Les Romans de la Table ronde (Paulin Paris)/Livre 1/Transition

Léon Techener (volume 1p. 155-169).


TRANSITION



Tel est le premier livre ou, pour mieux parler, l’introduction primitive de tous les Romans de la Table ronde. Après l’histoire de Joseph d’Arimathie, Robert de Boron, laissant en réserve la suite des aventures d’Alain, de Bron, de Petrus et de Moïse, aborde une autre laisse ou branche, celle de Merlin, dont nous trouverons la seule forme entièrement conservée, dans le roman en prose du même nom.

Mais occupons-nous d’abord du roman en prose du Saint-Graal, deuxième forme de la légende de Joseph que Robert de Boron avait versifiée.

Ce n’est plus, comme dans le poëme, un interprète plus ou moins exact de la légende galloise du Graal ; c’est l’auteur du Graal qui, parlant en son nom, va rapporter à Jésus-Christ lui-même la rédaction, la communication du livre.

Cet auteur ne se nomme pas, et nous a donné de sa réserve trois raisons peu satisfaisantes. S’il se faisait connaître, dit-il, on aurait peine à croire que Dieu eût révélé d’aussi grands secrets à une personne aussi humble ; on n’aurait pas pour le livre le respect qu’il mérite ; enfin on rendrait l’auteur responsable des fautes et des méprises que peuvent commettre les copistes. Ces raisons, dis-je, ne sont pas bonnes. Dieu, qui lui ordonnait de transcrire le livre, ne lui avait pas en même temps recommandé de cacher son nom ; s’il avait été jugé digne de recevoir une telle faveur, il ne devait pas prendre souci de ce qu’en diraient les envieux ; enfin la crainte des méprises et des interpolations que pouvaient commettre les copistes ne devait pas lui causer plus d’inquiétude qu’elle n’en avait causé à Moïse, aux Apôtres, à tant d’auteurs sacrés ou profanes. Il ne s’est pas nommé, pour entourer sa prétendue révélation d’un mystère plus impénétrable ; mais c’est là ce qu’il ne pouvait dire : seulement il eût pu se dispenser d’alléguer d’autres excuses.

Il s’est donné pour un prêtre, retiré dans un ermitage éloigné de tous chemins frayés. Laissons-le maintenant parler en abrégeant son récit :


« Le jeudi saint de l’année 717, après avoir achevé l’office de Ténèbres, je m’endormis, et bientôt je crus entendre d’une voix éclatante ces mots : Éveille-toi ; écoute d’une trois, et de trois une. J’ouvris les yeux, je me vis entouré d’une splendeur extraordinaire. Devant moi se tenait un homme de la plus merveilleuse beauté : « As-tu bien compris mes paroles ? » dit-il. — « Sire, je n’oserais l’assurer. — C’est la reconnaissance de la Trinité. Tu doutais que dans les trois personnes il n’y eût qu’une seule déité, une seule puissance. Peux-tu maintenant dire qui je suis ? — Sire, mes yeux sont mortels ; votre grande clarté m’éblouit, et la langue d’un homme ne peut exprimer ce qui est au-dessus de l’humanité. »

« L’inconnu se baissa vers moi et souffla sur mon visage. Aussitôt mes sens se développèrent, ma bouche se remplit d’une infinité de langages. Mais, quand je voulus parler, je crus voir jaillir de mes lèvres un brandon de feu qui arrêta les premiers mots que je voulus prononcer. « Prends confiance, » me dit l’inconnu. « Je suis la source de toute vérité, la fontaine de toute sagesse. Je suis le Grand Maître, celui dont Nicodème a dit : Nous savons que vous êtes Dieu. Je viens, après avoir confirmé ta foi, te révéler le plus grand secret du monde. »

« Alors il me tendit un livre qui eût aisément tenu dans le creux de la paume : « Je te confie, » dit-il, « la plus grande merveille que l’homme puisse jamais recevoir. C’est un livre écrit de ma main, qu’il faut lire du cœur, aucune langue mortelle ne pouvant en prononcer les paroles sans agir sur les quatre éléments, troubler les cieux, agiter les airs, fendre la terre et changer la couleur des eaux. C’est pour tout homme qui l’ouvrira d’un cœur pur la joie du corps et de l’âme, et quiconque le verra n’aura pas à craindre de mort subite, quelle que soit même l’énormité de ses péchés. »

