Les Médailles d’argile/Le Foyer

Les Médailles d’argileSociété du Mercure de France (p. 133-134).

LE FOYER


Sur le seuil du palais assise de nouveau
Hélène a retrouvé le fil et le fuseau,
Et sa main calme achève au soir de sa journée
Le labeur de sa vie et de sa destinée.
La porte derrière elle ouverte laisse voir,
À l’âtre rallumé et qui longtemps fut noir,
Brûler le tronc de hêtre et la souche d’érable ;
Les viandes et les vins chargent la lourde table
Car l’automne est venu qui mûrit les vergers,
Et déjà l’outre est pleine et les ceps vendangés ;
Mais Hélène sourit et reste toujours belle.
Au retour, le foyer s’est ranimé pour elle ;
La demeure est heureuse et l’époux est content,
L’arbre incline les fruits que chaque branche tend,
Et le grenier regorge, et la grange est remplie ;
L’amphore, en la penchant, verse le vin sans lie.
Ô Reine, et songes-tu, du seuil de ta maison

Si tranquille devant le soir et l’horizon,
Qu’il est des seuils prochains où coule et fume encore
Le sang frais ; que des voix sournoises et sonores
Se querellent tout bas et t’insultent tout haut ;
Que la gorge d’un roi saigne sous le couteau ;
Que la haine a serré les poings et tord les bouches
Et dresse une autre reine en un geste farouche
Furieuse et debout encore en son forfait ;
Et qu’Argos se lamente, et s’irrite, et se tait,
Devant l’âtre fatal et cher à l’Erynnie
Où reparaît Oreste et manque Iphigénie ?