Traduction par Geo Adam.
Société d’Édition et de Publications - Librairie Félix Juven (p. 210-223).

CHAPITRE XVIII

UNE NUIT MOUVEMENTÉE

Si l’Américain avait compté sur la surprise et la joie de son compagnon à l’annonce si laconique de cette nouvelle, il fut étrangement déçu, car Catinat s’avança vers lui avec un visage qui exprimait la sympathie et le chagrin, et lui posant doucement la main sur l’épaule, il lui dit :

— Mon cher ami, j’ai été égoïste. Je n’ai songé qu’à mes propres ennuis et j’ai oublié ce que vous avez enduré pour moi. Cette chute de cheval vous a ébranlé plus que vous ne pensez. Couchez-vous sur cette paille et essayez de dormir.

— Je dis que l’archevêque est à Versailles, s’écria Amos Green d’un ton impatienté.

— Oui, mais oui, je le sais, poursuivit Catinat doucement. Il y est certainement… Vous ne souffrez pas ?

L’Américain agita en l’air ses poings fermés.

— Vous me croyez fou, s’écria-t-il, et, par le feu éternel, vous êtes capable de me rendre tel. Quand je vous dis que j’ai envoyé l’évêque, c’est que je l’ai fait. Vous vous rappelez que je vous ai quitté pour dire un mot à votre ami le major ?

Ce fut le tour du soldat de se montrer agité.

— Eh bien ! cria-t-il en saisissant le bras de l’autre.

— Eh bien ! quand nous envoyons un éclaireur dans les bois, si l’affaire en vaut la peine nous en envoyons un second à une autre heure, de sorte que l’un ou l’autre revient avec ses cheveux sur sa tête. C’est la manière des Iroquois et elle a du bon.

— Mon Dieu ! Je crois que vous m’avez sauvé.

— Vous n’avez pas besoin de vous accrocher à mon bras comme une loutre après une truite… J’ai rejoint le major, et je lui ai demandé de passer devant la maison de l’archevêque en arrivant à Paris.

— Et ensuite, ensuite ?

— Je lui ai montré ce morceau de craie. « Si nous y avons été, lui ai-je dit, vous verrez une grande croix sur le montant gauche de la porte. S’il n’y a pas de croix, alors tirez le loquet et priez l’évêque de se rendre au palais aussi vite que ses chevaux pourront l’amener. » Le major est parti une heure après nous ; il a dû arriver à Paris à dix heures et demie ; l’évêque prévenu s’est mis en route aussitôt et il est arrivé à Versailles il y a une demi-heure, c’est-à-dire vers minuit et demi. Mais qu’est-ce qui vous prend ! Vous avez perdu la tête ?

Le jeune Américain avait bien lieu de s’alarmer de l’effet produit par ces paroles. Sa nature froide et calme était en effet incapable des violentes et rapides variations du bouillant Français. Catinat s’était mis à danser tout autour de la cellule, en levant bras et jambes, la lune projetant sur le mur derrière lui les contorsions de son ombre. Finalement il se jeta dans les bras de son camarade, l’embrassant et le serrant sur sa poitrine avec des protestations de reconnaissance et des exclamations interminables.

— Ah ! si je pouvais faire quelque chose pour vous, s’écria-t-il, si je pouvais faire quelque chose pour vous !

— Vous le pouvez. Couchez-vous sur cette paille et dormez.

— Et quand je pense que je vous ai malmené ! Ah ! vous avez eu votre revanche.

— Pour l’amour de Dieu, couchez-vous et dormez.

Catinat, à la vérité, était épuisé par toutes les angoisses subies dans la journée, et cette dernière émotion semblait avoir absorbé tout ce qui lui restait de force. À peine étendu, ses paupières se fermèrent lourdement, et le dernier souvenir qu’il eut fut celui de l’Américain, assis les jambes croisées sous le rayon de lune et tailladant à grands coups de son long couteau une des billes de bois.