« La grande lumière que j’avais eu déjà tant de peine à soutenir s’accrut alors au point de m’aveugler. Je tombai sans connaissance, et, quand je sentis mes esprits revenir, je ne vis plus rien autour de moi, et j’aurais tenu pour songe ce qui venait de m’arriver, si je n’eusse retrouvé dans ma main le livre que le Grand Maître m’avait donné. Je me relevai alors, rempli d’une douce joie ; je fis mes prières, puis je regardai le livre et y trouvai au premier titre : C’est le commencement de ton lignage. Après l’avoir lu jusqu’à Prime[1], il me sembla l’avoir à peine commencé, tant il y avait de lettres dans ces petites pages. Je lus encore jusqu’à Tierce, et continuai à suivre les degrés de mon lignage et le récit de la bonne vie de ceux qui m’avaient précédé. Auprès d’eux, je n’étais qu’une ombre d’homme, tant j’étais loin de les égaler en vertu. En avançant dans le livre, je lus : Ici commence le saint Graal. Puis, le troisième titre : C’est le commencement des Peurs. Puis un quatrième titre : C’est le commencement des Merveilles. Un éclair brilla devant mes yeux, suivi d’un coup de tonnerre. La lumière persista, je n’en pus soutenir l’éclat, et tombai une seconde fois sans connaissance.

« J’ignore combien de temps je demeurai ainsi. Quand je me relevai, je me trouvai dans une obscurité profonde. Peu à peu le jour revint, le soleil reprit sa clarté, je me sentis pénétré des odeurs les plus délicieuses, et j’entendis les plus doux chants que j’eusse encore entendus ; les voix d’où ils partaient semblaient me toucher, mais je ne les voyais ni ne pouvais les atteindre. Elles louaient Notre-Seigneur et disaient en refrain : Honneur et gloire au Vainqueur de la mort, à la source de la vie perdurable !

« Ces paroles huit fois répétées, les voix s’arrêtèrent ; j’entendis un grand bruissement d’ailes, suivi d’un parfait silence : il ne resta que les parfums dont la douceur me pénétrait.

« None arriva, je me croyais encore aux premières lueurs du matin. Alors je fermai le livre et commençai le service du vendredi saint. On ne consacre pas ce jour-là, parce que Notre-Seigneur l’a choisi pour y mourir. En présence de la réalité, on ne doit pas recourir à la figure ; et, si l’on consacre les autres jours, c’est en mémoire du vrai sacrifice du vendredi[2].

« Comme je me disposais à recevoir mon Sauveur et que j’avais déjà fait trois parts de pain, un ange vint, me prit par les mains et me dit : « Tu ne dois pas employer ces trois parts, avant d’avoir vu ce que je vais te montrer. » Alors il m’éleva dans les airs, non en corps, mais en esprit, et me transporta dans un lieu où je fus inondé d’une joie que nulles langues ne sauraient exprimer, nulles oreilles entendre, nuls cœurs ressentir. Je ne mentirais pas en disant que j’étais au troisième ciel où fut transporté saint Paul ; mais, pour n’être pas accusé de vanité, je dirai seulement que là me fut découvert le grand secret que, suivant saint Paul, aucune parole humaine ne pourrait exprimer. L’ange me dit : « Tu as vu de grandes merveilles, prépare-toi à la vue de plus grandes. » Il me porta plus haut encore, dans un lieu cent fois plus clair que le verre, et cent fois plus étincelant de couleurs. Là j’eus vision de la Trinité, de la distinction du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et de leur réunion dans une même forme, une même déité, une même puissance. Que les envieux ne me reprochent pas d’aller ici contre l’autorité de saint Jean l’Évangéliste, quand il nous a dit que les yeux mortels ne verront et ne pourront voir jamais le Père éternel ; car saint Jean entendait les yeux du corps, tandis que l’âme peut voir, quand elle est séparée du corps, ce que le corps l’empêcherait d’apercevoir.

