Les Pierres précieuses, leur extraction et leur synthèse

Les Pierres précieuses, leur extraction et leur synthèse
Revue des Deux Mondes, 6e périodetome 4 (p. 677-708).
LES PIERRES PRÉCIEUSES
LEUR EXTRACTION ET LEUR SYNTHÈSE

Les pierres dites précieuses n’ont été connues qu’assez tard dans notre monde occidental. Les poèmes homériques les ignorent : Héra, la reine des dieux, ne disposait, en fait de gemmes, que de cailloux plus ou moins artistement travaillés, rehaussés d’or, et de quelques grains d’ambre de la Baltique ; du corail, que la Méditerranée aurait dû déjà fournir en abondance, il n’est pas question : était-il inconnu ou méprisé ? Nous n’en savons rien. Les peuplades néolithiques de la Gaule avaient été, quelques milliers d’années auparavant, plus favorisées : elles connaissaient au moins la turquoise, une jolie pierre analogue à celle que l’on trouve encore de temps à autre dans la province de Salamanque, et qui provenait sûrement de mines aujourd’hui disparues ou épuisées. Mais si les pierres véritablement précieuses n’ont fait leur apparition en Grèce que, très probablement, cinq ou six siècles avant notre ère, et cela grâce aux Phéniciens et aux Egyptiens, en revanche, la lecture des anciens livres orientaux montre que, bien avant les temps homériques, les peuples de l’Asie, cette antique patrie des plus belles gemmes, les connaissaient et savaient les apprécier. Elles ont dû, assez tôt, être l’objet d’un commerce important, car celles que l’on a trouvées en Egypte, dans les tombeaux des âges les plus reculés, provenaient certainement de l’Inde ou de l’Insulinde, bien que l’Afrique du Nord fût, dès cette époque, en état d’en fournir en assez grande quantité, et de qualités variées.

De nos jours, abstraction faite de la rareté qui n’est en somme qu’une qualité commerciale, les gemmes n’ont pour nous d’autre attrait, et cette qualité a bien son prix, que cette puissance attractive, mystérieuse qu’à défaut d’une expression plus exacte nous appelons leur beauté, sorte de résultante du travail auquel elles soumettent les rayons de lumière après les avoir emprisonnés et transformés. Mais nos pères, moins sensibles, peut-être, à cette qualité, pour nous prédominante, les considéraient sous d’autres aspects. Ils les douaient de propriétés surnaturelles qui en doublaient le prix : l’améthyste dissipait les fumées du vin et se brisait en des mains impures ; l’hyacinthe préservait du tonnerre et de la peste, la turquoise, de tout accident ; l’émeraude calmait les palpitations du cœur ; le rubis donnait la félicité parfaite ; le diamant, le contentement, le courage, la puissance ; lui aussi éloignait la peste et, de plus, « annihilait l’effet des venins et protégeait contre les ensorcellemens et enchantemens, » ce dont il est aujourd’hui, peut-être, permis de douter, après l’aventure de sir Julius Wernher, le roi du diamant. Seules, du reste, les gemmes de l’eau la plus belle, sans défauts, sans occlusions, sans « crapauds, » comme disent les lapidaires, possédaient ces qualités bienfaisantes ; les autres ne pouvaient attirer sur la tête de leurs détenteurs que des calamités sans nombre, des maladies variées, terribles, incurables. Après tout, ces vieilles idées ne sont pas sans contenir quelque part de vérité : la science moderne la plus scrupuleuse ne saurait blâmer tout à fait nos ancêtres d’avoir cru et répété que la possession d’un lot de pierres fines est éminemment apte à calmer les colères les plus violentes, « nourrit et fomente l’amour des mariez, » et « dissipe les vapeurs. » Qui oserait, en effet, mettre en doute l’influence qu’elles peuvent avoir sur les maladies où l’imagination tient le principal rôle ? Qui oserait nier que le présent d’une pierre d’un bel orient ne puisse aider à calmer, du moins pour un temps, certaines mélancolies ?

Nos pères croyaient aussi que les gemmes étaient de véritables êtres vivans, « engendrés, écrivait J. Cardan, par les sucs que distillent des pierres dans les cavités les plus profondes des roches terrestres » (théorie qui n’est pas sans saveur ni vérité) ; que ces êtres naissaient, vivaient, souffraient, vieillissaient et mouraient. La Chimie moderne ou, plutôt, la chimie de Lavoisier, au contraire, les envisage sous un point de vue en apparence moins poétique, mais tout de même plus proche de la vérité, qui devait amener à oser et à réussir leur synthèse, problème intéressant par lui-même, en dehors de toute préoccupation mercantile, car, ainsi qu’on le verra plus loin, il tend à jeter une lumière nouvelle sur un autre problème d’un ordre beaucoup plus élevé, celui de l’origine et du mode de formation de notre globe. Cette chimie ne voit en elles que de véritables corps bruts, figés à jamais dans leur armature cristalline, et dont tout le prix ne résulte que de certaines propriétés matérielles : inaltérabilité, dureté, réfringence, pouvoir dispersif, couleurs éclatantes et variées. Il est vrai que ces propriétés, un très petit nombre de gemmes les possèdent à un haut degré et méritent ainsi le nom de pierres nobles : d’abord, le diamant, après le rubis, le saphir et l’émeraude, que seules les lapidaires considèrent comme pouvant rivaliser avec lui. Toutes les autres pierres précieuses : topaze, améthyste, grenat, turquoise, etc., et même l’alexandrite, ne sont guère, pour eux, que des pierres de fantaisie, dont les caprices de la mode font presque tout le prix. Aussi, laissant de côté la perle (pierre de premier rang sans doute, mais que son origine animale classe tout à fait à part, Avec l’ambre et le corail), seules les quatre pierres nobles que nous avons nommées nous occuperont ici, car seules elles méritent une étude un peu approfondie, par suite de leur beauté propre, par suite aussi de leur importance commerciale, industrielle et financière, par suite, enfin, du développement que tend à prendre la fabrication, courante aujourd’hui, de deux d’entre elles, le rubis et le saphir. Au premier abord, la tâche pourrait paraître malaisée, mais nous avons eu des guides sûrs, particulièrement le beau livre de M. J. Escard, intitulé le Carbone, et, sur notre demande, un excellent travail documentaire que nous avons obtenu de M. Paul Dreyfus, ingénieur administrateur de la mine Premier.


I

Trois pays seuls, depuis les temps historiques, l’Extrême-Orient, le Brésil et 1 Afrique du Sud, ont successivement concouru, tant par l’importance de leurs gisemens que par les qualités de la matière extraite, à la production de la gemme, précieuse entre toutes, appelée diamant, dont la dureté prodigieuse, la parfaite inaltérabilité et les feux étincelans devaient, de tout temps, frapper tous les peuples :

C’est en Extrême-Orient, plus particulièrement dans l’Inde, que le diamant semble avoir été rencontré pour la première fois : plus de 3 000 ans avant notre ère, certains gros diamans auraient appartenu aux rois d’Anga (les troupes anglaises les prirent, dit-on, pendant la conquête du Pendjab). Les Égyptiens connaissaient le diamant : ils en retiraient, croit-on, de l’Ethiopie, et en recevaient certainement de l’Inde. En Occident, le précieux minéral n’a été connu que très tard : Théophraste paraît l’avoir ignoré et, seul, Pline en parle d’une manière un peu précise ; encore le confond-il avec le saphir et le corindon (saphir blanc). Tout indique que les diamans connus à cette époque, et que ceux introduits depuis en Europe, provenaient de l’Inde ou de l’Insulinde. Jusqu’au commencement du XVIIIe siècle, l’Extrême-Orient, seul, a fourni les gemmes les plus estimées, le Régent, le Koh-l-Noor, le Grand Mogol, aujourd’hui disparu (en admettant qu’il n’y ait point confusion de nom entre lui et le précédent), le Shah, célèbre par sa forme étrange de prisme irrégulier, le Sancy, l’Orloff ou diamant d’Amsterdam, le Florentin ou Grand-Duc de Toscane, le Rajah-Malan (provenant de Bornéo), le Nizam, etc. Cependant, les gisemens de ces pays s’épuisant de jour en jour, il était permis de se demander où l’on pourrait désormais se procurer cette précieuse matière, lorsque, en 1727, les premiers diamans brésiliens firent leur apparition. Jusqu’en 1870, le Brésil, à son tour, joua le rôle de l’Inde, et fournit une quantité innombrable de diamans, dont les plus célèbres sont l’Etoile du Sud, le Dresden, qu’il ne faut pas confondre avec le diamant vert de Dresde, et l’Impératrice Eugénie, aujourd’hui disparu. Mais, bien que le Brésil soit loin d’être épuisé, puisqu’il exporte encore annuellement pour à peu près 25 000 000 de francs de diamans de toutes qualités (il en a exporté pour au moins 3 000 000 000 de francs de 1727 à 1870), l’Afrique australe, depuis quarante ans environ, est presque seule à satisfaire toutes les demandes.

Comment furent découverts les premiers diamans dans l’Inde ou dans l’Ethiopie ? peu nous importe à cette heure. Comment le furent ceux des environs de Diamantina (Minas-Geraes), on l’ignore, et peu nous importe encore. La question, quant à l’Afrique du Sud, présente, grâce à son actualité, un tout autre intérêt, et il est assez curieux de constater, tout concourt à l’établir, que, par deux fois, c’est à des enfans, ces éternels touche-à-tout, que l’on doit des trouvailles qui, après celle de l’or, devaient procurer à ce pays la prospérité inimaginable dont il jouit aujourd’hui.

