Flammarion (Théâtre IIp. 238-251).
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ACTE CINQUIÈME


Le théâtre représente une place de la ville. Au premier plan, dans toute la longueur de la scène, une cour entourée d’un mur très bas, et que surmonte une grille de fer… Beaucoup de barres ont été descellées et arrachées ; les autres sont tordues… Un écriteau : À louer pour magasin, subsiste encore. Au milieu de la grille, une porte s’ouvre donnant sur la place, et, de l’autre côté de la place, sur une rue qui s’allonge très loin, et au bout de laquelle on aperçoit les usines incendiées et fumantes… À droite, dans la cour, un hangar où l’on porte des cadavres et qui se continue dans la coulisse… À gauche, sous un arbre grêle, un banc… Les maisons gardent les traces d’une bataille récente… Les volets sont clos… les devantures des boutiques et des cafés, éventrées… Un grand soleil brille sur tout cela, sur la ville plus grise, plus triste, plus noire, dans sa permanente atmosphère de charbon, d’être éclairée par une lumière violente.
Au lever du rideau, la place est déserte… Conduits par des gendarmes, une longue file de grévistes prisonniers traversent la scène… Alors, quelques volets s’ouvrent et des têtes apparaissent, anxieuses et curieuses… Quelques commerçants se hasardent sur le seuil des boutiques et regardent, encore effarés, dans la direction par où viennent de disparaître les grévistes enchaînés… Deux civières, enveloppées de toile grise et portées chacune par deux porteurs, pénètrent dans la cour… Les porteurs enlèvent les toiles, déposent les morts sous le hangar, près des autres cadavres… Un curieux, mi-ouvrier, mi-bourgeois, s’aventure jusqu’à l’entrée de la cour et regarde.



Scène première

LE CURIEUX, LES QUATRE PORTEURS
Le Curieux

Eh bien !… Est-ce qu’il y en a encore beaucoup ?

Premier Porteur

Peut-être une dizaine… Ça, c’est les morts.

Le Curieux

Et les blessés ?

Premier Porteur

Aux hospices, aux presbytères, à la mairie, partout !…

Deuxième Porteur

On dit qu’il y a quarante morts sous les décombres de l’usine. (Il montre l’usine.) Et ceux qu’on transporte aussi dans la grande salle du bal Fagnier. (Hochant la tête.) Cette fois, c’est pas pour danser !…

Le Curieux

C’est fini, maintenant, dites ?…

Premier Porteur

Oui… paraît qu’ils se sont tous rendus…

Le Curieux

C’est pas trop tôt… (Désignant les cadavres.) Ça fait pitié, tout de même, de voir ça !…

Deuxième Porteur

Ah ! malheur !…

Premier Porteur

Je les ai vus, à la barricade… près de l’église… Des rudes gars, vous savez !… Ils étaient bien cinq cents… à la barricade… peut-être plus… peut-être six cents… Et c’en faisait un boucan !… Ah non !… En tête, Madeleine et Jean Roule qui commandaient et qui brandissaient, chacun, dans leurs mains, un drapeau rouge… Crânes, vous savez !… d’aplomb !… à la hauteur, quoi !… Et puis voilà que, tout d’un coup, courant… essoufflé… les yeux lui sortant de la tête… arrive M. Robert ?…

Le Curieux

Qui ça, M. Robert ?…

Premier Porteur

Robert Hargand, donc !…

Le Curieux

Le fils du patron ?

Premier Porteur

Eh oui !…

Le Curieux

Ah !… Eh bien ?

Premier Porteur

Le voilà qui se démène… qui fait des gestes par-ci… des gestes par-là… Il parle à la troupe… il parle aux grévistes… Mais, va te faire fiche ! Bien que la troupe ne fût pas à plus de vingt mètres de la barricade…dans le sacré boucan on n’entendait rien, comprenez… Il avait l’air de crier aux uns et aux autres… « Arrêtez !… arrêtez !… »

Le Curieux

Et alors ?

