Les anciens couvents de Lyon/26. L’Observance

Emmanuel Vitte (p. 451-462).

L’OBSERVANCE



À la mort de saint François d’Assise, avons-nous dit, tous les religieux du premier ordre étaient frères mineurs. Un siècle après la mort du saint patriarche, l’ordre fut divisé en deux grandes familles religieuses : les frères mineurs de l’Observance et les frères mineurs Conventuels. Les premiers avaient conservé la règle franciscaine dans toute sa pureté ; les seconds avaient adopté certains adoucissements apportés à la rigueur primitive. Ces deux familles avaient un même chef, mais, en 1517, elles firent deux corps différents, ayant chacun son général ; celui des Conventuels fut appelé maître général des frères mineurs conventuels ; celui de l’Observance garda le titre de ministre général de tout l’ordre des frères mineurs, avec l’usage exclusif de l’ancien sceau de l’ordre ; une sorte de supériorité morale fut ainsi reconnue à l’Observance franciscaine.

Cette réforme de l’Observance fut l’œuvre du frère Paulet, fils d’un gentilhomme suédois appelé Vignotius de Trinci, qui vint s’établir à Foligno. Né en 1309, il reçut à l’âge de quatorze ans (1323) l’habit de l’ordre de Saint-François ; il ne voulut être que frère lai pour pouvoir s’adonner aux exercices les plus humbles ; grande fut sa vertu, ardente sa piété, profonde son humilité. Cependant des abus s’étant glissés dans l’ordre, surtout en ce qui touchait la sainte pauvreté, il fut un des premiers à en gémir, mais les sentiments humbles qu’il avait de lui-même ne lui permettant pas de se croire capable d’une telle réforme, il se contenta de prier. Dieu, néanmoins, avait sur le F. Paulet des desseins que cette âme généreuse ne devait pas tarder à réaliser.

Après deux essais de solitude, l’un sur le mont Cesi, l’autre dans une tour de Foligno, l’humble religieux obtint, par l’entremise d’un de ses parents, Hugolin de Trinci, l’ermitage de Bruliano, situé dans un lieu désert entre Foligno et Camerino. Il jeta là, en 1368, les fondements de l’Observance : c’était une rude vie qu’il fallait mener dans ce désert empesté ; aussi ses premiers compagnons se découragèrent-ils, mais ils furent bientôt remplacés, et les bâtiments même durent être agrandis, et quand le général Léonard de Giffon, élu en 1373, fit la visite des couvents du F. Paulet, il trouva les religieux si pauvres, si humbles, si parfaits, qu’il les crut fort propres à faire revenir tous les religieux attiédis et relâchés à la pure observance de la règle, et leur donna la permission de s’établir partout où ils le jugeraient à propos.

Cette permission, et un fait qui se passa à Pérouse, aidèrent puissamment au développement de la réforme. Les frérots, se disant rigoureux disciples de saint François, mais en vérité vivant à leur guise, en dehors de l’autorité du Pape et des évêques, étaient populaires à Pérouse et y avaient deux maisons. Les Frères Mineurs qui y avaient un couvent étaient par eux insultés avec violence, et leur vie devenait intolérable ; on résolut de donner le couvent de Pérouse aux religieux du F. Paulet pour confondre les frérots ; ce qui eut lieu en effet.

En suivant le cours des âges, on constate que le grand schisme d’Occident eut un contre-coup profondément ressenti dans la famille franciscaine ; le concile de Constance ayant été convoqué, les Observants et les Conventuels y portèrent leurs différends, et la décision du, concile fut en faveur des Observans. Ce fut la première fois, au concile de Constance, qu’on employa le mot d’Observance ; jusque-là les religieux du F. Paulet s’appelaient frères des Hermitages.

frère mineur de l'Observance

Après le concile, une bulle de Martin V confirma le décret du concile en faveur des Observans, et mit ainsi la réforme à l’abri des jalouses persécutions des Conventuels. Dès lors, le progrès de la réforme ne se ralentit plus : en 1415, les Observans obtinrent la maison de la Portioncule, où l’ordre avait pris naissance ; en 1420, ils obtinrent le mont Alverne, si célèbre par le miracle des stigmates de saint François ; en 1434, ils furent mis en possession des saints lieux de la Palestine, et bientôt, malgré les nombreuses et longues persécutions que leur suscitèrent les Conventuels, les Observans firent de tels progrès qu’ils comptèrent jusqu’à quatorze cents couvents. Le pape Léon X mit fin à ces éternelles divisions en donnant la supériorité à la réforme de l’Observance. Nous verrons plus loin que cette réforme donna naissance à une autre réforme qui s’appela l’Étroite-Observance, dont les religieux furent connus sous le nom de Récollets.

