Marc Imhaus et René Chapelot (p. 137-140).

CHAPITRE I


L’Héroïsme féminin


L’âme guerrière des Françaises et de leurs alliées.


Par leur caractère national et d’antiques traditions, les femmes des pays alliés étaient destinées à se hausser dans cette guerre jusqu’à l’héroïsme des guerriers.

Ne cherchons pas à rabaisser nos adversaires. Reconnaissons que les femmes turques ont su parfois, au témoignage de nos correspondants de guerre, et de combattants, se conduire en braves soldats dans les tranchées de Gallipoli, et qu’Autrichiennes et Allemandes ont en de rares occasions suivi leur exemple.

Mais qu’est-ce que cela à côté de la gloire impérissable acquise par les femmes russes, anglaises, serbes, françaises, en aboutissant d’une longue et glorieuse histoire ?

Les femmes de France n’ont pas attendu les deux années tragiques pour inscrire en nos annales des pages glorieuses.

Le pays de la bonne Lorraine et de Jeanne Hachette, de Mlle de Montpensier et de Mme Roland, de Mlle de la Tour-Dupin qui, pendant la guerre de la ligue d’Augsbourg défendit victorieusement le Dauphiné, et des sœurs Fernig, les héroïnes de Jemmapes, et de tant d’autres, fut toujours fertile en femmes de grand courage qui surent manier la double épée ou la hache d’armes, la baïonnette ou l’élégant fleuret, affronter sans trembler les flèches et la mitraille, faire la guerre civile ou la guerre étrangère, la guerre en dentelles ou la guerre en haillons.

L’Anglaise, énergique, indépendante, rompue par la longue pratique du self control à une virile discipline passionnée pour les exercices physiques, endurcie comme la Spartiate de Lycurgue à la pratique de tous les sports, a désiré se livrer au jeu périlleux de la guerre. Elle y a apporté l’organisation parfaite, l’audace calculée, la froide énergie qui caractérise, toute sa nation.

Les femmes slaves, enfin dont les extraordinaires exploits créèrent dès l’antiquité le thème éternel de la légende des amazones et qui peut-être, au moyen-âge, suscitèrent la première révolte armée du sexe faible contre le sexe fort, qui, plus près de nous, sacrifièrent souvent leur vie pour conquérir au libéralisme l’autocratique Russie, ont apporté à la grande guerre leur foi mystique et leur mépris souverain de la mort.

Déployée par des femmes de trois races si dissemblables, unies cependant pour le triomphe d’une même grande cause, la bravoure féminine a revêtu toutes les formes ; courage actif ou passif, héroïsme brillant ou caché, brusque sursaut de l’être tendant jusqu’à les rompre, tous les ressorts de la machine humaine ou âpre lutte de tous les instants, exaltation totale ou lente patience. Mais elle est toujours égale à elle-même par le grand souffle de charité et l’abnégation totale qui l’animent, et à toutes les phases de la guerre elle se trouve mêlée.

Si les femmes russes ont compté parmi elles de nombreux combattants, si les Anglaises ont formé des corps de volontaires militairement organisés, les Françaises, loin de l’impulsivité primitive qui fait les amazones, comme de l’indépendance virile des nations plus évoluées ont, tout en sachant parfois tenir glorieusement un fusil, fait preuve surtout d’un courage passif remarquable et réalisé au péril de leur vie la fière devise française : « Je maintiendrai ! ».

Spontanément s’est faite chez nous, la levée en masse des femmes de France. Dès le 4 août 1914, à la mobilisation masculine obligatoire, a correspondu une mobilisation féminine volontaire. Aux hommes de bâtir à la frontière une muraille d’airain, aux femmes de sauvegarder les forces vitales du pays. De cette idée, l’appel aux femmes françaises de M. Viviani, les proclamations lancées par les groupements féministes se font les interprètes éloquents. Et l’on songe involontairement à nos rois de France, confiant lorsqu’ils partent en guerre contre l’Allemand ou le Sarrazin, leur royaume « à leur très aimée compagne ».

Ainsi, le peuple souverain compte sur la prudence et l’énergie féminines pour gérer son patrimoine.

Sois sans crainte, peuple de France ! tes compagnes veillent, ton patrimoine sera bien gardé.

À chaque étape de l’invasion, de la reprise et de la délivrance, une femme s’est trouvée là, bourgeoise ou paysanne, institutrice ou « bonne sœur », infirmière volontaire ou professionnelle, en qui s’incarne l’âme du clocher natal et de la grande patrie.

C’est, naturellement, surtout pendant l’invasion que s’exalte l’âme féminine.

Dans les petites villes, dans les villages, tous les hommes sont partis, les femmes restent nourrissant non l’irréalisable chimère de faire refluer la marée montante, mais le sage espoir de sauver ce qui peut l’être encore. C’est elles que l’envahisseur trouvera devant lui, non follement téméraires, mais prudentes et fermes.

Sans provocations inutiles, sans belles phrases, sans pompe théâtrale, elles ont su par la magie souveraine de la grâce unie à la claire raison, image du génie de la France, imposer le sentiment du juste à des hommes ivres de force, faire éclore un peu de lumière en des âmes sombres. Telle, Athèna, aux temps antiques, arrêtait les Barbares saisis d’un superstitieux respect.