Le jeune mousquetaire était tellement fatigué que midi avait sonné depuis longtemps, et que le soleil brillait gaiement dans un ciel sans nuages quand il se réveilla. En se retrouvant enveloppé de paille, avec une voûte de pierre au-dessus de sa tête, il porta autour de lui des yeux étonnés. Puis en un instant tous les événements du jour précédent lui revinrent en mémoire : sa mission, l’embuscade, sa capture, et il se mit sur pied. Son camarade, qui avait sommeillé dans un coin, se redressa au premier mouvement, la main sur son couteau, et en dirigeant vers la porte un regard sinistre.

— Oh ! c’est vous, dit-il, je croyais que c’était l’homme.

— Il est venu quelqu’un ?

— Oui, il a apporté deux pains et une cruche d’eau, au petit jour, juste comme je me préparais à me reposer un peu.

— Qu’a-t-il dit ?

— Rien, c’était le petit noir, celui qu’ils appelaient Simon. Il a posé cela par terre et il est reparti. J’ai pensé que s’il revient, nous pourrons bien l’empêcher de s’en aller.

— Comment cela ?

— Si nous lui passions ces courroies autour des chevilles il ne s’en débarrasserait probablement pas aussi facilement que nous l’avons fait.

— Et après ?

— Eh bien ! il nous dirait où nous sommes, et ce que l’on veut faire de nous.

— Bah ! que nous importe, puisque notre mission est remplie.

— Cela ne vous importe peut-être pas à vous, les goûts ne se discutent pas, mais il m’importe beaucoup à moi. Je ne suis pas habitué à rester assis dans un trou, comme un ours dans un piège, à attendre ce qu’on voudra bien faire de moi. Je ne me trouve pas à l’aise ici. Paris est déjà un lieu où l’on ne respire guère, mais c’est une prairie comparé à ceci. Il me faut de l’air, et je veux sortir d’ici.

— Il n’y a pas autre chose à faire que de prendre patience, mon ami.

— Ce n’est pas mon avis. J’aime mieux prendre une barre de fer et quelques chevilles.

Il ouvrit son habit et retira un morceau de fer rouillé et trois petits morceaux de bois taillés en pointe.

— Où avez-vous pris cela ?

— C’est mon travail de la nuit. Cette barre est la traverse supérieure de la grille. J’ai eu de la peine à l’enlever, mais la voilà. Quant aux chevilles je les ai taillées dans cette bûche.

— Pour quoi faire ?

— Eh bien ! vous voyez, la cheville numéro un va ici où j’ai creusé un trou entre les pierres, puis j’ai fait avec l’autre bûche un coin que l’on peut fixer solidement dans ces deux entailles, de façon à pouvoir supporter le poids d’un homme. Ces deux autres chevilles vont dans ces deux trous ! Là, maintenant vous pouvez vous tenir sur l’échafaudage et regarder par la fenêtre sans trop vous fatiguer les orteils. Essayez.

Catinat se hissa et il regarda entre les barreaux.

— Je ne connais pas l’endroit, dit-il en secouant la tête. Ce doit être un des châteaux éparpillés au sud de Paris ; mais lequel ? Et qui a intérêt à nous traiter ainsi ? Si je pouvais voir le blason… Ah ! en voilà un, là-bas, dans le centre de la fenêtre, mais j’ai peine à le distinguer. Je crois que vos yeux sont meilleurs que les miens, Amos, regardez si vous pouvez lire cet écusson.

— Oui. Je vois parfaitement. Cela me fait l’effet de trois busards perchés sur un baril de mélasse.

— Probablement trois merlettes sur une tour. Ce sont les armes des Provence de Hauteville. Ce n’est pas cela. Ils n’ont pas de château à moins de cent lieues. Non… je ne sais pas où nous sommes.

Il se mit à redescendre et s’appuya de la main sur la barre. À sa grande surprise elle lui vint dans la main.

— Regardez, Amos, regardez, s’écria-t-il.

— Ah ! vous vous en apercevez. J’ai fait cela pendant la nuit.