Ce n’est qu’en 1867 que la découverte en question a ou lieu et, de tous les récits qui ont été faits à ce sujet, le seul ayant toutes les apparences de la vérité, est le suivant :

Un paysan boer, nommé Jacobs, possédait une ferme, au confluent du Vaal et de l’Orange ; deux trafiquans, auxquels il avait donné l’hospitalité, remarquèrent quelques pierres brillantes, dont s’amusait son enfant. L’un d’eux, nommé O’Reilly, frappé de leur éclat, pria le fermier de les lui céder ; celui-ci, qui n’en soupçonnait point la valeur, lui en fit gracieusement cadeau. O’Reilly les fit voir à des personnes compétentes, capables d’en déterminer la nature, qui les reconnurent pour de véritables diamans, dont l’un fut vendu 500 livres sterling, et un autre 200. Des milliers d’aventuriers se mirent alors à fouiller le sol autour de la maison de Jacobs et découvrirent, principalement sur les bords des deux rivières, beaucoup d’autres diamans, dont l’un, l’Etoile de l’Afrique du Sud, pesant plus de 83 carats à l’état brut (le carat vaut 0, 205), acheté d’abord 400 livres au nègre qui l’avait trouvé, fut vendu 11 500 livres à des joailliers de Londres. Une véritable ruée se produisit sur les rives du Vaal, malgré les difficultés et les dangers d’un voyage à travers la région désertique du Karoo. En 1869, près de 10 000 blancs travaillaient à la recherche du précieux minéral. Puis, en 1870, on trouva, dans l’État d’Orange, d’autres dépôts analogues aux alluvions du Vaal, qui devaient amener la découverte de la mine de Jagersfontein et, la même année, à une vingtaine de milles au Sud du Vaal, celle des mines de Dutoitspan, de Bultfontein et de De Beers.

Mais, jusqu’alors, les mines ainsi mises au jour n’étaient que des dépôts alluvionnaires, analogues à ceux du Brésil et de l’Inde. Il était réservé à l’Afrique du Sud de nous faire connaître de véritables mines, dans le sens strict du mot, des mines en profondeur, et, parmi celles-ci, la première qu’on trouva fut celle qui devait être la plus riche de toutes, la mine de Kimberley. En 1871, à dix lieues environ du Vaal, un paysan vit, un jour, sa demeure environnée par toute sorte de gens, qui le contraignirent, non sans peine, à signer l’acte de vente de ses terres, pour 125 000 francs, et ceci se passait quelques jours après qu’un mineur du Vaal eut remarqué, dans les mains des enfans de cet homme, quelques pierres brillantes, semblables à des diamans, avec lesquelles ils jouaient. Les pionniers s’empressèrent de prendre possession du gisement. Le paysan, devenu petit rentier, s’en alla vivre à Capetown, et, sur l’emplacement de son domaine s’élève aujourd’hui la jolie ville de Kimberley, la capitale du diamant, qui, quelques semaines après le départ du bonhomme, avait déjà une population de 4 à 5 000 mineurs, fouillant le sol avec acharnement. Depuis, comme on le pense, tout le territoire et les environs des « Champs de diamans » ont été examinés à fond, examen qui amena la découverte de mines en profondeur nouvelles. Actuellement, les principales mines de ce genre exploitées sont :

Dans le Griqualand-West : De Beers, Kimberley, Bultfontein Wesselton, et Dutoilspan, appartenant toutes à la compagnie De Beers.

Dans l’État d’Orange, les mines de Jagersfontein (celle dont les produits sont le plus appréciés), Kofl’yfontein, Woorspoed et Robert’s Victor.

Dans le Transvaal, enfin, la mine Premier, l’adversaire redoutable de la De Beers et de la Jagersfontein coalisées.

Quant à la région diamantifère découverte depuis peu dans le Damaraland, malgré la qualité et la quantité des produits obtenus, elle semble n’être constituée que par des dépôts alluvionnaires très étendus, certes, mais de faible épaisseur, de sorte qu’il est difficile de la regarder comme susceptible de donner pendant longtemps de bien grands bénéfices. Il en sera de même, très probablement, pour les mines de diamans trouvées, depuis 1870, en Australie, en Chine, dans l’Oural, en Laponie, etc., dont bien peu, d’ailleurs, sont exploitées, tandis que celles de l’Afrique australe ont donné des résultats merveilleux, dépassant les prévisions les plus optimistes et en donneront pendant encore de longues années.

Ce n’est pas que le succès ait été facile. Les hommes qui, les premiers, se sont engagés dans l’exploitation des champs de diamans, risquaient beaucoup, car il s’est passé, en effet, pour l’Afrique méridionale, ce qui s’était passé pour le Brésil.

Depuis un temps immémorial, savans et lapidaires croyaient que les pierres précieuses de premier ordre, les pierres nobles, ne se rencontraient jamais que dans l’Extrême-Orient, dans l’Inde ou à Bornéo, et ils tentaient de justifier cette opinion à l’aide de raisonnemens plus ou moins fantaisistes. Le langage commercial, on le sait, a gardé la trace de ce préjugé : dans chaque genre, l’espèce qui a la plus grande valeur est appelé orientale, celle qui en a le moins, occidentale. Aussi, lorsque, en 1727, le bruit se répandit que, les mines de l’Inde commençant à s’épuiser, le Brésil s’apprêtait à combler le vide produit, les négocians qui avaient des intérêts en Orient, menacés par l’abaissement des prix, accueillirent très mal cette découverte, nièrent même l’existence de ces diamans, prétendant que les Brésiliens avaient engagé un trafic avec les Indiens de Goa, et que les soi-disant diamans du Brésil n’étaient que l’objet du commerce portugais. Puis lorsque les travaux d’extraction furent en pleine activité, que le nombre des diamans recueillis devint considérable (en un temps relativement court, la seule mine de Minas-Geraes avait fourni près de 144 000 carats) et qu’il fallut se rendre à l’évidence, ils portèrent la querelle sur les qualités et les défauts des pierres fines ainsi importées, prétendant qu’elles n’étaient point de belle eau, qu’elles renfermaient beaucoup d’impuretés, etc. Seule, la découverte de l’Étoile du Sud (125 carats après la taille, 254 avant) devait leur imposer silence.

De même pour l’Afrique du Sud. Tout d’abord, quelques géologues, imbus de cet étroit rationalisme que nous signalions tout à l’heure, prétendirent que, par suite des conditions géologiques du pays, le diamant ne devait pas, ne pouvait pas se rencontrer au Cap, et que les quelques pierres ramassées avaient dû être apportées de l’intérieur du continent par des autruches, explication qui eût sans doute satisfait Voltaire, mais fait sourire Buffon. Puis lorsque les diamans trouvés devinrent de plus en plus nombreux et qu’il fut impossible de nier plus longtemps les faits, on se mit alors à critiquer hautement leurs teintes nuancées on les déclara de vilaine eau et l’on en vint à ce point de considérer comme originaires du Cap les diamans inférieurs que fournit aussi le Brésil.

En réalité, si l’Afrique australe, comme, de tout temps, l’Inde et le Brésil, produit des diamans présentant la gamme de presque toutes les couleurs de l’arc-en-ciel ; si elle produit du bort, diamant concrétionné, de couleur grise, très dur, tout comme le Brésil nous fournit du carbonado, diamant presque noir, le plus dur de tous, elle produit aussi les plus belles variétés de diamant blanc (diamant incolore), de diamant blanc-bleu (diamant bleuté) et même de diamant rose, ces deux derniers genres, par leur extrême rareté, commandant des prix de fantaisie. Le Cullinan, pierre monstre extraite de la mine Premier, du poids de plus de 3 024 carats (620 grammes environ), comme l’Excelsior (974 carats) extrait de la Jagersfontein, comme le Reitz, l’Etoile de l’Afrique du Sud, etc., est du plus beau blanc, ou, si l’on veut, de la plus belle eau. Rappelons, en passant, que de cette gemme, unique au monde, acquise en 1907 par le gouvernement du Transvaal pour être offerte à Édouard VII, la maison Asscher à laquelle on en avait confié la taille, a extrait les deux plus gros, les deux plus beaux brillans connus, le premier du poids de 510 carats, le second de 309 carats seulement, mais dépassant quand même de beaucoup les poids, après la taille, de l’Orloff (195 carats), du Régent (137 carats), du Koh-I-Noor (100 carats), etc.

Mais si la découverte de ces grosses et belles gommes africaines devait définitivement réduire à néant toutes les critiques, celle des mines en profondeur devait révolutionner les procédés d’extraction.

