Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste/Chap.03

Gauthier-Villars et Fils (1p. 79-161).

CHAPITRE III.

SOLUTIONS PÉRIODIQUES.


36.Soit

(1)

un système d’équations différentielles, où les sont des fonctions uniformes données de

Soit maintenant

(2)

une solution particulière de ce système. Imaginons qu’à l’époque les variables reprennent leurs valeurs initiales, de telle façon que l’on ait

Il est clair qu’à cette époque on se retrouvera identiquement dans les mêmes conditions qu’à l’époque 0 et, par conséquent, qu’on aura, quel que soit

En d’autres termes, les fonctions seront des fonctions périodiques de

On dit alors que la solution (2) est une solution périodique des équations (1).

Supposons maintenant que les fonctions dépendent non seulement des mais du temps J’imagine, de plus, que les soient des fonctions périodiques de et que la période soit égale à Alors, si les fonctions sont telles que

on pourra encore en conclure que

et la solution (2) sera encore périodique.

Voici un autre cas un peu plus compliqué. Supposons de nouveau que les fonctions ne dépendent plus que des mais qu’elles soient des fonctions périodiques des premières à savoir de de telle sorte que les ne changent pas quand on change en ou bien en …, ou bien en

Imaginons maintenant que l’on ait

étant des entiers.

À l’époque les premières variables auront augmenté d’un multiple de les dernières n’auront pas changé ; les n’auront donc pas changé, et l’on se retrouvera dans les mêmes conditions qu’à l’époque 0. On aura donc

Nous conviendrons encore de dire que la solution (2) est une solution périodique.

Enfin il peut arriver qu’un changement convenable de variables fasse apparaître des solutions périodiques qu’on ne rencontrait pas avec les variables anciennes.

Reprenons, par exemple, les équations (2) du no 2

Il s’agit, on se le rappelle, du mouvement d’un point rapporté à deux axes mobiles Oξ et Oη et soumis à une force dont les composantes suivant ces deux axes sont et

Dans beaucoup d’applications, ne dépend que de et de et les équations admettent des solutions particulières telles, que et soient des fonctions périodiques de la période étant égale à

Si l’on avait rapporté le point à des axes fixes et on aurait eu

et et n’auraient pas été des fonctions périodiques de à moins que ne soit commensurable avec

On fait donc apparaître une solution périodique en passant des axes fixes aux axes mobiles.

Le problème que nous allons traiter ici est le suivant :

Supposons que, dans les équations (1), les fonctions dépendent d’un certain paramètre supposons que dans le cas de on ait pu intégrer les équations, et qu’on ait reconnu ainsi l’existence d’un certain nombre de solutions périodiques. Dans quelles conditions aura-t-on le droit d’en conclure que les équations comportent encore des solutions périodiques pour les petites valeurs de  ?

Prenons pour exemple le Problème des trois corps : nous sommes convenus plus haut (no 11) d’appeler et les masses des deux plus petits corps, étant très petit, et finis. Pour le problème est intégrable, chacun des deux petits corps décrivant autour du troisième une ellipse képlérienne ; il est aisé de voir alors qu’il existe une infinité de solutions périodiques. Nous verrons plus loin qu’il est permis d’en conclure que le Problème des trois corps comporte encore une infinité de solutions périodiques, pourvu que soit suffisamment petit.

Il semble d’abord que ce fait ne puisse être d’aucun intérêt pour la pratique. En effet, il y a une probabilité nulle pour que les conditions initiales du mouvement soient précisément celles qui correspondent à une solution périodique. Mais il peut arriver qu’elles en diffèrent très peu, et cela a lieu justement dans les cas où les méthodes anciennes ne sont plus applicables. On peut alors avec avantage prendre la solution périodique comme première approximation, comme orbite intermédiaire, pour employer le langage de M. Gyldén.

Il y a même plus : voici un fait que je n’ai pu démontrer rigoureusement, mais qui me parait pourtant très vraisemblable.

Étant données des équations de la forme définie dans le no 13 et une solution particulière quelconque de ces équations, on peut toujours trouver une solution périodique (dont la période peut, il est vrai, être très longue), telle que la différence entre les deux solutions soit aussi petite qu’on le veut, pendant un temps aussi long qu’on le veut. D’ailleurs, ce qui nous rend ces solutions périodiques si précieuses, c’est qu’elles sont, pour ainsi dire, la seule brèche par où nous puissions essayer de pénétrer dans une place jusqu’ici réputée inabordable.

37.Reprenons les équations

(1)

en supposant que les soient des fonctions des inconnues du temps et d’un paramètre arbitraire

Supposons, de plus, que ces fonctions soient périodiques par rapport à et que la période soit

Imaginons que, pour ces équations admettent une solution périodique de période

de telle sorte que

Cherchons si les équations (1) admettront encore une solution périodique de période quand ne sera plus nul, mais très petit.

Considérons maintenant une solution quelconque.

Soit la valeur de pour soit la valeur de pour

Les seront, d’après le théorème du no 27, des fonctions holomorphes de et des et ces fonctions s’annuleront pour

Pour écrire que la solution est périodique, il faut écrire les équations

(1)

Si le déterminant fonctionnel ou jacobien des par rapport aux n’est pas nul pour le théorème du no 30 nous apprend que l’on peut résoudre ces équations par rapport aux et que l’on trouve

étant développable suivant les puissances de et s’annulant avec

On doit en conclure que, pour les valeurs de suffisamment petites, les équations différentielles admettent encore une solution périodique.

Cela est vrai si le jacobien des n’est pas nul ou, en d’autres termes, si pour les équations (1) admettent le système

comme solution simple.

Qu’arrivera-t-il maintenant si cette solution est multiple ?

Supposons qu’elle soit multiple d’ordre Soient le nombre des solutions du système (1) pour les petites valeurs positives de et le nombre des solutions de ce même système pour les petites valeurs négatives de j’entends parler des solutions qui sont telles, que tendent vers 0 avec

D’après ce que nous avons vu aux nos 32 et 33, les trois nombres et sont de même parité. Si donc est impair, on sera assuré qu’il existe encore des solutions périodiques pour les petites valeurs de tant positives que négatives.

Si n’est pas égal à la différence ne peut être qu’un nombre pair ; il peut donc arriver que, quand on fait croître d’une façon continue, un certain nombre de solutions périodiques disparaissent au moment où change de signe (ou plus généralement, puisque rien ne distingue la valeur des autres valeurs de au moment où passera par une valeur quelconque ) ; mais ce nombre doit toujours être pair.

Une solution périodique ne peut donc disparaître qu’après s’être confondue avec une autre solution périodique.

En d’autres termes, les solutions périodiques disparaissent par couples à la façon des racines réelles des équations algébriques.

D’après le no 33, on peut éliminer entre les équations (1), les variables et obtenir une équation unique

(2)

dont le premier membre est holomorphe en et et s’annule avec ces variables.

Si l’on regarde un instant et comme les coordonnées d’un point dans un plan, cette équation représente une courbe passant par l’origine ; à chacun des points de cette courbe correspond une solution périodique.

On pourra donc se rendre compte de toutes les circonstances qui peuvent se présenter en étudiant la forme de cette courbe dans le voisinage de l’origine.

Un cas particulier intéressant est celui où, pour les équations différentielles admettent une infinité de solutions périodiques.

Soit

un système de solutions périodiques, contenant une constante arbitraire Quelle que soit cette constante, les fonctions sont périodiques de période par rapport à et elles satisfont aux équations différentielles quand on les y substitue à la place des et qu’on fait

Dans ce cas, pour les équations (1) ne sont plus distinctes, et l’équation (2) doit se réduire à une identité.

Alors la fonction doit contenir en facteur et se réduire à de telle façon que la courbe (2) se décompose en une droite et une autre courbe

À chaque point de cette courbe correspond une solution périodique, de sorte que l’étude de cette courbe nous fera connaître les diverses circonstances qui pourront se présenter.

Mais cette courbe ne passe pas toujours par l’origine.

Nous devons donc avant tout disposer de la constante arbitraire de façon que cette courbe passe par l’origine.

Un autre cas particulier qui me semble digne d’intérêt est le suivant : Supposons qu’on ait reconnu par un moyen quelconque que la courbe présente une branche B passant par l’origine. À chacun des points de cette branche correspondra une solution périodique. Imaginons de plus que l’on sache d’une manière quelconque que la branche B n’est pas tangente à la droite supposons enfin que le déterminant fonctionnel des par rapport aux soit nul. On en conclura que

et, comme la branche B par hypothèse n’est pas tangente à la droite on devra avoir

Cela montre que la courbe présente à l’origine un point multiple ; par conséquent une ou plusieurs branches de courbe autres que B vont passer par l’origine. Sauf des cas exceptionnels sur lesquels nous aurons à revenir plus tard, une au moins de ces branches est réelle.

Il existera donc, en dehors des solutions périodiques correspondant à la branche B, un autre système de solutions périodiques, et les solutions des deux systèmes se confondront en une seule pour Voici une circonstance où ce cas se présentera.

Nous avons appelé plus haut

la valeur de pour et

la valeur de pour

Appelons de même

la valeur de pour étant entier.

Je suppose que, pour le déterminant fonctionnel des par rapport aux que j’appelle ne s’annule pas, tandis que le déterminant fonctionnel des par rapport aux que j’appelle s’annule.

De ce que ne s’annule pas, on peut conclure qu’il existe une solution périodique, de période qui se réduit à

pour Si nous construisons la courbe

correspondant aux solutions périodiques ainsi définies, cette courbe passera par l’origine, et sa tangente ne sera pas la droite puisque n’est pas nul.

Mais une solution de période peut aussi être regardée également comme une solution périodique de période

Cherchons donc les solutions périodiques de période Pour cela, nous aurons à résoudre les équations

En éliminant entre ces équations nous obtiendrons une équation unique

qui, d’après nos conventions, représentera une courbe passant par l’origine.

Nous devons retrouver nos solutions de période donc la courbe sera une des branches de la courbe ( sera don divisible par ), et cette branche ne touchera pas la droite

De plus, comme est nul, on aura

Donc l’origine est un point multiple de la courbe Il existe donc des solutions de période distinctes de la solution de période et se confondant avec elle pour

Il y a quelques cas d’exception sur lesquels nous reviendrons dans la suite.

J’ai encore à parler du cas où les équations (1) du no 36 admettent une intégrale

dont le premier membre (que j’écrirai, pour abréger, ) est fonction périodique de de période

Je dis que dans ce cas les équations

(1)

ne seront pas distinctes en général.

En effet, on aura identiquement

(2)

Considérons donc l’équation

(3)

Le premier membre est développable suivant les puissances des des et de de plus il s’annule quand les s’annulent.

Supposons que l’on n’ait pas

pour

La dérivée du premier membre de (3) par rapport à ne s’annulera pas pour

Donc, en vertu du théorème du no 30, nous pourrons tirer de l’équation (3)

étant une série développée suivant les puissances de et et s’annulant quand on a à la fois

La ième des équations (1) est donc une conséquence des premières.

Si l’on avait

pour ce serait la première des équations (1) qui serait une conséquence des dernières.

Dans tous les cas les équations (1) ne seraient pas distinctes.

Il n’y aurait d’exception que si l’on avait à la fois

pour

On supprimera donc l’une des équations (1), par exemple

et l’on résoudra par rapport aux le système

auquel on adjoindra une ième équation choisie arbitrairement, par exemple

( étant une constante donnée).

Pour chaque valeur de il y a donc une infinité de solutions périodiques de période si toutefois on regarde la constante (à laquelle est égalée ) comme une donnée de la question il n’y en a plus qu’une en général.