En France, les Frères Mineurs de Touraine fondèrent une Observance à l’imitation de celle de Bruliano ; en peu d’années cette réforme se répandit beaucoup. Deux religieux de cette réforme, le P. Jean Bourgeois et le P. Tisserand, vinrent, sur la fin du quinzième siècle, se fixer à Lyon, dans le voisinage des Deux-Amants, où ils trouvèrent un site délicieux. Ils furent mis en possession de leur nouveau local le 8 décembre 1492, et Charles VIII, qui avait le P. Bourgeois en grande estime et vénération, vint lui-même, le 25 mars 1493, poser la première pierre de l’église et fonder l’Observance de Lyon.

Dès le matin du jour choisi pour la cérémonie, le duc de Savoie se rendit au logis du roi, qui était déjà prêt. Les deux princes s’embrassèrent avec une amitié qu’il fallait voir, dit le Loyal Serviteur, puis montèrent sur leurs mules et allèrent ensemble, devisant le long de la ville, jusqu’au couvent, où ils ouïrent dévotement la messe, escortés de toute la cour. Parmi cette foule brillante, il faut distinguer Louis, duc d’Orléans, depuis Louis XII ; Pierre, duc de Bourbon ; Louis, duc de Luxembourg ; Angélibert, seigneur de Clèves ; Philibert, comte de Baugé en Bresse ; Charles, comte de Bologne ; Jacques, comte de Tournon ; Jean Bail, archevêque d’Embrun ; Jean Rely, évêque d’Angers, confesseur du roi. Or, le roi et la reine posèrent de leurs propres mains la première pierre de l’église ; sur ladite pierre étaient sculptées leurs armes, et sous leurs armes cette légende : Jesu Maria — Karolus VIII, fundator hujus ecclesiæ Dominæ nostræ de Angelis, et Anna Regina, 1493.

— Ensuite le roi Charles prit lui-même par la main le P. Bourgeois, l’introduisit et avec lui dix-neuf autres religieux, parmi lesquels était le P. Tisserand, dans la maison dont il se déclara le fondateur, ainsi qu’Anne de Bretagne, les enrichit de privilèges, leur permit d’avoir en propriété trois bateaux sur la Saône pour servir aux approvisionnements de blé, vin, bois, légumes et autres denrées, et chargea le sénéchal de Lyon et Claude Le Charron de continuer la construction et de payer des deniers royaux les prix faits des ouvriers.

Les travaux, en effet, furent poussés activement ; du reste la présence d’Anne de Bretagne, qui était restée à Lyon pendant que
chapelle de l’observance
son royal époux présidait à l’expédition d’Italie, suffisait pour

aiguillonner toutes les ardeurs. En 1496, le couvent était achevé.

L’église, « des plus allègres », était du genre gothique le plus pur, mais simple comme la plupart des églises des frères mineurs : elle n’avait qu’une nef latérale au levant et trois chapelles, celles de Notre-Dame des Anges, de saint François d’Assise et de saint Louis. Le cloître formait avec l’église un carré parfait, mais le couvent, élevé sur le cloître, se prolongeait de beaucoup vers le nord ; sa face principale, tournée au levant, regardait la colline du Greillon. Il y avait aussi de grands jardins et de beaux vergers, peuplés de bons arbres fruitiers, agrémentés de belles eaux ; le tout, entoure de murailles, occupait environ vingt-cinq bicherées lyonnaises.

En 1505, comme nous l’avons vu, les Grands Cordeliers de Lyon embrassèrent l’observance, et la famille franciscaine lyonnaise fut en liesse. Ce changement soumit les uns et les autres aux mêmes règles et aux mêmes supérieurs ; on put dès lors passer d’une communauté à l’autre, achever ici une profession commencée là, et passer des rangs modestes des simples religieux de l’un de ces couvents au gardiennat de l’autre. Néanmoins l’Observance avait aussi son noviciat.