Que sont, au juste, ces fameuses mines, que le hasard seul a fait connaître, car les premiers concessionnaires, ayant rencontré à quelques mètres au-dessous du sol une croule calcaire et s’imaginant avoir touché le fond, abandonnèrent le travail, ne se doutant guère qu’en se donnant la peine de la percer, ils se seraient trouvés en présence du véritable minerai diamantifère ? Tout simplement des cheminées d’origine éruptive, remplies d’une boue solidifiée, mélangée à des pierres de toute sorte et à des diamans. Cette boue est jaune, d’où son nom de yellow ground, et très friable dans la partie supérieure de la cheminée, c’est-à-dire sur une profondeur variant de 6 à 30 mètres ; au-dessous, elle est dure, quelquefois couleur de rouille (rosty-ground), mais, en général, bleue (blue ground) : c’est le vrai minerai diamantifère, qui n’a pas ou presque pas eu à subir l’action désorganisatrice de l’air et de l’eau. Ces cheminées (diamond-pipes) dont le contenu semble avoir, au moment de leur formation, coupé à l’emporte-pièce les feuillets, généralement horizontaux, des couches encaissantes, sont verticales, cylindriques, légèrement évasées, pourtant, au voisinage du sol ; leur profondeur est inconnue (à Kimberley, la première mine en profondeur exploitée, on travaille à 1 000 mètres) ; le roc qui les encercle (reef) est tantôt du schiste ou du basalte, tantôt du grès ; leur section est circulaire ou ovale, leur diamètre très variable : le plus souvent, il est assez petit, de 10 à 15 mètres, mais alors, on ne les exploite pas ; celles qui sont exploitées ont de 100 à 300 mètres de diamètre. La mine Premier, à section ovale, possède des dimensions relativement colossales : 800 mètres de long, 400 mètres de large. On y pourrait mettre, sans la remplir, toutes les mines du groupe de Kimberley, ce qui, toutefois, ne veut pas dire qu’elle soit la plus riche du Cap, car les diamans qu’on en relire, trop souvent givreux, sont presque toujours très petits, ce qui abaisse de beaucoup, on en aura la preuve plus loin, le prix de vente du carat, prix qui, d’ailleurs, décroît rapidement, on le sait, avec le poids global de la gemme.

L’exploitation d’une cheminée consiste, après avoir percé la croûte calcaire dont il a été question tout à l’heure, croûte souvent assez mince, à extraire par tranches horizontales successives, depuis son affleurement jusqu’à sa plus extrême limite en profondeur, la colonne formée par le conglomérat diamantifère, ce qui exige des méthodes tout à fait différentes de celles que l’on emploie pour des alluvions, que l’on peut traiter par les procédés plus ou moins rudimentaires encore usités au Brésil et dans l’Inde, où l’on se contente de laver une ou plusieurs fois à grande eau le minerai, le sable fin qui reste étant ensuite trié à la main.

Cependant, à l’origine, c’est-à-dire en 1871, l’exploitation, à Kimberley même, de la mine. du même nom, s’est faite à peu près comme s’il s’agissait d’alluvions, c’est-à-dire à ciel ouvert, et par les moyens les plus simples. Seulement, on se passait d’eau, et J. Verne, dans l’Étoile du Sud, nous apprend comment on s’y prenait : le minerai, après avoir été broyé grossièrement avec de lourdes bûches, puis débarrassé des cailloux sans valeur, était passé à travers un tamis à mailles assez larges, que des nègres secouaient vigoureusement afin d’en séparer les pierres plus petites que l’on examinait avant de les jeter au rebut. Puis, la terre qui restait était criblée dans un tamis très serré, pour en séparer la poussière : on la triait alors à la main. Chaque mineur avait droit à un carré (daim), de 9m, 50 de côté, et pouvait, d’ailleurs. s’associer à d’autres, de sorte que certains claims se trouvaient partagés en seizièmes. Mais, la profondeur atteinte augmentant toujours, il ne fut bientôt plus possible d’accéder à la terre jaune et de remonter le minerai, abattu à coups de pioche ou de marteau, par des gradins ou des échelles. Des treuils furent alors installés et, pour la facilité du transport, des routes furent ouvertes entre les rangées de claims (1873). À ce moment-là, le spectacle offert par la mine était des plus pittoresques : plus de 1 600 câbles aériens, actionnés par les treuils et servant à l’extraction du minerai des 1 600 propriétés entre lesquelles elle était partagée, formaient au-dessus d’elle comme une vaste toile d’araignée. À ce moment aussi, grâce à le friabilité de la terre jaune, le prix de revient du diamant était relativement très bas, et tout de même, ce qui se comprend aisément, son prix de vente encore très élevé. Mais l’exploitation ne s’en faisait pas moins avec un désordre absolu : les déblais, entassés pêle-mêle autour de la mine, formaient des monticules, excessivement gênans, atteignant parfois de 7 à 8 mètres de hauteur ; d’ailleurs, le reef, quand il est schisteux (et c’est le cas à Kimberley), une fois mis à jour, s’effrite rapidement sous l’influence du soleil, de l’air, de la pluie et des eaux de sources. Aussi, au bout de peu de temps, des éboulemens commencèrent à se produire, de l’eau à s’amasser au fond de la mine. Puis, à mesure qu’on allait de l’avant, la terre jaune, si facile à traiter, était remplacée par de la terre bleue, que l’on ne peut sérieusement entamer que par la poudre ou la dynamite.

Une crise terrible, que les connaisseurs avaient vue venir, éclata (1874), et les mineurs isolés, qui n’avaient pas les capitaux suffisans, durent laisser la place à des sociétés. La mine n’en avait pas moins produit, en quelques années, une immense quantité de diamans : beaucoup des premiers travailleurs firent fortune en moins d’un mois (l’un d’eux, en quinze jours, en trouva pour plus de 250 000 francs). Toutefois, l’eau manquait (en 1881, P. Dreyfus la payait encore 3 fr. 75 la barrique) et cette pénurie d’eau causait des pertes considérables, pertes de temps, pertes d’argent, car les petits diamans (on le comprend aisément d’après ce que nous avons dit plus haut) échappaient souvent aux mains les plus expérimentées.

Il fallut se décider à creuser des puits, et chercher à utiliser le mieux possible les quelques dépressions de terrain, appelées pans, qui, à la suite des pluies (car il pleut dans le Karoo, moins qu’à Paris, mais plus qu’à Madrid) pouvaient eu contenir : et c’est ce qui fut fait. Il y eut alors une grande amélioration dans la production, amélioration qui s’accentua lorsque l’un des mineurs eut inventé la machine à laver, qui s’accentua encore, à partir de 1875, quand les premières machines à vapeur firent leur apparition, et, dès lors, actionnèrent les treuils, jusque-là virés à la main ou par des chevaux, quand, enfin, des câbles d’acier remplacèrent les câbles primitifs. Nouveaux progrès lorsque, vers 1882, l’eau du Vaal fut amenée, que le chemin de fer Kimberley-Capetown fut construit, et que des mines de houille furent découvertes dans la contrée. Malheureusement, à mesure qu’on pénétrait plus avant à l’intérieur des cheminées, et qu’on en retirait le reef schisteux, les éboulemens continuaient, de plus en plus graves. C’est alors, vers 1884 encore, que deux des compagnies qui exploitaient la mine, dont la De Beers limited, eurent l’idée, pour retirer le minerai enfoui sous les continuels éboulemens du reef, d’adopter, au moins, en partie, le système du travail souterrain, le seul système vraiment rationnel avec des mines de ce genre (système dont la Compagnie française de Kimberley avait la première donné l’exemple quelques années auparavant), et, à cet effet, les deux compagnies creusèrent, au milieu de leur concession, des puits solidement boisés.

Toutefois, l’existence de plusieurs compagnies pour l’exploitation du gisement offrait encore de sérieux inconvéniens : lorsque l’une d’elles travaillait son bloc de claims plus rapidement que ses voisines, les travaux les plus profonds mettaient en danger les autres, comme cela s’était déjà présenté lorsque la mine était divisée en claims indépendans. À chaque instant, le travail était arrêté soit par des éboulemens de minerai, soit par des éboulemens de reef encore plus désastreux, éboulemens correspondant à des millions de loads (le load vaut un demi-mètre cube environ). L’idée, pour mettre fin à ce désordre, de fusionner en une seule toutes les compagnies qui se partageaient la mine de Kimberley devait donc se présenter à l’esprit. Ce travail de fusion exigeait un homme. L’homme se trouva, Cecil Rhodes, auquel on doit attribuer l’entrée du diamant dans la sphère commerciale où il joue, aujourd’hui, un rôle si important.

Tout le monde, aujourd’hui, s’accorde à reconnaître que c’est à sa ténacité, à l’ampleur de ses conceptions financières qu’est due la fusion des mines de Kimberley et de tout le groupe, mines qui, jusqu’alors, en lutte commerciale ouverte, prêtes à sombrer faute d’entente, compromettaient, par leur façon de travailler, cette renommée de rareté qui fait en grande partie la valeur de toute pierre fine. Ce fut Rhodes qui réunit sous le pavillon de la De Beers les intérêts divisés, et fonda ce trust colossal qui, hier encore, avant le développement prodigieux de la mine Premier, maître unique et incontesté du commerce du diamant, fixait le prix de la matière, en réglait la production et imposait à ses obligés, les tailleurs de brut et les courtiers en pierres, sa volonté et sa loi. Il y eut, d’abord, fusion de toutes les sociétés qui exploitaient la mine dite de Beers (1886) ; puis Cecil Rhodes fusionna avec elles toutes les sociétés minières qui exploitaient la mine de Kimberley : c’est cette opération, terminée en 1890, qui a donné naissance à la puissante compagnie De Beers actuelle. Dès 1888, d’ailleurs, une fois la prépondérance de cette compagnie assurée, l’exploitation rationnelle, méthodique de tout le groupe de Kimberley commença. Les procédés de la Compagnie française furent définitivement adoptés : des puits d’extraction furent creusés dans le roc à une certaine distance du bord de la mine, de façon à n’avoir pas à souffrir des chutes du reef ; chaque puits était relié au gisement correspondant par une galerie. Il devint alors possible d’exploiter une mine simultanément à différens nivaux. Toutefois, le travail souterrain étant très coûteux, on ne l’applique que progressivement : ainsi, dans le groupe de la De Bers, la mine de Wesselton travaille encore, du moins en partie, à ciel ouvert. À Jagersfontein et à Voorspoed, on a adopté la nouvelle méthode. Seule, la mine Premier travaille et travaillera encore longtemps (jusqu’en 1918, environ) à ciel ouvert, le reef de la cheminée étant du grès, qui a la précieuse qualité de ne se désagréger ni à l’air, ni sous l’action des intempéries atmosphériques : l’extraction du minerai s’y fait, non par câbles mais par plans inclinés, long de plusieurs centaines de mètres, sur lesquels montent et descendent d’une façon continue, à l’aide d’un câble sans fin, des wagonnets dont chacun contient un peu plus d’un load (une tonne, environ).