Si, au lieu d’une intégrale uniforme, nous en avions deux

les deux dernières équations (1) seraient une conséquence des premières, pourvu que le jacobien

ne soit pas nul pour

On pourrait alors supprimer ces deux dernières équations

et les remplacer par deux autres équations choisies arbitrairement.

Cas où le temps n’entre pas explicitement dans les équations.

38.Dans ce qui précède, nous avons supposé que les fonctions qui entrent dans les équations différentielles (1), dépendent du temps Les résultats seraient modifiés si le temps n’entre pas dans ces équations.

Il y a d’abord entre les deux cas une différence qu’il est impossible de ne pas apercevoir. Nous avions supposé dans ce qui précède que les étaient des fonctions périodiques du temps et que la période était il en résultait que, si les équations admettaient une solution périodique, la période de cette solution devait être égale à ou à un multiple de Si, au contraire, les sont indépendants de la période d’une solution périodique peut être quelconque.

En second lieu, si les équations (1) admettent une solution périodique (et si les ne dépendent pas de ), elles en admettent une infinité.

Si, en effet,

est une solution périodique des équations (1), il en sera de même, quelle que soit la constante de

Ainsi le cas sur lequel nous nous sommes étendus d’abord et dans lequel, pour les équations (1) admettent une solution périodique et une seule, ne peut se présenter si les ne dépendent pas de

Plaçons-nous donc dans le cas où le temps n’entre pas explicitement dans les équations (1) et supposons que pour ces équations admettent une solution périodique de période

(4)

Soit la valeur de pour soit la valeur de pour

Les seront des fonctions holomorphes de de et de s’annulant avec ces variables.

Nous avons donc à résoudre par rapport aux inconnues

les équations
(5)

Nous avons une inconnue de trop ; nous pouvons donc poser arbitrairement, par exemple,

Nous tirerons ensuite des équations (5), et en fonctions holomorphes de s’annulant avec Cela est possible, à moins que le déterminant

ne soit nul pour

Si ce déterminant était nul, au lieu de poser arbitrairement on poserait, par exemple, et la méthode ne serait en défaut que si tous les déterminants contenus dans la matrice

étaient nuls à la fois. (Il est à remarquer que le déterminant obtenu en supprimant la dernière colonne de cette matrice est toujours nul pour )

Comme en général tous ces déterminants ne seront pas nuls à la fois, les équations (1) admettront, pour les petites valeurs de une solution périodique de période

Appelons

les déterminants contenus dans cette matrice ; sera le déterminant obtenu en y supprimant la ième colonne.

La solution périodique, qui nous a servi de point de départ et qui appartient aux équations (1) pour s’écrivait, on se le rappelle,

Je désigne par la dérivée de cette fonction et voici ce que je me propose de démontrer :

Si n’est pas nul, le déterminant ne peut s’annuler sans que tous les déterminants

s’annulent à la fois.

En effet, supposons que tous ces déterminants ne soient pas nuls à la fois et que soit nul, je dis que sera nul.

Les équations différentielles ne contenant pas le temps explicitement, admettront encore pour la solution périodique

quelle que soit la constante

Si donc on fait

les s’annuleront, quelle que soit

Cela aura lieu encore si est infiniment petit, ce qui donne les relations

(6)

Ces relations (6) montrent d’abord que est nul.

De plus, il ne pourra pas y avoir entre les quantités

d’autres relations linéaires de la même forme, c’est-à-dire de la forme

(2)

Sans cela, en effet, tous les déterminants s’annuleraient à la fois.

Nous avons supposé que est nul. Or ce déterminant n’est autre chose que le déterminant fonctionnel de et par rapport à et Dire que ce déterminant est nul, c’est donc dire que l’on a entre les dérivées des des relations de la forme (2) et que l’on a de plus

c’est-à-dire

Or il ne peut y avoir d’autres relations de la forme (2) que les relations (1). On a donc

et, par conséquent,

Si donc n’est pas nul (et l’on peut toujours le supposer ; car, s’il n’en était pas ainsi, un changement de variables approprié suffirait pour nous ramener à ce cas), il est inutile d’envisager tous les déterminants la considération de suffit.

Si n’est pas nul, on résoudra par rapport aux les équations

(3)

Il semble d’abord que l’introduction arbitraire de l’équation diminue la généralité et qu’on ne peut trouver ainsi que les solutions périodiques, qui sont telles que soit nul pour Mais on trouvera les autres en changeant en étant une constante quelconque.

Si, au contraire, est nul, on éliminera et entre les équations (3), et l’on obtiendra une équation unique

analogue à l’équation de même forme du numéro précédent.

Cette équation pourra être regardée comme représentant une courbe passant par l’origine, et l’étude de cette courbe fera connaître toutes les circonstances qui pourront se présenter.

Nous rencontrerons d’ailleurs absolument les mêmes particularités que dans le numéro précédent.

Par exemple, les solutions périodiques, quand on fera varier d’une manière continue, ne pourront disparaître que par couples, à la façon des racines des équations algébriques.

Il pourra aussi arriver que, si l’on fait et il existe une infinité de solutions périodiques. Alors est divisible par et l’on peut écrire

de telle façon que la courbe se décompose en deux, la droite et la courbe On aura, dans ce cas, avantage à remplacer l’équation

par l’équation

Il arrivera même que quelques-unes des fonctions soient divisibles par de telle façon que, par exemple,

étant des fonctions holomorphes de des et de

On aura alors avantage à remplacer les équations (3) par les suivantes :

Nous en verrons des exemples dans la suite.

Si l’on suppose qu’il existe une intégrale

les équations (3) ne sont plus distinctes et on les remplacera avec avantage par les suivantes

pendant que est une constante quelconque.

On pourra aussi remplacer les équations (3) par les suivantes :

d’où cette conséquence importante : dans le cas général, il n’y a pas, pour les petites valeurs de de solution périodique ayant même période que pour au contraire, s’il existe une intégrale on pourra trouver, pourvu que soit assez petit, une solution périodique ayant précisément pour période

En effet, si l’on n’a pas

pour
les équations

entraînent

Voici une autre circonstance que nous avons rencontrée dans le numéro précédent et que nous retrouverons ici.

Soient la valeur de pour la valeur de pour et la valeur de pour étant un entier.

Imaginons que le déterminant fonctionnel des par rapport à ne soit pas nul, mais que le déterminant fonctionnel des soit nul.

Éliminons et entre les équations

nous obtiendrons l’équation unique

que nous regarderons comme représentant une courbe ; cette courbe a un point simple à l’origine.

Éliminons maintenant et entre les équations

il viendra

On verrait, comme au numéro précédent, que est divisible par La courbe peut donc être regardée comme une des branches de la courbe comme le déterminant fonctionnel des est nul, on doit avoir

Donc, ou bien la courbe a plusieurs branches passant par l’origine, ou bien la tangente doit être la droite

Mais nous connaissons déjà l’une des branches de la courbe savoir et nous savons que la tangente à cette branche n’est pas la droite Donc la courbe a d’autres branches passant par l’origine.

Ce qui veut dire que les équations différentielles admettent des solutions périodiques dont la période est peu différente de qui sont distinctes des solutions périodiques de période pour les petites valeurs de mais qui se confondent avec elles pour

Application au Problème des trois corps.

39. Le Problème des trois corps admet-il des solutions périodiques ?

Reprenons les notations du no 11 et désignons les trois masses par et Si l’on fait c’est-à-dire si les deux petites masses sont regardées comme nulles, la grande masse sera fixe et chacune des deux petites décrira autour de la grande une ellipse képlérienne.

il est clair alors que, si les moyens mouvements de ces deux petites masses sont commensurables entre eux, au bout d’un certain temps, tout le système se retrouvera dans sa situation initiale et, par conséquent, la solution sera périodique.

Ce n’est pas tout : au lieu de rapporter les trois masses à des axes fixes (ou à des axes mobiles qui restent constamment parallèles aux axes fixes, comme dans le no 11), on peut les rapporter à des axes mobiles animés d’un mouvement de rotation uniforme.

Il peut se faire alors que les coordonnées des trois masses, par rapport aux axes fixes, ne soient pas des fonctions périodiques du temps, tandis que les coordonnées par rapport aux axes mobiles seront, au contraire, des fonctions périodiques du temps (cf. no 36.)

Supposons maintenant que les deux petites masses décriront des ellipses képlériennes ; supposons que ces deux ellipses soient dans un même plan, dans le plan des par exemple, et que leur excentricité soit nulle. Le mouvement des deux petites masses sera alors circulaire et uniforme ; soient et les moyens mouvements de ces deux masses ().

Supposons que l’origine du temps ait été choisie au moment d’une conjonction de telle sorte que la longitude initiale des deux masses soit nulle.

Au bout du temps ces longitudes seront devenues respectivement

et leur différence sera égale à

Les deux masses se retrouvant en conjonction, les trois corps seront de nouveau dans la même situation relative. Tout le système aura seulement tourné d’un angle égal à

Si donc l’on rapporte le système à des axes mobiles tournant d’un mouvement uniforme avec une vitesse angulaire égale à les coordonnées des trois corps par rapport à ces axes mobiles seront des fonctions périodiques du temps de période

À ce point de vue, et d’après ce que nous avons dit à la fin du no 36, cette solution pourra encore être regardée comme périodique.

Ainsi dans le cas-limite où le problème des trois corps admet des solutions périodiques. Avons-nous le droit d’en conclure qu’il en admettra encore pour les petites valeurs de  ? C’est ce que les principes des nos 37 et 38 vont nous permettre de décider.

La première solution périodique qui ait été signalée pour le cas où est celle qu’a découverte Lagrange et où les trois corps décrivent des ellipses képlériennes semblables, pendant que leurs distances mutuelles restent dans un rapport constant (Cf. Laplace, Mécanique céleste, Livre X, Chapitre VI). Ce cas est trop bien étudié pour que nous ayons à y revenir.

M. Hill, dans ses très remarquables recherches sur la théorie de la Lune (American Journal of Mathematics, T. I), en a étudié une autre, dont l’importance est beaucoup plus grande au point de vue pratique.

J’ai repris la question dans le Bulletin astronomique (T. I, p. 65) et j’ai été conduit à distinguer trois sortes de solutions périodiques : pour celles de la première sorte, les inclinaisons sont nulles et les excentricités très petites ; pour celles de la deuxième sorte, les inclinaisons sont nulles et les excentricités finies ; enfin, pour celles de la troisième sorte, les inclinaisons ne sont plus nulles.

Pour les unes comme pour les autres, les distances mutuelles des trois Corps sont des fonctions périodiques du temps ; au bout d’une période, les trois Corps se retrouvent donc dans la même situation relative, tout le système ayant seulement tourné d’un certain angle. Il faut donc, pour que les coordonnées des trois Corps soient des fonctions périodiques du temps, qu’on les rapporte à un système d’axes mobiles animés d’un mouvement de rotation uniforme.

La vitesse de ce mouvement de rotation est finie pour les solutions de la première sorte et très petite pour celles des deux dernières sortes.

Solutions de la première sorte.

40. Je vais reproduire ici ce que j’ai exposé au sujet de ces trois sortes de solutions. Je commencerai par celles de la première sorte, qui contiennent, comme cas particulier, celle de M. Hill.

Reprenons les notations du no 11. Soient A, B, C les trois masses, que je supposerai rester constamment dans un même plan. Soit D le centre de gravité de A et de B. Soient et les coordonnées de B par rapport à des axes parallèles aux axes fixes ayant leur origine en A ; soient et les coordonnées de C par rapport à des axes parallèles aux axes fixes et ayant leur origine en D.