— Comment ? avec votre couteau ?

— Non, avec la traverse, mon couteau n’aurait pas résisté. Je vais remettre la barre en place ; d’en bas ils pourraient s’apercevoir qu’elle est descellée.

— Les autres le sont aussi ?

— Non ; mais elles le seront cette nuit. Vous pourrez vous servir de celle-ci pendant que je travaillerai avec ma traverse. Voyez, la pierre est tendre, et il ne sera pas difficile de creuser une rainure pour faire glisser le barreau. Nous sommes de fichus maladroits si nous ne réussissons pas à nous ouvrir un chemin avant que le jour ait paru.

— Mais en admettant que nous puissions arriver jusque dans la cour, que ferons-nous après ?

— Chaque chose en son temps, mon ami. Ce n’est pas une raison pour rester indéfiniment sur le Kennebec parce que vous ne voyez pas comment vous ferez pour traverser le Penobscot. En tout cas il y a plus d’air dans la cour qu’ici, et quand nous aurons franchi la fenêtre nous nous occuperons du reste.

Les deux amis n’osèrent pas continuer leur besogne pendant le jour de peur d’être surpris par le geôlier ou observés du dehors.

Ils mangèrent leur pain et burent leur eau avec l’appétit d’hommes qui avaient été souvent privés même d’une nourriture aussi frugale. Dès que la nuit fut venue, ils se mirent au travail ; un orage avait éclaté et il pleuvait, mais ils y voyaient parfaitement, tandis que l’ombre projetée par le cintre de la fenêtre les empêchait, d’être vus. Avant minuit ils avaient détaché un barreau, et l’autre commençait, à jouer dans le scellement quand un léger bruit leur fit détourner la tête et ils virent le geôlier debout au milieu de la cellule qui les regardait la bouche ouverte.

Ce fut Catinat qui l’aperçut le premier. En un clin d’œil il fut sur lui avec son barreau, mais l’homme se précipita vers la porte qu’il referma vivement derrière lui, juste comme l’outil de l’Américain sifflait à ses oreilles et allait tomber dans le corridor. Les deux amis se regardèrent. Le mousquetaire haussa les épaules et l’Américain se mit à siffler entre ses dents.

— Inutile de continuer maintenant, dit Catinat.

— Autant faire cela qu’autre chose, répondit l’autre. Si mon barreau avait passé à un pouce plus bas, il n’en réchappait pas. Espérons qu’il s’est cassé le cou en descendant l’escalier. Je n’ai plus d’outil maintenant, mais encore quelques efforts avec votre barre et nous en aurons fini. Mais je crois que vous ne vous êtes pas trompé, et nous devons nous préparer à recevoir une cravate de chanvre.

Une grosse cloche avait été mise en branle dans le château et un grand bruit de voix et de pas se faisait entendre dans l’escalier de pierres. Des clefs tournaient dans les serrures et des ordres étaient donnés d’une voix autoritaire. Tout ce bruit éclatant soudain au milieu de la nuit tranquille indiquait évidemment que l’alarme avait été donnée. Amos Green se jeta sur la paille, les mains dans ses poches, et Catinat s’appuya contre le mur attendant ce qui allait se passer. Cinq minutes s’écoulèrent, plus cinq autres, sans que personne apparût. Le bruit continuait dans la cour, mais le corridor conduisant à leur cellule restait silencieux.

— Ma foi, je vais enlever ce barreau, dit enfin l’Américain en se levant et en allant à la fenêtre. Nous verrons toujours ce que signifie tout ce tapage. Il grimpa sur la fenêtre tout en parlant et regarda au dehors.

— Venez ici, cria-t-il à son camarade. Ils ont autre chose en train là-dessous et je crois qu’ils sont trop occupés pour se mettre la cervelle à l’envers à notre sujet.