Arrivons au traitement du minerai.

Les premiers travailleurs, on l’a vu, n’avaient guère exploité que le yellow-ground, essentiellement friable. Mais, quant au blue-ground, sa dureté est telle que, même réduit en blocs de petite dimension, il n’est pas directement attaquable par l’eau et, par suite, ne peut être immédiatement soumis à l’action de la machine à laver. On eut alors l’idée de l’étaler sur des champs (floors), et de l’y laisser exposé aux intempéries. Dans ces conditions, au bout de quelques semaines, en général, il s’effrite, surtout si l’on a soin de l’arroser de temps en temps. À ce moment, on brise les blocs formés à coups de pioche, ou, mieux, au moyen de lourds rouleaux à vapeur, munis de fortes pointes d’acier ; après, on passe la herse (qui peut être mue, elle aussi, par la vapeur) dont l’effet est de séparer les blocs véritablement pierreux de la terre déjà brisée ; puis, on arrose abondamment d’eau pour transformer cette terre en boue et, enfin, un cylindre cribleur se charge d’éliminer de cette boue les dernières pierres et les morceaux de minerai encore intacts (lumps] qu’on renvoie sur les floors.

Malheureusement, s’il y a de la terre bleue qui s’effrite d’elle-même sur les floors en quelques semaines, il y en a qui demande un an ; il y en a même qui ne s’effrite jamais. Mieux vaut donc le traitement appelé direct, adopté dès les premiers jours par la compagnie Premier et auquel la De Beers tend à revenir après l’avoir délaissé. Dans ce traitement, les wagonnets contenant le minerai se déchargent automatiquement, au sortir de la mine, sur une grille servant de crible, les morceaux les plus gros étant envoyés dans des concasseurs. Le « fin » qui a passé à travers la grille, mélangé à ce qui revient des concasseurs, est alors broyé entre des rouleaux cannelés qui réduisent la masse en grains dont aucun ne dépasse deux centimètres de diamètre, et le tout, abondamment arrosé d’eau, est envoyé dans les pans (bassins) de la machine à laver. Tout cela exige des machines puissantes et coûteuses, mais il y a gain de temps, de main-d’œuvre et, en somme, une économie considérable, car : 1o on ne laisse pas improductif pendant des mois le capital représenté par les millions de loads de minerai que doit avoir sur ses floors toute exploitation un peu considérable ; 2o on est, autant que possible, garanti contre les vols de diamans, inévitables dans de pareilles conditions, malgré les peines draconiennes édictées, peines dont la rigoureuse application a suscité souvent des troubles graves.

De la machine à laver, où la terre réduite à l’état de boue est séparée mécaniquement du gravier diamantifère par l’action combinée de l’eau et de la force centrifuge, nous ne dirons rien ici, renvoyant nos lecteurs aux ouvrages spéciaux sur la matière. Rappelons, tout de même, que les résidus (tailings), formés par la boue légère qui sort de la machine, sont envoyés au dehors, tandis que le deposit (gravier diamantifère), qui se dépose au fond des pans, formé de grains dont le diamètre ne dépasse pas 0°, 5, est traité par des appareils de concentration tout à fait spéciaux : 1o un cylindre classeur, qui envoie sur une table de triage les graviers les plus gros, les diamans de 75 carats (15gr, 4) et plus ; 2o des pulsators, qui réduisent la deposit de 75 pour 100 ; 3o des tables à graisse, dont l’enduit retient les graviers les plus lourds et les diamans, mélange qu’il n’y a plus qu’à envoyer sur des tables de triage, d’où les pierres fines sont extraites à la main.

Que si l’on s’étonnait de la diversité et de la complication des moyens mis en œuvre pour un traitement qui n’est, en somme, qu’un simple lavage à l’eau, nous ferons observer, d’abord, que de toutes les matières connues, le diamant est la plus précieuse ; ensuite, que la teneur en pierres fines du minerai diamantifère est extrêmement minime : 1/15 000 000 à 1/50 000 000 actuellement, et même moins. À l’origine, elle était meilleure : elle pouvait atteindre 1/400 000 ; de plus, le minerai, de la terre jaune, était plus facile à traiter. Ces beaux temps sont passés.

Il va de soi que les conditions de l’exploitation variant d’une mine à l’autre, que le minerai n’ayant pas toujours la même composition, pas plus que l’eau employée, le traitement de la « brèche » diamantifère doit nécessairement varier suivant les lieux. Ainsi, dans la mine Premier, par suite, paraît-il, de l’acidité de l’eau, ou pour toute autre cause de nature inconnue, les tables à graisse laissaient échapper quelques diamans. Afin de les recueillir, on s’y sert maintenant du tube-mill, appareil très puissant, très coûteux, emprunté aux mines d’or, où il sert 5. parfaire le broyage du minerai, mais qui : 1o économise la main-d’œuvre ; 2o réduit de 80 à 85 pour 100 le gravier qu’on y fait passer (le reste s’écoulant en boue fine), gravier que de petits pulsators se chargent encore de réduire de 80 pour 100. L’emploi du tube-mill est, d’ailleurs, si avantageux que, dans la mine Premier, on a pu supprimer les grands pulsators ainsi que les tables à graisse, et envoyer directement le deposit, tel qu’il sort du pan, dans ce tube. Enfin, lorsqu’on l’emploie, les diamans ne sont visibles qu’à la sortie du petit pulsator qui lui fait suite, d’où une diminution des risques de vol.

Une autre innovation de la mine Premier consiste à se passer des pans et à les remplacer par des pulsators analogues à ceux des appareils de concentration, mais de plus grandes dimensions. Ces nouvelles machines traitent avec succès, par jour, 25 à 30 000 loads, et comme les anciennes machines en traitent déjà autant, le rendement de la mine s’en trouve doublé (50 000 loads par jour, soit 18 millions de loads par an). Seulement, il faut beaucoup d’eau pour traiter ainsi 50 000 loads, c’est-à-dire 50 000 tonnes, à peu près, par jour, et l’installation d’un réservoir d’eau de 1 650 000 mètres cubes ainsi que des pompes nécessaires pour refouler l’eau jusqu’à la mine, a coûté plus de 5 millions et demi de francs.

En résumé, les principaux perfectionnemens apportés depuis quelques années dans les mines de diamant les plus importantes et, particulièrement, dans la mine Premier, sont les suivans : 1o suppression des floors par suite du traitement direct ; 2o suppression des anciennes machines à laver, remplacées par des pulsators qui donnent de meilleurs résultats ; 3o adoption, dans les appareils de concentration, du tube-mill ; 4o emploi de la vapeur et de l’électricité comme force motrice, grâce à l’abaissement progressif du prix du charbon (l’emploi exclusif de l’électricité se généralise de plus en plus, car, en même temps qu’elle facilite le transport de la force motrice, elle rend possible le travail de nuit). D’ailleurs, ce fait, que la mine Premier, qui, l’année de ses débuts, en 1904, a produit 749 643 carats bruts, en a fourni 2 145 832 en 1910, montre, mieux que tout ce que nous venons de dire, l’importance des perfectionnemens introduits dans son exploitation. D’autre part, le Tableau ci-dessous permet de se rendre compte de la place qu’elle tient dans la production de l’Afrique du Sud :

COMPAGNIE DE BEERS


carats bruts.
1906 2 214 000
1907 2 619 872
1908 1 859131
1909 1 308 834
1910 2 255 834
COMPAGNIE PREMIER


carats bruts.
1906 899 745
1907 1 889 987
1908 2 078 835
1909 1 872 136
1910 2 145 832
COMPAGNIE JAGERSFONTEIN


carats bruts.
1906 219 271
1907 265 331
1908 224 204
1909 338 581


Quelques années, on le voit, ont suffi à la Compagnie Premier pour atteindre presque aux chiffres de production les plus élevés de la De Beers. Évidemment, il lui sera possible, sous peu, de fournir 4 000 000 de carats bruts par an. Il est vrai que tandis que le prix de vente moyen du carat extrait de la De Beers est de 47 fr. 50 environ (celui de la Jagersfontein s’élève à 75 fr. 50), celui de la mine Premier dépasse à peine 18 francs. Seulement, alors que le carat brut coûte 8 à 9 francs environ à la Compagnie Premier, pour la De Beers, mine âgée, où le travail se fait dans des galeries souterraines très profondes, le prix de revient de la même quantité de diamant atteint près de 33 francs.

N’insistons pas davantage. Une lutte sérieuse, nous l’avons déjà dit, est engagée entre la Premier, d’un côté, la De Beers et la Jagersfontein, de l’autre. Il ne nous appartient pas d’y prendre part, mais, pour terminer, faisons remarquer que les grandes mines que nous avons citées ne sont pas les seules, que, 1 500 mineurs, aidés par 6 000 noirs, exploitent actuellement quelques gisemens de moindre importance ainsi que les alluvions diamantifères du Vaal, et qu’enfin, en 1909, le Damaraland a produit plus de 810 000 carats bruts, chiffre qui donne à réfléchir, de diamans un pou petits, mais d’une très belle eau.