Adoptons les variables du no 12, c’est-à-dire les variables

Ici, le mouvement se passant dans un plan, on aura

Les distances mutuelles des trois Corps et les dérivées de ces distances par rapport au temps sont des fonctions de

(1)

et de

Pour que la solution soit périodique, il faut donc qu’au bout d’une période les variables (1) reprennent leurs valeurs primitives et que augmente d’un multiple de dans l’espèce, augmentera de

Si l’on fait le mouvement est képlérien ; supposons, de plus, que les valeurs initiales de soient nulles ; alors le mouvement sera circulaire et uniforme.

Si les valeurs initiales et de et sont choisies de telle sorte que les moyens mouvements soient et la solution sera périodique de période

Ne supposons plus maintenant que soit nul, et considérons une solution quelconque ; nous pourrons choisir l’origine du temps au moment d’une conjonction et prendre pour origine des longitudes la longitude de cette conjonction.

Les valeurs initiales de et de seront nulles.

Soient les valeurs initiales de et de

Soient les valeurs initiales de et

Ce seront aussi les valeurs initiales des quatre dernières variables (1).

Soit maintenant la valeur de au bout de la période

Soit, au bout de cette même période,

les valeurs de et et

les valeurs des quatre dernières variables (1).

Pour que la solution soit périodique, il faut que

Ces équations ne sont pas distinctes ; les équations différentielles du mouvement admettent en effet deux intégrales : celle des forces vives et celle des aires. Le jacobien de ces deux intégrales par rapport à et n’est pas nul pour

Les équations sont donc une conséquence des cinq autres.

Nous avons donc à résoudre le système

(2)

auquel nous adjoindrons l’équation des forces vives où nous regarderons la constante comme une donnée de la question.

Il faut donc que nous considérions le déterminant fonctionnel des premiers membres de ces six équations par rapport aux six variables

et que nous démontrions que ce déterminant ne s’annule pas pour

Or, pour on a

et étant des constantes dépendant des masses,

et désignent donc les valeurs des deux longitudes à la fin de la période, de telle façon que

On voit ainsi que, pour et dépendent seulement de et et de et et de et

Notre déterminant fonctionnel est donc le produit de trois autres :

1o Celui de et par rapport à et

2o Celui de et par rapport à et

3o Celui de et par rapport à et

Le premier de ces trois déterminants ne s’annule que pour cela n’a d’ailleurs pas d’importance, parce que, s’il s’annule, au lieu d’adjoindre au système (2) l’équation des forces vives, on y adjoindra toute autre équation arbitrairement choisie entre et quoi qu’il en soit, le cas de présentant des difficultés de diverse nature et n’ayant pas d’importance au point de vue des applications, nous le laisserons de côté.

2o Le second déterminant se réduit à

Il ne peut donc s’annuler que si est multiple de

Pour

on a

Notre déterminant ne s’annulera donc que si est multiple de

3o De même le troisième déterminant ne s’annulera que si et par conséquent est multiple de

En conséquence :

Pour toutes les valeurs de la constante des forces vives qui est égaie à

et pour les petites valeurs de le problème des trois Corps admettra une solution périodique de la première sorte dont la période sera

Il n’y aura d’exception que si est multiple de ou si

Il y a une quadruple infinité de solutions périodiques de la première sorte ; nous pouvons en effet, si est assez petit, choisir arbitrairement :

1o La période

2o La constante

3o Le moment de la conjonction, que nous avions pris dans le calcul précédent pour origine du temps ;

4o La longitude de la conjonction, que nous avions prise pour origine des longitudes, de sorte que nous avons, pour chaque valeur de solutions périodiques.

On peut retrouver ces solutions de la manière suivante :

Supposons qu’à l’origine des temps on ait

les trois Corps seront en conjonction et leurs vitesses seront perpendiculaires à la droite qui les joint ; cette droite sera d’ailleurs l’axe qui se confondra à cet instant avec l’axe Il résulte immédiatement de cette symétrie de la position des trois corps à l’instant 0 les conséquences suivantes :

Les valeurs des rayons vecteurs, à l’instant et à l’instant seront les mêmes ; les valeurs des longitudes à l’instant et à l’instant seront égales et de signe contraire.

Nous dirons alors qu’à l’époque 0 les trois corps se trouvent en conjonction symétrique.

Nous avons supposé qu’il y a conjonction symétrique au temps 0 et qu’à ce moment la longitude commune des trois corps est nulle ; nous avons ainsi déterminé quatre des éléments osculateurs et il nous en reste encore quatre qui sont arbitraires, à savoir, et Nous en disposerons de façon qu’à l’instant il y ait de nouveau conjonction symétrique et que la longitude commune des trois Corps soit ou plus exactement que l’on ait (en appelant et les longitudes vraies)

Il ne s’agit donc pas, à proprement parler, d’une conjonction symétrique, mais d’une opposition symétrique.

Pour qu’il y ait conjonction (ou opposition) symétrique, il faut, comme nous venons de le voir, quatre conditions ; nous aurons donc quatre équations pour déterminer nos quatre éléments restés arbitraires. Ces quatre équations pourront être résolues si le déterminant fonctionnel correspondant, n’est pas nul ; or il ne l’est pas en général : c’est ce qu’on verrait par un calcul facile, tout semblable à celui qui précède et qu’il est inutile de reproduire ici.

Ainsi les rayons vecteurs ont même valeur à l’époque et à l’époque même valeur encore à l’époque et à l’époque (puisqu’il y a encore conjonction symétrique à l’époque ). Quant à la différence des longitudes, ses valeurs aux époques et (ou bien encore aux époques et ) sont égales et de signe contraire. Donc les distances mutuelles des trois corps sont des fonctions périodiques dont la période est Ces solutions, qui présentent alternativement des conjonctions et des oppositions symétriques sont donc des solutions périodiques.

On pourrait croire que les solutions périodiques ainsi définies sont moins générales que celles dont nous avions d’abord démontré l’existence. Il n’en est rien ; il y en a aussi une quadruple infinité ; car nous pouvons choisir arbitrairement l’époque de la conjonction et de l’opposition, et la longitude des trois corps au moment de cette conjonction et de cette opposition ; il reste donc quatre arbitraires : ce qui montre que toutes les solutions de la première sorte rentrent dans cette même catégorie. Si l’on choisit convenablement l’époque 0, il y a, pour toutes les solutions de la première sorte, conjonction symétrique au début de chaque période et opposition symétrique au milieu de chaque période.

On peut encore s’en rendre compte de la façon suivante :

Il est toujours permis de supposer que l’origine des temps ait été choisie de telle sorte que les valeurs initiales de et de soient nulles. Il suffit pour cela de prendre pour origine des temps l’époque d’une conjonction et pour origine des longitudes la longitude de cette conjonction.

D’autre part, les équations du problème des trois corps présentent une symétrie telle qu’elles ne changent pas quand on change en ou bien quand on change simultanément en et en

Si donc il y a solution périodique quand les valeurs initiales des variables seront il y aura encore solution périodique quand ces valeurs initiales seront

Les équations (3) ne changent donc pas quand on y change et en et

Or ces équations (3) ne comportent qu’une seule solution ; on devra donc avoir

ce qui veut dire qu’à l’origine des temps il y a conjonction symétrique. C.Q.F.D.

Les solutions périodiques de la première sorte sont liées les unes aux autres par des relations simples. On peut passer de l’une à l’autre : 1o en changeant l’origine des temps ; 2o en changeant l’origine des longitudes ; 3o en changeant simultanément les unités de longueur et de temps de façon que l’unité de longueur soit multipliée par quand celle de temps est multipliée par Tous ces changements n’altèrent pas la forme des équations et, par conséquent, ne peuvent que changer les solutions périodiques les unes dans les autres. Il n’y a donc en réalité qu’une simple infinité de solutions périodiques réellement distinctes ; chacune de ces solutions réellement distinctes est caractérisée par le rapport ou, ce qui revient au même, par la différence entre la longitude d’une conjonction symétrique et celle de l’opposition qui la suit.

Recherches de M. Hill sur la Lune.

41.Il y a un cas particulier où les solutions de la première sorte se simplifient : c’est celui où l’une des masses, la masse par exemple, est infiniment petite. Le mouvement de par rapport à restant alors képlérien, il ne peut y avoir de conjonction symétrique que quand passe au périhélie ou à l’aphélie, à moins que le mouvement de ne soit circulaire. Mais la longitude d’une conjonction symétrique devrait donc différer de la longitude de l’opposition symétrique qui la suit immédiatement d’un angle qui devrait être un multiple de Or il n’en sera pas ainsi, à moins que ne soit entier, cas que nous avons précisément exclu. Nous devons donc conclure que le mouvement de est circulaire.

La simplicité est plus grande encore si l’on suppose que la masse de est beaucoup plus grande que celle de et que la distance de est très grande (ce qui est le cas dans la théorie de la Lune). Si nous supposons infiniment grand et la masse de infiniment grande, de façon que la vitesse angulaire de sur son orbite reste finie ; si, en même temps, on rapporte la masse à deux axes mobiles, à savoir à un axe coïncidant avec et à un axe perpendiculaire au premier, les équations du mouvement deviendront, comme M. Hill l’a démontré,

(1)

désigne la vitesse angulaire de

Les solutions périodiques de la première sorte subsistent encore dans ce cas et ce sont celles dont M. Hill a reconnu le premier l’existence, ainsi que je l’ai dit plus haut.

Elles comportent des conjonctions et des oppositions symétriques qui ne peuvent avoir lieu que sur l’axe des Mais elles comportent encore d’autres situations remarquables que l’on pourrait appeler des quadratures symétriques ; dans ces situations l’angle est droit et la vitesse du point par rapport au point est perpendiculaire à

En effet, les équations comportent une symétrie telle qu’elles ne changent pas quand on change en les solutions périodiques ne doivent donc pas changer non plus quand on change en si donc on envisage la trajectoire relative du point par rapport au système des axes mobiles et cette trajectoire est une courbe fermée (puisque la solution est périodique) qui est symétrique à la fois par rapport à et par rapport à

Si, au contraire, tout en supposant le mouvement de circulaire et en prenant pour axe des la droite on n’avait pas supposé la distance infinie (si, en d’autres termes, on avait, en faisant la théorie de la Lune, tenu compte de la parallaxe du Soleil en continuant de négliger l’inclinaison des orbites et l’excentricité du Soleil), cette trajectoire relative aurait encore été une courbe fermée symétrique par rapport à l’axe des mais elle n’aurait plus été symétrique par rapport à l’axe des

Les équations (1) admettent une intégrale qui s’écrit

M. Hill a étudié comment varient les solutions de la première sorte quand on fait augmenter il a reconnu que la trajectoire relative est une courbe fermée symétrique dont la forme rappelle grossièrement celle d’une ellipse dont le grand axe serait l’axe des Quand est très petite, cette sorte d’ellipse diffère très peu d’un cercle et son excentricité augmente rapidement avec Pour les grandes valeurs de la courbe commence à différer beaucoup d’une ellipse, mais le rapport du grand axe au petit continue à croître avec enfin, pour une certaine valeur de que j’appellerai la courbe présente deux points de rebroussement situés sur l’axe des C’est ce que M. Hill appelle l’orbite de la « Moon of maximum lunation ». Son calcul, fondé, tantôt sur l’emploi des séries, tantôt sur l’emploi des quadratures mécaniques, est beaucoup trop long pour trouver place ici ; je dirai seulement que M. Hill a construit exactement la courbe point par point pour diverses valeurs de et en particulier pour Il ne peut donc y avoir aucune espèce de doute au sujet de l’exactitude de ses résultats.