« Comme j’étais en telle contemplation, je sentis le firmament trembler, au bruit du plus éclatant tonnerre. Une infinité de Vertus célestes entourèrent la Trinité, puis se laissèrent tomber comme en pâmoison. L’ange alors me prit et me ramena où il m’avait pris. Avant de rendre à mon âme son enveloppe ordinaire, il me demanda si j’avais vu de grandes merveilles. — « Ah ! si grandes, » répondis-je, « que nulle langue ne pourrait les raconter. » — « Reprends donc ton corps, et, maintenant que tu n’as plus de doutes sur la Trinité, va dignement recevoir celui que tu as appris à connaître. »

L’ermite, ainsi rentré en possession de son corps, ne vit plus l’ange, mais seulement le livre, qu’il lut après avoir communié et qu’il déposa dans la châsse où l’on enfermait la boîte aux hosties. Il ferma le coffre à la clef, retourna dans son habitacle, et ne voulut plus toucher au livre avant d’avoir chanté le service de Pâques. Mais quelle fut sa surprise et sa douleur quand, après l’office, il ouvrit la châsse et ne l’y retrouva plus, quoique la porte n’en eût pas été défermée ! Bientôt une voix lui apporta ces paroles : « Pourquoi t’étonner que ton livre ne soit plus où tu l’avais enfermé ? Dieu n’est-il pas sorti du sépulcre sans en remuer la pierre ? Voici ce que le Grand Maître te commande : demain matin, après avoir chanté la messe, tu déjeuneras, puis entreras dans le sentier qui mène au grand chemin. Ce chemin te conduira à celui de la Prise, auprès du Perron. Tu te détourneras un peu et prendras vers la droite le sentier qui conduit au carrefour des Huit Voies, dans la plaine de Valestoc. Arrivé à la fontaine de Pleurs, où fut jadis la grande tuerie, tu trouveras une bête étrange chargée de te guider. Quand tes yeux la perdront de vue, tu entreras dans la terre de Norgave[3], et là sera le terme de ta quête. »

« Le lendemain, » reprend ici l’ermite, « je fis ce qui m’était commandé. Je sortis de mon habitacle en faisant le signe de la croix sur la porte et sur moi. Je passai le Perron, arrivai au Val des morts, que je reconnus aisément pour y avoir autrefois vu combattre les deux meilleurs chevaliers du monde. Je marchai pendant une lieue galloise[4] et j’arrivai au carrefour : devant moi, sur le bord d’une fontaine, s’élevait une croix, et sous la croix gisait la bête dont l’ange m’avait parlé. En me voyant, elle se leva ; plus je la regardais, moins je reconnaissais sa nature. Elle avait la tête et le cou d’une brebis, de la blancheur de la neige tombée. Ses pieds, ses jambes, étaient d’un chien noir, sa croupe et son corps d’un renard, son poil et sa queue d’un lion. Dès qu’elle me vit faire le signe de la croix, elle se leva, gagna le carrefour et prit à droite la première voie. Je la suivis d’aussi près que mon âge et ma faiblesse le permettaient : à l’heure de Vêpres, elle quitta le grand chemin frayé pour aborder une longue coudrière, dans laquelle elle marcha jusqu’à la chute du jour. Alors nous nous enfonçâmes dans une vallée profonde ombragée d’une épaisse forêt. Nous arrivâmes ainsi devant une loge[5] : à la porte se tenait un vieillard en habit de religion. Le prud’homme en me voyant ôta son chaperon, se mit à genoux, et demanda ma bénédiction. — « Je suis, » lui dis-je, « un pécheur comme vous, et ne puis vous la donner. » Mais j’eus beau faire, il ne se leva qu’après avoir été béni. Alors il me prit par la main, me conduisit dans sa loge et me fit partager son repas. J’y reposai la nuit, et le lendemain, après avoir chanté, comme le bon homme m’en avait prié, je me remis en chemin, et trouvai à la fin de l’enclos la bête qui m’avait conduit jusque-là. Je continuai à la suivre dans la forêt, et nous arrivâmes, vers midi, dans une belle lande[6] : là s’élevait le Pin dit des aventures, sous lequel coulait une belle fontaine, dont le sable était rouge comme feu ardent, et l’eau froide comme glace. Chaque jour elle devenait à trois reprises verte comme émeraude et amère comme fiel. La bête se coucha sous le Pin : comme j’allais m’asseoir auprès d’elle, je vis venir à moi sur un cheval en sueur un valet qui, descendant près de la fontaine, détacha de son cou une toile et me dit à genoux : « Madame vous salue, celle qui dut au Chevalier au cercle d’or sa délivrance[7], le jour que celui que bien connaissez vit la grande merveille. Elle vous envoie à manger. » Il développa la toile, en tira des œufs, un gâteau blanc et chaud, un hanap et un barillet plein de cervoise. Je mangeai avec appétit, puis je dis au valet de recueillir ce qui restait et de le reporter à la dame en lui rendant grâce de son envoi.