Observons encore que ce n’est pas seulement l’extraction du diamant qui se perfectionne de jour en jour, mais aussi sa taille. Actuellement, le clivage, c’est-à-dire l’opération par laquelle on fend le diamant suivant trois directions parfaitement déterminées, opération qui, le plus souvent, est la cause de pertes de poids considérables (40 à 60 pour 100) peut être remplacé par des sections faites rapidement, dans tous les sens, au moyen de scies circulaires de bronze recouvertes dégrisée (poudre de diamant), ce qui réduit considérablement les déchets. Seuls le brûlage et la taille proprement dite, c’est-à-dire la taille des facettes et leur polissage, s’opèrent toujours par les anciennes méthodes.

Au Brésil, l’extraction du diamant est restée ce qu’elle était. Toutefois cette contrée possède toujours le privilège de fournir le carbonado, plus recherché que le bort, à cause de sa plus grande dureté, et dont l’industrie a besoin pour la taille du diamant et d’autres usages dont nous parlerons plus loin. Sa part, dans l’exportation annuelle en diamans de ce pays, est d’environ 8 millions de francs.

Le Brésil, d’ailleurs, n’a jamais produit ni émeraudes, ni rubis, ni saphirs ; tout au plus des améthystes, des aigues-marines (fausse émeraude), des grenats, des tourmalines (quelques-unes semblables au rubis) ; et autres pierres de médiocre valeur. En réalité, les principaux gisemens de rubis et de saphir se trouvent en Birmanie, aux environs de Mandalay, et dans l’île de Ceylan, la Birmanie fournissant les plus beaux rubis et les plus beaux saphirs. Les deux gemmes se rencontrent dans des alluvions formées de terrains d’origine très ancienne, mais leur extraction ne constitue pas une véritable industrie : il n’y a pas, à proprement parler, de mines de rubis et de saphir, analogues aux mines de diamant du Cap ; les alluvions qui les recèlent sont simplement traitées par lavage, comme des alluvions diamantifères. Leur unité de poids est le carat ; mais la taille, toujours très onéreuse, leur fait perdre une partie importante de leur poids, comme pour le diamant, et à peu près dans les mêmes proportions.

Quant à l’émeraude, enfin, que les Romains tiraient du Mont Sahara, dans la Haute-Egypte, actuellement les plus beaux échantillons proviennent de l’Inde et de la Colombie. C’est de la fameuse mine de Muso, dont F. Cortez possédait cinq émeraudes superbes qu’il refusa à Charles-Quint pour les donner à sa fiancée, mine que la Colombie libérée offrit plus tard à Bolivar qui généreusement refusa ce don royal, qu’ont été extraites les plus belles émeraudes connues. Il est assez curieux de signaler que les gemmes extraites de cette mine, exploitée à ciel ouvert, comme une carrière, sont, paraît-il, si friables d’abord, que la simple pression des doigts suffit à les réduire en poussière.

Le commerce de ces trois espèces de pierreries ne peut se chiffrer bien exactement ; il représente, cependant, un nombre considérable de millions.


II

De temps immémorial, les Indous ont connu la prodigieuse dureté du diamant, rappelée par eux dans des proverbes courans dont l’un : le diamant n’est coupé que par le diamant, semble prouver qu’à des époques bien lointaines, on avait déjà quelques idées sur le clivage et, par conséquent, sur la taille de cette pierre fine et des pierres fines en général. C’est à cette dureté si remarquable et si caractéristique, en même temps qu’à sa résistance aux agens chimiques, que le diamant doit de se conserver mieux que n’importe quelle pierre précieuse. Toutefois la dureté de ce minéral varie non seulement d’une espèce à l’autre, comme nous l’avons déjà dit, mais encore d’un diamant à l’autre. Des joailliers de New-York, en 1888, en ont rencontré un dont la dureté était telle qu’ils durent renoncer à pousser la taille jusqu’au bout : alors, en effet, que les diamans ordinaires, une fois clivés et dégrossis, cèdent assez facilement à l’action d’une meule recouverte d’égrisée tournant à 2000 tours environ par minute, celui-ci, après avoir été soumis au frottement pendant plus de trois mois, sortit de l’épreuve dans son état primitif, et cependant, l’appareil tournait à une vitesse de 28 000 révolutions à la minute, si bien que le chemin parcouru par la meule sur la pierre équivalait à trois fois environ la circonférence de la Terre. Ce curieux diamant, après cette expérience, fut envoyé à l’Académie des Sciences de New-York. Un diamant noir que, jadis, l’Institut de France avait confié à Babinet pour en étudier la dureté, se montra aussi indomptable.

Mais, en outre de sa dureté et de son inaltérabilité, sa transparence, sa limpidité, sa phosphorescence, que signalent les Mille et une Nuits, contribuaient aussi à faire considérer le diamant par les populations de l’Extrême-Orient, comme le produit le plus parfait de la nature. Elles le plaçaient en tête des pierres précieuses, montrant ainsi un goût très pur, que nous n’eûmes pas toujours en Occident, car, durant tout le Moyen Age et même pendant la plus grande partie du XVIe siècle, le rubis et l’émeraude étaient plus estimés ; le saphir seul, semble-t-il, venait après. Les masses populaires, livrées à leur propre goût, préféreront toujours les pierres de couleur aux autres : l’homme quaternaire, qui a laissé des traces de son industrie dans les alluvions diamantifères du Brésil, paraît avoir dédaigné ce pur minéral. D’ailleurs, alors qu’aujourd’hui nous hésitons à le comparer à l’émeraude, au rubis, au saphir (la beauté de la perle est tout à fait spéciale et ne saurait faire l’objet d’aucune assimilation), il est assez singulier de constater que les Indous eux-mêmes osaient rapprocher de lui des pierres aussi vulgaires que la topaze, l’œil-de-chat et le corail.

Aucune gemme, cependant, ne saurait rivaliser, pour ses feux, avec le diamant incolore (diamant blanc). Ces feux, on le sait, sont dus à la réflexion totale de la lumière transmise à la surface intérieure de la pierre, réflexion que sa forte réfringence favorise, ainsi que la disposition des facettes créées par le lapidaire ; leurs couleurs variées proviennent du très grand pouvoir dispersif de la matière. Certes, d’autres substances possèdent la même propriété ; mais les feux du diamant n’auraient point leur éclat caractéristique, les couleurs engendrées par la décomposition de la lumière ne seraient pas aussi franches, si la pierre n’était douée d’une admirable transparence qui favorise ces phénomènes au plus haut degré, et qu’une pierre colorée, si belle qu’elle soit, ne saurait avoir.

Quant à sa fragilité, personne, aujourd’hui, ne s’aviserait de frapper un diamant sur une enclume, avec un marteau : tout le monde sait que le minéral volerait en éclats au premier choc. Cependant, Pline a écrit le contraire, et cette erreur (erreur incompréhensible, on l’avouera) est restée longtemps gravée dans les esprits, puisque, au XVe siècle, les Suisses voulant, après la mort de Charles le Téméraire, connaître la valeur du trésor qu’ils trouvèrent dans ses dépouilles, frappèrent les plus gros diamans à coups de marteau pour juger de leur qualité : naturellement, ils les brisèrent et en conclurent sottement qu’ils étaient faux.

Toutefois la nature du diamant restait inconnue. Pline avait affirmé, sans preuves, qu’il est inaltérable au feu et ne brûle jamais ; suivant lui, cette propriété, jointe à sa très grande dureté, expliquait son nom grec d’adamas, c’est-à-dire « l’indomptable. » Vers la fin du XVIIe siècle seulement, on s’avisa de discuter et de vérifier l’assertion du grand naturaliste latin ; mais il fallut Lavoisier pour qu’on arrivât à établir nettement, vers le commencement du siècle dernier, que le diamant n’est que du carbone cristallisé, qui ne brûle puis quand on le chauffe, si fortement que ce soit, à l’abri de l’air, mais, au contact de ce comburant, brûle parfaitement en donnant, tout comme du charbon ordinaire, du gaz carbonique. Plus tard, vers 1840, cette identité de nature entre le diamant et le charbon a été pleinement confirmée par Dumas et Stas qui, cependant, constatèrent que ce minéral laisse parfois, après sa combustion, des traces de cendres de coloration jaune ou rougeâtre, traces d’autant plus abondantes que la pierre contient plus d’inclusions solides, inclusions formées de substances étrangères telles que l’oxyde de fer ou la pyrite, mais constituées quelquefois, aussi, par des matières charbonneuses, et même par de petits diamans d’une teinte différente. La formule du trop célèbre Lemoine, l’adversaire de sir Julius Wernher, est donc parfaitement exacte, si profondément ironique qu’elle soit en réalité : « pour obtenir du diamant, il suffit de prendre du charbon bien pur, du charbon de sucre, par exemple, et de le faire cristalliser. »

Pour les autres pierres nobles, la Chimie moderne a eu moins de peine à les identifier. On sait depuis assez longtemps que l’émeraude, la plus précieuse de toutes à cause de son prix élevé, qui surpasse souvent celui du diamant, est un silico-aluminate de glucinium ; que le rubis, le saphir, de même que l’améthyste et la topaze (il s’agit ici de l’espèce dite orientale) ne sont que des cristaux d’alumine (corindon) colorés par divers oxydes métalliques, oxydes dont l’absence complète caractérise le saphir blanc (corindon pur). On est moins avancé en ce qui concerne les véritables causes des colorations que présentent un si grand nombre de diamans, depuis le diamant bleu de Hope et le diamant vert de Dresde, jusqu’au diamant rouge-rubis de Paul Ier, en passant par les diamans jaunes de l’Inde, du Brésil et du Cap. Un certain nombre de physiciens y voyaient de simples jeux de lumière, dus à un manque d’homogénéité de la masse cristalline. La présence de poches à grisou et même de poches à pétrole à l’intérieur des cheminées du Cap a fait abandonner cette explication : on admet, aujourd’hui, que c’est à des traces d’hydrocarbures que sont dues les colorations si variées du diamant et, probablement aussi, sa phosphorescence.