Il est aisé de se rendre compte de la signification de ces points de rebroussement. Je suppose qu’à un instant quelconque la vitesse relative de la masse par rapport aux axes mobiles devienne nulle, de façon qu’on ait à la fois

il est clair que la trajectoire relative présentera un point de rebroussement. C’est ce qui arrive pour la « Moon of maximum lunation » de M. Hill.

M. Hill s’exprime ensuite comme il suit :

« The Moon of the last line (c’est-à-dire the Moon of maximum lunation) is, of the class of satellites considered in this Chapter, that which, having the longest lunation, is still able to appear at all angles with the Sun and then undergo all possible phases. Whether this class of satellites is properly to be prolonged beyond this Moon, can only be decided by further employment of mechanical quadratures. But it is at least certain that the orbits, if they do exist, do not intersect the line of quadratures and that the Moons describing them would make oscillations to and for, never departing as much as 90° from the points of conjunction or of opposition. »

Ce n’est là, de la part de l’auteur, qu’une simple intuition ne reposant sur aucun calcul ou raisonnement. De simples considérations de continuité analytique me permettent d’affirmer que cette intuition l’a trompé.

On peut d’abord se demander si les solutions de la première sorte existent encore pour ou, en d’autres termes, si la classe de satellites étudiée par M. Hill peut être prolongée au delà de la Lune de lunaison maximum. Supposons, à cet effet, qu’à l’origine des temps la masse (c’est-à-dire la Lune) soit en quadrature (sur l’axe des ), et que sa vitesse relative par rapport aux axes mobiles soit perpendiculaire à l’axe des

J’appelle les valeurs initiales de et Dans le cas de la Lune de lunaison maximum de M. Hill, on a

et j’appelle la valeur correspondante de

Au bout d’un temps égal au quart d’une période, cette Lune se trouvera en conjonction symétrique, et l’on aura

Considérons maintenant une autre solution particulière de nos équations différentielles, et soient

les valeurs initiales de

de telle façon qu’à l’origine des temps on soit en quadrature symétrique.

Considérons les valeurs de et de au bout du temps et soient

et seront développables suivant les puissances de de et de et s’annuleront pour

Si l’on a

(2)

on sera, au bout du temps en conjonction symétrique, et la solution sera périodique de période

On peut tirer des équations (2) et en fonctions de et et seront développables suivant les puissances de

Il n’y aurait d’exception en vertu du no 30 que si le déterminant fonctionnel de et par rapport à et s’annulait précisément pour

Il est extrêmement invraisemblable qu’il en soit ainsi ; quelques doutes pourraient cependant encore subsister, si les quadratures mécaniques de M. Hill ne prouvaient nettement le contraire. Voici, en effet, comment M. Hill a procédé pour déterminer il a calculé, pour différentes valeurs de et de les fonctions

et il a déterminé ensuite par interpolation les valeurs de et de pour lesquelles ces deux fonctions s’annulent. Si le déterminant fonctionnel de et de s’annulait précisément pour ces valeurs, l’interpolation serait devenue impossible par les procédés ordinaires. Nous devons donc conclure que la classe de satellites découverte par M. Hill peut être prolongée au delà de la Lune de lunaison maximum.

Que devient donc, au delà de cette Lune, la forme de l’orbite ? Les valeurs de et de dépendent du temps et du paramètre puisque l’autre valeur initiale est donnée en fonction de par les équations (2).

Si et sont assez petits, et sont développables suivant les puissances de ces deux variables. De plus, par raison de symétrie, ne contiendra que des puissances impaires de et ne contiendra que des puissances paires de Nous aurons donc

étant la valeur initiale de la dérivée ième de

Si et sont assez petits, je puis, sans erreur sensible, réduire à ses deux premiers termes ; de plus, est développable suivant les puissances croissantes de mais, comme est très petit, je puis réduire à la valeur que prend cette quantité pour Or, pour on a

il vient donc

(3)

Pour les Lunes considérées par M. Hill et dont la lunaison est moindre que celle de la Lune de lunaison maximum, est négatif, les deux termes du second membre de (3) sont de même signe, et ne peut s’annuler pour des valeurs très petites de si ce n’est pour

Au contraire, pour les satellites nouveaux dont il s’agit et que l’on rencontre après la Lune de lunaison maximum, est positif et s’annule pour

Il y a donc trois valeurs de très petites pour lesquelles s’annule, c’est-à-dire trois quadratures à des époques très rapprochées.

La trajectoire relative pour présente donc la forme représentée par la figure ci-contre.

Figure 1
Fig. 1.

Dans le cours d’une période, la masse se trouve six fois en quadrature, car sa trajectoire relative coupe l’axe des en deux points doubles et en deux points simples.

Ainsi M. Hill se trompe en supposant que cette sorte de satellites ne seraient jamais en quadrature ; il y aurait, au contraire, trois quadratures entre deux syzygies consécutives.

Ce n’est pas qu’il n’existe des solutions périodiques pour lesquelles la masse ne peut jamais être en quadrature : nous les étudierons plus loin, au no 52 ; mais ces solutions ne sont pas la continuation analytique de celles dont M. Hill a fait si magistralement l’étude dans l’American Journal.

Les mêmes résultats sont encore vrais quand on ne néglige pas la parallaxe du Soleil, sauf que la symétrie par rapport à l’axe des disparaît.

Application au problème général de la Dynamique.

42. Nous allons maintenant, avant d’aborder l’étude des solutions périodiques de la deuxième et de la troisième sorte, étudier d’une façon plus générale les solutions périodiques des équations de la Dynamique.

Reprenons les équations du no 13,

(1)

et les hypothèses de ce numéro. La fonction est développée suivant les puissances d’un paramètre très petit de sorte que

est fonction périodique des est fonction des seulement. Je supposerai, pour fixer les idées, qu’il n’y a que 3 degrés de liberté. Il est aisé d’intégrer ces équations quand et que

En effet, ne dépendant pas des ces équations se réduisent à

Les et par conséquent les sont donc des constantes.

Ainsi, les équations (1) admettent pour solution, quand

les et les étant des constantes d’intégration, et les des fonctions des

Il est clair que, si

sont multiples de cette solution est périodique de période

Supposons maintenant que cesse d’être nul, et imaginons que, dans une certaine solution, les valeurs des et des pour soient respectivement

Supposons que, dans cette même solution, les valeurs des et des pour soient

La condition pour que cette solution soit périodique de période c’est que l’on ait

(12)

Les six équations (12) ne sont pas distinctes. En effet, comme est une intégrale des équations (1), et que d’ailleurs est périodique par rapport aux on a

Il nous suffira donc de satisfaire à cinq des équations (12). Je supposerai, de plus,

Il suffit, pour cela, de choisir l’origine du temps de telle sorte que soit nul pour

Il est aisé de voir que les et les sont des fonctions holomorphes de et des s’annulant quand toutes ces variables s’annulent.

Il s’agit donc de démontrer que l’on peut tirer des cinq dernières équations (12) les en fonctions de

Remarquons que, quand est nul, on a identiquement

Par conséquent, et développés suivant les puissances de et des contiennent en facteur. Nous supprimerons ce facteur et nous écrirons par conséquent les cinq équations (12) que nous avons à résoudre sous la forme

(13)

Pour on connaît la solution générale des équations (1) ; on trouve donc aisément

Le déterminant fonctionnel de et par rapport à et est donc égal, au facteur près au hessien de par rapport aux

Je me propose maintenant d’exprimer et en fonctions de et en supposant et en même temps

Or on trouve

d’où

ou, pour

(3)

Puisque nous supposons et en même temps

et si l’on se rappelle que nous devons, dans le second membre de l’équation (3), remplacer respectivement par

Alors devient une fonction périodique de

Nous pouvons écrire

étant des entiers positifs, pendant que et sont des fonctions des indépendantes des

Il vient alors

où l’on a posé, pour abréger,

devient ainsi une fonction périodique de de période c’est également une fonction périodique de période par rapport à et

Je désignerai par la valeur moyenne de la fonction périodique de telle façon que

le signe signifiant que la sommation doit être étendue à tous les termes tels que

Il vient alors

On en conclut :

1o Qu’il est toujours possible de choisir et de telle façon que les équations

soient satisfaites pour

En effet, la fonction qui est finie, est périodique en et en elle admet donc un maximum et un minimum ; on aura, pour ce maximum ou ce minimum,

et, par conséquent,

C.Q.F.D.

2o Que le déterminant fonctionnel de et par rapport à et est égal à multiplié par le hessien de par rapport à et

Il résulte de là que l’on peut choisir les constantes et de façon à satisfaire aux équations (13). Il reste, pour établir l’existence des solutions périodiques, à faire voir que le déterminant fonctionnel de ces équations, c’est-à-dire

n’est pas nul.

Or,pour et ne dépendent que de et non de et de Ce déterminant fonctionnel est donc le produit de deux autres

Or nous venons de calculer ces deux déterminants fonctionnels, et nous avons vu qu’ils sont égaux, à un facteur constant près, l’un au hessien de par rapport à et à l’autre au hessien de par rapport aux

Donc, si aucun de ces deux hessiens n’est nul, les équations (1) admettront des solutions périodiques pour les petites valeurs de

Nous allons maintenant chercher à déterminer, non plus seulement les solutions périodiques de période mais les solutions de période peu différente de Nous avons pris pour point de départ les trois nombres nous aurions pu tout aussi bien choisir trois autres nombres, pourvu qu’ils soient commensurables entre eux, et nous serions arrivés à une solution périodique dont la période aurait été le plus petit commun multiple de

Si nous prenons en particulier

ces trois nombres seront commensurables entre eux, puisqu’ils sont proportionnels aux nombres et

Ils nous conduiront donc à une solution périodique de période

de telle façon que nous aurons
(14)

les et les étant des fonctions développables suivant les puissances de et de et périodiques en mais de façon que la période dépende de

Si dans nous remplaçons les et les par leurs valeurs (14), doit devenir une constante indépendante du temps [puisque est une des intégrales des équations (1)]. Mais cette constante, qui est dite constante des forces vives, dépendra de et de et pourra être développée suivant les puissances croissantes de ces variables.

Si la constante des forces vives est une donnée de la question, l’équation

peut être regardée comme une relation qui lie à Si donc nous nous donnons arbitrairement il existera toujours une solution périodique, quelle que soit la valeur choisie pour cette constante ; mais la période dépendra de et par conséquent de

Un cas plus particulier que celui que nous venons de traiter en détail est celui où il n’y a que 2 degrés de liberté. ne dépend alors que de quatre variables, et la fonction ne dépend plus que d’une seule variable Les relations (6) se réduisent alors à

(15)

et le hessien de se réduit à d’où cette conclusion :

À chacune des racines simples de l’équation (15) correspond une solution périodique des équations (1), qui existe pour toutes les valeurs de suffisamment petites.

Je pourrais même ajouter qu’il en est encore de même pour chacune des racines d’ordre impair.

L’existence des solutions périodiques une fois démontrée, il reste à faire voir que ces solutions peuvent se développer suivant les puissances de et s’écrire

étant des fonctions périodiques de développables selon les sinus et cosinus des multiples de

D’après le théorème du no 28, nous aurons

si sont les valeurs initiales de pour

sera développable suivant les puissances de

si est assez petit et si est assez voisin de et de

Nous prendrons

De plus, nous prendrons

Nous choisirons les et de façon à obtenir une solution périodique, c’est-à-dire de façon à satisfaire aux équations (9). Nous venons de voir que, si et les satisfont à ces équations (9), on pourra développer suivant les puissances croissantes de et que et les s’annuleront avec

On aura donc

étant une fonction développée suivant les puissances de

ne dépend pas seulement de il dépend encore de nous écrirons donc

en rappelant toutefois que est développé suivant les puissances de mais non pas suivant celles de

Cela posé, quand on augmente de on augmente de et, comme on s’est arrangé de manière à avoir une solution périodique de période ne doit pas changer ; on a donc

(10)

étant développable suivant les puissances de on peut écrire

ne dépendant que de L’identité (10) montre alors que ne change pas quand on change en Donc est une fonction périodique et peut se développer suivant les sinus et les cosinus des multiples de


C.Q.F.D.

