AU LECTEUR






Voletant court, trottant menu,
Le moineau franc — oiseau connu,

Type vulgaire —

Parmi ses frères emplumés
Magnifiquement costumés

Ne compte guère.



Humble sons son plumage gris
Il va, jetant dans tout Paris

Ses notes grêles,

Et son pirrouit faubourien
Ne saurait rappeler en rien

Les tourterelles.


Mais s’il n’a, le pauvre petit,
Ni la voix, ni l’air, ni l’habit

Des races fines ;

S’il ne peut, en mi comme en sol,
Chanter, pareil au rossignol,

Ses cavatines,


Du moins est-il gai, bon garçon,
Sans amour-propre, sans façon,

Exempt de pose…

Dans notre siècle de blasés
Et de…
Schopenhauerisés,

C’est quelque chose !


La plume au vent, l’air éveillé,
Sur le trottoir sec ou mouillé

Qu’Avril essuie ;

Par les squares pleins de bébés ;
Entre deux pavés embourbés,

Luisants de pluie ;


Au Bois, dans tous les coins soignés,
Ratissés, arrosés, peignés

Par nos édiles ;

À Longchamps, aux Acacias,
Au milieu des victorias

En longues files ;



Il court, vole, saute et s’en va
En piquant le grain qu’il trouva

D’un bec robuste,

Et, par pudeur de chanter mal,
Borne son modeste idéal

À siffler juste !


Lecteur, ce sont petits moineaux
Qu’en mes vers — comme en ces panneaux

Faits pour la chasse —

J’ai pris et gardés, palpitants,
Et que je livre, ce printemps,

Au vent qui passe !


Si tu les veux suivre un moment,
Ils te mèneront prestement,

Hochant la queue,

De Paris — toujours en éveil,
À la mer — chauffant au soleil

Sa nappe bleue !


Et, si ces oiselets mignons
Te paraissent des compagnons

Par trop indignes,

Songe, pour leur être indulgent,
Qu’ils n’ont point des ailes d’argent

Comme les cygnes !