D’ailleurs, à peine la composition du rubis, du saphir et de l’émeraude fut-elle approximativement connue, que les chimistes n’éprouvèrent pas de trop grandes difficultés à les reproduire dans leurs laboratoires, au moins sous forme de cristaux microscopiques. Ebelmen, le premier, vers 1848, a obtenu du saphir blanc (corindon incolore) et d’infimes cristaux de rubis (corindon cramoisi). Hautefeuille, un peu plus tard, obtint de tout petits cristaux d’émeraude, de 3 millimètres de long sur 2 d’épaisseur, possédant rigoureusement toutes les propriétés de la gemme naturelle, mais inutilisables, évidemment. Les petits cristaux de rubis qu’ont préparés plus tard MM. Frémy et Verneuil à l’aide de la méthode d’évaporation suivie par les chimistes précédens, cristaux parfaitement identiques aux cristaux naturels, dont les plus gros pesaient à peine un tiers de carat et dont on peut admirer les groupemens étincelans dans les vitrines du Muséum, sont, eux aussi, inutilisables. Mais si, depuis, aucun résultat industriel n’a été obtenu, au moins, en ce qui concerne l’émeraude, il n’en a pas été de même pour le rubis, du jour où M. Verneuil eut définitivement adopté la méthode dite de fusion, d’après laquelle l’alumine, préalablement calcinée et mélangée à quelques centièmes de sesquioxyde de chrome, est tout simplement fondue, puis, abandonnée à la température ordinaire, se solidifie et cristallise, absolument comme l’eau que l’on change en glace par un refroidissement convenable. Seulement, de même que la glace peut être « opacifiée » par les nombreuses bulles de gaz, primitivement dissous dans l’eau, qu’elle garde emprisonnées après sa formation, ou encore par l’enchevêtrement des cristaux qui la constituent, le corindon coloré ainsi fabriqué pourra perdre sa transparence, se présenter sous la forme d’une substance opaque et, par suite, sans valeur réelle, s’il a été solidifié après un affinage trop imparfait des matières premières employées ou si sa prise trop rapide en masse a gêné l’orientation régulière des petits cristaux élémentaires, constitutifs du cristal obtenu.

Il y avait là un difficile problème que M. Verneuil a résolu de la plus ingénieuse façon. L’a-t-il résolu le premier ? Il n’y a pas lieu de le croire, car les rubis dits de Genève, qui furent pendant plusieurs années présentés frauduleusement dans le commerce comme des rubis naturels, étaient vraisemblablement obtenus de la même manière. Mais l’auteur de cette découverte, ainsi que sa méthode, étant restés inconnus, c’est au distingué professeur de notre Conservatoire des Arts et Métiers que revient, sans conteste, l’honneur d’avoir créé la nouvelle industrie du rubis de synthèse (rubis scientifique) par l’invention de l’appareil, plus ou moins bien modifié, qu’emploient aujourd’hui tous ceux qui s’adonnent à la fabrication de cette pierre, laquelle, tout artificielle qu’elle soit, n’a cependant aucune espèce de rapport avec le rubis dit reconstitué, obtenu en fondant ensemble des rubis gros comme des têtes d’épingle et en laissant la masse se refroidir et cristalliser d’elle-même.

En gros, l’appareil de M. Verneuil, tel qu’il l’a décrit en 1904, n’est que le chalumeau classique des chimistes. Ce chalumeau, alimenté par du gaz d’éclairage dans sa partie extérieure, par de l’oxygène pur à l’intérieur, placé verticalement, est traversé de haut en bas par un mélange d’alumine et de sesquioxyde de chrome purifiés, réduit en une poudre impalpable et homogène. Ce mélange, porté à une température de 1 870 degrés environ, température qui ne doit pas être notablement dépassée sous peine d’obtenir un produit opaque, se transforme, dans ces conditions, en gouttelettes incandescentes minuscules, dont les unes se perdent, tandis que les autres tombent sur une petite plate-forme d’alumine fixée à l’extrémité d’un support en nickel. Cette transformation s’opère, d’ailleurs, à l’intérieur d’un four cylindrique en argile, dont la présence est nécessaire pour donner de la fixité à la flamme, faciliter son réglage et régulariser la température ambiante ; une fenêtre de mica permet de suivre l’opération, mais il faut que les yeux soient protégés par des lunettes à verres aussi foncés que le permet la vision très distincte de la matière fondue qui, à la température où la fusion se fait, est d’un blanc éblouissant. À mesure qu’elle refroidit, l’alumine fondue cristallise, mais intérieurement, et le bloc de rubis se développe par couches minces successives superposées, prenant la forme d’une poire, à l’aspect vitreux, posée sur sa queue. La production préalable de cette queue doit être menée et surveillée avec le plus grand soin ; elle est absolument indispensable à la réussite de l’opération, car l’alumine montre, au moment de sa cristallisation ultérieure, une fâcheuse tendance à se fissurer à l’infini, surtout à mesure que grandit sa surface de contact avec un support de nature autre que la sienne. Inutile d’ajouter que le réglage de l’appareil, sa mise en marche nécessitent des soins minutieux et, par suite, l’emploi d’un certain nombre d’organes accessoires sur lesquels nous ne pouvons nous étendre ici, accessoires qui, du reste, varient d’un fabricant à l’autre. Les appareils, parfaitement construits et installés, que nous avons examinés, peuvent produire de 8 à 9 carats à l’heure. Ils permettent d’obtenir des pierres de 80 carats. Une ouvrière habile peut surveiller à la fois une dizaine de chalumeaux.

Quand les pierres ainsi fabriquées sont bien symétriques, preuve que la flamme était bien centrée et la chauffe parfaitement régulière, le produit se sépare exactement en deux fragmens par une fissure verticale qui se forme soit spontanément, soit lorsqu’on use la pointe de la poire sur la meule de cuivre diamantée ou la meule de plomb garnie d’émeri des lapidaires. Chacun des deux morceaux est prêt, alors, à être taillé suivant les procédés ordinaires, de sorte que la question qui se pose d’elle-même maintenant est la suivante : existe-t-il quelque différence, après la taille, entre ces rubis artificiels et les pierres naturelles ? Aucune, répond la science, lorsque les conditions exigées par la méthode dont nous venons de donner une idée ont été complètement réalisées : de composition chimique identique, les rubis scientifiques opposent la même résistance aux réactifs que les rubis naturels ; leur magnifique fluorescence rouge, leur dureté, leur structure sont les mêmes. Mais les lapidaires affirment que le rubis naturel a une intensité, une chaleur de feux que ne présentent jamais les rubis de synthèse que produit le travail industriel courant, que rien n’est plus facile que de distinguer les uns des autres, et, qu’après tout, les rubis de fusion ne sont que des reproductions, non des reconstitutions intégrales, qu’ils ne valent pas, en somme, ceux de Frémy. Ce qu’on peut sûrement affirmer, c’est que la valeur des rubis scientifiques est, actuellement, tombée très bas, tandis que les rubis naturels n’ont rien perdu de leurs hauts prix, qui peuvent atteindre toujours jusqu’à 1 000 et 2 000 francs le carat. Conclusion : pendant longtemps encore, les rubis naturels conserveront toute leur valeur.

L’émeraude industrielle, nous l’avons déjà dit, n’existe pas. Il n’en est pas de même pour le saphir bleu (saphir oriental).

Jusque dans ces derniers temps, on croyait, sur la foi de Sainte-Claire Deville, que cette pierre fine devait sa couleur ou à une trace de sesquioxyde de chrome ou à une trace d’un protoxyde de chrome ; aussi, les essais de synthèse poursuivis en admettant cette composition n’avaient-ils donné aucun résultat. Il appartenait à M. Verneuil, au début de l’année dernière, d’expliquer ces échecs et de résoudre le problème posé : il a établi que Sainte-Claire Deville avait dû se tromper et que la coloration du saphir oriental provenait de la présence de traces très faibles d’un oxyde de fer inférieur et d’oxyde de titane. Employant toujours la méthode de la fusion, il a montré que si l’oxyde de fer inférieur est seul utilisé, on obtient des saphirs d’Australie, colorés en bleu sombre, de valeur commerciale très faible. Que si l’on introduit dans l’alumine une quantité presque infinitésimale d’oxyde de titane et, en même temps, un peu d’oxyde magnétique de fer, tout change : on produit, alors, de beaux échantillons de saphir bleu qui, certes, comme le rubis scientifique, constituent une reproduction, non une vraie reconstitution, et dont la fabrication, après quelques tâtonnemens, est devenue une opération courante.

Arrivons au diamant.

C’est l’avis de la plupart des hommes compétens que dans le nombre infini des procédés indiqués point obtenir le diamant synthétique, il faut uniquement retenir celui de II. Moissan, le seul qui ait abouti, en 1893, à la production de cristaux transparens, trop petits, certes, pour être utilisables, mais possédant bien les trois propriétés caractéristiques de la gemme : densité, dureté, pureté chimique.