Cas où le hessien est nul.

43.Il peut y avoir difficulté dans le cas où le hessien de est nul.

Voici comment il est permis, dans un assez grand nombre de cas, de tourner la difficulté.

Supposons que le hessien de par rapport aux variables soit nul, mais que l’on puisse trouver une fonction de que l’on appellera et dont le hessien ne soit pas nul.

Nous allons transformer les équations (1) de la manière suivante.

Ces équations admettent l’intégrale des forces vives qui s’écrit

Soit la dérivée de la fonction on aura pour

et sera une constante qui pourra être regardée comme connue, si l’on suppose que les conditions initiales du mouvement soient données et permettent par conséquent de calculer la constante

Les équations (1) peuvent alors s’écrire

Elles conservent la même forme, mais la fonction est remplacée par dont le hessien n’est pas nul.

Prenons, par exemple, le cas particulier du problème des trois Corps étudiés au no 6, celui où l’une des masses est nulle et où les deux autres se meuvent circulairement.

Dans ce cas, nous avons trouvé

on a donc

Notre hessien est donc identiquement nul ; mais, si nous prenons

le hessien de est égal à
et est différent de 0.

Ainsi tout ce qui précède est applicable à ce cas particulier du problème des trois Corps qui possède des solutions périodiques pour les petites valeurs de

Considérons au contraire le cas général du problème des trois Corps traité au no 11.

Nous avons trouvé que ce problème pouvait être ramené à la forme canonique, les deux séries de variables étant

La fonction peut se développer suivant les puissances de

et l’on a

Si, pour reprendre les notations employées dans ce Chapitre, nous désignons les deux séries de variables conjuguées par

de telle sorte que
il viendra

le hessien de sera manifestement nul.

Si nous considérons une fonction quelconque cette fonction ne dépendra encore que de et de et son hessien sera encore nul. L’artifice que nous avons employé plus haut n’est donc plus applicable et les raisonnements du présent numéro ne suffisent plus pour établir l’existence des solutions périodiques.

C’est là l’origine des difficultés que nous chercherons à vaincre dans les nos 46 à 48.

Ces difficultés proviennent encore, comme on vient de le voir, de ce que ne dépend que de et de c’est-à-dire de ce que l’on a

ou encore, si

Ces équations signifient que dans le mouvement képlérien les périhélies et les nœuds sont fixes.

Or, avec toute autre loi d’attraction que celle de Newton, les périhélies et les nœuds ne seraient plus fixes.

Donc, avec une loi différentes de la loi newtonienne, on ne rencontrerait plus, dans la recherche des solutions périodiques du problème des trois Corps, la difficulté que je viens de signaler et à

laquelle seront consacrés plus loin les nos 46 à 48.

Calcul direct des séries.

44.Nous venons de démontrer que les équations (1) du no 43 admettent des solutions périodiques, et que ces solutions peuvent être développées suivant les puissances de

Cherchons maintenant à former effectivement ces développements, dont nous avons ainsi démontré d’avance l’existence et la convergence.

Je commence par observer qu’on peut, dans le calcul de ces développements, introduire une importante modification. Nous avons introduit plus haut trois nombres :

tels que

soient multiples de et par conséquent commensurables entre eux. Ces trois nombres caractérisent la solution périodique envisagée.

Je dis que l’on peut toujours, quand on étudie une solution périodique particulière, supposer que

Supposons, en effet, qu’il n’en soit pas ainsi. Nous changerons de variables en posant

Les équations (avec les nouvelles variables et ) conserveront la forme canonique.

Si, de plus, les les les sont entiers et que leur déterminant soit égal à 1, la fonction périodique par rapport aux sera également périodique par rapport aux

Si nous appelons ce que deviennent les trois nombres caractéristiques et après le changement de variables, ces trois nombres nous seront donnés par les équations

comme et sont commensurables entre eux, on peut évidemment choisir les entiers et de telle sorte que

Il est donc toujours permis de supposer

c’est ce que nous ferons désormais.

Nous allons donc chercher à satisfaire aux équations (1) en faisant

(2)

les et les étant des fonctions périodiques du temps de période Les sont des constantes telles que

et l’on a d’autre part
d’où

et étant des constantes que nous nous réservons de déterminer plus complètement dans la suite.

L’origine du temps restant arbitraire, nous pourrons la choisir de telle façon que quel que soit pour Il en résulte que seront nuls à la fois pour et que

Dans à la place des et des substituons leurs valeurs (2), puis développons suivant les puissances croissantes de ainsi qu’il a été dit au no 22. Il viendra

et l’on aura

Il viendra ensuite (si l’on se souvient que et que )

(3)

Plus généralement, on aura

et dépendra seulement

Par rapport aux elle est périodique de période

Cela posé, les équations différentielles peuvent s’écrire, en égalant les puissances de même nom de

On trouve ensuite

(4)
et
(5)
et plus généralement
(4′)
et
(5′)

Intégrons d’abord les équations (4). Dans nous remplacerons par leurs valeurs

Alors les seconds membres des équations (4) sont des fonctions périodiques de de période ces seconds membres peuvent donc être développés en séries procédant suivant les sinus et les cosinus des multiples de Pour que les valeurs de et tirées des équations (4) soient des fonctions périodiques de il faut et il suffit que ces séries ne contiennent pas de termes tout connus.

Je puis écrire, en effet,

sont des entiers positifs ou négatifs et où et sont des fonctions de J’écrirai, pour abréger,

en posant

Je trouverai alors

et

Parmi les termes de ces séries, je distinguerai ceux pour lesquels

et qui sont indépendants de

étant une fonction périodique de j’appellerai la valeur moyenne de cette fonction et j’aurai

la sommation représentée par le signe s’étendant à tous les termes de pour lesquels le coefficient de est nul. Nous aurons alors

Si donc on a

(6)

il viendra, puisque d’ailleurs est nul,

(7)

Si donc les relations (6) sont satisfaites, les séries ne contiendront pas de terme tout connu, et les équations (4) nous donneront

et étant trois nouvelles constantes d’intégration.

Il me reste à démontrer que l’on peut choisir les constantes et de façon à satisfaire aux relations (6). La fonction est une fonction périodique de et de qui ne change pas quand l’une de ces deux variables augmente de De plus elle est finie ; elle aura donc au moins un maximum et un minimum. Il y a donc au moins deux manières de choisir et de façon à satisfaire aux relations (6).

Je pourrais même ajouter qu’il y en a au moins quatre, sans pouvoir toutefois affirmer qu’il en est encore de même quand le nombre de degrés de liberté est supérieur à 3.

Je vais maintenant chercher à déterminer, à l’aide des équations (5), les trois fonctions et les trois constantes

Nous pouvons regarder comme connus les et les les sont connus également aux constantes près Je puis donc écrire les équations (5) sous la forme suivante,

(8)

où les représentent des fonctions entièrement connues développées en séries suivant les sinus et cosinus des multiples de Les coefficients de et sont des constantes que l’on peut regarder comme connues.

Pour que la valeur tirée de cette équation soit une fonction périodique de il faut et il suffit que dans le second membre le terme tout connu soit nul. Si donc désigne le terme tout connu de la série trigonométrique je devrai avoir

(9)

Les trois équations linéaires (9) déterminent les trois constantes et

Il n’y aurait d’exception que si le déterminant de ces trois équations était nul ; c’est-à-dire si le hessien de par rapport à et était nul ; nous exclurons ce cas.

Les équations (8) me donneront donc

ou

les étant des fonctions périodiques de entièrement connues et les étant trois nouvelles constantes d’intégration. Il résulte d’ailleurs des équations que je viens d’écrire que pour

Venons maintenant aux équations (4′) en y faisant et et cherchons à déterminer, à l’aide des trois équations ainsi obtenues, les trois fonctions et les trois constantes

Il est aisé de voir que nous avons

dépend seulement des des et des et où l’on a, comme plus haut,

Les équations (4′) s’écrivent alors

ou
(10)

étant une fonction périodique de que l’on peut regarder comme entièrement connue. Pour que l’on puisse tirer de cette équation sous la forme d’une fonction périodique, il faut et il suffit que les seconds membres des équations (10), développés en séries trigonométriques, ne possèdent pas de termes tout connus. Nous devons donc disposer des quantités de manière à annuler ces termes tout connus. Nous serions ainsi conduits à trois équations linéaires entre les trois quantités mais, comme le déterminant de ces trois équations est nul, il y a une petite difficulté et je suis forcé d’entrer dans quelques détails.

Comme nous avons supposé plus haut que pour nous aurons

nous n’aurons plus alors que deux inconnues et et trois équations à satisfaire ; mais ces trois équations ne sont pas distinctes, comme nous allons le voir.

Appelons, en effet, le terme tout connu de ces trois équations s’écriront (si l’on se rappelle que le signe de sommation se rapporte aux termes tels que )

(11)

les deux dernières des équations (11) pourront aussi s’écrire

De ces deux équations, on peut tirer et à moins que le hessien de par rapport à et ne soit nul. Si l’on donne aux les valeurs ainsi obtenues, les deux dernières équations (10) nous donneront et sous la forme suivante

les étant des fonctions périodiques de entièrement connues et les étant de nouvelles constantes d’intégration.

Pour trouver nous pouvons, au lieu d’employer la première des équations (10), nous servir des considérations suivantes :

Les équations (1) admettent une intégrale

étant une constante d’intégration que je supposerai développée suivant les puissances de en écrivant

de sorte que l’on a

étant autant de constantes différentes.

Le premier membre de l’équation

dépend des des des des de et de qui sont des fonctions connues de et de que nous n’avons pas encore calculée. De cette équation, nous pourrons donc tirer sous la forme suivante

sera une fonction périodique de entièrement déterminée et est une constante qui dépend de de et de .

Nous pouvons conclure de là que la première des équations (11) doit être satisfaite et par conséquent que ces trois équations (11) ne sont pas distinctes.

Prenons maintenant les équations (5′) et faisons-y nous obtiendrons trois équations qui nous permettront de déterminer les constantes et et d’où l’on tirera en outre les sous la forme

les étant des fonctions périodiques de entièrement connues et les étant trois nouvelles constantes d’intégration.

Reprenons ensuite les équations (4′) en y faisant si nous supposons nous pourrons tirer des trois équations ainsi obtenues, d’abord les deux constantes et puis les sous forme

les étant des fonctions périodiques connues de et les étant trois nouvelles constantes d’intégration.

Et ainsi de suite.

Voilà un procédé pour trouver des séries ordonnées suivant les puissances de périodiques de période par rapport au temps et satisfaisant aux équations (1). Ce procédé ne serait en défaut que si le hessien de par rapport aux était nul ou si le hessien de par rapport à et était nul.

Démonstration directe de la convergence.

45.Il pourrait être utile de connaître une démonstration directe de la convergence des séries que nous venons de former et dont nous avions préalablement démontré, dans le no 28, l’existence et la convergence. Je donnerai d’abord cette démonstration directe dans un cas particulier.

