ne dépendant que de et de et étant une fonction de connue par l’équation (4), nous avons une équation différentielle du second ordre entre et

En la transformant par le procédé du no 173, c’est-à-dire en posant

on trouve

ce qui est une équation de même forme que les équations (α) et (β) du no 169.

Ayant ainsi déterminé les coordonnées et de l’astre fictif qui décrit l’orbite absolue, on calculera les corrections et par des procédés analogues et l’on possédera ainsi les coordonnées de la planète réelle.

Séparateur