Calmann Lévy (p. 9-10).
◄  IV
VI  ►


V


Le soleil tombait d’en haut, glissant le long de toute cette blancheur des murs, s’éteignant par degrés pour arriver, en lueur douce et diffuse, en bas, où la chaux mêlée d’indigo avait un rayonnement bleu. C’était comme une lumière azurée de feu de Bengale ou d’apothéose, qui tombait sur le sommeil des trois dames assises. Et, ainsi éclairées, tout le jour elles poursuivaient dans le silence leurs rêves indécis, aussi ténus que les fumées du kief.

En se cambrant comme des almées, elles appuyaient leurs têtes contre le marbre des colonnes, et relevaient au-dessus leurs beaux bras nus, ornés de bracelets d’argent, de corail et de turquoises. Le fauve de leurs bras ronds contrastait avec le rose artificiel et la pâleur peinte de leurs visages ; elles avaient l’air de figures de cire ayant un corps d’ambre ; leurs grands yeux, tout noyés dans du noir, se tenaient baissés avec une expression mystique. Leurs vestes et leurs babouches étaient dorées ; elles étaient toutes brillantes de vieux bijoux très lourds qui faisaient du bruit quand elles levaient leurs bras ; elles avaient au front des ferronnières d’argent.