Soit

(1)

une équation différentielle ; nous avons vu au no 2 que cette équation (considérée par M. Gyldén, puis par M. Lindstedt dans leurs recherches sur la Mécanique céleste) peut être regardée comme un cas particulier des équations de la Dynamique avec 2 degrés de liberté seulement.

Je supposerai que peut être développé suivant les puissances croissantes de et que l’on a

étant des fonctions de que je supposerai périodiques et de période Je supposerai de plus que la valeur moyenne de est nulle,

Cela posé, je vais chercher à développer suivant les puissances de de telle sorte que

En substituant cette valeur de dans il vient

et les équations différentielles deviendront

Nous voulons que soient des fonctions périodiques de Cela sera possible, pourvu que les valeurs moyennes des seconds membres soient nulles, c’est-à-dire que l’on ait

La première condition est remplie d’elle-même, car on a

D’autre part, il vient

ne dépendant que de

Soit la valeur moyenne de et posons

de telle façon que soit une fonction périodique de dont la valeur moyenne soit nulle.

Cela posé, imaginons que nous ayons déterminé par un calcul préalable

(2)

et, par conséquent aussi, et que nous nous proposions de calculer et

La relation peut s’écrire

Dans cette équation et peuvent être regardés comme connus, puisque les quantités (2) sont connues ; est une constante donnée ; on peut donc en tirer

On a ensuite

Si je pose
il viendra

Les les et les peuvent donc se calculer de la sorte par récurrence.

Il résulte de là que, si est une fonction périodique de telle que l’on ait, en reprenant la notation du no 20, complétée au no 35,

on aura a fortiori

Nous écrirons dans ce qui va suivre

de telle sorte que

Cela posé, soit une fonction de et de de même forme que c’est-à-dire telle que

étant des fonctions périodiques de et supposons de plus que l’on ait

Si nous posons ensuite
il viendra
Nous poserons également
d’où
Nous écrirons enfin

Soient maintenant et trois fonctions inconnues liées par la relation

et développées suivant les puissances de de sorte que

Définissons ces fonctions par les équations suivantes

(3)

on trouvera tout d’abord

et comme on a, d’autre part,
on en conclura
On trouve ensuite
et, d’autre part,
d’où
Il vient ensuite
et, d’autre part,
d’où
puis
et, d’autre part,
d’où

et ainsi de suite ; la loi est manifeste, on aura

et

Si donc la série

converge, la série
(4)

convergera a fortiori. Il me reste donc à établir que la série converge, ou, ce qui revient au même, que les équations (3) peuvent être résolues par rapport à et à

Or le déterminant fonctionnel relatif à ces équations (3) peut s’écrire

et sa valeur pour est égale à 1. Il n’est donc pas nul et, par conséquent, d’après le théorème du no 30, les équations (3) peuvent être résolues.

Donc la série (4) converge. C.Q.F.D.

Les équations traitées dans ce numéro sont un cas particulier de celles qui ont fait l’objet du numéro précédent. Une démonstration directe tout à fait analogue pourrait être donnée dans le cas général. Nous y reviendrons plus loin.

Examen d’un important cas d’exception.

46.D’après ce que nous venons de voir, les principes du no 42 se trouvent en défaut quand le hessien de par rapport aux est nul.

Examinons donc le cas où ce hessien est nul, et plus particulièrement le cas où est indépendant de quelques-unes des variables

Je supposerai, pour fixer les idées, qu’il y a quatre degrés de liberté, que deux des variables et entrent dans que les deux autres et n’y entrent pas, et enfin que le hessien de par rapport à et à n’est pas nul (le hessien par rapport à et est nul puisque ). Pour la solution générale des équations différentielles s’écrit

(1)

les et les étant des constantes.

Si et ont été choisis de telle sorte que et soient multiples de la solution sera périodique de période et cela quelles que soient les valeurs initiales et

Considérons maintenant une solution quelconque pour une valeur quelconque de et soient

(2)

les valeurs initiales des et des pour Soient

les valeurs des des et des pour

Pour que la solution soit périodique, il faut et il suffit que l’on ait

(3)

Je remarquerai :

1o Que je puis toujours choisir l’origine du temps de telle façon que la valeur initiale de soit nulle, aussi bien pour la solution périodique (1) que pour la solution qui correspond aux valeurs initiales (2). On aura donc

2o Que est une intégrale de nos équations différentielles et que n’est pas nul est égal à Les équations (3) ne sont donc pas distinctes et je puis supprimer la première d’entre elles,

3o Que pour on a identiquement

que par conséquent sont divisibles par Je puis donc remplacer le système (3) par le suivant :

(4)

Je me propose :

io De déterminer

( et sont déjà supposés déterminés et est supposé nul), de façon que les équations (4) soient satisfaites pour

2o De rechercher si le déterminant fonctionnel des premiers membres du système (4) est nul, ou, en d’autres termes, si pour la solution

est une solution simple de ce système, ou pour le moins une solution d’ordre impair.

Pour cela, il faut que nous recherchions ce que deviennent les équations (4) pour

Nous avons

ou, puisque
ou, pour
(5)

pour on a

Substituons ces valeurs des et des dans le second membre de l’équation (5).

Si nous faisons de plus et se réduisent à et et la fonction devient une fonction périodique de de période c’est, en outre, une fonction de qui est périodique et de période enfin elle dépend encore de et Nous pouvons écrire

et étant des entiers, et des fonctions des En effet, la fonction est par hypothèse périodique de période par rapport aux

Après la substitution, il vient

Parmi les termes du développement de je distingue ceux pour lesquels est nul et j’appelle l’ensemble de ces termes, de telle sorte que

la sommation étant étendue à tous les termes pour lesquels on a

La fonction est une fonction périodique du temps de période et n’est autre chose que la valeur moyenne de cette fonction, de telle sorte que l’on a

ou, en différentiant par rapport à
mais on a

L’équation (5) devient donc

on trouverait de même
On trouve, par un calcul tout pareil,
ou, pour
et de même
D’autre part, il vient
ou, pour

On trouve de même

Nous voulons d’abord que pour

le système (4) soit satisfait. Or, si l’on a et se réduisent à et et se réduisent à 0 ; de sorte que deux des équations (4) sont satisfaites d’elles-mêmes. Le système (4) se réduit simplement à

(6)

Ainsi, dans la fonction annulons les et les considérons ensuite comme fonction de si cette fonction admet un maximum ou un minimum et qu’on donne aux variables et les valeurs qui correspondent à ce maximum ou à ce minimum, on satisfera aux équations (6).

Cette solution du système (6) nous conduit-elle à des solutions périodiques existant encore pour les petites valeurs de

Il suffit pour cela que le déterminant fonctionnel des équations (4) ne s’annule pas pour

Or et ne dépendent (quand on fait ) que de et car et ses deux diviseurs et ne sont fonctions que de et

Ce déterminant fonctionnel est donc le produit de deux autres.

1o De celui de et par rapport à et (mais ce n’est autre chose que le hessien de par rapport à et que nous supposons différent de 0).

2o de celui de

(7)
par rapport à

Or les quantités (7) sont des fonctions de

La dérivée de l’une quelconque des quantités (7) par rapport à ou est égale à sa dérivée par rapport à ou à

Le déterminant cherché est donc le déterminant fonctionnel des quantités (7) par rapport à

(8)

Mais nous devons calculer les valeurs de ce déterminant pour

Mais, quand et s’annulent, les quantités (7) se réduisent aux premiers membres des équations (6).

Notre déterminant n’est donc autre chose que le hessien de par rapport aux variables (8).

Si ce hessien n’est pas nul, nos équations différentielles admettront encore des solutions périodiques pour les petites valeurs de

Ce résultat peut encore s’énoncer autrement.

Il existera des solutions périodiques pour les petites valeurs de pourvu que les équations (6) admettent une solution simple. Mais il y a plus, il existera encore des solutions périodiques pourvu que les équations (6) admettent une solution d’ordre impair.

Mais, d’après le no 34, à un maximum de la fonction correspondra toujours une solution d’ordre impair des équations (6).

Donc, si la fonction admet un maximum ou un minimum, nos équations différentielles admettront des solutions périodiques pour les petites valeurs de

Solution de la deuxième sorte.

47.Appliquons ce qui précède au problème des trois Corps, en supposant d’abord que ces trois Corps se meuvent dans un même plan, et occupons-nous de déterminer les solutions périodiques de la deuxième sorte.

Adoptons les variables du no 15, c’est-à-dire les variables

Une solution sera périodique si au bout d’une période et ont repris leurs valeurs primitives, et si et ont augmenté d’un multiple de

La fonction est égale à

et ne dépend que de et de

Si donc on suppose et qu’on appelle

les valeurs initiales de nos six variables, quatre de ces six variables, et seront des constantes et l’on aura

Si, de plus, on pose
on aura

Donc, pour si et ont été choisis de telle sorte que et soient multiples de la solution sera périodique de période quelles que soient d’ailleurs les constantes

Voici la question que nous posons :

Est-il possible de choisir les constantes et de telle sorte que, pour les petites valeurs de les équations du mouvement admettent une solution périodique de période et qui soit telle que les valeurs initiales des six variables soient respectivement

les étant des fonctions de s’annulant avec

Pour résoudre cette question, il suffit d’appliquer les principes du numéro précédent.

étant périodique en et nous pouvons écrire

et étant des fonctions de et

Remplaçons dans les six variables

par
il viendra

est une fonction périodique de soit la valeur moyenne de cette fonction, de sorte que

la sommation étant étendue à tous les termes, tels que

D’après les principes du numéro précédent, on trouvera les valeurs cherchées de et en résolvant le système

Nous pouvons toujours supposer que l’origine du temps ait été choisie de telle sorte que

D’autre part, d’après la définition de la fonction on a

On peut donc remplacer le système précédent par le système plus simple

(1)

Il pourrait arriver que toutes les solutions du système (1) ne conviennent pas ; mais il y a des solutions qui conviendront certainement : ce sont celles dont l’ordre de multiplicité est impair, et en particulier celles qui correspondent à un maximum ou à un minimum véritable de

Pour établir l’existence des solutions de la deuxième sorte, il me suffit donc de montrer que la fonction a un maximum.

Or cette fonction est essentiellement finie ; de plus elle est périodique en et elle dépend encore de j’ajouterai qu’elle est développable suivant les puissances de

(2)

étant la constante des aires.

La fonction ne sera donc réelle que si l’on a

(3)

et devra toujours être compris entre ces deux limites. Je puis toujours choisir une variable telle que et les deux radicaux (2) soient des fonctions doublement périodiques de

Ainsi est une fonction uniforme, périodique et finie, de trois variables seulement (puisque et sont considérés comme données, et que ), à savoir de et

Cette fonction admet donc au moins un maximum et un minimum, de sorte qu’il y a toujours au moins deux solutions périodiques de la deuxième sorte.

On sait que le développement de la fonction perturbatrice ne contient que des cosinus, de sorte que la quantité que nous venons d’appeler est toujours nulle.

Si donc on fait

on aura
il restera à satisfaire à l’équation
ou, ce qui revient au même, à

Cela sera toujours possible, car est une fonction périodique de qui doit avoir au moins un maximum et un minimum.

Il existe donc toujours au moins deux solutions de la deuxième sorte, pour lesquelles

Si les valeurs initiales de et sont donc nulles, ce qui revient à dire qu’il y a conjonction symétrique.

Par un raisonnement tout pareil à celui du no 40 (p. 102) on en conclurait qu’il y a encore conjonction symétrique pour les petites valeurs de et que, si au début de la période on a conjonction symétrique, il en est encore de même au milieu de la période.

Parmi les solutions périodiques de la deuxième sorte, il y en a donc toujours qui admettent des conjonctions (ou oppositions) symétriques au commencement et au milieu de chaque période.