« Le valet s’éloigna, et je repris mon chemin à la suite de la bête. Nous sortîmes du bois au déclin du jour, et arrivâmes à un carrefour, devant une croix de bois. Là s’arrêta la bête : j’entendis un bruit de chevaux, puis parurent trois chevaliers. « Bien êtes-vous venu ! » me dit le premier en descendant ; il me prit par la main, me pria de venir héberger chez lui. « Emmenez les chevaux, » dit-il à son écuyer. Je suivis les deux chevaliers jusqu’à l’hôtel. Le premier crut me reconnaître à un signe que j’avais sur moi ; il m’avait vu dans un lieu qu’il me nomma. Mais je ne voulus rien lui dire de ce que j’avais en pensée, si bien qu’il n’insista pas et se contenta de me recevoir aussi bien que possible.

« Je repartis le matin, et reconnus la bête à la porte de mon hôte, en prenant congé. Vers l’heure de Tierce, nous trouvâmes une voie qui conduisait à l’issue de la forêt, et je vis, au milieu d’une grande prairie, une belle église appuyée sur de grands bâtiments, devant une eau qu’on appelait le Lac de la Reine. Dans l’église étaient de belles nonnes qui chantaient l’office de tierce à haute et agréable voix. Elles m’accueillirent, me firent chanter à mon tour, puis me donnèrent à déjeuner ; mais en vain me prièrent-elles de séjourner : je pris congé d’elles et rentrai dans la forêt à la suite de la bête. Quand vint le soir, je jetai les yeux sur une dalle au bord du chemin ; et j’y aperçus des lettres fermées que je m’empressai de déplier ; j’y lus : « Le Grand Maître te mande que tu achèveras ta quête, cette nuit même. » Je me tournai vers la bête, et ne la vis plus ; elle avait disparu. Je me repris à lire les lettres où j’appris ce qui me restait à faire.

« La forêt commençait à s’éclaircir : sur un tertre à demi-lieue de distance s’élevait une belle chapelle, d’où j’entendis partir une clameur épouvantable. Je hâtai le pas, j’arrivai à la porte, en travers de laquelle était étendu de son long un homme entièrement pâmé. Je fis devant son visage le signe de la croix ; il se leva, et je m’aperçus à ses yeux égarés qu’il avait le diable au corps. Je dis au démon de sortir, mais il me répondit qu’il n’en ferait rien, qu’il était venu de par Dieu, et que de par Dieu seul il sortirait. J’entrai alors dans la chapelle, et la première chose que je vis sur l’autel fut le livre que je cherchais. J’en rendis grâce à Notre-Seigneur et le portai devant le forcené. Le diable alors se prit à hurler : « N’avance pas davantage, » criait-il, « je vois bien qu’il me faut partir ; mais je ne le puis, à cause du signe de la croix que tu as fait sur la bouche de cet homme. » — « Cherche, » répondis-je, « une autre issue. » Il s’échappa par le bas, en poussant des hurlements hideux, comme s’il eût renversé sur son passage tous les arbres de la forêt. Je pris alors entre mes bras le forcené, et le portai devant l’autel, où je le gardai toute la nuit. Le matin je lui demandai ce qu’il voulait manger. — « Ma nourriture ordinaire. — Et quelle est-elle ? — Des herbes, des racines, des fruits sauvages. Voilà trente-trois ans que je suis ermite, et depuis neuf ans je n’ai pas mangé autre chose. »