Premier Porteur

Alors… voilà qu’un coup de pistolet part de la barricade… les pierres… des morceaux de fer — de tout, quoi — tombe sur la troupe… Oh ! la la !… « En v’la assez ! » que se dit le capitaine… Et allez-y des trois sommations… et « Feu ! »… Madeleine… Jean Roule… les drapeaux… M. Robert tombent avec une trentaine de camarades… Mais les rangs se reforment… ces enragés-là se remettent à crier, à chanter plus fort… les pierres redoublent… la troupe en est aveuglée… « Feu ! » encore, et « En avant ! » Ah ! je vous réponds qu’on a eu du mal à en avoir raison de ces bougres-là !… (Il enlève sa casquette, essuie son front en sueur.) Mon Dieu, que j’ai chaud !… (À l’autre porteur.) Passe-moi ta gourde…

Il prend la gourde et boit avidement.
Le Curieux

Alors… M. Robert ?…

Premier Porteur

Dame !

Il fait un geste affirmatif et remet sa casquette.
Le Curieux

Ça ! c’est fort… par exemple !… ça, c’est fort… Et le patron !… qu’est-ce qu’il dit de cela ?

Premier Porteur

Nous ne l’avons pas vu encore… Pensez qu’il ne doit pas être flatté !

Le Curieux

Pour sûr !… Est-ce qu’on a retrouvé le corps ?

Premier Porteur

Il doit être avec les autres… là-bas !…


Le curieux regarde les quatre porteurs qui reprennent leurs civières, et s’en vont. Une femme traînant deux enfants longe la grille au dehors.



Scène II

MARIANNE RENAUD, LE CURIEUX
Marianne Renaud, au curieux.

Je viens pour mon homme… c’est-y par ici ?…

Le Curieux, désignant le hangar.

Voyez, ma pauvre dame !…

Il remonte vers la place.

Marianne Renaud, elle traverse la cour en sanglotant.

Mon Dieu !… mon Dieu !…


Elle rentre dans le hangar… La place commence à s’animer. Des gens sortent, le curieux les appelle, leur raconte ce qu’il vient d’apprendre, gestes animés. D’autres femmes arrivent, traversent la cour en gémissant et pénètrent dans le hangar.



Scène III

LES FEMMES, UN PETIT GARÇON, LE CURIEUX
Un petit garçon, conduisant par la main son frère tout petit, en robe, apparaît, s’arrête et s’adressant au curieux d’une voix fraîche et tranquille.


Le petit garçon

Monsieur !… où c’est-y, les morts ?…


Le curieux indique le hangar. Le petit garçon traverse la cour et entre aussi dans le hangar.



Scène IV

LES FEMMES, LA MÈRE CATHIARD, LOUIS THIEUX, puis MADELEINE
Les femmes arrivent successivement. Elles entrent dans la cour, les unes seules, les autres avec des enfants qu’elles tiennent par la main. D’autres portent des nouveau-nés dans leurs bras. Quelques-unes reconnaissent, parmi les cadavres, leur mari, leur fils, leur père. Cris, lamentations. Elles s’agenouillent près des cadavres et sanglotent.
Entre la mère Cathiard, soutenant Louis Thieux. Elle regarde d’abord autour d’elle. Louis Thieux semble tout à fait un vieillard. Il est courbé, peut à peine marcher, et ses yeux sont étrangement lointains.


La Mère Cathiard

Tiens… voilà un banc… tu es fatigué… tu vas t’asseoir là… en m’attendant…

Elle conduit Thieux au banc, sur lequel est assise une vieille femme, morne, silencieuse et qui attend, elle aussi.

Louis Thieux, en marchant.

Qu’est-ce que tu dis ?… Est-ce que nous allons à l’usine ?…

La Mère Cathiard, elle le fait asseoir sur le banc, près de la femme.

Surveillez-le… Il a la tête partie, le pauvre bonhomme… Je ne pouvais pas pourtant le laisser seul à la maison… (Regardant autour d’elle.) Mon Dieu… mon Dieu !… Si c’est possible, tout ça !…

La femme n’a pas bougé. La mère Cathiard se dirige sous le hangar.

Louis Thieux, ne parlant à personne.