Catinat se hissa à côté de lui et regarda dans la cour. Un brasier avait été allumé dans chaque angle et une foule d’hommes allaient et venaient avec des torches allumées. La lueur jaune dansait sur les murs gris, éclairant un instant les hautes tourelles qui se détachaient contre le ciel noir ; puis, tout d’un coup, une rafale de vent rabattait la flamme des torches de telle sorte qu’elle laissait à peine voir le visage de ceux qui les tenaient. La porte principale était ouverte et une voiture arrêtée devant une petite porte juste en face de leur fenêtre. La caisse et les roues de la voiture étaient couvertes de boue et les deux chevaux se tenaient la tête baissée, et tout fumants comme s’ils venaient de fournir une course à la fois rapide et longue. Un homme coiffé d’un chapeau empanaché et enveloppé dans un manteau était descendu de la voiture à reculons en tirant après lui une autre personne. Il y eut une lutte, un cri et les deux silhouettes disparurent par la porte. Puis la voiture repartit, les torches et les brasiers furent éteints. La grande porte se referma, et tout retomba dans le silence.

— Eh ! demanda Catinat, est-ce encore un messager du roi qu’ils ont pris ?

— Il y aura de la place pour lui ici avant peu, dit Amos Green. S’ils veulent seulement nous laisser tranquilles nous n’y resterons plus longtemps.

— Je me demande où est passé le geôlier.

— Qu’il aille où il voudra, pourvu qu’il n’approche pas d’ici. Donnez-moi votre barreau.

Il se mit à travailler furieusement à creuser sa rainure dans la pierre ; tout à coup il s’arrêta et tendit l’oreille.

— Tonnerre, dit-il, quelqu’un travaille de l’autre côté.

Ils écoutèrent tous les deux, et entendirent distinctement un bruit sourd de marteaux, et des grincements de scie de l’autre côté du mur.

— Qu’est-ce qu’ils peuvent donc faire ?

— Je me le demande.

— Vous ne pouvez pas voir ?

— Ils sont trop près du mur.

— Laissez-moi essayer. Je suis plus mince que vous.

Il passa sa tête et la moitié de l’épaule entre les barreaux, et il resta dans cette position si longtemps que son ami crut qu’il ne pouvait se dégager et le tira par les jambes.

— Ils sont en train de construire quelque chose ? Il y a quatre hommes avec une lanterne.

— Qu’est-ce qu’ils peuvent bien construire ?

— C’est un hangar je pense. Je vois trois poteaux enfoncés dans le sol.

— Nous ne pouvons pas sortir d’ici, avec ces quatre hommes sous notre fenêtre,

— C’est impossible,

— Mais nous pouvons finir notre travail.

Le bruit de son fer était noyé dans le tapage que faisaient les ouvriers occupés au-dessous d’eux. L’extrémité inférieure du barreau glissa dans la rainure et il l’attira doucement à lui. Juste au moment où il l’enlevait une tête ronde avec une masse de cheveux emmêlés apparut au niveau de la fenêtre. Amos Green fut tellement surpris à cette brusque apparition qu’il lâcha son barreau qui rebondit sur le rebord de la fenêtre, et tomba au dehors.

— Espèce de maladroit, cria une voix au-dessous, c’est comme cela que tu tiens tes outils ? Mille millions de tonnerres ! Tu m’as brisé l’épaule.

— Qu’est-ce qu’il y a ? répliqua une autre voix.

— Il y a que tu as laissé tomber ton outil sur moi.

— Moi, je n’ai rien laissé tomber.

— Idiot ; tu veux me faire croire que les barres de fer tombent du ciel. Je te dis que tu m’as laissé tomber ton outil sur l’épaule, maladroit.

— Je vais te laisser tomber mon poing sur la figure, si je descends de l’échelle.

— Silence, propres à rien, dit sévèrement une troisième voix. Si le travail n’est pas fini au point du jour, il y aura un compte à régler avec quelqu’un que je connais.

