Les Stalactites (Banville)/Chanson d’amour

Les StalactitesAlphonse Lemerre (p. 50-51).

Chanson d’amour


Si je l’dis à l’alouette,
L’alouette le dira.
La violett’ se double, double,
La violett’ se doublera.

Ronde.


 
Qui veut avant le point du jour,
Vers le bien-aimé de mon âme,
Parce que je languis d’amour,
Porter le secret de ma flamme ?

Ô mon cœur, à quel cœur discret
Peux-tu te confier encore ? —
Si l’alouette a mon secret,
Elle ira le dire à l’Aurore.

Le désir de son javelot
A percé mon cœur qui se brise. —
Si je dis mon secret au flot,
Le flot l’ira dire à la brise.


Un frisson glisse sur mon col,
Et glace ma lèvre déclose. —
Si je le dis au rossignol,
Il ira le dire à la rose.

Qui donc saura le supplier
De finir mes peines mortelles ? —
Si je le dis au blanc ramier,
Il l’ira dire aux tourterelles.

Je me ploie ainsi qu’un roseau
Et ma beauté penche flétrie. —
Si je le dis au bleu ruisseau,
Il l’ira dire à la prairie.

Vous qui voyez mon désespoir,
Flots, ailes, brises des montagnes ! —
Si je le dis à mon miroir,
Il l’ira dire à mes compagnes.

Parce que je languis d’amour,
Vous qui voyez que je me pâme, —
Allez, allez de ce séjour
Vers le bien-aimé de mon âme !


Juillet 1844.