Qu’est-ce que tu dis ?… (Regardant, lui aussi, vaguement ce qui se passe dans la cour.) Ah ! oui !… C’est la paye, aujourd’hui !… C’est la paye !…

Les femmes entrent toujours. La cour commence à se remplir. De son œil mort, Thieux examine, quelques secondes, la vieille près de lui. Puis il détourne la tête et reste immobile, courbé, sans mot dire, sur son banc. On n’entend plus que les lamentations des femmes.
La Mère Cathiard, sous le hangar, parmi les femmes, avec un grand cri.

Mais… c’est Madeleine !… c’est Madeleine !…

Louis Thieux, au nom de Madeleine, il tourne la tête vers la vieille.

Madeleine !… Qu’est-ce que tu dis ?… Pourquoi dis-tu que c’est Madeleine ?… Tu sais bien que tu n’es pas Madeleine…

Il hoche la tête et reprend son attitude prostrée.
La Mère Cathiard, sous le hangar.

Elle n’est pas morte !… Madeleine n’est pas morte !… (Sanglots des femmes.) Sa bouche a remué… son cœur bat… (Elle essaie de la soulever… Sanglots des femmes.) Mais, aidez-moi donc… aidez-moi donc !… (Aucune ne bouge.) Je suis trop vieille… Je n’ai plus assez de forces !… (Aucune ne bouge.) Mais… aidez-moi donc ?… Je vous dis qu’elle n’est pas morte !… (Enfin, parmi celles qui n’ont trouvé aucun des leurs parmi les morts, quelques-unes se décident à aider la mère Cathiard. Elles soulèvent Madeleine dont les cheveux sont plaqués de sang.) Vous voyez bien… elle rouvre les yeux… On ne peut pas la laisser là… Portons-la sur un banc !… (Péniblement, elles la portent sur le banc. La vieille se lève, sans regarder, et s’en va insensible. Louis Thieux reste courbé, les yeux sur le sol. Les femmes maintiennent Madeleine, sur le banc, son buste appuyé dans leurs bras.) Madeleine !… Madeleine !

Louis Thieux, au nom de Madeleine, encore, il lève la tête, regarde un instant sa fille et ne la reconnaît pas ; regarde, un instant, la cour pleine de monde.

C’est la paye !…

Il reprend son attitude affaissée.
La Mère Cathiard

La voilà qui revient à elle !… (Madeleine pousse des soupirs et sa poitrine se gonfle.) Elle est blessée à la tête… Mais la blessure n’est pas profonde… (Aux curieux qui regardent par la grille.) Allez donc me chercher de l’eau !… (Un des curieux part et revient quelques instants après avec des linges et un vase plein d’eau.) Comme ses cheveux sont collés !… (Aux femmes.) Dégrafez son corsage… (La mère Cathiard commence à panser la blessure de Madeleine.) Madeleine !… Madeleine !… c’est moi !…

À ce moment, entre Hargand, le visage décomposé. Il est suivi de Maigret, et de quelques personnages importants de l’usine.



Scène V

Les mêmes, HARGAND, MAIGRET, etc., etc.
Hargand, courant vers le hangar.

Mon fils… mon fils !…

Maigret, le suivant

Mais, monsieur… Voyons, monsieur !…

La Mère Cathiard

Madeleine !… Madeleine !… c’est moi !… me reconnaissez-vous ?…


La mère Cathiard continue de panser Madeleine, qui pousse des soupirs plus longs, plus distincts. Les femmes sont penchées sur elle, et la maintiennent toujours la tête haute.


Hargand, revenant du hangar.

Où est-il ?… où est-il ?…

Maigret

On vous a trompé, monsieur !… Je suis sûr que M. Robert est toujours au château !

Hargand

Non !… non !… Il est sorti du château, comme un fou… On l’a vu… on l’a vu à la barricade !… Je vous dis que mon fils est mort… mort… (Sanglots de femmes… personne ne fait attention à Hargand.) Robert est mort… et c’est moi qui l’ai tué !…

Maigret

Vous ne pouvez pas rester là !… monsieur Hargand !… c’est impossible !

Hargand, montrant les femmes qui pleurent.

Elles y sont bien, elles !