Ce couvent fournit deux provinciaux, Didier Raban en 1524, et Claude Vallenot en 1628. Le chapitre de la province s’y tint plusieurs fois ; la communauté ne compta jamais que vingt à vingt-cinq religieux, et, je signale en passant ce détail, elle avait un petit domaine à Vourles, près Lyon.

Protégés par la faveur royale, les religieux de l’Observance eurent souvent la visite des grands de ce monde. Charles VIII, à son retour d’Italie, et Anne de Bretagne, qui venait de perdre le Dauphin, allèrent souvent se consoler auprès du bon P. Bourgeois. Louis XII revint visiter comme roi ce couvent à la fondation duquel il avait assisté comme duc d’Orléans. Quand Georges d’Amboise, archevêque de Rouen, mourut aux Célestins, son corps, après l’office funèbre, fut porté à l’Observance, en attendant qu’on l’emportât à Rouen, où l’attendait un superbe mausolée. François Ier, partant pour l’Italie, avant cette désastreuse bataille de Pavie, où tout fut perdu fors l’honneur, vint donner à l’Observance un témoignage de sa royale estime. Henri II, qui devait périr sous la lance de Montgomméry, vint s’agenouiller dans la chapelle de Notre-Dame des Anges.

C’est se répéter sans doute, mais il faut, ici encore, parler de l’occupation de Lyon par les bandes protestantes en 1562. Fodéré a une page navrante sur ces brigandages. « À ce couvent de Notre-Dame des Anges, ils y procédèrent avec une telle rage que, ne se contentant pas du vol, ils mirent le feu en tous les endroits, qu’ils le réduisirent tout en cendres, en sorte qu’il n’y resta bastiment quelconque que les voûtes de l’église et du cloître, dont les pauvres religieux prirent la fuite, et se sauvèrent es couvents de la Savoie et de la Franche-Comté. » Ils déterrèrent et profanèrent les restes vénérés du F. Jean Bourgeois et les jetèrent dans la Saône. « Il n’échappa au pillage de l’église que les beaux livres de chantrerie et les principaux ornements d’église ; le P. Thierry, prévoyant bien que la ville n’échapperait pas à la furie des calvinistes, les avait réfugiés à Bourg en Bresse. » Quand les Observans revinrent à Lyon, ils ne trouvèrent que ruine et désolation ; ils étaient dix religieux cependant à loger. Ils se réfugièrent dans une petite maison située près du portail de l’Observance et y demeurèrent douze ans ; ces douze années, ils les employèrent à la reconstruction du couvent détruit : tous les jours ils travaillaient comme manœuvres, donnant le reste du temps à l’office canonial et à la quête des aumônes, qui furent abondantes. Le travail fut long, mais la restauration fut complète, le couvent fut remis dans son premier état.

Nous avons vu souvent déjà que les négociants étrangers, domiciliés à Lyon, avaient ici ou là, presque toujours dans un couvent de la ville, un sanctuaire favori, qu’ils fréquentaient de préférence et qu’ils enrichissaient de leurs dons généreux. Les Lucquois, et en particulier les Bonvisi, jetèrent les yeux sur Notre-Dame des Anges, et y construisirent une remarquable chapelle d’ordre corinthien, qui jurait sans doute avec le style de l’église, mais qui était très riche. À côté du nom de Bonvisi, qui disparut, il faut citer celui d’un autre généreux Lucquois, Horace Cardoni, que les Sandrans d’aujourd’hui comptent dans leur parenté. Horace Cardoni ou Cardon fut un grand homme de bien, qui sut faire un magnifique usage de sa fortune. Les greniers de l’hôpital de la Charité furent faits à ses frais, le collège de la Trinité, le monastère de Blie, les églises et les maisons des Jésuites, des Grands Cordeliers et de l’Observance sentirent les effets de sa munificence.

Les Lucquois ne furent pas les seuls bienfaiteurs de l’Observance, le Consulat et les notables de la ville ne ménagèrent pas leurs faveurs, et à la tête de tous, il faut signaler Mgr d’Halincourt, « gouverneur et lieutenant du roy en Lyonnais, Foretz et Beaujolais, lequel, encore qu’il affectionnât tous les monastères de cette ville, néanmoins avait dédié une particulière dévotion à cettui-cy auquel il conférait journellement de grands bienfaits ».