« Je le laissai, pour dire mes heures et chanter ma messe : quand je revins, il dormait ; je m’assis près de lui et je cédai au sommeil. Je crus voir en dormant un vieillard qui, passant devant moi, déposait pommes et poires dans mon giron. Je trouvai à mon réveil ce vieillard, qui en me donnant de ses fruits m’annonça que, tous les jours de ma vie, le Grand Maître me ferait le même envoi. Je réveillai l’autre prud’homme et lui présentai un fruit qu’il mangea très-volontiers, comme celui qui de longtemps n’avait rien pris. Je restai huit jours avec lui, ne trouvant rien que de bon dans ce qu’il disait et faisait. En prenant congé, il m’avoua que le démon s’était emparé de lui pour le seul péché qu’il eût commis depuis qu’il avait pris l’habit religieux. Voyez un peu la justice de Notre-Seigneur : ce prud’homme le servait depuis trente-trois ans le mieux qu’il pouvait ; pour un seul péché, le démon prit possession de lui, et, s’il était mort sans l’avoir confessé, il serait devenu la proie de l’enfer ; tandis que le plus méchant homme, s’il fait à la fin de ses jours une bonne confession, rentre pour jamais en grâce avec Dieu, et monte dans le Paradis.

« Je repris le chemin de mon ermitage avec le livre qui m’était rendu. Je le déposai dans la châsse où d’abord je l’avais mis ; je fis le service de Vêpres et Complies, je mangeai ce que le Seigneur me fit apporter, puis je m’endormis. Le Grand Maître vint à moi durant mon somme et me dit : « Au premier jour ouvrable de la semaine qui commence demain, tu te mettras à la transcription du livret que je t’ai donné ; tu finiras avant l’Ascension. Le monde en sera saisi ce jour-là même où je montai au Ciel. Tu trouveras dans l’armoire placée derrière l’autel ce qu’il faut pour écrire. »

« Le matin venu, j’allai à l’armoire, et j’y trouvai ce qui convient à l’écrivain, encre, plume, parchemin et couteau. Après avoir chanté ma messe, je pris le livre, et, le lundi de la quinzaine de Pâques, je commençai à écrire, en partant du crucifiement de Notre-Seigneur, ce que l’on va lire[8]. »

  1. Six heures du matin. — Tierce répond à neuf ; Sexte, None et Vêpres à midi, trois et six heures.
  2. « Car là où la vérité vient, la figure doit arrières estre mise. Les autres jours sacre-l’en en remembrance de ce que il fu sacrefiés. Mais à celui jour du saint venredi fu-il veraiement sacrefiés ; car il n’i a point de senifiance, puis que li jours est venus que il fu voirement sacrefiés. »
  3. Je n’ai retrouvé la trace d’aucun de ces noms de lieu. Je suis assez disposé à les croire défigurés.
  4. « Une lieuve galesche. » Je crois que ces lieues sont les milles, dont les Anglais ont le bon sens de préférer le nom traditionnel à celui de double kilomètre.
  5. Ancien synonyme de petit logis. Il est encore usité par les bûcherons et forestiers.
  6. Ce mot reviendra si souvent qu’il faut le conserver : c’est une terre non cultivée, comme il y en avait tant alors.
  7. « Requéist de sa perde » (ms. 759), « reçut » ms. 747.
  8. Il y a dans ce préambule plusieurs points très-obscurs qui pourraient bien être autant d’interpolations, et se rattacher à l’intention qu’avaient les Assembleurs de faire du prêtre, auteur de la légende latine, le fils de Nascien, ou Nascien, dont on va bientôt parler. Ainsi l’allusion au combat mortel « des deux plus vaillants chevaliers du monde, » ainsi le « chemin de Pleurs, » peuvent s’appliquer au dernier épisode des romans de la Table ronde. Après la mort du roi Artus, Nascien, ou le fils de Nascien, aurait renoncé aux armes pour prendre l’habit religieux, et c’est alors qu’il aurait eu la vision qui lui ordonnait de transcrire le livre divin du Graal. Rien n’était assurément plus absurde que de faire d’un prêtre du huitième siècle le contemporain d’autres personnages appartenant les uns au premier, les autres au cinquième siècle de notre ère. Mais, au temps de Philippe-Auguste, on ne reculait pas encore devant de pareilles énormités. Les siècles passés ne semblaient former qu’une seule et grande époque, où se réunissaient toutes les célébrités de l’histoire ; comme dans la toile peinte par Paul Delaroche pour l’hémicycle de l’École des Beaux-Arts.