Maigret

Mais si votre fils était mort, monsieur, on l’eût ramené chez vous !… Venez !…

Hargand

Non ! non !… (À la foule.) Quelqu’un a-t-il vu mon fils ?… quelqu’un a-t-il vu mon fils ?… (Silence. Sanglots des femmes, sous le hangar.) Répondez !… répondez, je vous en supplie. !… Mon fils… (Silence.). Vous qui pleurez, écoutez-moi… Vous, les mères qui avez perdu votre enfant, vous, les veuves, écoutez-moi !… Je vous adopte… Ma fortune… je vous la donne, toute… Ma vie… je vous la donne aussi… Mais, parlez-moi ! Dites-moi, où est mon fils !… (Silence et sanglots. Marianne Renaud sort du hangar. Hargand va pour lui prendre les mains.)…Toi… Marianne… toi… As-tu vu mon fils ?… Parle-moi ? (Marianne le repousse sans lever les yeux sur lui… se dégage et s’en va.)… Oh ! pas de pitié !… pas de pitié !

Maigret, cherchant à l’entraîner.

Monsieur !… monsieur !…

Il marche dans la cour, s’approche du banc où il voit Madeleine pâle comme une morte et le front sanglant.
Hargand

Madeleine ! Oh !… (Il recule un peu. Et comme s’il voyait la cour, les femmes agenouillées, les cadavres pour la première fois, il met un instant les mains sur ses yeux, pour leur cacher l’horreur du spectacle.) Oh !… oh !… oh !…

La Mère Cathiard

Madeleine ! Madeleine !… C’est moi…

Madeleine, ses yeux se rouvrent tout à fait. Peu à peu, elle semble sortir d’un long rêve douloureux. Elle regarde tout, mais sans comprendre, sans savoir où elle est. Lentement, la notion des choses lui revient, mais tronquée, encore imparfaite. Des bribes de mémoire, qui passent en elle, donnent à ses yeux, toujours hagards, de multiples et diverses expressions de réalité, qui vont s’accentuant. Elle s’efforce à faire des mouvements. Son bras se soulève, elle porte la main sur son front et la ramène devant ses yeux. Une tache de sang est sur sa main. Elle la regarde sans comprendre encore. Sa main retombe.
La Mère Cathiard

Madeleine !… Madeleine !… C’est moi…

Madeleine, elle regarde fixement et longtemps la mère Cathiard et la reconnaît. Très bas, très doucement, comme un souffle.

Mère Cathiard !… (Elle regarde son père affaissé sur le banc, et le reconnaît. D’une voix plus assurée, dans le ton de la plainte.) Le père !… Le père !… (Elle regarde Hargand, en face d’elle, et le reconnaît. Avec un frémissement et un léger mouvement de recul.) Lui !… (Ses regards maintenant vont partout. Elle voit des femmes agenouillées.) Qu’est-ce que… Pourquoi ?… pourquoi pleurent-elles ?… (Sa pensée se tend de plus en plus… Tout se recompose en elle ; le travail de la conscience se traduit sur son visage, en accents tragiques… Elle voit le hangar. Un grand cri.) Ah !…

Avec une expression de terreur, elle se rejette dans les bras des femmes, où, quelques secondes, elle reste haletante, la gorge sifflante.
La Mère Cathiard

Madeleine !… Madeleine !… N’ayez pas peur !… nous sommes-là… C’est moi… la mère Cathiard… vous savez bien… votre vieille voisine… Ma petite Madeleine !

Madeleine, encore tremblante.

Mère Cathiard !… Oui… je vous reconnais bien !… C’est vous !… Et le pauvre père… aussi… je le reconnais… je vous reconnais tous !… (Avec angoisse.) Et Jean ?… Où est Jean !…

Hargand se rapproche.
La Mère Cathiard

Nous allons le retrouver, tout à l’heure…

Madeleine

Pourquoi n’est-il pas ici avec vous !… Pourquoi n’est-il pas…

La Mère Cathiard

Madeleine… il faut rester calme…

Madeleine

Jean !… Je veux voir Jean !…

La Mère Cathiard

Nous allons vous conduire à lui… tout à l’heure !…

Madeleine, brusquement, avec un grand cri.