Une difficulté pourrait toutefois se présenter et je suis obligé d’en dire quelques mots.

La fonction dépend de puisque nous considérons et comme donnés et que nous choisissons nul.

La fonction est périodique en et en de plus, la troisième variable est soumise à certaines inégalités, par exemple à la suivante

Nous en avons conclu que la fonction admet toujours un maximum et un minimum.

Mais on peut se demander ce qui arriverait si ce maximum était précisément atteint quand atteint une des limites qui lui sont assignées par les inégalités (3).

Les conclusions du no 46 seraient-elles encore applicables ?

On pourrait en douter, car, si atteint son maximum pour par exemple, la dérivée n’est pas nulle, elle est au contraire infinie.

Il est vrai que, pour le problème des trois Corps, on pourrait vérifier sans peine que le maximum de n’a pas lieu pour cette valeur de mais, comme ce cas pourrait se présenter avec d’autres forces perturbatrices que celles que l’on envisage dans le problème des trois Corps, il n’est pas sans intérêt de l’examiner de plus près.

Supposons, par exemple, que l’on considère les valeurs de très voisines de nous pourrons adopter les variables du no 17, c’est-à-dire les variables

Appelons alors


les valeurs initiales de ces six variables et cherchons si l’on peut choisir ces valeurs initiales de telle façon que la solution soit périodique, les seront des fonctions de qui devront s’annuler avec

Pour cela, nous l’avons vu, il suffit de choisir

de telle façon que soit maximum ou minimum ; nous savons d’autre part que et doivent être regardés comme des données et que l’on peut toujours supposer que est nul. Si atteint son maximum pour avec les nouvelles variables, ce maximum sera atteint pour

Mais cette fois il n’y a plus de difficulté, parce que est une fonction holomorphe de et de développable suivant les puissances de ces variables, tandis que la difficulté provenait avec les anciennes variables de ce que cesse d’être une fonction holomorphe de pour et est développable, non pas suivant les puissances entières de mais suivant celles de

Les résultats du présent numéro subsisteraient donc alors même que la fonction atteindrait son maximum pour ou plus généralement quand atteint l’une des limites qui lui sont assignées par les inégalités (3).

Solution de la troisième sorte.

48.Cherchons maintenant à déterminer les solutions périodiques de la troisième sorte, c’est-à-dire celles pour lesquelles les inclinaisons ne sont pas nulles.

Adoptons les variables du no 16, c’est-à-dire

Supposons d’abord et soient

les valeurs initiales de ces huit variables. Si et sont choisis de telle sorte que

soient multiples de la solution sera périodique, quelles que soient les six constantes

Peut-on choisir ces six constantes de telle façon que, pour les petites valeurs de les équations du problème des trois Corps admettent une solution périodique de période qui soit telle que les valeurs initiales des huit variables soient des fonctions de qui se réduisent à

pour

Nous opérerons comme dans le numéro précédent. Nous supposerons d’abord que l’origine du temps ait été choisie de telle sorte que

Ensuite nous formerons, comme dans le numéro précédent, les fonctions et

D’après les résultats des deux numéros précédents, nous devons déterminer les cinq constantes et de façon à rendre maximum ou minimum.

À chaque maximum ou à chaque minimum de correspondra une solution périodique.

considéré comme fonction de et est une fonction périodique de période D’autre part, et sont assujettis à certaines inégalités (3) que j’écrirai, comme au no 18,

(3)

Les deux variables et ne peuvent donc varier que dans un champ limité.

La fonction admettra donc forcément un maximum et un minimum auxquels devront correspondre des solutions périodiques.

Une difficulté peut néanmoins se présenter, comme dans le numéro précédent. Ne peut-il pas se faire que la fonction atteigne son maximum au moment où les variables et atteignent les limites qui leur sont assignées par les inégalités (3) ? Qu’arrive-t-il alors ?

Supposons d’abord que le maximum soit atteint pour

Nous adopterons alors les variables du no 18, c’est-à-dire

Nous poserons, en conséquence,

Nous verrons alors que atteint son maximum pour

et, comme est développable suivant les puissances de et la difficulté sera levée.

Si donc le maximum est atteint pour il n’en sera pas moins vrai qu’une solution périodique correspondra à ce maximum ; il en sera encore de même pour la même raison si le maximum est atteint pour

Il reste à examiner le cas où le maximum serait atteint pour des valeurs de et satisfaisant à la condition

mais ce cas est celui où les inclinaisons sont nulles ; si donc le maximum est atteint pour de pareilles valeurs de et on retombe sur le cas des solutions de la deuxième sorte étudié dans le numéro précédent. À un pareil maximum correspond donc encore une solution périodique.

En résumé, nous avons démontré que la fonction admet toujours au moins un maximum et un minimum et qu’à chacun de ces maxima et de ces minima correspond une solution périodique ; une difficulté subsiste encore cependant.

Les solutions de la troisième sorte que nous étudions ici comprennent, comme cas particulier, les solutions de la deuxième sorte dont nous avons démontré plus haut l’existence.

On peut se demander s’il en existe d’autres ; c’est ce qu’un examen plus approfondi va nous apprendre. Nous verrons que la fonction a d’autres maxima et minima que ceux qui se produisent quand les inclinaisons sont nulles, et par conséquent qu’il existe des solutions de la troisième sorte distinctes de celles de la deuxième sorte.

À cet effet, examinons de plus près la forme de la fonction Nous avons à satisfaire, d’une part, aux relations

(4)

d’autre part, aux relations

(5)

Je dis qu’on satisfera aux conditions (4) en faisant

de sorte qu’on n’aura plus qu’à satisfaire aux équations (5), c’est-à-dire à rechercher les maxima et minima de considérée comme fonction de et seulement.

J’observe, en effet, que est de la forme suivante (si l’on suppose, comme nous le faisons, ),

dépendant de

Si donc on suppose

on aura à la fois

Imaginons que l’on change de variables en prenant pour variables nouvelles les excentricités et et les inclinaisons et c’est-à-dire en posant

de telle sorte que l’une des équations des aires devienne

(6)

et l’autre

(7)

Il s’agit maintenant de chercher les maxima de considérée comme fonction de et ces quatre variables étant supposées liées entre elles par les équations des aires (6) et (7). Nous pouvons donc écrire les équations auxquelles nous serons conduits et qui, jointes à (7), doivent déterminer et sous la forme suivante (où désigne une quantité auxiliaire) :

(8)

Est-il possible de satisfaire à ces équations ? Pour nous en rendre compte voyons quelle est la forme de la fonction J’observe d’abord que cette fonction ne dépend de et de que par leur différence de telle sorte que l’on a

Ensuite se présentera, sous la forme d’une série développée suivant les puissances croissantes de et de telle sorte que le terme général du développement sera de la forme suivante (à un coefficient près, ne dépendant que de et ) :

De plus on devra avoir, ainsi que je l’ai dit plus haut,

et, d’autre part,

Je dis que les termes de pour lesquels et ne seront pas nuls à la fois, seront du troisième degré au moins par rapport aux excentricités et aux inclinaisons, à moins que ne soit multiple de

En effet, soient deux nombres entiers et qui peuvent être positifs ou négatifs, mais qui ne sont pas nuls à la fois et qui satisfont aux égalités

Si nous posons

il viendra

Je vois d’abord que ne peut être nul, sans quoi et seraient nuls à la fois. Comme, d’autre part, et doivent être entiers, et que est égal à ou à le nombre devrait être entier, ce qui veut dire que devrait être multiple de C’est ce que nous ne supposerons pas.

Donc, pour calculer jusqu’aux termes du deuxième ordre inclusivement, il suffit de faire, dans c’est-à-dire de ne conserver dans que les termes dits séculaires.

Or le calcul de ces termes a été fait depuis longtemps par les fondateurs de la Mécanique céleste. Je me bornerai donc à renvoyer par exemple à la Mécanique céleste de M. Tisserand (t. I, p. 406). On trouve alors

Les coefficients et qui ne dépendent que de et sont définis dans l’Ouvrage cité de M. Tisserand et désigne un ensemble de termes du troisième degré au moins par rapport à et

La question est donc de rendre cette fonction maximum ou minimum en supposant que et sont liés par la relation

(7)

Les équations (8) peuvent alors s’écrire (en supposant, comme plus haut, ),

(9)

les désignant un ensemble de termes du second degré au moins par rapport à et

Quant à l’équation (7), elle s’écrira

(10)
désignant une constante positive égale à

et désignant un ensemble de termes du troisième degré au moins par rapport à et

Des équations (9) et (10) on peut tirer et en séries développées suivant les puissances croissantes de et cela de six manières différentes.

Posons, en effet,

substituons dans les équations (9), que nous diviserons par et dans les équations (10), que nous diviserons par Les deux membres de ces équations seront alors développés suivant les puissances croissantes de et

J’ajouterai même que les deux membres de ces équations pourront être développés suivant les puissances de (si ces quantités sont assez petites en valeur absolue), quelles que soient les constantes

Pour ces équations se réduisent à

(11)

Les équations (11) comportent six solutions, à savoir :

(12)

Chacune de ces six solutions est simple, d’où nous pouvons conclure, d’après ce que nous avons vu au no 30, que l’on peut de six manières différentes développer et et par conséquent et suivant les puissances croissantes de

Nous pouvons donc écrire:

(13)

l’indice pourra prendre les valeurs 1, 2, 3, 4, 5 et 6 ; on prendra quand on prendra pour point de départ la première des solutions (12) ; on prendra quand on choisira pour point de départ la seconde des solutions (12) et ainsi de suite.

Des six développements (13), les quatre derniers doivent être rejetés, car ils donnent

et les solutions périodiques auxquelles ils conduiraient ne différeraient pas des solutions de la seconde sorte étudiées au numéro précédent. Mais les deux premiers peuvent être conservés et conduisent à des solutions périodiques nouvelles pour lesquelles les inclinaisons ne sont pas nulles, et que l’on peut appeler solutions de la troisième sorte.

Les deux développements ne conduisent pas d’ailleurs à deux solutions périodiques réellement distinctes.

Nous avons étudié plus spécialement les solutions pour lesquelles on a

ces équations expriment qu’il y a conjonction symétrique au début de la période dans le cas de

Un raisonnement, tout semblable à celui du no 40, montrerait que, pour toutes les valeurs de il y a encore conjonction symétrique au début et au milieu de chaque période.

Cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas également des solutions périodiques de la troisième sorte pour lesquelles il n’y ait pas de conjonction symétrique ; il pourrait se faire, en effet, que la fonction admît d’autres maxima ou minima que ceux qui correspondent au cas de Il y aurait donc lieu de revenir sur cette question.

Applications des solutions périodiques.

49.Il est, comme nous l’avons dit, infiniment peu probable que, dans aucune application pratique, les conditions initiales du mouvement se trouvent être précisément celles qui correspondent à une solution périodique. Il semble donc que les considérations exposées dans ce Chapitre doivent nécessairement rester stériles. Il n’en est rien ; elles ont déjà été utiles à l’Astronomie et je ne doute pas que les astronomes n’y aient souvent recours à l’avenir.

Je montrerai dans le Chapitre suivant comment on peut prendre une solution périodique comme point de départ d’une série d’approximations successives, et étudier ainsi les solutions qui en diffèrent fort peu. L’utilité des solutions périodiques paraîtra alors évidente.

Mais je veux, pour le moment, me placer à un point de vue un peu différent.

Supposons que, dans le mouvement d’un astre quelconque, il se présente une inégalité très considérable. Il pourra se faire que le mouvement véritable de cet astre diffère fort peu de celui d’un astre idéal dont l’orbite correspondrait à une solution périodique.

