Les Poliorcétiques — Chapitre 9

Chapitre 8 Les Poliorcétiques
Apollodore de Damas
Chapitre IX
De la manière d'établir sur un fleuve un pont qui puisse au besoin servir de passage



§ 1. — Construction du pont. modifier

Il faut construire un radeau dont la longueur soit supérieure la largeur du fleuve, et le composer de planches qui ne soient pas réunies par des clous joints trop exactement, de crainte que par suite des efforts du courant dans diverses directions, il ne s’écarte et se brise mais, en plusieurs points, on doit le consolider au moyen de câbles et avec des clous plantés en petit nombre.

La partie du bâti qui est tournée vers le fleuve présentera une sorte de rempart en bois assemblé à charnières, d’une hauteur de douze pieds, fixé au moyen de montants droits, reliés par des clous à des planches en écharpe.

Il faut aussi suspendre des peaux sur la face du rempart, et appliquer à l’intérieur des échelles dont les montants doivent être traversés aux deux extrémités de chevilles rondes ; les unes, appuyées sur le rempart, doivent avoir leurs charnières sur les pièces verticales ; les autres doivent être fixées au sol, afin que la paroi soit consolidée par l’obliquité des échelles (formant arcs boutants), et se maintienne d’aplomb. Des hommes, situés sur ces échelles, combattront, se trouvant à une hauteur qui dominera les créneaux de l’ennemi situés en face d’eux.

Ce rempart ne doit pas être d’une seule pièce, afin qu’au besoin une des parties reste en place, tandis que l’autre se rabat. Dans le cas où il deviendrait nécessaire que le tout s’abaisse, nous le ferons ainsi qu’il suit, en rabattant toutes les échelles à l’intérieur à partir du sol.

§ 2. — Lancement du pont. modifier

Reliant ce radeau avec des câbles à des pieux placés en dessous, loin du bord, nous le pousserons de l’amont (en lâchant les câbles), vers la partie aval du fleuve. L’angle du radeau une fois délié, il s’ouvre à travers l’eau, par l’effet du courant lui-même, une sorte de porte remplie par l’appareil même, et son extrémité parvient jusqu’à la rive opposée ; car, lorsque le radeau a passé, sa largeur ne peut pas opposer de résistance à la force du courant, puisque nous avons exposé plus haut que la longueur du radeau était supérieure à la largeur du fleuve.

À cette extrémité se trouvent dans la partie inférieure du bâti de grandes cuves, et on assemble le tout avec soin au moyen de pieux en bois ; on rattache le bâti, de manière que les câbles ne se voient pas, et on obtient la figure ci-dessous.

§ 3. — Attaque de la place. modifier

Le radeau ainsi établi, en cas de combat, l’ouvrage se détache par l’extrémité (du côté des assiégeants) ; le courant agit sur le radeau placé obliquement, et vient le placer parallèlement à. l’autre rive, tout l’ensemble étant ainsi disposé et prêt. Les hommes, montant sur les échelles, combattront bravement, comme du haut d’un rempart.

Quant cette rencontre aura repoussé l’ennemi, on détachera les liens qui retiennent au plancher du radeau le pied des échelles, le rempart (en charpente) se rabattra peu à. peu (vers la place), pendant qu’on tirera les échelles par dessous, et l’ensemble fera une sorte de gradin pour franchir l’espace intermédiaire : on formera ainsi un passage continu pour la marche.

On doit également ménager secrètement des ouvertures dans la partie inférieure du rempart du radeau, de manière à pouvoir envoyer des javelots et des traits sur l’ennemi, en cachant les combattants, et se présenter sur deux rangs contre l’assiégé, qui n’a qu’un front, suivant la première figure ci-dessous.[54]

Nous figurons aussi une élévation de l’appareil, afin de bien montrer la disposition des échelles et celle du rempart.

Dans le cas où il serait nécessaire de réparer le pont, qui serait venu à s’entrouvrir par la force du courant, il ne faudrait pas se porter en masse sur la rive ennemie ni au point de brisure, mais rattacher l’ouvrage en partant du bord que l’on occupe, et avancer de proche en proche, pour pouvoir parvenir en sûreté au point menacé.