Une théorie nouvelle de Werth sur la formation géologique de la précieuse pierre, suggéra au savant chimiste français la méthode qu’il allait appliquer avec tant de bonheur. Cette théorie veut : 1o que le diamant se soit formé à très haute température, car, à température basse, un cristal ne se forme jamais avec des faces courbes semblables à celles qu’offre ce minéral ; 2o qu’il ait été formé sous pression, hypothèse qui semble confirmée par la biréfringence que Ion constate dans un grand nombre d’échantillons. Suivant Werth, le diamant est, en définitive, la forme stable du carbone à haute température et sous de fortes pressions, le graphite, qui est aussi du carbone cristallisé, représentant la forme stable à haute température sous la pression ordinaire. D’ailleurs, l’hypothèse en question semble confirmée par ce fait, souvent démenti, mais exact, et que J. Verne a utilisé dans le roman cité plus haut, que certains diamans du Cap se sont brisés spontanément quelque temps après le ut-extraction, fait qui semblerait prouver l’existence à l’intérieur de ces pierres de substances gazeuses fortement comprimées. 3o Cette théorie veut, enfin, que le diamant formé ait été refroidi rapidement, ce qui semble résulter du caractère explosif des phénomènes qui ont amené le diamant dans les cheminées du Cap, et de son association avec des minéraux d’une nature toute différente, entraînés avec lui. Mais d’abord, il faudrait prouver que le diamant s’est rapidement refroidi, ce que nous ne pensons pas, car l’expérience montre que, seul, le refroidissement lent est favorable à la formation de gros cristaux, et, justement, tout semble indiquer que le diamant a préexisté à l’état de gros cristaux avant d’être amené au voisinage du sol : trop de ces cristaux, en effet, nous apparaissent complètement brisés, sans que nous puissions retrouver les différens fragmens qui, unis au moment de la formation du minéral, se sont ensuite réduits en fine poussière disséminée dans la terre bleue.

En tout cas, ces trois hypothèses ne renseignent en aucune façon sur la nature du fondant à employer pour arriver à dissoudre le carbone, la cristallisation devant ensuite s’opérer d’elle-même, par refroidissement, au sein de la masse ramenée tout entière à l’état solide. Il semble que l’étude du minerai diamantifère des cheminées du Cap, de même que celle des alluvions diamantifères de l’Inde et du Brésil aurait dû, sur ce point, nous donner tous les renseignemens désirables. Il n’en est rien : aucune des roches qui remplissent ces cheminées ou forment ces alluvions ne semble être la véritable roche-mère du diamant. Tout concorde à prouver, et c’était l’avis de Daubrée, que le diamant a pris naissance, non au sein des masses fragmentaires dans lesquelles nous le rencontrons habituellement, mais dans les couches les plus profondes de notre globe. Lorsqu’on examine certains, carbonados, on remarque, en effet, qu’un grand nombre d’entre eux ont des arêtes et des angles très émoussés ; étant donné que le carbonado est le plus dur de tous les corps, on doit admettre que, pour s’user ainsi, il a dû frotter contre sa propre matière dans un mouvement d’ascension qui a, nécessairement, pour produire de pareils effets, été de longue durée, ce qui revient à dire que le trajet effectué par ce minéral et ses congénères a été lui-même considérable. Ce sont les matériaux fragmentaires, dont nous parlions à l’instant, qui ont entraîné le diamant, mais il s’est formé indépendamment d’eux, et, d’ailleurs, on ne le trouve fortement incrusté dans aucune des roches qui l’accompagnent. L’idée que se fait un ingénieur éminent, M. de Launay, de la façon dont ont pu se produire et se remplir les cheminées du Cap, corrobore cette manière de voir :

Il admet que les terrains horizontaux de la région de Kimberley ont été, un jour, perforés par un phénomène éruptif, une explosion de gaz intérieur, par exemple : alors se sont ouvertes brusquement les cheminées de dégagement dont l’orifice est comparable à ces cratères incomplets des pays volcaniques, souvent transformés en lacs, qu’en Auvergne on appelle des gours. Puis il est monté de la profondeur une masse de roche, à l’état de fusion, entraînant, avec des débris de granit et autres minéraux arrachés au sous-sol de la croûte terrestre, en même temps que des fragmens de toute sorte éboulés des parois de la cheminée, des diamans cristallisés sous une très forte pression en profondeur, dont quelques-uns seuls ont conservé des dimensions appréciables. Le tout s’est solidifié pour des siècles, se recouvrant, à quelques pieds au-dessous du sol, de la carapace calcaire, produite par l’infiltration des eaux du dehors, dont il a été question plus haut, jusqu’à ce que l’homme, mis en éveil par les diamans restés à la surface, vînt extraire les autres de dessous terre. Rien ne prouve, d’ailleurs, que les alluvions diamantifères elles-mêmes ne proviennent pas de cheminées ou de fissures, d’origine éruptive aussi, qui, jusqu’à présent, se sont dérobées à nos recherches.

Seule, et la chose peut paraître singulière au premier abord, l’étude de la composition chimique et minéralogique des météorites devait mettre Moissan sur la nature du fondant à employer et, par conséquent, sur la véritable voie à suivre.

Il y a plus de vingt ans, en effet, que l’on a découvert que les météorites, c’est-à-dire ces roches d’origine cosmique provenant de la dislocation de planètes plus ou moins éloignées de nous et qui, de temps à autre, tombent sur notre globe, contenaient, en proportion relativement considérable, du graphite, du carbone amorphe (charbon), et, en proportion encore plus considérable, des diamans formant une poussière impalpable. Or, ici, il n’y a pas à douter : le précieux minéral est dans une gangue que l’on peut considérer sûrement comme sa gangue primitive. En particulier, le célèbre météorite de Canon-Diable, ramassé dans les solitudes de l’Arizona, contient, les analyses de Moissan l’ont démontré, non seulement les trois variétés allotropiques du carbone que nous venons de rappeler, mais encore du fer, en quantité considérable (67 pour 100), du nickel, du soufre, du phosphore et des traces de silicium. C’était induire l’habile chimiste à prendre pour fondant le fer, le nickel ou le soufre, le phosphore et le silicium pouvant aider à la fusion, le cas échéant. Et dès lors, on comprend sa manière d’opérer.

Il a d’abord introduit rapidement du charbon de sucre aussi pur que possible et contenu dans un petit cylindre de fer doux ayant environ 3 centimètres de hauteur sur 1 centimètre de diamètre, dans 200 grammes environ de fer doux fondu au four électrique, c’est-à-dire à une température de 3 000 degrés environ, opération qui transforme ce fer en une fonte saturée de carbone. Le creuset de charbon, placé au milieu du four, qui contient cette masse, est alors plongé dans l’eau froide, ou, mieux, dans le plomb, le cuivre, etc., en fusion, avec lesquels le contact est plus parfait et, par suite, le refroidissement plus rapide. Dans ces conditions, la surface de la fonte est solidifiée brusquement, de sorte que le reste de sa masse passe de l’état liquide à l’état solide sans pouvoir, si peu que ce soit, augmenter de volume, comme il arrive toujours lors de la solidification de la fonte, ce qui détermine (Moissan l’avait prévu et c’est peut-être là son principal mérite) une pression considérable, inimaginable. Dès lors, le carbone dissous, qui, sous la pression ordinaire, se séparerait, par suite du refroidissement, à l’état de graphite, se sépare, sous cette pression énorme (inégale, d’ailleurs, aux différens points) en fournissant un mélange de graphite, de carbonado et de diamans transparens.

L’argent qui, porté à l’ébullition, à la température du four électrique, peut dissoudre une assez grande quantité de charbon de sucre et qui, comme la fonte, augmente de volume en se solidifiant, a donné des résultats plutôt meilleurs. L’addition de sulfure de fer ou de silicium ou de siliciure de fer, a procuré aussi à Moissan de bons résultats. Avec le phosphure de fer, le succès a été extrêmement rare.

Quant à l’identité des très petits diamans obtenus par ces divers procédés avec les diamans naturels, elle n’est pas contestable. Ils en possèdent d’abord tous les caractères physiques : densité, dureté, limpidité, forme cristalline (cubes, octaèdres, dérivés de l’octaèdre), etc., et, quant à leur constitution chimique, tous, une fois brûlés, donnent le poids de gaz carbonique indiqué par la théorie. Il n’y a aucun doute sérieux à élever sur les résultats des expériences de Moissan, et les attaques dont il a été l’objet à ce propos, si elles ont amusé le public, n’ont convaincu personne. Mais une étude approfondie de ses travaux montre que la production du diamant par le procédé dont il s’est servi a été si irrégulière, si faible, qu’il semble que le carbone, contrairement à ce que pensait l’éminent chimiste, ne s’y est jamais tout à fait trouvé dans les conditions régulières de sa cristallisation transparente. La présence, signalée en 1896, de tout petits diamans dans des aciers doués d’une grande dureté, laquelle ne peut être obtenue que par le refroidissement sous pression du métal en fusion, semble, cependant, confirmer les idées théoriques qui guidèrent Moissan. M. Escard les partage : il croit la pression indispensable, mais il regarde pourtant comme une erreur considérable d’avoir admis a priori que la rapidité du refroidissement était nécessaire pour obtenir la gemme : pour lui, le refroidissement lent s’impose si l’on veut obtenir de gros cristaux. D’autre part, de savans chimistes n’hésitent pas à déclarer que rien n’indique que la pression ait joué, dans la formation des diamans de synthèse de Moissan, le rôle prépondérant qu’il lui attribuait, et, d’ailleurs, on a montré, depuis, qu’on peut obtenir du diamant sans avoir recours à la pression, par la décomposition de l’acétylène et autres hydrocarbures à la température du four électrique. Ainsi, le diamant ne serait pas nécessairement la forme stable du carbone à haute température et sous forte pression, la théorie de Werth serait fausse… Si bien qu’en présence de toutes ces théories contradictoires, les savans les plus éminens pensent aujourd’hui que, pour arriver à la fabrication du diamant de synthèse, de nouvelles et sérieuses recherches sont nécessaires, afin d’élucider toutes les causes qui peuvent engendrer le diamant dans la Nature. Nous disons : toutes les causes, car, de même, qu’il est possible d’obtenir des cristaux de plomb soit par simple fusion, soit encore en plongeant une lame de zinc dans une dissolution d’acétate de plomb, on ne voit pas pourquoi la Nature n’aurait employé qu’un seul et unique procédé pour créer le diamant, alors qu’elle en a employé plusieurs pour le rubis, le saphir et l’émeraude.