Ainsi favorisée du peuple et des grands, l’Observance vivait en paix ; mais, en 1618, sa tranquille existence fut mise en péril. Envieux du beau monastère de Notre-Dame des Anges, les Récollets de la custodie de Saint-Antoine, enfants eux aussi de saint François, mais d’une réforme plus récente, tentèrent de s’en emparer. Des bulles pontificales et des lettres patentes d’Henri IV tendaient à faire donner aux Récollets une ou deux maisons par province ; les Récollets, profitant de ces avantages, jetèrent leur dévolu sur l’Observance et ne négligèrent rien pour l’obtenir. Ils prétendaient, disaient-ils, n’user que de leurs droits. Le 5 juillet 1618, deux Récollets se présentèrent au Consulat pour exposer leur requête. Les protecteurs de l’Observance s’émurent de ces envahissantes prétentions, et les recteurs de l’Aumône générale formèrent opposition à la demande des Récollets. Cette affaire s’envenima, fut portée même à l’assemblée générale du clergé, et se termina enfin, grâce à la protection des échevins, seize mois après, par le désistement des Récollets.

Il reste, dans l’histoire de l’Observance, les traces de faits bien singuliers qui font revivre tout un ordre de choses disparu et qu’il faut signaler en passant. Chacun sait ce que fut le « droit d’asyle » dans le moyen âge chrétien. Ce droit, bienfaisant d’abord, offrit ensuite des dangers, en assurant l’impunité non plus seulement aux faibles poursuivis par leurs ennemis plus forts, mais aux criminels que la justice voulait atteindre. Louis XII, en 1500, et François Ier, en 1539, l’abolirent en France. Les Observans essayèrent de faire revivre en France le « droit d’asyle », non pas pour les criminels, mais pour les faibles, afin de les soustraire, au moins pour un temps, aux poursuites premières des créanciers, toujours vives, toujours empreintes d’indignation et de colère. Cette prétention charitable, mais inconsidérée, souleva d’unanimes réclamations. À différentes reprises les Observans cherchèrent à user de ce privilège, mais chaque fois des arrêts furent rendus contre eux, et malgré tout, l’usage d’« asyle » prévalut jusqu’à la dispersion des religieux. On montrait encore, il y a quelque cinquante ans, l’emplacement où les reclus étaient enfermés.

C’est vers 1660, ainsi que nous l’avons vu déjà, que les religieuses de Sainte-Élisabeth vinrent s’établirent près de l’Observance. Ce voisinage fit de cet endroit plus que jamais un lieu de prière et de religion.

C’est à peu près vers la même époque que l’Observance ouvrit ses portes à une institution utile et sage qui manquait à la société d’alors, qui disparut ensuite, pour être créée à nouveau par un prêtre lyonnais, l’abbé Rey, le fondateur des pénitenciers d’Oullins, de Cîteaux et de Saint-Genest-Lerpt. Notre couvent reçut les jeunes gens qui, par leur indiscipline ou leur inconduite, menaçaient de devenir le déshonneur de leur famille. Là, grâce au zèle et à la piété des maîtres, la vertu reprenait par degrés son ascendant sur le cœur rebelle, et la conversion suivait souvent le travail intime de la grâce. Un religieux, sous le nom de correcteur, avait la direction de ces jeunes gens ; les plus soumis étaient gardés à Lyon, les plus indisciplinés étaient envoyés, avec l’agrément des parents, à Sainte-Colombe-lès-Vienne.

Signalons aussi en passant les réunions de la corporation unie des bateliers de Vaise et de Serin, qui fêtaient leur patron, saint Nicolas, dans la chapelle du couvent de l’Observance.

Nombreux furent les Lyonnais de distinction qui reçurent la sépulture au couvent de l’Observance : ce sont les Grollier, aussi remarquables par l’antiquité de leur origine que par l’importance des emplois et des services ; c’est Pierre Scarron, qui fut prévôt des marchands et parent du célèbre auteur de l’Énéide travestie ; c’est Jacques Moyron, le digne héritier de la fortune et de la charité de Jean Cléberg, etc.