Le bruit des marteaux et de la scie reprit de plus belle. La tête passait et repassait devant la fenêtre, son propriétaire semblant être sur une plate-forme établie juste au-dessous, mais pas une fois il ne lui vint à l’idée de jeter un coup d’œil dans le trou noir qui s’ouvrait devant lui. Les premières lueurs du matin commençaient à se répandre dans la cour quand l’ouvrage fut terminé, et les ouvriers quittèrent la place. Les prisonniers se risquèrent alors à grimper jusqu’à la fenêtre pour voir ce qui avait été fait pendant la nuit. Mais ce qu’ils aperçurent leur enleva la respiration. C’était un échafaud.

La plate-forme se dressait immédiatement au-dessous d’eux formée de planches grises nouvellement assemblées, mais qui avaient évidemment servi déjà au même usage.

Elle était appuyée contre le mur et s’avançait à une vingtaine de pieds dans la cour, avec un large escalier de bois. Au centre était un billot d’exécution dont ils apercevaient la partie supérieure toute tailladée et couverte de larges taches couleur de rouille.

— Je crois qu’il est temps de sortir d’ici, dit Amos Green.

— Ce que nous avons fait est inutile, répondit tristement Catinat. Quel que soit notre sort, et nous voilà suffisamment renseignés, nous ne pouvons que nous y soumettre en hommes de courage.

— Un instant ! mon camarade, la fenêtre est libre, il faut nous en servir.

— C’est inutile. Je vois une troupe d’hommes en armes alignée de l’autre côté de la cour.

— Une troupe alignée à cette heure ?

— Oui, et en voici d’autres qui arrivent. Voyez là-bas, par la porte centrale. Mais, au nom du ciel, qu’est-ce que cela ?

La porte qui était en face d’eux venait de s’ouvrir pour donner passage à une étrange procession.

Ce furent d’abord une douzaine de valets de pied marchant deux à deux, tous tenant une hallebarde en main et vêtus de la même livrée marron.

Derrière eux venait une espèce de géant à longue barbe, portant une grande hache sur son épaule gauche, et les manches de sa chemise de toile grossière relevées au-dessus des coudes, puis un prêtre marmottant des prières sur son bréviaire, et immédiatement après parut une femme vêtue de noir, le cou nu et la tête couverte d’un châle qui lui cachait le visage. Tout près d’elle marchait un homme de haute taille, à l’air hautain avec des traits durs et un grand nez en bec d’aigle. Il portait une toque de velours ornée d’une plume retenue par une boucle en diamants qui scintillaient sous la lumière du matin. Mais ses yeux noirs brillaient d’un éclat plus vif que les pierreries sous ses sourcils touffus, et dardaient des éclairs sinistres et menaçants. Douze autres valets vêtus de livrées marron fermaient la marche de ce singulier cortège.

La femme défaillit au pied de l’échafaud, mais l’homme qui était auprès d’elle la releva avec une poussée si brusque qu’elle buta contre la dernière marche, et elle serait tombée si elle ne s’était retenue au bras du prêtre. Arrivée sur la plate-forme, ses yeux rencontrèrent le terrible billot, elle poussa un cri et se rejeta en arrière. Mais de nouveau l’homme la poussa, et deux des suivants la saisirent chacun par un poignet et la traînèrent en avant.

— Oh ! Maurice, Maurice, criait-elle. Je ne suis pas prête à mourir. Oh ! pardonnez-moi, Maurice ; si vous espérez être pardonné vous-même, Maurice ! Maurice !

Elle se débattait pour saisir sa main, sa manche, mais il restait debout, la main sur la poignée de son épée, les yeux fixés sur elle avec une expression de dureté où se mêlaient des éclairs de joie. Elle détourna la tête et rejeta le châle qui cachait son visage.

— Ah ! Sire, s’écria-t-elle, Sire, si vous pouviez me voir, maintenant !

À ce cri, et à la vue de cette belle figure pâle, Catinat, qui avait suivi toute la scène, se sentit frappé comme par la foudre ; en effet cette femme qui se tenait là, à côté de ce billot, c’était celle qui avait été la plus puissante, la plus spirituelle, la plus belle des femmes de France, Françoise de Montespan, hier encore la favorite du roi.