Ainsi, la genèse de l’émeraude est regardée comme due, en général, à l’action d’eaux minéralisatrices particulières, circulant au milieu de roches granitiques à peine refroidies ; mais elle semble résulter, aussi, de l’action, sous pression, de carbonates alcalins, tels que le carbonate de soude, sur des roches métamorphiques (calcaires cristallins, dolomie, etc.). De même pour le rubis et le saphir : leur genèse est soit dans l’action minéralisatrice de vapeurs telles que celles du fluor, du chlore, du brome, etc., sur des roches granitiques à peine refroidies, soit encore dans l’action, sous pression, de carbonates alcalins sur des calcaires métamorphiques.

Toutefois, nous nous reprocherions de passer sous silence la genèse du diamant telle que la conçoivent encore à cette heure la plupart des géologues, telle que la concevait l’illustre Daubrée, car, nous l’avons déjà dit, cette question touche au problème passionnant de l’origine et du mode de formation même du globe.

On admet aujourd’hui que les météorites sont des roches provenant du démantèlement de certaines planètes et qui, apportées sur notre globe à travers les espaces célestes après avoir quitté leur premier centre d’attraction, sont venues nous révéler la constitution chimique de ces planètes, constitution dont il a été question plus haut. Mais il est raisonnable de penser que notre globe doit avoir la même constitution que les autres planètes, et un nombre considérable de faits le prouve. Par conséquent, il doit être constitué, en majeure partie, par du fer ou des alliages de fer, simplement isolés de l’atmosphère par, une couche très mince de scories qui, semblables aux laitiers des hauts fourneaux, se sont formées au moment de la solidification primitive, par la silice alliée aux métaux légers, cette couche de scories n’étant que superficielle. Mais à côté du fer se trouve, on l’a vu, dans les météorites, du carbone, et cela dans une proportion relativement considérable, plus de 5 pour 100. Or, il est très possible que le carbone contenu dans notre globe au voisinage du fer et du nickel soit, de même que dans les météorites, à l’état de dissolution dans ces métaux, en raison de la haute température de la masse et des pressions énormes, prodigieuses, auxquelles elle est soumise. Dans ces conditions, une crevasse ou une fissure se produisant dans l’épaisseur de l’écorce terrestre, une masse métallifère montant dans cette fissure et arrivant ou non jusqu’à la surface, peu importe, mais, en tout cas, « distillant son suc précieux, » laisse le carbone se solidifier et se cristalliser. Seulement, tout ceci, suivant M. Escard, se passe, contrairement à la théorie de Werth, d’une façon très lente, d’abord parce que le fer est situé à une énorme profondeur au-dessous de la surface du globe et, ensuite, parce qu’il est très dense. Le refroidissement se faisant ainsi très lentement, de même que la diminution de pression, la formation de gros cristaux de carbone et, par conséquent, de gros diamans est alors possible ; quant au fer, après avoir abandonné son carbone, il forme des filons ou se combine avec les masses de scories dont il a été question à l’instant. En tout cas, conformément à ce que pensait Daubrée, « les parties internes de notre planète doivent, si les raisonnemens précédens correspondent à la réalité, receler en abondance la belle et mystérieuse gemme ; elles doivent en contenir autant que la moyenne des météorites étudiées jusqu’ici, 1 pour 100 environ, au lieu de 1/40 000 000, teneur moyenne du minerai de l’Afrique du Sud. Les cheminées de ce dernier pays, véritables regards pratiqués à travers la voûte terrestre et ouverts sur les régions profondes, qui, en peu d’années, en ont apporté tant de millions de cristaux, ne font, en somme, que nous faire entrevoir cette richesse, destinée sans doute à rester toujours, pour nous, à l’état latent. »

Ce que l’avenir fera de toutes ces hypothèses, de toutes ces théories, nul ne saurait le prévoir. Mais, quoi qu’il en advienne, nous pensons qu’on sera toujours reconnaissant à l’éminent chimiste, dont nous venons d’analyser brièvement, trop brièvement, les travaux, d’avoir eu assez de confiance en elles pour oser s’attaquer au redoutable problème de la fabrication du diamant et de l’avoir, presque résolu. Il nous a semblé utile, et il nous a été agréable de rendre hommage à un homme dont les recherches ont honoré la Science française, et qui, de tous les professeurs éminens qu’il nous a été donné d’écouter, nous a paru le plus éloquent, le plus entraînant, le plus précis et le plus clair.


III

C’est à partir des découvertes faites dans la Colonie du Cap que date réellement, on l’a vu, l’histoire industrielle et financière du diamant. Combien les mines de Golconde, de Raolconde, de Visapour en ont produit de carats, jusqu’au moment où la gemme fut découverte au Brésil, quelles étaient les sommes correspondantes, il est impossible de le savoir et la question n’offre, d’ailleurs, que peu d’intérêt. Quant au Brésil, les chiffres donnés plus haut, et qui correspondent à la production de 10 170 000 carats environ dans la période qui s’étend de 1721 à 1870, ne peuvent que paraître de médiocre importance, si l’on considère que ce résultat d’un siècle et demi de travail ne représente guère, actuellement, que le double de la production annuelle du monde, puisque, en 1907, les trois compagnies De Beers, Jagersfontein et Premier ont fourni, à elles seules, près de 5 millions de carats. C’est la production mondiale actuelle qu’il importe, maintenant, d’examiner. Or, en douze ans, de 1898 à 1909 inclusivement, l’Afrique australe a produit près de 39 millions de carats bruts, et ce chiffre est loin de représenter la production totale du diamant dans cette période, car il faudrait tenir compte de la production des autres pays, des trouvailles d’alluvions, des vols commis dans les mines, etc., de sorte que la production mondiale, en ces douze années, doit être évaluée au moins à 50 millions de carats bruts. Si, maintenant, on admet, depuis l’année 1885, où l’exploitation des gisemens africains s’est industrialisée, jusqu’en 1898, une production totale de 37 millions de carats bruts, nous atteignons, pour une période de 25 années, 1909 compris, une production globale de 87 millions de carats bruts, réduits par la taille à 45 millions de carats à peu près. En estimant à 20 millions de carats le stock existant antérieurement, et en donnant au carat, après la taille, un prix moyen, très faible, de 120 francs, on peut évaluer largement à 8 milliards les sommes qui sommeillent dans cette pierre fine. Ce chiffre, on l’avouera, donne fortement à réfléchir, et l’on est en droit de se demander si l’on doit, ou non, désirer la réalisation de ce rêve, nous ne dirons pas de la Chimie pure, mais de la Chimie appliquée : la fabrication à bon marché du diamant.

On ne saurait nier les avantages qu’en pourrait tirer l’industrie : tout le monde connaît les services que rendent le rubis et le saphir aux fabricans de montres, de chronomètres, de phonographes, etc. Les emplois du diamant sont plus répandus : les vitriers, depuis longtemps, en font une assez grande consommation ; on s’en sert sous forme de carbonado, pour la fabrication et le polissage d’une foule d’objets d’ornement en matière dure (porphyre, granit, jaspe, quartz) ; des outils perforateurs terminés par des pointes en diamant donnent de bons résultats pour le forage des puits, le percement des tunnels dans des roches dures ; des scies circulaires garnies de diamans, ou, plutôt, de bort où de carbonado, fonctionnent avec succès dans de nombreux chantiers. Mais ces quelques emplois, dussent-ils s’étendre encore, suffisent-ils, suffiraient-ils pour justifier le cataclysme financier que semblerait devoir produire une véritable invasion du marché par des diamans de synthèse, d’un coût relativement bas ? N’y aurait-il pas lieu de craindre que, de 8 milliards, la valeur du stock actuel de diamant tombe à 200, à 100 millions à peine ? L’exemple du rubis est là pour nous rassurer : après une crise passagère, le rubis naturel (les chiffres de vente donnés plus haut le prouvent) a reconquis toute la faveur du public et le rubis scientifique a vu ses prix baisser de plus en plus. Il en sera probablement de même du diamant synthétique.

Une seule question, en ce moment surtout, se pose : que se passerait-il si, par suite d’une surproduction, possible après tout, du diamant naturel (si, par exemple, la mine Premier, ses nouvelles installations terminées, arrivait à produire annuellement 4 millions de carats, le Damaraland un million et plus), le prix de cette unité venait à fléchir sérieusement ? Ne serait-il pas à craindre que la vogue dont jouiraient alors ces pierres, même dans la classe moyenne, ne compense pas le dédain, assuré désormais, des classes riches, pour qui beauté et rareté sont presque toujours synonymes ? Ne serait-il pas à craindre que ces classes n’adoptassent quelque parure nouvelle, plus rare, par conséquent plus chère, qu’il serait de bon ton de substituer au diamant ? M. P. Dreyfus ne le croit pas ; il pressent, il voit dans les mines en profondeur du Cap une source de richesse encore immense, incalculable, presque indéfinie. C’est notre avis.


P. BANET-RIVET.