Enfin le moment arriva où la paix du cloître ne fut plus assurée, et la même loi qui frappa les Cordeliers de Saint-Bonaventure frappa du même coup les religieux de l’Observance. Aucun détail ne nous est resté de leur adhésion ou de leur refus de souscrire aux mesures proposées par l’Assemblée constituante. Quelques-uns, prévoyant les orages qui menaçaient la religion, avaient déjà quitté le couvent. À l’époque de la dispersion, il ne s’y trouvait que sept religieux, la plupart fort âgés. Ils quittèrent l’Observance : deux d’entre eux moururent à Lyon pendant le siège : seul le P. Jaillard traversa les années de la Terreur et assista à la renaissance de l’ordre public et au triomphe de la religion. Quand il quitta son couvent, il resta à Lyon, se cachant pour épier le bien à faire, traqué, poursuivi, échappant toujours aux recherches et manifestant de mille manières son héroïque charité. En 1793, il fit partie, en qualité de vicaire général, de l’administration secrète et fidèle de Mgr de Marbeuf ; plus tard, il s’attacha en qualité de prêtre habitué à l’église de Saint-Pierre, à Lyon, et mourut en 1816, à l’âge de 90 ans.

Que devint le couvent de l’Observance ? Tout d’abord il fut délaissé et les ruines se firent d’elles-mêmes. Pendant le siège de Lyon, il fut converti en ambulance ; en 1795, le couvent et l’enclos furent aliénés par la nation et vendus à des particuliers ; mais l’église, restée propriété nationale, servit de grenier à foin pour la cavalerie, puis de dépôt de salaison pour la marine. En 1810, le gouvernement impérial racheta le couvent et le clos, on en fit un emplacement pour recevoir les matériaux nécessaires à la confection du pont de Serin. Un décret de 1811 portait que le claustral serait ensuite remis à la ville, après l’achèvement du pont. En 1818, par suite d’un échange fait entre la ville et le département, la Pépinière, située au jardin des Plantes, fut transférée au clos de l’Observance.

Comme nous l’avons déjà vu lorsque nous avons parlé des religieuses de Sainte-Élisabeth du couvent des deux-Amants, l’école vétérinaire fut provisoirement transférée (an V ou 1797) de la Guillotière dans le claustral de ce monastère. On y ajouta une partie des bâtiments du couvent des Cordeliers, qui était contigu au premier. L’habitation des religieuses devint celle des professeurs et des élèves ; le cellier des Cordeliers fut transformé en écuries ; leur cuisine forma la pharmacie, l’église devint un magasin à fourrages, les cabanons, où ils renfermaient les enfants de famille pour les ramener à une conduite régulière, devinrent les chenils de l’école. En 1818, le provisoire étant devenu définitif, un plan de construction fut approuvé et mis à exécution. M. Menoux, conseiller de préfecture, délégué par le préfet du Rhône, posa la première pierre des nouveaux bâtiments. Plus tard on démolit l’ancienne chapelle gothique pour enreconstruire une autre plus simple et plus petite à l’usage de l’école.

Ce quartier avait une physionomie particulière, ne le quittons pas sans faire revivre les vieux souvenirs.

Voici d’abord, dominant le paysage, le château fort de Pierre-Scize, qui était à la fois l’agréable résidence de nos archevêques et une redoutable prison. Là furent prisonniers Nemours et le duc de Bouillon, Louis Sforza, duc de Milan, et le cardinal d’Ascagne, Cinq-Mars et de Thou ; là auront lieu des massacres aux jours de la Terreur ; là, la démagogie lyonnaise, en démolissant Pierre-Scize, aura son 14 juillet.

Au bas du château, on voyait une petite chapelle, la chapelle de Saint-Épipoix. Elle servait jadis de maison à la pauvre veuve sainte Lucie, qui y nourrissait en secret le jeune martyr lyonnais saint Épipoix. Elle était devenue dans la suite la chapelle d’une recluserie.

Un peu plus loin était la chapelle du Prieuré de Saint-Martin de la Chana, fondé au quatorzième siècle par Jean IV, archevêque de Lyon. On y faisait des instructions aux enfants, et l’on y distribuait tous les dimanches aux pauvres une partie des 14.500 miches de pain hebdomadaires de l’Aumône générale.

Il y eut aussi vers la colline du Greillon un hôpital qui dépendait du chapitre de Saint-Paul, mais une bulle d’Alexandre VI le supprima en 1492. Enfin, après les deux couvents de l’Observance et de Sainte-Élisabeth, s’étendait le faubourg de Vaise, séparé de la ville par une porte, où on lisait cette devise des Ligueurs lyonnais, signature de toute une époque : Un Dieu, un roy, une foy, une loy.

SOURCES :

Le P. Hélyot : Histoire des ordres monastiques.

Les Almanachs de Lyon.

Les Cordeliers de l’Observance, par l’abbé Pavy.

Archives municipales.