Il arrivera alors assez souvent que l’inégalité considérable dont nous venons de parler aura sensiblement le même coefficient pour l’astre réel et pour cet astre idéal ; mais ce coefficient pourra se calculer beaucoup plus facilement pour l’astre idéal dont le mouvement est plus simple et l’orbite périodique.

C’est à M. Hill que nous devons la première application de ce principe. Dans sa théorie de la Lune, il remplace ce satellite dans une première approximation par une Lune idéale, dont l’orbite est périodique. Le mouvement de cette Lune idéale est alors celui qui a été décrit au no 41, où nous avons parlé de ce cas particulier des solutions périodiques de la première sorte, dont nous devons la connaissance à M. Hill.

Il arrive alors que le mouvement de cette Lune idéale, comme celui de la Lune réelle, est affecté d’une inégalité considérable bien connue sous le nom de variation ; le coefficient est à peu près le même pour les deux Lunes. M. Hill calcule sa valeur pour sa Lune idéale avec un grand nombre de décimales. Il faudrait, pour passer au cas de la nature, corriger le coefficient ainsi obtenu en tenant compte des excentricités, de l’inclinaison et de la parallaxe. C’est ce que M. Hill eût sans doute fait s’il avait achevé la publication de son admirable Mémoire.

Voici un autre cas qui se présentera souvent et sur lequel je désirerais attirer l’attention. Nous avons vu plus haut que les solutions périodiques de la première sorte cessent d’exister quand le rapport des moyens mouvements et est égal à

étant un entier ; c’est-à-dire quand est égal à un entier

Mais si le rapport sans être entier, est très voisin d’un entier, la solution périodique existe et elle présente alors une inégalité très considérable. Si les conditions initiales véritables du mouvement diffèrent peu de celles qui correspondent à une semblable solution périodique, cette grande inégalité existera encore et le coefficient en sera sensiblement le même ; on pourra donc, avec avantage, en calculer la valeur par la considération des solutions périodiques.

C’est ce qu’a fait M. Tisserand (Bulletin astronomique, t. III, p. 425) dans l’étude du mouvement d’Hypérion (satellite de Saturne). Le rapport du moyen mouvement de ce satellite à celui de Titan est en effet très voisin de

Les mêmes considérations sont applicables à celles des petites planètes dont le moyen mouvement est à peu près double de celui de Jupiter, et qui ont été l’objet d’un remarquable travail de M. Harzer, et à la planète Hilda, dont le moyen mouvement est à peu près égal à fois celui de Jupiter.

M. Tisserand signale, en outre, dans le travail que nous citons, le cas d’Uranus et de Neptune où le rapport des mouvements est voisin de Dans tous ces cas, il existe une inégalité importante et l’étude de cette inégalité peut être facilitée par la considération des solutions périodiques de la première sorte.

Au contraire, les solutions périodiques de la deuxième et de la troisième sorte n’ont pas encore reçu d’applications pratiques ; tout indique cependant qu’elles en auront un jour, et c’est ce qui arriverait si les prévisions de Gauss au sujet de Pallas venaient à se confirmer.

Satellites de Jupiter.

50.Mais l’exemple le plus frappant nous est fourni par Laplace lui-même et par son admirable théorie des satellites de Jupiter.

Il existe, en effet, de véritables solutions périodiques de la première sorte quand, au lieu de trois corps, on en considère quatre ou un plus grand nombre. Considérons, en effet, un corps central de grande masse et trois autres petits corps de masse nulle circulant autour du premier conformément aux lois de Képler. Imaginons que les excentricités et les inclinaisons soient nulles, de telle façon que les mouvements soient circulaires. Supposons qu’il y ail, entre les trois moyens mouvements et une relation linéaire à coefficients entiers

étant trois entiers, premiers entre eux, tels que

on pourra trouver alors trois entiers et tels que

et on aura

et étant des quantités quelconques.

Au bout d’un temps les longitudes des trois corps auront augmenté de

et les différences de longitude du second et du troisième satellite avec le premier auront augmenté de

Si donc on choisit de telle sorte que soit multiple de les angles formés par les rayons vecteurs menés du corps central aux trois satellites auront repris leur valeur primitive. Ainsi la solution considérée pour est périodique de période

Le problème comportera-t-il encore une solution périodique de période quand on tiendra compte des actions mutuelles des trois petits corps, et que leur mouvement ne sera plus képlérien, ou en d’autres termes quand on donnera au paramètre non plus la valeur 0, mais une valeur très petite ?

Une analyse toute semblable à celle du no 40 prouve qu’il en est effectivement ainsi ; il y a une solution périodique de période analogue aux solutions de la première sorte et où les orbites sont presque circulaires. Les trois petits corps sont, tant au début qu’au milieu de chaque période, en conjonction ou en opposition symétrique.

Laplace a démontré que les orbites de trois des satellites de Jupiter diffèrent très peu de celles qu’ils suivraient dans une pareille solution périodique, et les positions de ces trois petits corps oscillent constamment autour des positions qu’ils auraient dans cette solution périodique.

Solutions périodiques dans le voisinage d’une position d’équilibre.

51.Les solutions périodiques dont il a été question jusqu’ici ne sont pas les seules dont il soit possible de démontrer l’existence. Ainsi le problème des trois Corps comporte des solutions périodiques de la nature suivante : les deux petits corps décrivent autour du grand des orbites très peu différentes de deux ellipses képlériennes et à un certain moment, ces deux petits corps passent très près l’un de l’autre et exercent l’un sur l’autre des perturbations considérables ; puis ils s’éloignent de nouveau et décrivent alors des orbites qui se rapprochent beaucoup de deux nouvelles ellipses képlériennes et très différentes de et Les deux petits corps s’écartent très peu des ellipses et jusqu’à ce qu’ils se trouvent encore une fois très près l’un de l’autre. Ainsi le mouvement est presque képlérien, sauf à certains moments où la distance des deux corps devient très petite et où il se produit des perturbations très considérables, mais de très courte durée. Il peut arriver que ces sortes de collisions se reproduisent périodiquement et de telle sorte qu’au bout d’un certain temps les deux corps se retrouvent sur les ellipses et La solution est alors périodique. Je reviendrai plus tard sur cette sorte de solutions périodiques qui diffèrent complètement de celles que nous avons étudiées dans ce Chapitre.

Je réserverai également à un autre volume les solutions périodiques que j’ai appelées du second genre et que j’ai définies dans mon Mémoire du t. xiii des Acta mathematica, mais dont l’étude ne peut précéder celle des invariants intégraux.

Il est toutefois une catégorie de solutions périodiques dont la théorie se rattache à celle des solutions du second genre, mais dont je veux cependant dire quelques mots ici, quitte à y revenir avec plus de détails en temps et lieu.

Soit

(1)

un système d’équations différentielles. Je suppose que les sont développables suivant les puissances croissantes de et d’un paramètre

Je suppose de plus que pour

on ait à la fois (et quel que soit )

Alors le système (1) admettra comme solution particulière

et comme les valeurs de sont constantes, cette solution pourra être regardée comme une solution périodique de période quelconque.

Je me propose d’étudier les solutions périodiques qui en diffèrent fort peu.

Soient les valeurs initiales de soient les valeurs de ces mêmes variables pour

On peut développer suivant les puissances de et

Considérons l’équation suivante en

où l’on suppose qu’on ait fait

Si cette équation n’a pas de racine multiple, j’appellerai ses n racines.

On vérifie alors que le déterminant fonctionnel des par rapport aux quand on y fait

devient égal à

Pour que la solution considérée soit périodique de période il faut et il suffit que l’on ait

(2)

Ce système comporte une solution qui est évidente et qui est la suivante :

(3)

Cela ne nous apprend rien de nouveau, puisque nous savons déjà que peut être regardée comme une solution périodique des équations (1). En dehors de cette solution périodique évidente, ces équations en admettent-elles d’autres qui en soient distinctes tout en en différant très peu ? En d’autres termes, les équations (2) peuvent-elles être satisfaites quand on y substitue à la place des des fonctions de qui sans être identiquement nulles, s’annulent pour

Si le déterminant n’est pas nul, la solution (3) est pour une solution simple du système (2) ; donc, en dehors de la solution (3), le système (2) ne pourra être satisfait par des fonctions s’annulant avec

Si, au contraire, le déterminant s’annule, on pourra trouver d’une ou de plusieurs manières des séries convergentes ordonnées suivant les puissances fractionnaires de s’annulant avec cette variable et qui, substituées à la place des satisfont aux équations (2). Les séries ainsi définies ont-elles leurs coefficients réels ? C’est ce qu’une discussion spéciale, sur laquelle je reviendrai quand je traiterai des solutions périodiques du second genre, pourrait seule nous apprendre ; si ces séries ont leurs coefficients réels, elles définissent une catégorie nouvelle de solutions périodiques qui existent pour les petites valeurs de et pour lesquelles et ne prennent jamais que de très petites valeurs.

Pour que s’annule, il faut et il suffit que l’un de ses facteurs s’annule, c’est-à-dire que l’on ait

étant une des racines de l’équation en Pour que cela soit possible, il faut que soit imaginaire ; l’équation en admettra alors la racine imaginaire conjuguée et on aura encore

ce qui montre que deux des facteurs de s’annuleront à la fois.

Lunes sans quadrature.

52.Comme application, reprenons les équations de M. Hill

(1)

Ces équations sont satisfaites si l’on fait

(2)

On voit que et sont alors des constantes ; les équations (2) peuvent être regardées comme définissant une solution périodique des équations (1).

Il est aisé d’apercevoir la signification astronomique de cette solution. L’équation signifie que la Lune est constamment en conjonction ou en opposition, et la seconde des équations (2) signifie que la distance de la Lune à la Terre est constante. Cette solution périodique n’est donc autre chose que celle qu’a définie Laplace dans sa Mécanique céleste, Livre VI, Chapitre X.

Mais nous nous proposons de déterminer les solutions périodiques qui en diffèrent fort peu, en appliquant les principes du numéro précédent.

Pour cela commençons par supposer que l’unité de longueur ait été choisie de telle sorte que

et que l’unité de temps ait été choisie de telle sorte que

étant un paramètre très petit.

Si nous posons le système (1) peut être remplacé par le suivant, qui est analogue au système (1) du numéro précédent.

Si nous formons ensuite l’équation en du numéro précédent il vient

Cette équation admet deux racines réelles et deux racines imaginaires

Si alors nous prenons

il vient

Le déterminant du numéro précédent est donc nul.

On peut donc former des séries ordonnées suivant les puissances fractionnaires de (ici ces séries seraient ordonnées suivant les puissances entières de ) et qui, substituées à la place des satisfont aux équations (2) du numéro précédent. On vérifierait (et j’y reviendrai plus loin) que les coefficients de ces séries sont réels.

Les équations (1) de M. Hill admettent donc des solutions périodiques peu différentes de la solution (2). Dans ces solutions, reste très petit et la Lune, par conséquent, est toujours presque en opposition (ou en conjonction). M. Hill a donc eu raison d’annoncer qu’on peut imaginer une classe de satellites qui ne pourront jamais être en quadrature ; seulement le procédé par lequel il avait cru pouvoir arriver à un résultat, qu’il avait pour ainsi dire deviné, n’était en aucune façon capable de l’y conduire ; car cette classe de satellites n’est pas, comme il l’avait cru, la continuation analytique de celle qu’il avait étudiée d’abord d’une façon si approfondie et si brillante.

J’ajouterai que, dans cette catégorie de solutions périodiques, la Lune se trouve en opposition symétrique au commencement et au milieu de chaque période.

Séparateur