Jean est mort… Jean est tué !… Je me rappelle !… là-bas… (Elle veut se lever.) Laissez-moi… laissez-moi… Je me rappelle tout… tout !…

Malgré les supplications de la mère Cathiard et des femmes, elle se lève.

Hargand

Madeleine !…

La Mère Cathiard, repoussant Hargand avec violence.

Taisez-vous donc, vous… vous voyez bien qu’elle est encore à moitié morte !

Hargand, obstiné et suppliant.

Madeleine… je suis maintenant sans orgueil… je suis un pauvre homme… je suis tout petit… tout petit… Et puisque tu te rappelles… dis-moi… dis-moi où est Robert ?…

Madeleine

Et toi… dis-moi où est Jean ?… dis-moi ce que tu as fait de Jean… assassin !… assassin !…


Maigret et les autres s’interposent, emmènent Hargand… À ce moment, entrent deux civières, portées chacune par deux porteurs. Du dehors, les porteurs crient : « Place ! place ! »



Scène V

Les mêmes, LES PORTEURS DE CIVIÈRES
Hargand s’élance, la foule des femmes se précipite, on entoure les civières. Maigret et les autres essaient de repousser la foule et protègent Hargand. Madeleine est frémissante. Elle marche, soutenue par les femmes, dans la direction des civières, d’où son regard ne peut se détacher.


Hargand, il a soulevé la toile de la première civière. Dans un grand cri.

Ah !… Robert !… mon fils !… (Il s’affaisse sur le cadavre de son fils.) Robert… Robert !…

Madeleine, s’avançant toujours.

Pauvre petit !… (Tout à coup, dans un violent effort, elle s’échappe aux mains des femmes et, trébuchante, hagarde, elle court vers l’autre civière, dont elle enlève aussi la toile.) Jean ! Toi !… toi !…


Elle tombe sur la civière, prend la tête de Jean, qu’elle soulève dans ses mains et qu’elle embrasse furieusement. Les femmes, voyant qu’il n’y a pas de morts pour elles, se retirent, s’éloignent, les autres sanglotent toujours sous le hangar. Cris et sanglots de Madeleine et de Hargand confondus. Hargand est entouré de Maigret et des employés de l’usine, de Madeleine, de la mère Cathiard et des femmes.


Madeleine, se redressant tout d’un coup, et portant les mains à son ventre.

Ne pleurez pas, vous autres, là-bas… Écoutez-moi… Il ne faut plus pleurer !… Mon enfant n’est pas mort !… Je l’ai senti remuer dans mon ventre… Il vit !… il vit !… Je veux vivre aussi !… Je veux vivre pour lui !… Ne pleurez plus !… Les veuves… les mères affligées… vous à qui l’on a tout pris… vous à qui l’on a tout tué… m’entendez-vous ?… (Aucune ne bouge.) M’entendez-vous ?… (Silence des femmes.) Je vous dis que mon enfant n’est pas mort !… que l’enfant de Jean Roule n’est pas mort !… (Aucune ne bouge.) M’entendez-vous !… (Silence des femmes.) Je vous dis que je veux vivre… que je veux l’élever pour la vengeance !… (Aucune ne bouge.) M’entendez-vous ?…

Silence des femmes.
Maigret

Monsieur !… il faut ramener M. Robert au château !…

Hargand, sanglotant et se laissant mener comme un enfant.

Mon fils… mon fils !…

Maigret, il relève Hargand, remet la toile sur la civière. Aux porteurs.

Au château !

Madeleine, elle s’élance sur Maigret et le repousse.

N’y touchez pas !… Cet enfant n’est plus à lui… Il est à nous !… (Aux porteurs.) Au tas !… au tas !… au tas !… (Puis elle revient à la civière de Jean. Elle essaie encore de parler.) Je vivrai ! je…

Un flot de sang étouffe sa voix. Elle chancelle et s’abat sur le cadavre de son amant.

Louis Thieux, sur son banc. Il regarde tout cela de son œil lointain.

C’est la paye !…